Nuisances sonores : décision du 30 janvier 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/05729

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Nuisances sonores : décision du 30 janvier 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/05729
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 51B

chambre 1 – 2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 30 JANVIER 2024

N° RG 22/05729 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VNC2

AFFAIRE :

M. [D] [Y]

C/

S.A. HAUTS DE BIEVRE HABITAT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 1er Septembre 2022 par le Tribunal de proximité d’ANTONY

N° RG : 11-22-0284

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 30/01/24

à :

Me Philippe CHATEAUNEUF

Me Patricia ROTKOPF

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE TRENTE JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [D] [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Maître Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 – N° du dossier 20220113

Représentant : Maître Eric BOITARD, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 420 –

Madame [E] [B] épouse [Y]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Maître Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 – N° du dossier 20220113

Représentant : Maître Eric BOITARD, Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 420 –

APPELANTS

****************

S.A. HAUTS DE BIEVRE HABITAT

N° SIRET : 305 02 3 6 99 RCS NANTERRE

Ayant son siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Patricia ROTKOPF, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 427 – N° du dossier 22-113

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 14 Novembre 2023, Monsieur Anne THIVELLIER, conseillère, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

qui en ont délibéré,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN

EXPOSE DU LITIGE

Suivant acte sous seing privé du 6 mars 2008 prenant effet le 7 mars 2008, l’Office public départemental de l’habitat des Hauts-de-Seine, aux droits duquel intervient la société Hauts-de-Bièvre Habitat, a donné à bail à M. [D] [Y] le logement n°33 situé au 3ème étage de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 3].

Suite à son mariage avec M. [Y], Mme [E] [B] est devenue cotitulaire du bail.

Par acte d’huissier du 26 avril 2022, la société Hauts-de-Bièvre Habitat a fait assigner M. et Mme [Y] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’Antony aux fins, au visa de l’article 7 de la loi du 6 juillet 1989 et des articles 1728, 1729 et 1741 du code civil, et sous le bénéfice de l’exécution provisoire, de voir :

– prononcer la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de M. et Mme [Y], responsables de nuisances importantes à l’endroit de leur voisinage au sein de l’immeuble [Adresse 1] à [Localité 3],

– ordonner l’expulsion de M. et Mme [Y] ainsi que celle de tous occupants de leur chef, avec dispense du délai de deux mois prescrit par l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution, des lieux situés [Adresse 1] à [Localité 3], en la forme ordinaire et accoutumée et même avec l’assistance du commissaire de police, d’un serrurier et de la force publique, si besoin est,

– condamner solidairement M. et Mme [Y] au paiement à son profit d’une astreinte définitive de 10 euros par jour de retard au cas où ils ne quitteraient pas les lieux dans les 10 jours de la signification de la décision,

– autoriser la séquestration des biens et objets mobiliers se trouvant éventuellement dans les lieux lors de l’expulsion, soit sur place, soit dans un garde-meuble de son choix, aux frais, risques et périls de qui il appartiendra,

– condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui payer une indemnité d’occupation mensuelle majorée de 50% égale au prix du loyer et des charges courantes, à compter du mois d’avril 2022 et ce jusqu’à leur départ définitif,

– condamner solidairement M. et Mme [Y] à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement M. et Mme [Y] aux entiers dépens de la présente procédure.

Par jugement contradictoire du 1er septembre 2022, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Antony a :

– prononcé la résiliation du bail du 6 mars 2008 portant sur le logement n°33 situé au 3ème étage de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 3], aux torts de M. et Mme [Y], à compter de la présente décision,

– ordonné l’expulsion de M. et Mme [Y] et de tous occupants de leur chef, des lieux loués, avec le concours de la force publique et d’un serrurier, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L. 412-1 et suivants, R. 411-1 et suivants, R. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

– dit que le sort des meubles sera réglé conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

– condamné solidairement M. et Mme [Y] à payer à la société Hauts-de-Bièvre Habitat une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer révisé, augmenté des charges qui auraient été dues si 1e bail s’était poursuivi, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux,

– débouté la société Hauts-de-Bièvre Habitat de sa demande de suppression du délai de deux mois prévu par l’article L. 412-1 du code des procédures civiles d’exécution,

– débouté la société Hauts-de-Bièvre Habitat de sa demande de majoration de l’indemnité d’occupation,

– débouté M. et Mme [Y] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– débouté la société Hauts-de-Bièvre Habitat de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté M. et Mme [Y] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné solidairement M. et Mme [Y] aux dépens de l’instance,

– rappelé que la présente décision est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Par déclaration reçue au greffe le 13 septembre 2022, M. et Mme [Y] ont relevé appel de ce jugement.

