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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie Certifiée Conforme délivrée le :
à Me Ivan ITZKOVITCH
Copie Exécutoire délivrée le :
à Me Florence VERAN
■
8ème chambre
2ème section
N° RG 22/03496
N° Portalis 352J-W-B7G-CWJWT
N° MINUTE :
Assignation du :
07 mars 2022
JUGEMENT
rendu le 25 janvier 2024
DEMANDEURS
Monsieur [B] [Z]
Madame [T] [N]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentés par Me Florence VERAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0037
DÉFENDEUR
Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 1] représenté par son syndic la Société d’Etudes et de Réalisation de Gestion Immobilière de Construction (SERGIC)
[Adresse 3]
[Localité 2]
représenté par Me Ivan ITZKOVITCH, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, vestiaire #22
Décision du 25 janvier 2024
8ème chambre 2ème section
N° RG 22/03496 – N° Portalis 352J-W-B7G-CWJWT
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Frédéric LEMER GRANADOS, Vice-président,
Anita ANTON, Vice-présidente,
Olivier PERRIN, Vice-Président,
assistés de Delphine PROVOST-GABORIEAU, Greffier.
DÉBATS
A l’audience du 23 novembre 2023 tenue en audience publique devant Anita ANTON, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort.
EXPOSÉ DU LITIGE
L’immeuble sis au [Adresse 1] à [Localité 4] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.
En 1947, il était composé de 6 lot privatifs ainsi décrits dans son règlement de copropriété, page 3 :
PREMIER LOT :
La boutique en rez-de-chaussée à usage de boucherie dans le bâtiment principal avec à la suite salle à manger, cuisine et chambre sur cour.
Une chambre au premier sur cour au-dessus de celle-ci, communiquant par un escalier intérieur avec les locaux ci-dessus.
Remise à la suite au rez-de-chaussée.
Débarras au premier étage à droite du couloir du bâtiment au fond de la cour N°3 de la désignation.
Cave sous le fond de la boutique, la salle à manger et la cuisine.
Sortie sous la porte cochère au pied de l’escalier principal.
DEUXIEME LOT :
L’appartement au premier étage du bâtiment principal composé de trois pièces, cuisine, cabinet de débarras, salle de bains et water closets.
Cave sous la cour.
TROISIEME LOT :
L’appartement au deuxième étage du bâtiment principal composé de trois pièces, cuisine, salle de bains, water closets.
Remise au rez-de-chaussée du bâtiment au fond de la cour N°3 de la désignation, contiguë à celle du premier lot
Deuxième cave sous la boutique contre la rue.
QUATRIEME LOT :
L’appartement au troisième étage du bâtiment principal à usage d’atelier, ou de studio composé d’une grande pièce avec baie sur la rue, une chambre, une cuisine, une salle de bains et water closets.
Débarras au premier étage au fond du couloir du bâtiment au fond de la cour N°3 de la désignation.
Cave sous le porche d’entrée et au fond.
CINQUIEME LOT :
Le petit bâtiment élevé d’un rez-de-chaussée à gauche
La cour N°2 de la désignation, composé de deux pièces et cuisine (autrefois à usage de logement de concierge).
Première cave sous la boutique contre la rue.
SIXIEME LOT :
Le logement en premier étage du bâtiment au fond de la cour N°3 de la désignation composé de deux pièces, cuisine, cabinet de débarras.
Cave sous le porche d’entrée contre la rue.
SEPTIEME LOT :
Le logement en premier étage du bâtiment au fond de la cour N°3 de la désignation, se trouvant à la suite de celle du troisième lot, dont elle est séparée par un escalier.
Les lots N° I à 5 sont pourvus de l’eau, du gaz et de l’électricité.
Le lot N° 6 de l’eau et du gaz seulement.
Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] ont acquis le 29 janvier 2021, le lot n°3 correspondant à un appartement sis au 2ème étage de l’immeuble comprenant : entrée, cuisine, salle de bains, water-closet, deux pièces donnant sur l’[Adresse 1], une pièce donnant sur la cour, une cave en sous-sol, située contre la rue, sous la boutique rez-de-chaussée côté [Adresse 1], une remise située au rez-de-chaussée du bâtiment du fond de la cour et contiguë à celle afférente au premier lot, et les vingt-deux/cent troisièmes (22/103èmes) des parties communes générales.
