Nuisances sonores : décision du 25 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/56521

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Nuisances sonores : décision du 25 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/56521
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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 23/56521 –
N° Portalis 352J-W-B7H-C2SDG

N° : 7-CB

Assignation du :
30 août 2023

[1]

[1] 3 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 25 janvier 2024

par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Clémence BREUIL, Greffier.
DEMANDEUR

Monsieur [X] [E]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représenté par Maître Thierry TONNELLIER de la SELASU UTOPIA, avocats au barreau de PARIS – #D1020

DEFENDERESSES

La S.A.S. [4]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Amir N’GAZI, avocat au barreau de PARIS – #E1659

La S.C.I. BOUNOUH DES RASES
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Dominique PONTE, avocat au barreau de PARIS – #E1214

DÉBATS

A l’audience du 14 Décembre 2023, tenue publiquement, présidée par Emmanuelle DELERIS, Vice-présidente, assistée de Clémence BREUIL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les parties représentées de leur conseil,

Monsieur [X] [Z] [E] est propriétaire occupant d’un appartement situé au 1er étage de l’immeuble sis [Adresse 1] dans le 19ème arrondissement de [Localité 3], soumis au statut de la copropriété. Il est également propriétaire de locaux situés au même étage, qu’il donne en location de courte durée.

La SCI BOUNOUH DES RASES est propriétaire, au sein de cet immeuble, d’un local commercial situé au rez-de-chaussée, donné en location à la société [4] qui l’exploite sous forme de restaurant festif.

Exposant subir des nuisances sonores excessives du fait de l’exploitation de ce restaurant, Monsieur [E] a sollicité une mesure d’expertise. Par ordonnance du 29 mars 2023, le juge des référés du tribunal judiciaire a rejeté sa demande, au motif, notamment, que l’origine des nuisances est déterminée et que les travaux doivent être complétés par la société [4] conformément à ce qui a été voté par l’assemblée générale des copropriétaires de l’immeuble.

Monsieur [E] a saisi le conciliateur de justice du tribunal judicaire de Paris qui, par a établi un bulletin de non-conciliation le 5 septembre 2022.

Se prévalant de l’existence d’un trouble anormal de voisinage généré par le niveau sonore et musical émanant de la société [4], Monsieur [X] [E] a, par exploits délivrés le 30 août 2023, fait citer la société [4] et la SCI BOUNOUH DES RASES devant le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, aux fins de voir :

-” Interdire à la SOCIÉTÉ [4] de diffuser de la musique amplifiée aussi longtemps que cette dernière ou la SCI BOUNOUH DES RASES ne seraient pas en mesure de prouver la conformité de l’établissement à la réglementation applicable et la communication de l’étude d’impact des nuisances sonores ;

-Condamner à titre provisionnel la SOCIÉTÉ [4] et la SCI BOUNOUH DES RASES à payer à MONSIEUR [X] [Z] [E] la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts au titre du trouble de jouissance subi ;

-Ordonner à la SOCIÉTÉ [4] et la SCI BOUNOUH DES RASES de produire une étude de l’impact des nuisances sonores permettant de vérifier la conformité de l’établissement à la réglementation des lieux musicaux dans un délai de trente jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard çà compter de la signification de l’ordonnance à venir et se réserver la liquidation de l’astreinte ;

-Ordonner à la SOCIÉTÉ [4] et la SCI BOUNOUH DES RASES de réaliser des travaux d’insonorisation préconisés par un expert acousticien, ainsi que de prouver la mise en œuvre des mesures préconisées par cette étude (pose d’un limitateur de pression acoustique scellé et posé par son installateur) dans un délai de trente jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard çà compter de la signification de l’ordonnance ;

-Condamner la SOCIÉTÉ [4] au paiement d’une astreinte provisoire de 1.000 euros pour toute nouvelle infraction constatée à compter du prononcé de la présente décision ;

-Condamner solidairement la SOCIÉTÉ [4] et la SCI BOUNOUH DES RASES à régler à MONSIEUR [X] [Z] [E] la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens “.

L’affaire, appelée pour la première fois à l’audience du 5 octobre 2023, a fait l’objet d’un renvoi à la demande des parties, qui ont reçu l’injonction de rencontrer un médiateur.

Les parties n’ayant pas souhaité entrer en médiation, l’affaire a été plaidée à l’audience du 14 décembre 2023, durant laquelle elles ont déposé des conclusions qu’elles ont oralement soutenues.

