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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
N° RG 23/53857 et RG 23/55981 –
N° Portalis 352J-W-B7H-CZTZZ
N° : 1
Assignation du :
09 Mai et 01 Août 2023
[1]
[1] 3 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 30 janvier 2024
par Emmanuelle DEMAZIERE, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Daouia BOUTLELIS, Greffier
RG 23/53857
DEMANDEUR
Syndicat des copropriétaires du 6, rue Jean Pierre TIMBAUD 75011 Paris représenté par son syndic le cabinet DEBAYLE Agence de la Madeleine
13, rue Vignon
75008 PARIS
représenté par Me Philippe LECUSSAN, avocat au barreau de PARIS – #B0470
DEFENDERESSE
S.A.S. BH CAPITAL
108, rue de Réaumur
75002 PARIS
représentée par Me Mikaël LOREK, avocat au barreau de PARIS – #C1707
RG 23/55981
DEMANDERESSE
S.A.S. BH CAPITAL
108, rue de Réaumur
75002 PARIS
représentée par Me Mikaël LOREK, avocat au barreau de PARIS – #C1707
DEFENDERESSE
Société CSO SAINT MARTIN
6 rue Jean-Pierre Timbaud
75011 PARIS
représentée par Me Audrey BENOIS, avocat au barreau de PARIS – #A0684, Me Julie ALARIC, avocat au barreau de PARIS – #G0020
DÉBATS
A l’audience du 28 Décembre 2023, tenue publiquement, présidée par Emmanuelle DEMAZIERE, Vice-présidente, assistée de Daouia BOUTLELIS, Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Par exploit délivré le 9 mai 2023, le syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis 6 rue Jean Pierre Timbaud 75011 Paris, a fait citer en référé la société BH CAPITAL devant le juge des référés du tribunal judiciaire de céans.
Aux termes de ses dernières conclusions soutenues à l’audience, il forme les demandes suivantes :
– RECEVOIR le syndicat des copropriétaires du 6, rue Jean Pierre Timbaud à Paris, en son action et l’y dire bien fondée,
A TITRE PRINCIPAL :
– CONDAMNER solidairement les sociétés BH CAPITAL et CSO SAINT MARTIN « O’LIEU DE » à la suppression et à la condamnation définitive de l’accès existant entre le lot de copropriété n° 4 et l’escalier A, au moyen d’un procédé définitif et isolant, acoustique et anti feu et ce dans les règles de l’art sur la base d’un devis de travaux qui sera préalablement approuvé par le Syndicat des copropriétaires et ce sous une astreinte de 500 € par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir.
A TITRE SUBSIDIAIRE :
– CONDAMNER solidairement les sociétés BH CAPITAL et CSO SAINT MARTIN « O’LIEU DE » à procéder aux travaux de remise en état des parties communes auxquelles il a été porté atteinte sans autorisation : modification du sens de la porte et modification d’aspect de la porte donnant sur les parties communes.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
– CONDAMNER les sociétés BH CAPITAL et CSO SAINT MARTIN au paiement de la somme de 5000 Euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile.
– CONDAMNER les sociétés BH CAPITAL et CSO SAINT MARTIN aux entiers dépens
La société BH CAPITAL a assigné en intervention forcée son locataire la société CSO SAINT MARTIN et demande :
A titre principal de :
– DECLARER le syndicat des copropriétaires irrecevable en ses demandes comme étant prescrites
A titre subsidiaire :
– JUGER qu’il existe des contestations sérieuses dans les demandes du syndicat des copropriétaires
– débouter le syndicat ds copropriétaires de l’intégralité de ses demandes
A titre infiniment subsidiaire :
– JUGER que seul le sens d’ouverture de la porte devra être inversé
– JUGER opposable à la société CSO SAINT MARTIN la décision à intervenir
– ORDONNER à la société CSO SAINT MARTIN de laisser l’accès à la société BH CAPITAL pour procéder aux travaux éventuellement mis à sa charge
– CONDAMNER la société CSO SAINT MARTIN à garantir la société BH CAPITAL de toutes les condamnations et conséquences financières qui en découlent qui seraient mises à la charge de la société BH CAPITAL
En tout état de cause
– CONDAMNER la partie succombante à payer à la société BH CAPITAL la somme de 2500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– CONDAMNER la partie succombante aux entiers dépens
La société CSO SAINT MARTIN demande au juge des référés de :
– RECEVOIR la société CSO SAINT MARTIN dans ses écritures et l’y déclarée bien fondée,
-DECLARER le syndicat des copropriétaires du 6 rue Jean Pierre Timbaud, 75011 Paris, représenté par son syndic en exercice irrecevable en ses demandes comme étant prescrites,
-DEBOUTER le syndicat des copropriétaires du 6 rue Jean Pierre Timbaud, 75011, représenté par son syndic en exercice de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
-DEBOUTER la société BH CAPITAL de sa demande de garantie formulée à l’encontre de la société CSO SAINT MARTIN,
-DEBOUTER la société BH CAPITAL de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions, -CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du 6 rue Jean Pierre Timbaud, 75011 représenté par son syndic en exercice au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
-CONDAMNER le syndicat des copropriétaires du 6 rue Jean Pierre Timbaud, 75011 Paris représenté par son syndic en exercice aux entiers dépens
Conformément aux dispositions de l’article 446-1 du code de procédure civile, il convient de se référer à l’acte introductif d’instance, aux écritures et aux notes d’audience pour un plus ample exposé des faits et des moyens qui y sont contenus.