Le 10 novembre 2021, un état descriptif de l’immeuble a été publié au service de la publicité foncière faisant apparaitre un tableau de division de l’immeuble en 30 lots et environ une douzaine de logements, le lot n° 3 acquis par Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] constituant désormais les lots n°22 (appartement), n°23 (remise) et n°24 (cave) selon l’état descriptif.
Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] qui souhaitaient installer un point d’eau et son évacuation dans leur remise située en rez-de-chaussée ont demandé à l’assemblée générale ordinaire des copropriétaires du 31 janvier 2022 de les autoriser à créer, dans leur local en fond de cour, un point d’eau et son évacuation tels que prévu selon le devis de la société AJ Sudio et les plans joints, en indiquant que tous les frais relatifs à ces travaux seront à leur charge exclusive, que les travaux seront réalisés par une société dotée d’une assurance et respectant les règles de l’art et qu’ils resteront responsables de l’ensemble de ces travaux et des dégâts sur les parties communes pouvant en résulter.
L’assemblée générale ordinaire du 31 janvier 2022 a rejeté leur demande.
Par exploit d’huissier délivré le 7 mars 2022, Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] ont assigné le syndicat des copropriétaires devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir annuler la résolution n°13 de l’assemblée générale en date du 31 janvier 2022, d’obtenir l’autorisation d’effectuer les travaux sur les parties communes dans les mêmes conditions que celles prévues dans la résolution n°13 de l’assemblée du 31 janvier 2022 des copropriétaires du même immeuble afin qu’ils puissent avoir un point d’eau dans leur lot n°23, de voir condamner le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] à payer à Madame [T] [N] et Monsieur [B] [Z] en réparation de leur préjudice moral, la somme de 5.000 euros, au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, la somme de 3.000 euros, ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Par conclusions n°1 notifiées par voie électronique le 28 novembre 2022, Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] demandent au tribunal de :
« Vu la loi du 10 juillet 1965
Vu l’article L.210-1 du Code de l’environnement
Vu l’abus de majorité
REJETER toutes les demandes formulées à l’encontre de Madame [T] [N] et Monsieur [B] [Z] ;
ANNULER la résolution n°13 de l’assemblée en date du 31 janvier 2022 du syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1] – [Localité 4] ;
AUTORISER Madame [T] [N] et Monsieur [B] [Z] à effectuer les travaux sur les parties communes de l’immeuble sis [Adresse 1] dans les mêmes conditions que celles prévues dans la résolution n°13 de l’assemblée du 31 janvier 2022 des copropriétaires du même immeuble, afin qu’ils puissent avoir un point d’eau dans leur lot n°23 ;
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1], [Localité 4] à payer à Madame [T] [N] et Monsieur [B] [Z] la somme de 5.000 euros en réparation de leur préjudice moral ;
CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1], [Localité 4] à payer à Madame [T] [N] et Monsieur [B] [Z] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance ».
Par conclusions notifiées par voie électronique le 31 août 2021, le syndicat des copropriétaires de L’immeuble [Adresse 1], représenté par son syndic, la Société d’Etudes et de Réalisation de Gestion Immobilière de Construction (SERGIC), demande au tribunal de :
« Vu la loi du 10 juillet 1965 et notamment ses articles 8 et 9,
Vu la résolution n°13 de l’assemblée générale du 31 janvier 2022,
Vu ce qui précède,
JUGER que rejet de la demande de travaux par l’assemblée générale de copropriété du 31 janvier 2022 est fondé par le fait que le changement d’affectation porte atteinte à la destination de l’immeuble et aux droits des autres copropriétaires ;
Et en conséquence,
DEBOUTER les consorts [N] – [W] de toutes leurs demandes ;
CONDAMNER les demandeurs aux entiers dépens ainsi qu’à verser aux défendeurs la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile. »
Pour l’exposé exhaustif de leurs moyens en fait et en droit, il est renvoyé aux dernières écritures des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 3 janvier 2023.
L’affaire a été appelée à l’audience de plaidoiries du 23 novembre 2023.