Monsieur [X] [Z] [E] demande au juge des référés de :
-” Interdire par provision à la SOCIÉTÉ [4] de diffuser de la musique amplifiée aussi longtemps que cette dernière ou la SCI BOUNOUH DES RASES ne seraient pas en mesure de prouver la conformité de l’établissement à la réglementation applicable et la communication de l’étude d’impact des nuisances sonores faite par une société spécialisée indépendante désignée par l’ensemble des parties ;

-Condamner à titre provisionnel la SOCIÉTÉ [4] et la SCI BOUNOUH DES RASES à payer à MONSIEUR [X] [Z] [E] la somme de 10.000 euros de dommages et intérêts au titre du trouble de jouissance subi ;

-Ordonner à la SOCIÉTÉ [4] et la SCI BOUNOUH DES RASES de produire une étude de l’impact des nuisances sonores indépendante réalisée par une société désignée par l’ensemble des parties, permettant de vérifier la conformité de l’établissement à la réglementation des lieux musicaux dans un délai de trente jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard çà compter de la signification de l’ordonnance à venir et se réserver la liquidation de l’astreinte ;

-Ordonner par provision à la SOCIÉTÉ [4] et la SCI BOUNOUH DES RASES de réaliser des travaux d’insonorisation préconisés par un expert acousticien, ainsi que de prouver la mise en œuvre des mesures préconisées par cette étude (pose d’un limitateur de pression acoustique scellé et posé par son installateur) dans un délai de trente jours, sous astreinte de 500 euros par jour de retard çà compter de la signification de l’ordonnance ;

-Condamner par provision la SOCIÉTÉ [4] au paiement d’une astreinte provisoire de 1.000 euros pour toute nouvelle infraction constatée à compter du prononcé de la présente décision ;

-Condamner solidairement la SOCIÉTÉ [4] et la SCI BOUNOUH DES RASES à régler à MONSIEUR [X] [Z] [E] la somme de 3.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens “.

La société [4] demande au juge des référés de :

-” Déclarer recevable et bien fondée l’intégralité des demandes présentées par la SOCIÉTÉ [4] ;

-Débouter MONSIEUR [X] [Z] [E] de l’ensemble de ses demandes ;

-Condamner MONSIEUR [X] [Z] [E] à verser à la SOCIÉTÉ [4] la somme de 3.000 euros à titre de dommages et intérêts provisionnels en raison du caractère abusif de la présente procédure ;

-Enjoindre MONSIEUR [X] [Z] [E] à communiquer sous astreinte de 200 € par jour de retard à compter du septième jour suivant la décision à intervenir, tout élément établissant la conformité acoustique des travaux réalisés sur le plancher de son appartement ;

– Condamner MONSIEUR [X] [Z] [E] à verser 3.000 à la SOCIÉTÉ [4] au titre de l’article 700 du code de procédure civile. ”

La SCI BOUNOUH DES RASES demande au juge des référés de :
-” Mettre hors de cause la SCI BOUNOUH DES RASES ,

-Subsidiairement, débouter MONSIEUR [X] [Z] [E] de ses demandes,

-Reconventionnellement :
oFaire injonction à MONSIEUR [X] [Z] [E] de produire tous les éléments établissant la conformité des travaux qu’il a menés dans son appartement sur le plan acoustique ;

oLe condamner à régler à la SCI BOUNOUH DES RASES la somme de 2.000 euros pour procédure abusive et celle de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile “.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l’assignation et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

La décision a été mise en délibéré au 25 janvier 2024.

Les parties, qui ont indiqué à l’audience que Monsieur [E] a également saisi le juge du fond de ses demandes à l’encontre de la société [4] et de la SCI BOUNOUH DES RASES, ont été autorisées à indiquer, par note en délibéré recevable jusqu’au 10 janvier 2024, la date de désignation du juge de la mise en état dans ladite instance.
Par note en délibéré reçue par message RPVA du 31 décembre 2023, le conseil de Monsieur [E] a adressé l’avis de désignation du juge de la mise en état, daté du 7 novembre 2023, dans la procédure enrôlée sous le numéro de RG 23/13023 devant la 8ème chambre, 3ème section, du tribunal judicaire de Paris.

MOTIFS

Sur la compétence du juge des référés

Aux termes de l’article 789 du code de procédure civile, lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu’à son dessaisissement, seul compétent, à l’exclusion de toute autre formation du tribunal, pour: (…)
4° Ordonner toutes autres mesures provisoires, même conservatoires ;
5° Ordonner, même d’office, toute mesure d’instruction.