MOTIFS
Sur la fin de non recevoir tirée de la prescription
Les défendeurs font valoir que conformément aux dispositions de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 le syndicat des copropriétaires disposait d’un délai de 5 ans pour agir en justice aux fins de remise en état des lieux résultant de travaux prétendument illicites affectant les parties communes et que ce délai a commencé à courir le 31 janvier 2001 dès lors qu’il résulte du procès verbal d’assemblée générale du 6 décembre 2022 reprenant celui du 11 décembre 2019 que : « la condamnation de cette ouverture irrégulière avait été approuvée par l’assemblée générale du 14/12/2000 et la SCI propriétaire s’était engagée à la condamner avant le 31/01/2001 ».Ils considèrent en conséquence que l’action intentée par le syndicat des copropriétaires le 9 mai 2023 est irrecevable. Ils font en outre valoir que le syndicat des copropriétaires ne peut valablement prétendre qu’un nouveau délai de prescription aurait commencé à courir à la suite de travaux réalisés par la société CSO SAINT MARTIN ayant consisté à changer le sens de la porte à défaut d’établir la matérialité des faits qu’il allègue.
Le syndicat requérant soutient au contraire que l’action n’est pas prescrite en faisant valoir que l’engagement pris par l’ancien propriétaire de condamner la porte est un engagement unilatéral à durée indéterminée, que l’action qu’il a intenté relève d’une appropriation des parties communes et est en conséquence une action réelle qui se prescrit par 30 ans et enfin que l’ouvrage ayant été modifié depuis le 31 juillet 2018 par les défendeurs, il disposait d’un nouveau délai pour agir.
Sur ce
Conformément aux dispositions de l’article 2227 du code civil, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer.
Il est ainsi admis qu’une action tendant à mettre fin à un acte d’appropriation d’une partie commune est une action réelle se prescrivant par 30 ans.
En revanche, conformément aux dispositions de l’article 42 de la loi du 10 juillet 1965 auxquelles renvoie l’article 2224 du code civil, la prescription applicable aux actions personnelles relatives à la copropriété entre copropriétaires ou entre un copropriétaire et le syndicat est de cinq ans
En l’espèce, conformément aux mentions portées aux procès verbaux d’assemblée générale de copropriété des 11 décembre 2019 et 6 février 2022, le litige porte sur une ouverture irrégulière fermée par une porte permettant au lot n°4 (local commercial) d’avoir accès à l’escalier A de l’immeuble sis 6 rue Jean-Pierre Timbaud (Paris 11ème), ouverture que la SCI alors propriétaire du bien s’était engagée à condamner avant le 31 janvier 2001.
Ainsi, la réalisation de cette ouverture n’avait pour objet ni pour effet l’appropriation d’une partie commune mais de permettre un accès direct du lot n°4 à la cage de l’escalier de l’immeuble.
En conséquence, il ne s’agit pas d’une action réelle mais d’une action personnelle qui se prescrit par cinq ans.
Le point de départ de cette action doit par ailleurs être fixé au terme de la période au cours de laquelle la SCI alors propriétaire des locaux s’était engagée à condamner la porte d’accès qu’elle avait crée soit le 31/01/2001.