Aux termes de leurs conclusions signifiées le 18 septembre 2023, M. [Y] et Mme [B] épouse [Y], appelants, demandent à la cour de:

– les déclarer recevables et bien fondés en leur appel, et y faisant droit,

– réformer les dispositions du jugement prononcé le 1er septembre 2022 par le tribunal de proximité d’Antony (92) en qu’il :

* a prononcé la résiliation du bail du 6 mars 2008 portant sur le logement n°33 situé au 3ème étage de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 3] à leurs torts à compter de la présente décision,

* a ordonné leur expulsion et celle de tous occupants de leur chef, des lieux loués, avec le concours de la force publique et d’un serrurier, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement devoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L.412-1 et suivants, R. 411-1 et suivants, R. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

* a dit que le sort des meubles sera réglé conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

* les a condamnés solidairement à payer à la société Hauts-de-Bièvre Habitat une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer révisé, augmenté des charges qui auraient été dues si le bail s’était poursuivi, à compter de la résiliation du bail jusqu’à libération effective des lieux,

* les a déboutés de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

* les a déboutés de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens,

* les a condamnés solidairement aux dépens de l’instance,

Et statuant à nouveau :

– constater, dire et juger que la société Hauts-de-Bièvre Habitat ne démontre pas les manquements du preneur,

En conséquence :

– rejeter les prétentions de la société Hauts-de-Bièvre Habitat,

– débouter la société Hauts-de-Bièvre Habitat de toutes ses demandes, fins et conclusions,

– condamner la société Hauts-de-Bièvre Habitat au paiement de la somme de 3 000 euros pour procédure abusive,

– condamner la société Hauts-de-Bièvre Habitat au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner la société Hauts-de-Bièvre Habitat aux entiers dépens, dont distraction pour ceux d’appel au profit de Maître Philippe Chateauneuf, avocat, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 10 novembre 2023, la société Hauts-de-Bièvre Habitat, intimée, demande à la cour de :

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu le 1er septembre 2022 par le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité d’Antony qui a autorisé l’expulsion de M. et Mme [Y],

– débouter M. [Y] et Mme [Y] de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

– confirmer le jugement rendu le 1er septembre 2022 par le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité d’Antony en ce qu’il a:

* prononcé la résiliation du bail du 6 mars 2008 portant sur le logement n°33 situé au 3ème étage de l’immeuble sis [Adresse 1] à [Localité 3], aux torts de M. [Y] et Mme [Y] à compter de la décision,

* ordonné l’expulsion de M. [Y] et Mme [Y] et de tous occupants de leur chef, des lieux loués, avec le concours de la force publique et d’un serrurier, passé le délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux, conformément aux dispositions des articles L. 412-1 et suivants, R. 411-1 et suivants, R. 412-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

* dit que le sort des meubles sera réglé conformément aux dispositions des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution,

* condamné solidairement M. [Y] et Mme [Y] à lui payer à une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du loyer révisé, augmenté des charges qui auraient été dues si le bail s’était poursuivi, à compter de la résiliation du bail et jusqu’à la libération effective des lieux,

* débouté M. [Y] et Mme [Y] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive,

* débouté M. [Y] et Mme [Y] de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner solidairement M. [Y] et Mme [Y] au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– vu l’article 696 du code de procédure civile, condamner solidairement M. [Y] et Mme [Y] aux entiers dépens de la procédure d’appel et de celle de première instance, dont distraction au profit de la Selarl Jeanine Halimi, avocate aux offres de droit.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 14 novembre 2023.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de constater et de dire et juger

Il est rappelé qu’en application de l’article 954 alinéas 3 et 4 du code de procédure civile, la cour ne statue, dans la limite de l’effet dévolutif de l’appel, que sur les prétentions énoncées au dispositif des dernières conclusions des parties et n’examine les moyens au soutien de ces prétentions que s’ils sont invoqués dans la discussion, étant précisé qu’en application de l’article 4 du code de procédure civile, l’objet du litige est déterminé par les prétentions respectives des parties.