La compétence du juge de la mise en état s’apprécie au jour de sa désignation et celle du juge des référés s’apprécie au jour du placement de l’assignation conformément aux dispositions de l’article 754 du code de procédure civile.

Au cas présent, la désignation du juge de la mise en étant dans l’instance au fond enrôlée sous le numéro de RG 23/13023, intervenue le 7 novembre 2023, est postérieure au placement de l’assignation introduisant la présente instance en référé, réalisé le 31 août 2023.

La compétence du juge des référés pour statuer sur les demandes de la présente instance ne fait donc pas débat.

Sur les demandes principales relatives à l’existence d’un trouble anormal du voisinage

Aux termes de l’article 834 du code de procédure civile, dans tous les cas d’urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l’existence d’un différend.

Il appartient au requérant d’établir qu’il se trouve dans une situation d’urgence, laquelle est caractérisée lorsqu’un retard même minime peut lui devenir préjudiciable, et ce de façon presque irréparable.

L’urgence est appréciée au jour où le juge statue.

En l’espèce, monsieur [E] expose, pour caractériser la condition d’urgence, qu’il souffre de problèmes de santé qui ne sont pas compatibles avec un environnement de vie caractérisé par des nuisances sonores excessives. Il verse aux débats divers certificats médicaux établis entre le 03 mars 2022 et le 14 juin 2023, dont le dernier fait état d’une aggravation de sa souffrance secondaire à la privation de sommeil du fait d’insomnies continues, que le requérant attribue à des nuisances persistantes entre 20 heures et 02heures.

Cependant, ces éléments ne sont pas de nature à établir qu’un retard pris dans la suspension des nuisances sonores alléguées lui causerait un préjudice tel qu’il serait presque irréparable.

Dès en lors, l’urgence n’étant pas caractérisée, il n’y a pas lieu d’examiner si l’obligation des défenderesses de mettre fin au trouble anormal de voisinage allégué n’est pas sérieusement contestable.

Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L’existence d’une contestation sérieuse est indifférente à l’application de ces dispositions.

Le trouble manifestement illicite s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
Il appartient au requérant de démontrer l’existence d’une illicéité du trouble et son caractère manifeste. Le juge des référés apprécie l’existence d’un tel trouble au moment où il statue.

Nul ne doit causer à autrui un trouble excédant les inconvénients normaux du voisinage, troublant la jouissance de son bien. A défaut, la responsabilité de l’auteur du trouble est engagée, sans qu’il soit nécessaire de rapporter la preuve d’une faute de sa part. La responsabilité du voisin est engagée lorsqu’il génère un trouble anormal, la caractérisation de l’anormalité des nuisances étant parfaitement indépendante tant de la justification du respect des normes et réglementations administratives que de leur éventuelle violation.

Au cas présent, Monsieur [X] [Z] [E] expose que la société [4] est à l’origine de nuisances sonores qui excèdent les seuils fixés par les normes réglementaires, sont incompatibles avec son état de santé, et constituent un trouble anormal de voisinage justifiant de prendre les mesures provisoires qu’il sollicite.

Il produit au soutien de ses demandes diverses attestations établies par des résidents de l’immeuble situé [Adresse 1], pour quatre d’entre elles entre le 19 février et le 30 mars 2022, et pour les quatre autres entre le 9 et le 12 juin 2023.

Il verse également aux débats le rapport de mesures acoustiques établi par le Bureau d’études techniques ACOUSTICS SOLUTIONS le 23 mars 2022, qui indique que les mesures de l’émergence sonore réalisées dans son appartement à deux reprises en mars 2022, ont objectivé deux types de non-conformités acoustiques par de nombreux et importants dépassements des valeurs maximales d’émergences réglementaires, liées à la diffusion de musique amplifiée dans l’établissement [4] et à l’organisation de concerts de musique acoustique.

Monsieur [E] se fonde également, sans le verser aux débats, sur un rapport d’enquête établi par les services de la mairie de [Localité 3]. La lecture de la motivation de l’ordonnance rendue par le juge des référés le 29 mars 2023 permet d’établir, s’agissant de ce rapport, qu’il est daté du 22 juin 2022, émane de la direction de la police municipale et de la prévention de la Ville de [Localité 3], concerne les nuisances sonores liées au moteur de l’extracteur de cuisine, dont il a été retenu qu’elles dépassent les normes réglementaires, et qu’il a été demandé au responsable de l’établissement de se mettre en conformité avec ces normes dans un délai de trois mois.