Aussi, la prescription est acquise de ce chef.
Néanmoins, le syndicat requérant soutient que l’ouvrage a été modifié par la société SCO SAINT MARTIN notamment par l’inversion du sens d’ouverture de la porte et qu’ainsi cette modification de l’ouvrage lui ouvre à nouveau les délais d’action.
Si les défendeurs contestent toute modification intervenue sur la porte, celles-ci résultent :
– des procès verbaux non contestés des assemblées générales des 11 décembre 2019 et 6 décembre 2022 mentionnant que la porte crée sur le lot n°4 est utilisée par le locataire de la SAS BH CAPITAL, le bar O LIEU DE qui « sans aucun droit ni autorisation l’a transformée en sortie de secours en changeant le sens d’ouverture » ,
– d’un constat d’huissier du 22 octobre 2019 dont il résulte, concernant la porte litigieuse, que « ses gonds sont situés sur son côté gauche, sa serrure sur le côté droit. Elle comporte également une barre métallique verticale au niveau de la serrure, côté droit.Cette porte n’est pas parfaitement encastrée, bien que fermée, sa tranche côté serrure est visible, débordant de quelques centimètres sur les marches de l’escalier.il semble que l’ouverture de cette porte s’effectue vers l’escalier ;
– d’un constat d’huissier du 6 décembre 2023 dont il ressort la présence de charnières et gonds en partie droite du battant de la porte dont la position laisse à penser à une ouverture vers l’extérieure et dont les photographies montrent la porte présentant un trou béant en lieu et place d’une serrure
Les photographies produites au débat par la société BH CAPITAL permettent également de constater la présence d’un trou béant en lieu place de la serrure de la porte.
Aussi, ces éléments et notamment les procès verbaux d’assemblée générale devenus définitifs à défaut d’avoir été contestés, établissent que le sens d’ouverture de la porte litigieuse a été inversé alors que le local était loué à la CSO SAINT MARTIN soit postérieurement à la date depuis laquelle elle est locataire des locaux (le 31 juillet 2018).
En conséquence et si l’action est prescrite relativement à l’ouverture effectuée et à l’édification de la porte, elle est en revanche recevable en ce qu’elle porte sur les modifications apportées à la porte et à son sens d’ouverture.
Sur le trouble manifestement illicite
Aux termes de l’article 835 du code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire peut toujours, même en présence d’une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s’imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
L’existence d’une contestation sérieuse est indifférente à l’application de ces dispositions.
Le trouble manifestement illicite s’entend de toute perturbation résultant d’un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.
En vertu de l’article 544 du code civil, la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibée par les lois ou par les règlements.
En l’espèce, il résulte des plans produits au débat que le lot n°4 de la copropriété ne disposait pas d’accès à l’escalier A.
Cette absence d’accès du lot n°4 à l’escalier A est corroboré par la 16ème résolution de l’assemblée du 14 décembre 2000 aux termes de laquelle : « selon le règlement de copropriété le lot n°4 (..) ne bénéficie d’aucun accès sur l’escalier A. L’Assemblée décide donc que la porte donnant sur cet escalier sera condamnée avant le 31 janvier 2001 par le propriétaire du lot qui s’y engage. »
Pour autant, cet engagement n’a pas été respecté et il ressort de surcroît :
– des procès verbaux non contestés des assemblées générales des 11 décembre 2019 et 6 décembre 2022 que le bar O LIEU DE a transformé cette porte « sans aucun droit ni autorisation (..) en sortie de secours en changeant le sens d’ouverture », procès verbaux corroborés
– d’un constat d’huissier du 22 octobre 2019 , que « ses gonds sont situés sur son côté gauche, sa serrure sur le côté droit. Elle comporte également une barre métallique verticale au niveau de la serrure, côté droit.Cette porte n’est pas parfaitement encastrée, bien que fermée, sa tranche côté serrure est visible, débordant de quelques centimètres sur les marches de l’escalier.il semble que l’ouverture de cette porte s’effectue vers l’escalier ;
– d’un constat d’huissier du 6 décembre 2023 la présence de charnières et gonds en partie droite du battant de la porte dont la position laisse à penser à une ouverture vers l’extérieure
– des photographies notamment jointes au constat d’huissier que la porte présente un trou béant en lieu et place d’une serrure
Il résulte ainsi desdites pièces que des modifications ont été apportées à la porte litigieuse et qu’elle sont particulièrement inesthétiques, la serrure initiale ayant ainsi notamment laissé place à un trou béant.