Les demandes de ‘constater’ et de ‘dire et juger’ ne constituant pas des prétentions au sens de l’article précité, il ne sera pas statué par la cour sur la demande des appelants à ce titre.

Sur la résiliation du bail

M. et Mme [Y] demandent l’infirmation du chef du jugement ayant prononcé la résiliation du bail à leurs torts exclusifs et de débouter la société Hauts-de-Bièvre Habitat de ses demandes.

Ils font valoir qu’ils rencontrent des difficultés relationnelles avec leur voisine, Mme [K], qui se plaint de prétendues nuisances sonores de leur part et qui avait été déboutée d’une précédente procédure à leur encontre en 2019. Ils affirment que leur bailleresse considère pour acquises et conformes à la réalité les allégations de quelques locataires influencés par Mme [K] qui fait preuve à leur égard d’un harcèlement quotidien. Ils ajoutent que la preuve des griefs qu’elle allègue n’est nullement rapportée et que malgré ses appels et plaintes réitérés, ils n’ont jamais été verbalisés.

Ils indiquent qu’il appartient à la société Hauts-de-Bièvre Habitat de prouver l’existence des troubles qu’elle leur impute au vu d’éléments incontestables, ce que les pièces qu’elle verse aux débats ne permettent pas d’établir. Ils soutiennent que les seules déclarations des voisins, mêmes reprises dans une main-courante ou actées par huissier de justice, ne peuvent suffire à prononcer la réalisation du bail, s’agissant de témoignages de complaisance qui s’inscrivent dans un conflit de voisinage. Ils relèvent en outre que Mme [K] fait état de bruits survenus en leur absence.

Ils soutiennent être dans l’incapacité, au regard de leurs âges, de procéder aux nuisances qu’on leur reproche tels que déplacer des meubles, courir, sauter ou jouer au ballon, et que la preuve de la présence d’un tiers dans leur logement n’est pas rapportée. Ils relèvent la présence d’enfants dans les appartements voisins de Mme [K] d’où proviennent selon eux les bruits de course ou de ballons.

Ils indiquent que le constat d’huissier du 24 mars 2022 est approximatif et qu’il ne suffit pas à caractériser un trouble anormal de voisinage dès lors que les bruits relevés sont inhérents à la vie quotidienne dans un immeuble collectif, et ce d’autant plus que M. [Y] justifie de pathologies pouvant être à l’origine de chutes à répétition. Ils soutiennent que lorsqu’elles se produisent, parfois à des heures tardives, son épouse se précipite alors à son secours et que ces bruits peuvent être perçus par Mme [K] sans pour autant justifier la présente procédure. Ils ajoutent qu’au vu de l’état de santé particulièrement précaire de M. [Y], son expulsion aurait des conséquences d’une particulière gravité.

Ils contestent également être à l’origine de nuisances olfactives en relevant que les doléances concernent les parties communes et que les services d’hygiène et de santé de la mairie d'[Localité 3] n’avaient constaté aucune odeur délétère en février 2021.

La société Hauts-de-Bièvre Habitat demande la confirmation du jugement critiqué ayant prononcé la résiliation judiciaire du bail.

Elle fait valoir que M. et Mme [Y] causent des troubles de jouissance importants à leur voisinage, par du tapage nocturne et diurne, des insultes et des nuisances olfactives depuis des années, lesquels perdurent malgré plusieurs mises en demeure et sommations de cesser ces troubles, ce qui empêchent leurs voisins de jouir pleinement de leur logement.

Elle soutient que plusieurs locataires, et pas seulement Mme [K], se plaignent de ces troubles ainsi qu’il en résulte de la pétition qu’ils ont signée en juillet 2021 et de leurs déclarations constatées par huissier de justice. Elle ajoute que ces déclarations sont corroborées par des procès-verbaux d’huissier constatant des nuisances olfactives et des bruits venant du domicile des appelants qui persistent depuis la décision déférée. Elle soutient ainsi que les manquements de M. et Mme [Y] à leurs obligations sont parfaitement justifiés par les différentes pièces versées aux débats alors que ces derniers ne produisent aucun élément de nature à les contredire, de même qu’ils ne rapportent pas la preuve que le bruit proviendrait d’autres logements et seraient dus à la présence d’enfants dans l’immeuble.