Monsieur [X] [Z] [E] produit encore le procès-verbal de constat établi par Maître [B], commissaire de justice, le vendredi 16 juin 2023 à 23 heures, qui relève en premier lieu que le restaurant ” [4] ” diffuse une musique bruyante parfaitement audible lorsque l’on se trouve sur le trottoir. Il constate ensuite que depuis l’intérieur de l’appartement de Monsieur [X] [Z] [E] situé au 1er étage de l’immeuble, dont les fenêtres sont équipées d’un double vitrage, on entend distinctement, dans le salon, fenêtres fermées, un bruit de moteur, la musique diffusée par le restaurant caractérisée par un fort bruit de basse, et les bruits de voix et cris de la clientèle. Il relève que ces bruits persistent à minuit, et que le volume augmente de façon significative à partir de 23 heures 45, accompagné de nombreux cris et hurlements de la clientèle. Il précise enfin que le sonomètre relève un volume variant entre 46 et 48 décibels la fenêtre ouverte, 38 et 41 décibels fenêtre fermée, et qu’au moment où la musique et les cris augmentent, le volume sonore mesuré, fenêtre fermée, est entre 48 et 51 décibels.

Monsieur [X] [Z] [E] soutient que nonobstant les travaux réalisés (installation d’un nouveau moteur silencieux, mise en place d’un nouveau matériel sonore pour la diffusion de la musique, pose d’un double vitrage silencieux et d’un système de serrurerie), la démonstration de la disparition des nuisances sonores n’est pas établie. Il souligne que ces travaux ont été réalisés sans l’accompagnement d’un acousticien et sans production d’une étude d’impact des nuisances sonores, dont la réalisation est pourtant obligatoire avant le démarrage de l’activité musicale amplifiée.

En réplique, la SOCIÉTÉ [4] fait valoir que le rapport de mesure acoustique du BET ACOUSTICS SOLUTIONS est dépourvu de valeur probante, dès lors qu’il date du 23 mars 2022, qu’elle a, depuis, réalisé de nombreuses diligences pour mettre fin aux nuisances sonores, et a été autorisée par l’assemblée générale des copropriétaires du 19 janvier 2023 à réaliser des travaux de mise aux normes du système d’extraction du local, de sorte qu’il n’est pas établi que les nuisances sonores perdurent à ce jour.

Elle soutient encore que la violation alléguée de la réglementation en matière sonore est insuffisante, à elle seule, à caractériser l’existence d’un trouble anormal du voisinage.

Elle produit un ” rapport d’ambiance sonore ” établi le 23 octobre 2023 par Monsieur [I], acousticien au sein de la société ITG CONSTRUCTION, dont la valeur probante est contestée par Monsieur [X] [Z] [E] . Ce rapport présenté comme une ” étude d’impact acoustique qui répond au décret n°98-1143 du 15 décembre 1998 relatif aux établissements diffusant de la musique amplifiée et à celles du décret du 31 août 2006 relatif à la lutte contre les bruits de voisinage (…) ” indique également ” Nous n’avons pas effectuer une étude d’impact acoustique suivant le décret, nous avons réaliser une étude d’ambiance sonore à la demande du client “.

Sur ce,

Le succès des prétentions de Monsieur [E] devant le juge des référés suppose de caractériser le caractère manifeste du trouble anormal de voisinage qu’il dénonce.

Le trouble anormal de voisinage ne saurait résulter de la seule non-conformité aux normes réglementaires ; il doit résulter d’éléments constitutifs dont il est établi qu’ils excèdent les inconvénients normaux du voisinage, et qu’ils sont toujours actuels à la date où le juge statue.

Au cas présent, les éléments de nature technique produits par Monsieur [X] [Z] [E] au soutien de ses demandes (rapport de mesures acoustiques du BET ACOUSTICS SOLUTIONS et rapport d’enquête des services municipaux) sont datés de mars et juin 2022. Ils sont antérieurs aux diligences dont la SOCIÉTÉ [4] justifie par la production de factures relatives à l’achat d’un nouveau matériel sonore dédié à la diffusion de musique, à la pose d’un double vitrage silencieux et d’un système de serrurerie, datées d’octobre et de décembre 2022.