Le syndicat de copropriétaires requérant produit de surcroît aux débats des témoignages et des plaintes adressés par les copropriétaires au commissariat ainsi qu’une vidéo dont il ressort que l’ouverture de cette porte entraîne des nuisances pour les occupants de l’immeuble ( notamment intrusions dans l’immeuble, nuisances sonores, et olfactives).
Si la société BH CAPITAL produit au débat des témoignages dont il ressort que la porte ne serait jamais ouverte, ces témoignages ne sont pas probants puisqu’ils sont notamment contredits par la vidéo produite au débat et visionnée à l’audience, laquelle permet de constater que lors d’une soirée dans le bar la porte était maintenue ouverte et qu’il en résultait des nuisances notamment sonores pour les copropriétaires.
Il résulte également du courrier de la préfecture de police du 20 septembre 2019 produit aux débats que les prescriptions en matière de sécurité n’étaient alors pas respectées par l’exploitant de l’établissement « O LIEU DE ».
L’ensemble de ces éléments permet de caractériser l’existence d’un trouble manifestement illicite qu’il convient de faire cesser.
La société BH CAPITAL sera en conséquence condamnée à procéder aux travaux de remise en état des parties communes auxquelles il a été porté atteinte sans autorisation et ayant consisté à modifier le sens de la porte entre le lot n°4 dont elle est propriétaire et l’escalier de l’immeuble, à en enlever la serrure, à y ajouter une barre métallique et des gonds et charnières en partie gauche.
Compte tenu de la responsabilité de la société CSO SAINT MARTIN dans les faits objets du litige, il y a lieu de faire droit aux demandes de la société BH CAPITAL tendant à :
– voir déclarer opposable à la société CSO SAINT MARTIN la décision à intervenir
– ORDONNER à la société CSO SAINT MARTIN de laisser l’accès à la société BH CAPITAL pour procéder aux travaux de remise en état
– CONDAMNER la société CSO SAINT MARTIN à garantir la société BH CAPITAL de toutes les condamnations et conséquences financières qui en découlent
Sur les demandes accessoires,
Les sociétés défenderesses, succombant, devront supporter la charge des dépens en vertu de l’article 696 du code de procédure civile.
Il n’apparaît pas inéquitable de les condamner au paiement d’une somme de 1200 euros chacune au titre des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,
DECLARONS irrecevable comme prescrite la demande formée à titre principal par le syndicat des copropriétaires du 6 rue Jean Pierre Timbaud, 75011 Paris, par laquelle il sollicite la suppression et la condamnation définitive de l’accès existant entre le lot de copropriété n°4 et l’escalier A,
DECLARONS recevable la demande formée à titre subsidiaire par le syndicat des copropriétaires,
CONDAMNONS la société BH CAPITAL à procéder aux travaux de remise en état des parties communes auxquelles il a été porté atteinte sans autorisation et ayant consisté à modifier le sens de la porte entre le lot n°4 dont elle est propriétaire et l’escalier de l’immeuble, à en enlever la serrure, à y ajouter une barre métallique et des gonds et charnières en partie gauche,
DECLARONS opposable à la société CSO SAINT MARTIN la décision à intervenir,
ORDONNONS à la société CSO SAINT MARTIN de laisser l’accès à la société BH CAPITAL pour procéder aux travaux de remise en état,
CONDAMNONS la société CSO SAINT MARTIN à garantir la société BH CAPITAL de toutes les condamnations et conséquences financières qui en découlent,
CONDAMNONS la société BH CAPITAL et CSO SAINT MARTIN à verser chacune au syndicat des copropriétaires du 6 rue Jean Pierre Timbaud, 75011 Paris une somme de 1200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNONS les sociétés BH CAPITAL et CSO SAINT MARTIN aux entiers dépens,
REJETONS le surplus des demandes,
RAPPELONS que la présente décision est exécutoire de plein droit à titre provisoire.
Ainsi ordonné par mise à disposition au greffe, le 30 janvier 2024.
Le Greffier,Le Président,
Daouia BOUTLELISEmmanuelle DEMAZIERE