Enfin, elle affirme que l’âge et les problèmes de santé n’exonèrent ni le bailleur ni le locataire auteur de troubles de ses obligations de jouissance paisible et que le trouble anomal de voisinage est indépendant de la notion de faute. Elle rappelle être tenue d’une responsabilité personnelle en cas de carence de sa part à agir pour faire cesser les troubles constatés, peu importe l’âge ou la situation des locataires responsables de la gêne.

Elle en conclut que le résiliation du bail est justifiée par la gravité des faits énoncés.

Sur ce,

Aux termes de l’article 7 b) de la loi du 6 juillet 1989, le locataire est obligé d’user paisiblement des locaux loués suivant la destination qui leur a été donnée par le contrat de location.

En application de l’article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l’exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Il résulte de l’article 6 du contrat de bail que ‘le locataire devra jouir des lieux loués en bon père de famille, suivant la destination qui leur a été donnée au contrat, sans rien faire qui puisse nuire à la tranquillité des autres locataires et à la bonne tenue de l’immeuble’.

Dans le cadre de la résiliation d’un bail, il appartient au juge de vérifier si les manquements invoqués par le bailleur sont établis et s’ils sont suffisamment graves pour justifier la résiliation aux torts du locataire.

L’appartement occupé par M. [Y] et Mme [Y] (n° 33) est situé au 3ème étage.

La société Hauts-de-Bièvre Habitat verse aux débats :

– une pétition signée par quatre locataires les 24 juin et 2 juillet 2021: [K] (apt 29 – 2ème étage), Dorane (apt. 32 – 3ème étage), [U] (apt. 31 – 3ème étage) et [A] (apt. 28) dans laquelle ils déclarent subir des nuisances sonores et olfactives (mauvaises odeurs) provenant de l’appartement 33 occupé par la famille [Y], qui troublent leur tranquillité et celle du voisinage depuis plusieurs années (tapages nocturnes).

– des courriers de la bailleresse des 12 mars 2020, 25 novembre 2020 et 24 février 2021 mettant les appelants en demeure de se conformer au règlement intérieur de l’immeuble et de respecter leurs obligations de locataires en raison de plaintes pour troubles du voisinage et incivilités.

– deux sommations de cesser les nuisances sonores diurnes et nocturnes délivrées les 30 juillet et 17 novembre 2021 aux époux [Y].

– un procès-verbal de constat d’huissier du 29 octobre 2021 reprenant les déclarations de voisins :

* Mme [K], résidant en dessous de l’appartement de M. et Mme [Y], qui déclare subir des nuisances sonores quotidiennes depuis mars 2017: ‘j’entends des grands coups de pieds au sol et des pas lourds, comme si des personnes couraient. Mes voisins tapent sur le sol. J’entends également qu’ils jettent des objets lourds sur le sol (…) Il y a en permanence des bruits de meubles que l’on déplace, comme s’ils déménageaient. Je signale également qu’ils font rebondir des ballons au sol. Ces nuisances commencent aux alentours de 22 heures et durent jusqu’à 1 heure du matin. Je n’arrive plus à me reposer, je suis très fatiguée (…) Un jour alors qu’ils avaient quitté leur logement juste avant, j’ai entendu du bruit provenant du logement alors que tout était fermé. Je me suis demandé s’il n’y avait pas quelqu’un d’autre qui vivait avec eux. Peut-être leur fils’.

Elle déclare également avoir été victime d’insultes de la part de M. [Y] en juin 2021, pour lesquelles elle a déposé plainte, survenues alors qu’elle était dans le hall de l’immeuble: ‘fouteuse de merde’ ‘petite conne’.

En revanche, il ne saurait être tenu compte de l’enregistrement entendu par l’huissier qui n’y a pas procédé lui-même et ne peut donc reconnaître les voix y figurant.

* Mme [F] née [R] laquelle indique dans un courriel que ‘certains soirs, j’entendais des pas comme si quelqu’un courait, jouait au foot dans le salon, ainsi que des sauts. Au début, je pensais que c’était des enfants qui couraient ou jouaient au ballon. Mais je me suis rendue compte que les bruits venaient du logement à côté.’