À l’issue des débats, les parties ont été informées de la mise en délibéré de la décision au 25 janvier 2024, date à laquelle elle a été prononcée par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DECISION
1. Sur la demande d’annulation de la résolution n°13 de l’assemblée générale du 31 janvier 2022
Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] soutiennent que :
– le refus de cette résolution n°13 constitue un abus de majorité dès lors que le refus opposé à leur demande n’est pas motivé,
– il est difficile de concevoir la raison d’un refus d’une demande de mettre un point d’eau dans une remise de 7,20 m2 au rez-de-chaussée de l’immeuble de ce qui est maintenant le lot n°23 issu depuis la subdivision du lot n°3 en date du 10 novembre 2021,
– le syndicat des copropriétaires ne peut justifier d’un intérêt collectif à refuser la demande formulée dans la résolution n°13,
– le refus des copropriétaires de leur permettre d’installer un point d’eau et son évacuation dans leur lot privatif n°23 n’est pas justifié par la destination de l’immeuble, ni par les stipulations de son règlement, ni même par des nuisances sur les parties communes qui seraient dues aux travaux à venir,
– à défaut de justification, l’intention de nuire est constatée.
Ils soutiennent encore que :
– une remise étant un « lieu couvert où l’on met à l’abri des véhicules, des engins, des matériels divers », le fait de mettre un point de distribution d’eau et son évacuation ne change pas l’usage du lot tel que sus décrit dans les documents de la copropriété,
– le règlement de l’immeuble stipule page 7 C 2° une habitation bourgeoise et pour connaitre du standing de l’immeuble, les requérants ont fait établir un constat par commissaire de Justice à la date du 20 septembre 2022, lequel indique : « L’immeuble dont s’agit est une construction de la deuxième moitié du 19ème siècle, comprenant un bâtiment sur rue s’élevant sur trois étages avec façade en pierre de taille et brique, et des petits bâtiments de plain-pied ou d’un étage ceinturant la cour. L’ensemble est bourgeois, mais non prestigieux, compte tenu de la vétusté relative des parties communes, de la petitesse de la parcelle, et de ses caractéristiques, avec notamment un petit escalier pour le bâtiment desservant le bâtiment sur rue, et l’absence de gardien et d’ascenseur (voir photos 21 à 35) » : Il est constaté que les lots privatifs situés au rez-de-chaussée, où se trouve la remise actuellement litigeuse, ont été dans leur ensemble modifiés par rapport à leurs usages initiaux tels qu’inscrits dans les documents de la copropriété,
– il n’est pas démontré que le fait d’installer un robinet et son évacuation dans le lot n°23 crée actuellement un préjudice aux autres copropriétaires, que le syndicat des copropriétaires présuppose pour ce faire que l’installation d’un point d’eau avec son évacuation crée une buanderie, laquelle par son usage, créerait éventuellement des troubles à ses voisins,
– le syndicat ne peut démontrer qu’il y a une atteinte aux droits des autres copropriétaires par la simple référence à des textes réglementaires qui imposent de ne pas dépasser un certain volume sonore aux appareils ménagers, en ne disant pas en quoi la possibilité d’une installation future d’une machine à laver le linge est actuellement au-dessus des dites normes et crée des airs viciés, d’autant que les copropriétaires ont déjà, pour certains, changé l’affectation initiale de leur lot pour leur donner un usage d’habitation avec le confort y adapté, sans qu’aucune gêne n’ait été relevée,
– pour installer un robinet dans une remise au rez-de-chaussée, il n’est nul besoin d’une autorisation administrative,
– la seule autorisation nécessaire est de pouvoir se brancher au réseau d’eau potable et d’évacuation des eaux usées, parties communes du syndicat des copropriétaires,
– le refuser, sans juste motif, est abusif.