Si la SCI BOUNOUH DES RASES justifie de l’autorisation qui lui a été donnée, par l’assemblée générale des copropriétaires du 19 janvier 2023, de réaliser des travaux de mise aux normes de la cheminée d’extraction présente sur ses parties privatives, il sera relevé que la réalisation effective de ces travaux n’est pas établie par les pièces produites.

Les éléments postérieurs produits par le requérant, constitués de quatre attestations de résidents de l’immeuble, d’un procès-verbal de constat établi par commissaire de justice, et d’un échange de message avec un locataire occasionnel de l’appartement qu’il met en location à côté du sien, sont tous datés des mois de mai et juin 2023, aucun élément plus récent n’étant produit.

Ces attestations et procès-verbal de constat établissent l’existence de nuisances en lien avec la musique diffusée par le restaurant [4] et les réactions bruyantes de sa clientèle à des heures avancées de la nuit, plusieurs fois par semaine et à tout le moins le 16 juin 2023, date du procès-verbal de constat.

Ils sont cependant insuffisants à établir, avec l’évidence requise devant le juge des référés, que les nuisances sonores dénoncées, d’une part soient toujours d’actualité à la date de l’audience de plaidoirie et de la présente décision, intervenus plus de six mois après la réalisation du procès-verbal de constat, d’autre part qu’elles génèrent de façon manifeste un trouble anormal de voisinage.

En conséquence, il n’y a pas lieu à référé sur les demandes de Monsieur [E].

Sur la demande de provision

En application de l’article 845 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Il résulte des éléments exposés ci-dessus que, ni la persistance du trouble du voisinage allégué, ni son caractère manifeste, ne sont établis, de sorte que l’obligation à indemnisation des défenderesses invoquée au soutien de la demande de provision se heurte à une contestation sérieuse.

Il n’y a dès lors pas lieu à référé sur la demande de provision.

Sur les demandes reconventionnelles

Les défenderesses, invoquant les termes du rapport d’expertise réalisé en 2017 suite à l’effondrement du plancher bas du lot de Monsieur [E], sollicitent en premier lieu la condamnation de ce dernier à produire les éléments établissant la conformité acoustique des travaux réalisés sur le plancher bas de son appartement.

La SOCIÉTÉ [4] expose que Monsieur [X] [Z] [E] a procédé au changement de tous les revêtements de sol dans son appartement, ainsi qu’à la pose d’une nouvelle chape, et qu’il n’a pas justifié, dans le cadre des opérations d’expertise ayant eu cours en 2017 dans le cadre d’un autre contentieux, ni de la pose d’une isolation acoustique sous les revêtements de sol, ni d’avoir confié ces travaux à des professionnels ayant respecté les règles de l’art en matière d’isolation acoustique.

Elle se prévaut ainsi d’une faute de Monsieur [X] [Z] [E] excluant la possibilité pour ce dernier de solliciter la réparation de son préjudice.

Cependant, le régime de la responsabilité pour trouble anormal de voisinage étant un régime de responsabilité objectif, il ne saurait être argué d’une éventuelle faute la victime pour s’exonérer. Il n’y a dès lors pas lieu à référé sur la demande.

Les défenderesses sollicitent ensuite la condamnation de Monsieur [X] [Z] [E] à leur payer une indemnité chacune à titre de dommages et intérêts provisionnels en raison du caractère abusif de la présente instance initiée par ses soins.

L’article 32-1 du Code de Procédure Civile prévoit que “Celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d’un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.”

Il n’est pas établi par les défenderesses que Monsieur [E] aurait abusé de son droit d’ester en justice, la circonstance que sa demande d’expertise ait été rejetée en mars 2023 n’étant pas de nature à faire obstacle à la présente instance, engagée sur un fondement juridique différent.

En conséquence, il n’y a pas lieu à référé sur cette demande.

Sur les demandes accessoires

Monsieur [X] [Z] [E], qui succombe, sera condamnée aux dépens.

Il n’est pas inéquitable, compte-tenu des circonstances de l’espèce, de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes de Monsieur [X] [Z] [E] ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur les demandes reconventionnelles de la société [4] et de la SCI BOUNOUH DES RASES ;

Condamnons Monsieur [X] [Z] [E] aux dépens ;

Laissons à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles ;

Rappelons que l’exécution provisoire est de droit.

Fait à Paris le 25 janvier 2024.

Le Greffier,Le Président,

Clémence BREUILEmmanuelle DELERIS

 


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