* Mme [U] laquelle déclare être gênée par des nuisances olfactives: ‘Je constate qu’il doit y avoir un soucis d’hygiène chez Monsieur et Madame [Y]. J’ai la nausée quand j’attends l’ascenseur dans les parties communes. (…) Je me suis rendue compte que lorsqu’ils descendent leurs déchets, ils vident leurs sacs cabas dans les poubelles et remontent avec des sac souillés par les ordures, ce qui peut attirer les rats et les cafards. (…) Lors d’une altercation, j’ai constaté que M. [Y] était très vif. Pourtant, il semble être très faible mais ce jour-là, il était prêt à sauter sur la voisine. J’ai tenté de calmer le jeu mais ce sont des gens qui ont réellement envie d’enquiquiner les autres. Et le pire, c’est qu’ils en rigolent’.

* Mme [A] née [N] laquelle déclare: ‘Ce sont des gens pas très agréables. Depuis six, sept mois, il y a du bruit intempestif. Je constate ces bruits parfois à 19 heures 30, parfois à 22 heures, 23 heures…. J’entends également de manière récurrente des objets tomber au sol, des chaises qui traînent sur le sol ainsi que des bruits de pas très lourds, comme si quelqu’un courrait. Tout tombe au sol, comme s’ils avaient de l’huile dans les mains. (…) Des fois je suis à deux doigts d’appeler la police. (…). Une fois j’ai fini par taper à leur porte. Madame a été extrêmement désagréable avec moi. Elle m’a affirmée que Monsieur [Y] tombait souvent au sol, ce qui était la cause des nuisances sonores. J’ai décidé de déménager (…) C’est invivable. Mes enfants ne peuvent pas dormir (…). Je suis gênée par les mauvaises odeurs. Effectivement j’ai à plusieurs reprises constaté des odeurs de poubelles dans les parties communes, et surtout dans l’ascenseur. Quand ils descendent les poubelles, ces dernières coulent dans les parties communes’.

– un procès-verbal de constat d’huissier du 31 janvier 2022 reprenant les déclarations de voisins:

* Mme [K] qui maintient ses précédentes déclarations: ‘Les nuisances persistent depuis cette date. (…) Monsieur [Y] donne de grands coups de pieds au sol. Il jette des objets lourds, nuit et jour. La famille [Y] s’amuse à donner des petits coups de marteau au sol niveau salle à manger et à déplacer des meubles en pleine nuit. Elle, elle dit qu’elle court dans l’appartement pour attraper son conjoint qui a des pertes d’équilibre ce qui est faux, car le Monsieur, il conduit. (…) Ce n’est pas normal de vivre cette situation. (…) Dès qu’ils voient la lumière chez moi, j’ai le droit à tout: les coups de pied, les coups de marteau au sol, objets jetés au sol, c’est invivable.’

* Mme [A] laquelle déclare : ‘depuis mes dernières déclarations du 29 octobre 2021, c’est toujours pareil, rien n’a changé… Les bruits, les tapages nocturnes. (…) Tous les soirs, du lundi au dimanche, non-stop, ça commence vers 19 h – 19h30 et ça finit vers 22 h mais des fois ça va jusqu’à 3-4 h du matin. Il y a des choses qui tombent, vous vous réveillez en sursaut ! Toujours des bruits lourds, des bruits de pas incessants (…) De plus, il y a une forte odeur sur leur palier et aussi dans l’ascenseur, et cela vient de chez eux, c’est sûr, car quand on s’approche de chez eux, ça sent encore plus. Madame laisse ses poubelles dégouliner dans le couloir.’

– un procès-verbal de constat d’huissier de justice des 18 mars et 24 mars 2022 dans lequel l’huissier relève :

*une odeur nauséabonde et forte dans les parties communes du palier du 3ème étage qui ne se retrouve pas au niveau des paliers des 2ème et 1er étage, ce qu’il a également constaté dans ses constats des 8 juin 2022 et 25 septembre 2023 où il précise qu’en se rapprochant de la porte du logement 33, les odeurs s’intensifient et en déduit qu’elles proviennent manifestement de ce logement. Il précise, dans le constat du 25 septembre qu’il n’a pu accéder au logement et que le 26 septembre, M. [Y] lui a refusé par téléphone l’accès à son appartement.

* dans l’appartement de Mme [K] où il reste le 24 mars de 21h15 à 21h40: il constate ‘des bruits en provenance du logement de Monsieur et Madame [Y]. Ces bruits sont constants à quelques minutes d’intervalle. Je constate des bruits de pas, des coups, des chocs qui résonnent fortement et sont parfaitement audibles de l’appartement de Madame [K].’