Le syndicat des copropriétaires fait valoir en réponse que :
– il ressort du règlement de copropriété que la destination du lot objet de la demande de travaux est la suivante : « remise »,
– le changement d’affectation en buanderie du lot est donc incontestable, l’affectation de buanderie étant bien une affectation totalement différente de celle de remise, qui, comme son nom l’indique, ne peut être affectée qu’au remisage, à l’exclusion de tout autre usage,
– le fait de transformer ledit lot en buanderie est de nature à porter atteinte à la destination de l’immeuble telle qu’elle a été fixée, ce local n’étant pas affecté à l’habitation par le règlement de copropriété et tout travaux visant à en transformer l’affectation est de nature à porter atteinte à la destination de l’immeuble,
– Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] ne justifient pas dans leur dossier de demande d’autorisation, de travaux d’isolation phonique adaptés à l’usage de buanderie et aux règles applicables, laissant présager de graves nuisances sonores pour les copropriétaires,
– Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] ne justifient pas dans leur dossier de demande d’autorisation, des dispositifs d’extraction d’air adaptés à l’usage de buanderie et respectant les règles fixées par le règlement sanitaire en vigueur,
– par le rejet de la résolution, l’assemblée générale de la copropriété a protégé les droits des autres copropriétaires,
– outre le changement de destination, l’assemblée générale de la copropriété était fondée à rejeter la demande formulée par Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N].
En droit, l’abus de majorité suppose de favoriser l’intérêt personnel des copropriétaires majoritaires au détriment des minoritaires et est constitué si la majorité use de ses droits sans profit pour elle-même, dans l’intention de nuire ou dans un but autre que l’intérêt commun de la copropriété.
En effet, le copropriétaire qui demande la nullité d’une décision fondée sur l’abus de majorité doit démontrer que celle-ci a été adoptée sans motif valable :
– dans un but autre que la préservation de l’intérêt collectif de l’ensemble des copropriétaires (3ème Civ., 8 février 1989, pourvoi n°87-14322 ; 3ème Civ., 17 décembre 2014, pourvoi n°13-25.134),
– ou encore qu’elle rompt l’égalité entre les copropriétaires (3ème Civ., 11 décembre 2006, pourvoi n°05-10.924),
– ou encore qu’elle a été prise avec l’intention de nuire ou de porter préjudice à certains (3ème Civ., 29 novembre 2011, pourvoi n°10-28.146).
Selon l’article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965 portant statut de la copropriété des immeubles bâtis, ne sont adoptées qu’à la majorité des voix de tous les copropriétaires les décisions concernant l’autorisation donnée à certains copropriétaires d’effectuer à leurs frais des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à la destination de celui-ci.
En l’espèce, lors de l’assemblée générale du 31 janvier 2022, la résolution n°13 suivante a été soumise aux copropriétaires à la requête de Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] :
« L’assemblée générale, en application de l’article 25 b) de la loi du 10 juillet 1965, après en avoir délibéré, autorise Mme [N] et M. [Z], propriétaires du lot n°22 à effectuer, à leurs frais exclusifs, les travaux suivants : création dans leur local en fond de cour, d’un point d’eau et de son évacuation selon le projet présenté, et le devis de la société AJ Studio ainsi que les plans joints à la convocation. L’ensemble de leur projet est détaillé et expliqué dans leur courrier qui est joint à la convocation.
Cette autorisation est donnée sous réserve que :
– ces travaux soient réalisés dans les règles de l’art par une société dûment assurée et qualifiée
– les autorisations administratives nécessaires à la réalisation de ces travaux aient été obtenues par Mme [N] et Monsieur [Z], à leur demande. Une copie de ces autorisations seront remises au syndic.
– les travaux soient le cas échéant, effectués sous la surveillance d’un architecte, aux frais de Mme [N] et Monsieur [Z] qui devront en justifier ;
– une assurance « dommages-ouvrage », dans le cas où celle-ci serait obligatoire, soit souscrite par Mme [N] et Monsieur [Z], avec extension de garantie « aux existants ». Une copie de l’attestation d’assurance sera remise au syndic.
Le copropriétaire sera responsable vis-à-vis du syndicat des copropriétaires et des tiers de toutes les conséquences dommageables résultant de leurs travaux.
Ils auront également l’obligation de supporter, à leurs frais et sous leur responsabilité, l’entretien de l’équipement installé. »
Cette résolution a été rejetée à la majorité absolue de l’article 25 (Pièce n°3 de Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N]).
Le motif du refus invoqué par le syndicat de copropriétaires tient tout d’abord au changement d’affectation en buanderie du lot et au fait que cette transformation du lot en buanderie serait de nature à porter atteinte à la destination de l’immeuble dès lors que ce local n’est pas affecté à l’habitation par le règlement de copropriété.