– un procès-verbal de constat d’huissier de justice du 8 juin 2022 reprenant les déclarations de Mme [K] et Mme [A] qui indiquent que les nuisance sonores se poursuivent dans l’après-midi et le soir.

– un procès-verbal de constat de commissaire de justice du 30 décembre 2022 dans lequel l’huissier reprend les déclarations de :

* Mme [K] laquelle indique que les époux [Y] poursuivent leurs nuisances et que la situation a empiré depuis la décision de justice. ‘Ils se vengent en faisant encore plus de bruit. Les bruits sont toujours les mêmes’. Elle indique que les nuisances olfactives dans les parties communes persistent. Y sont annexées les 4 mains-courantes de Mme [K] des 15 juin, 7 juillet, 3 octobre et 22 décembre 2022 ainsi que sa plainte du 25 juillet 2022 où elle dénonce les nuisances sonores.

* Mme [U] qui lui a adressé un courriel dans lequel elle atteste de la persistance des odeurs et des bruits provenant de chez M. et Mme [Y] ‘chaque soir de la semaine du 28/11au 16/12/2022. Mon fils ayant été alité dans mon salon suite à un accident j’ai dû passer chaque nuit à ces côtés de ce fait constater les bruits de tapage au sol provenant de leur appartement’.

* Mme [R] indique que ‘certains soirs, j’entendais des pas comme si quelqu’un courait, jouait au foot dans le salon ainsi que des sauts. Au début, je pensais que c’était des enfants qui couraient ou jouaient au ballon. Mais je me suis rendue compte que les bruits venaient du logement à côté. Depuis 2 semaines je n’entends plus de bruit correspondant.’

– un procès-verbal de constat de commissaire de justice du 26 septembre 2023 dans lequel l’huissier reprend les déclarations de Mme [K] qui indique avoir encore déposé plusieurs main-courantes entre mai et août 2023 qui sont jointes, notamment le 2 mai pour du tapage et le 7 août pour le bruit et les mauvaises odeurs.

– une attestation de Mme [A] [Z] où elle indique avoir déménagé à cause des troubles du voisinage générés par ses anciens voisins, la famille [Y].

– une attestation de M. [H], gardien, qui indique avoir reçu divers appels téléphoniques de la part de locataires du [Adresse 1] à l’encontre de la famille [Y].

– des photographies d’un logement très encombré (pièce 18 intitulée ‘photographies du logement lors du passage du service d’hygiène en présence du bailleur’), que les appelants ne contestent pas.

De leur côté, M. et Mme [Y] versent aux débats :

– un courrier de la ville d'[Localité 3], service communal d’hygiène et de santé daté du 23 février 2022 portant des mentions manuscrites rectifiant la date du courrier et la date de la visite (notamment l’année). Comme l’a justement relevé le premier juge, le premier paragraphe est coupé, ne permettant pas de s’assurer de l’intégrité de ce document. En cause d’appel, il n’a pas été produit d’autre copie de ce courrier ni d’explications sur ce point. Il y est mentionné que ‘Pour l’instant, il n’a pas été constaté d’odeur délétère ni d’insecte. En revanche, cette situation peut poser problème en cas de réparations urgentes ou en cas d’incendie. (…) Il vous est demandé de procéder au débarras des objets inutiles pouvant présenter un risque potentiel en cas d’incendie, à l’intérieur de votre logement’.

– une main-courante du 11 mai 2020 dans laquelle M. [Y] dénonce un différend avec sa voisine du dessous depuis 2009 qui les accuse de faire du bruit; que malgré la perte de son procès, elle continue à venir les voir pour leur reprocher des nuisances et qu’il voudrait qu’elle arrête.

– de nombreux documents médicaux relatifs à son état de santé (pathologies cardiaques, diabète, troubles cognitifs).

Il apparaît ainsi que les déclarations de quatre voisins de M. et Mme [Y], dont Mme [K], se plaignant de nuisances sonores tant diurnes que nocturnes ainsi que de nuisance olfactives provenant de leur appartement et se répandant dans les parties communes, ont été réitérées à plusieurs reprises, devant un officier ministériel, et sont particulièrement précises, circonstanciées et concordantes.