Selon le règlement de copropriété (Pièce n°4 de Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N]), l’immeuble alors divisé en 7 lots est principalement à usage d’habitation, seul le premier lot correspondant à une « boutique au rez-de-chaussée à usage de boucherie dans le bâtiment principal avec à la suite salle à manger, cuisine et chambre sur cour ».
Or l’aménagement d’un local, qualifié de « remise » par l’état descriptif de division en local d’habitation ne peut pas être jugé contraire à la destination de l’immeuble si cet immeuble est affecté à un usage principal d’habitation (en ce sens notamment pour un grenier aménagé en local d’habitation : 3ème Civ., 10 déc. 1986, n° 82-15.198 et pour la transformation de deux remises et d’un grenier en appartement jugée conforme à la destination de l’immeuble et comme n’étant pas de nature à troubler la tranquillité des autres copropriétaires, puisque ces lots, situés dans la cour, font face aux appartements : CA Nancy, 1re ch. civ., 24 janv. 2006, n° 04/01404). De même, pour la transformation d’un atelier à usage de remise ou de sellerie en logement : CA Paris, 23e ch. B, 9 févr. 2006, n° 05/07660).
L’aménagement d’un local qualifié de « remise » par l’état descriptif de division avec la création dans ce local ne peut donc pas être jugé contraire à la destination de l’immeuble puisque l’immeuble sis au [Adresse 1] à [Localité 4] est affecté à un usage principal d’habitation.
Le syndicat des copropriétaires soutient ensuite que Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] ne justifient pas dans leur dossier de demande d’autorisation, de travaux d’isolation phonique et des dispositifs d’extraction d’air adaptés à l’usage de buanderie, laissant présager de graves nuisances pour les copropriétaires.
Or, si le syndicat des copropriétaires considère que les travaux d’aménagement sollicités dans le lot « remise » doivent modifier la qualification de ce lot en « buanderie », il doit être relevé qu’il ressort du procès-verbal de constat de commissaire de justice du 20 septembre 2022 que les lots privatifs situés au rez-de-chaussée, où se trouve la remise, objet du présent litige, ont été dans leur ensemble modifiés par rapport à leurs usages initiaux tels qu’inscrits dans les documents de la copropriété et qu’il y a eu précisément transformation de l’usage des parties privatives du rez-de-chaussée de l’immeuble qualifiée sde débarras ou remise, en logements d’habitation (Pièce n°6 de Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N]).
Le syndicat des copropriétaires ne peut opposer légitimement un refus en soutenant que le fait d’installer un robinet d’eau et une évacuation dans le lot n°23 serait de nature à créer un préjudice aux autres copropriétaires, en l’absence de travaux d’isolation phonique et de dispositifs d’extraction d’air adaptés à l’usage de buanderie.
Dans ces conditions, le refus opposé à la demande de Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] n’étant pas motivé par la préservation de l’intérêt collectif de l’ensemble des copropriétaires, l’abus de majorité est constitué.
En conséquence, il y a lieu d’annuler la résolution n°13 de l’assemblée générale du 31 janvier 2022.
2. Sur la demande d’autorisation à effectuer les travaux sur les parties communes
Sur le fondement des articles 25b et 30 dernier alinéa de la loi du 10 juillet 1965, Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] demandent au tribunal judiciaire de Paris de les autoriser à effectuer les travaux sur les parties communes nécessaires pour qu’ils aient un point d’eau dans leur lot actuellement n°23 et ce, aux mêmes conditions que proposées par eux lors du vote de la résolution n°13 présentement débattue.
En droit, l’article 30, alinéa 4, de la loi du 10 juillet 1965 dispose que lorsque l’assemblée générale refuse l’autorisation prévue à l’article 25 b [d’effectuer aux frais de certains copropriétaires, des travaux affectant les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, et conformes à sa destination], tout copropriétaire ou groupe de copropriétaires peut être autorisé par le tribunal à exécuter, aux conditions fixées par le tribunal, tous travaux d’amélioration visés à l’alinéa 1 ci-dessus, soit toute amélioration telle que la transformation d’un ou de plusieurs éléments d’équipement existant, l’adjonction d’éléments nouveaux, l’aménagement ou la création de locaux affectés à l’usage commun.