Elles sont en outre corroborées par le constat du 18 et 24 mars 2022 dans lequel l’huissier a relevé depuis l’appartement de Mme [K] des bruits provenant de chez M. et Mme [Y] sans que l’absence de mesure acoustique permette de lui dénier toute valeur probante, et par les procès-verbaux des 8 juin 2022 et 25 septembre 2023 où il a constaté que l’odeur nauséabonde sentie sur le pallier du 3ème étage s’intensifiait à l’approche de l’appartement des appelants. Il sera en outre relevé que ces derniers ont refusé l’accès de leur domicile au commissaire du justice alors qu’ils contestent être à l’origine de cette situation.

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il n’est pas établi que Mme [K] serait à l’origine de ces plaintes dans le but de nuire à M. [Y] et Mme [Y] quand bien même l’existence de relations conflictuelles entre eux depuis plusieurs années ne peut être niée. La preuve d’un harcèlement de sa part à l’égard des appelants n’est pas davantage établi par la main-courante de M. [Y] du 11 mai 2020 ni par l’attestation de Mme [C], orthophoniste, indiquant que ses difficultés mnésiques qui altèrent ses capacités ne lui permettent pas de pouvoir gérer des difficultés avec le voisinage.

De leur côté, M. [Y] et Mme [Y] ne produisent aucune pièce utile permettant de contredire ces éléments établissant qu’ils sont à l’origine de troubles de voisinage, quand bien même ils n’auraient fait l’objet d’aucune verbalisation, ce qui ne peut résulter du seul fait qu’ils sont tous deux âgés. Il est ajouté que le courrier des services d’hygiène de la mairie, dont il est permis de douter de l’intégrité, est en tout état de cause antérieur aux constats sus-visés.

L’ensemble des témoignages et le constat d’huissier des 18 et 24 mars 2022 associent l’origine des bruits à l’appartement de M. [Y] et Mme [Y]. Ces derniers ne produisent aucun élément permettant d’établir que ces nuisances pourraient provenir d’un autre appartement où résideraient des enfants. En effet, la seule affiche annonçant un anniversaire d’un enfant en juin 2022 dans l’appartement n°27 étant insuffisant à l’établir, de même que le fait que Mme [K] ait pu entendre une fois du bruit lorsqu’ils étaient absents en s’interrogeant sur la présence possible d’un tiers à leur domicile.

Il sera ajouté que les troubles de l’équilibre avec chutes fréquentes dont est victime M. [Y] ainsi qu’il en résulte du certificat médical du 10 décembre 2018 ne peuvent suffire à expliquer l’ensemble des nuisances relevées ci-dessus, étant ajouté qu’il n’est allégué d’aucun problème de santé pour Mme [Y].

Au vu de l’ensemble de ces éléments, il est donc établi que les nuisances sonores, diurnes et nocturnes, et olfactives, commises par les appelants, répétées sur plusieurs années, malgré plusieurs avertissements du bailleur, dépassent les simples inconvénients de voisinage dans un immeuble collectif et constituent une violation grave à l’une des clauses essentielles du bail qui impose au locataire de n’importuner quiconque par son attitude et de quelque façon que ce soit.

Ils sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du bail aux torts de M. et Mme [Y] et leur expulsion, nonobstant les problèmes de santé de M. [Y] qui ne sauraient faire obstacle à celle-ci compte tenu des motifs de cette résiliation, et de les condamner, en leur qualité d’occupants sans droit ni titre, au paiement d’une indemnité d’occupation.

Le jugement est en conséquence confirmé sur l’ensemble de ces chefs.

Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive

Compte tenu du sens du présent arrêt, la cour ne peut que confirmer le jugement critiqué ayant débouté M. [Y] et Mme [Y] de leur demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. et Mme [Y], qui succombent, sont condamnés in solidum aux dépens d’appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens étant par ailleurs confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de M. et Mme [Y] au titre des frais non compris dans les dépens exposés en première instance et en cause d’appel par la société Hauts-de-Bièvre Habitat peut être équitablement fixée à 1 200 euros, les dispositions du jugement critiqué relatives aux frais irrépétibles étant infirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré sauf en ce qu’il a débouté la société Hauts-de-Bièvre Habitat de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau,

Condamne M. [D] [Y] et Mme [E] [B] épouse [Y] in solidum à verser à la société Hauts-de-Bièvre Habitat la somme de 1 200 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [D] [Y] et Mme [E] [B] épouse [Y] in solidum aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par la Selarl Jeanine Halimi qui en fait la demande.

– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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