Ces dispositions englobent les travaux d’intérêts particuliers qui affectent les parties communes ou l’aspect extérieur de l’immeuble, dès l’instant qu’ils apportent une amélioration au regard soit de l’immeuble, soit des parties privatives du demandeur. La seule réserve réside dans le fait que ces travaux doivent être conformes avec la destination de l’immeuble et ne pas porter pas atteinte aux droits des autres copropriétaires.
L’existence d’une décision de l’assemblée générale refusant d’autoriser les travaux conditionne la saisine du tribunal, qui peut se substituer à l’assemblée générale pour accorder l’autorisation refusée.
En l’espèce, ce projet constitue manifestement une amélioration des locaux appartenant à Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N], en ce qu’il leur permet de bénéficier de l’installation d’un point d’eau et d’une évacuation, tout en affectant les parties communes afin de pouvoir se raccorder au réseau.
Cependant, les travaux ne portent atteinte ni à la destination de l’immeuble ni aux droits des autres copropriétaires.
En conséquence, il y a lieu de faire droit à la demande d’autorisation, ainsi qu’il sera précisé au dispositif de la présente décision.
3. Sur la demande d’indemnisation au titre du retard pris pour avoir un point d’eau dans leur lot associé au refus sans juste motif
Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] soutiennent avoir subi un préjudice moral en raison du retard pris pour avoir un point d’eau dans leur lot associé à un refus sans juste motif à leur demande, et sollicitent à ce titre la somme de 5.000 euros.
Selon l’article 1240 du code civil « tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer ».
En l’espèce, Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] ne démontrent nullement avoir subi un préjudice en raison du refus qui leur a été opposé par l’assemblée générale des copropriétaires.
En conséquence, ils seront déboutés de leur demande indemnitaire.
4. Sur les demandes accessoires
– Sur les dépens
Aux termes de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Le syndicat des copropriétaires de l’immeuble [Adresse 1], représenté par son syndic, la Société d’Etudes et de Réalisation de Gestion Immobilière de Construction (SERGIC), sera condamné au paiement des entiers dépens de l’instance.
– Sur les frais non compris dans les dépens
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a lieu à condamnation.
Tenu aux dépens, le syndicat des copropriétaires de L’immeuble [Adresse 1], représenté par son syndic, la Société d’Etudes et de Réalisation de Gestion Immobilière de Construction (SERGIC), sera en outre condamné à payer Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N], la somme de 2.000 euros à ce titre.
– Sur l’exécution provisoire
Aux termes des articles 514 et suivants du code de procédure civile, dans leur rédaction issue du décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019 et applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n’en dispose autrement.
Le juge peut écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire. Il statue, d’office ou à la demande d’une partie, par décision spécialement motivée.
En l’espèce, la nature des condamnations prononcées et l’ancienneté du litige justifient que l’exécution provisoire de droit ne soit pas écartée.
Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des frais irrépétibles ainsi que leurs autres demandes plus amples ou contraires.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant par un jugement contradictoire, en premier ressort, après débats en audience publique et par mise à disposition au greffe,
ANNULE la résolution n°13 de l’assemblée générale ordinaire des copropriétaires de l’immeuble sis au [Adresse 1] à [Localité 4], en date du 31 janvier 2022 ;
AUTORISE Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] à faire réaliser les travaux d’installation d’un point d’eau et son évacuation pour le lot n°23 de l’immeuble, sis au [Adresse 1] à [Localité 4], dans les mêmes conditions que celles prévues dans la résolution n°13 de l’assemblée générale des copropriétaires du 31 janvier 2022, conformément au devis de la société AJ Studio et aux plans joints ;
DEBOUTE Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N] de l’intégralité de leur demande indemnitaire formée au titre de leur préjudice moral ;
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de limmeuble [Adresse 1], représenté par son syndic, la Société d’Etudes et de Réalisation de Gestion Immobilière de Construction (SERGIC), aux entiers dépens ;
CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de L’immeuble [Adresse 1], représenté par son syndic, la Société d’Etudes et de Réalisation de Gestion Immobilière de Construction (SERGIC), à payer à Monsieur [B] [Z] et Madame [T] [N], la somme de 2.000,00 € par application de l’article 700 du code de procédure civile ;
RAPPELLE que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit ;
DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens, de leur distraction et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.
Fait et jugé à Paris le 25 janvier 2024
Le GreffierLe Président