COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50A
3e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 11 MAI 2023
N° RG 21/02388
N° Portalis DBV3-V-B7F-UOAG
AFFAIRE :
[L], [T] [W]
C/
[C] [V] épouse [G]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 21 Janvier 2021 par le TJ de NANTERRE
N° Chambre : 2
N° RG : 17/10205
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :
à :
Me Philippe CHATEAUNEUF
Me Mathilde ANDRE
Me Michel RONZEAU
Me Valérie TOUTAIN DE HAUTECLOCQUE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE ONZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Monsieur [L], [T] [W]
né le 13 Mai 1967 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 6]
Représentant : Me Philippe CHATEAUNEUF, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 643 – N° du dossier 2021050
Représentant : Me Véronique RABILLER, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0356
APPELANT
****************
Madame [C] [V] épouse [G]
née le 27 Décembre 1959 à [Localité 9]
de nationalité Française
[Adresse 4]
[Localité 8]
Représentant : Me Mathilde ANDRE de l’AARPI AEVEN AVOCATS, Postulant et plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : A0905
INTIMEE
S.C.P. VICTOIRES, Notaires Associés
N° SIRET : 784 447 518
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentant : Me Michel RONZEAU de la SCP INTERBARREAUX RONZEAU ET ASSOC, substitué par Me Christiane ROBERTO, Postulant et plaidant, avocat au barreau du VAL D’OISE, vestiaire : 9 N° du dossier 1826514
INTIMEE
SCP Philippe HERBERT, Cécile BOUGEARD, Jean-Pierre BRULON, Bertrand BONNEAU, Samuel AUGER, Isabelle MERGEY et François DE KEGHEL anciennement dénommée SCP [B] [X] – Philippe HERBERT – Cécile BOUGEARD – Jean-Pierre BRULON – Bertrand BONNEAU – Samuel AUGER
[Adresse 3]
[Localité 7]
Représentant : Me Valérie TOUTAIN DE HAUTECLOCQUE, Postulant et plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0848 – N° du dossier 217.215
INTIMEE
***************
Composition de la cour :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 Mars 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Gwenael COUGARD, Conseiller, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Florence PERRET, Président,
Madame Gwenael COUGARD, Conseiller,
Madame Odile CRIQ, Conseiller,
Greffier, lors des débats : Mme FOULON,
——-
FAITS ET PROCEDURE :
Par acte notarié du 24 mai 2017, Mme [C] [V] épouse [G], avec l’accord de son conjoint, s’agissant du domicile familial, a consenti à M. [L] [W], ou toute autre personne morale qui pourrait se substituer, une promesse de vente portant sur une maison à usage d’habitation, située [Adresse 1] à [Localité 11], au prix de 1 250 000 euros, dont 11 900 euros au titre des effets mobiliers cédés.
L’acte a été dressé par Me [X], notaire membre de la société « [B] [X], Philippe Herbert, Cécile Bougeard, Jean-Pierre Brulon, Bertrand Bonneau et Samuel Auger » (ci-après, la société [X] et associés) ‘ devenue la société « Philippe Herbert, Cécile Bougeard, Samuel Auger, Isabelle Mergey et François de Keghel » (ci-après, la société Herbert et associés) et désormais dénommée la société « Victoires notaires associés » ‘ en collaboration avec Me [J], notaire membre de la société « [J] et associés ».
L’indemnité d’immobilisation a été fixée à la somme de 125 000 euros dont 62 500 euros ont été versés, le jour de la signature de la promesse, entre les mains de Me [J], en qualité de séquestre. En outre, la promesse de vente a été assortie de plusieurs conditions suspensives tenant :
– au droit de préemption légal ou conventionnel pouvant exister,
– à l’origine de propriété,
– à l’urbanisme,
– à la situation hypothécaire,
– la capacité juridique et vie du bénéficiaire,
– au prononcé du divorce de M. [W] avant le 31 juillet 2017.
Les renseignements d’urbanisme du 28 juin 2017 fournis par la ville de [Localité 11] à Me [J] ont révélé l’existence d’une servitude de non aedificandi, grevant la quasi-totalité du terrain, au profit du département des Hauts-de-Seine.
Par courrier du 26 juillet 2017, M. [W], et sa compagne, Mme [Z], ont informé M. et Mme [G] qu’ils ne pouvaient donner suite à l’opération d’acquisition au motif que d’une part, leur consentement avait été vicié faute d’énonciation expresse de cette servitude dans la promesse et que, d’autre part, la condition suspensive relative à la non-révélation de projets, travaux, vices et servitudes de nature à déprécier de manière significative la valeur du bien n’était pas réalisée. Ils ont également demandé le remboursement de la somme de 62 500 euros versée et séquestrée entre les mains du notaire à titre d’indemnité d’immobilisation.
Par courrier en réponse du 2 août 2017, M. et Mme [G] ont opposé un refus arguant que M. [W] et Mme [Z] connaissaient l’existence de cette servitude, au regard des documents communiqués aux notaires et que la condition était réalisée, puisque la servitude existant avant la signature de la promesse de mai 2017, elle n’avait donc pas pu être « révélée » au sens strict du terme.
À la suite de plusieurs échanges, aucune solution amiable n’ayant été trouvée, M. [W] et Mme [Z] ont, par actes des 17 et 23 octobre 2017, fait assigner M. et Mme [G], l’agence immoblière de [Localité 10], la société [X] et associés (devenue la société Herbert et associés) ainsi que la société [J] et associés devant le tribunal de grande instance de Nanterre en nullité de la promesse de vente pour dol.
Par ordonnance du 4 décembre 2018, le juge de la mise en état a rejeté les demandes de communication de pièces formée par M. [W] et Mme [Z].
Par jugement du 21 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Nanterre a :
– mis hors de cause M. [G] et l’agence immobilière de [Localité 10],
– déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [Z] en l’absence de qualité pour agir,
– déclare irrecevable la demande de Mme [G] s’agissant de la nullité de l’assignation,
– débouté M. [W] de l’ensemble de ses demandes relatives à la nullité de la promesse de vente et à la restitution de l’indemnité d’immobilisation versée et séquestrée sur ce fondement,
– débouté M. [W] de sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive,
– condamné M. [W] à verser à Mme [G] la somme de 62 500 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation telle que stipulée dans la promesse de vente du 24 mai 2017,
– autorisé Me [J], notaire de la société [J] et associés, à lever séquestre au profit de Mme [G] de la somme de 62 500 euros consignée entre ses mains en vertu de la promesse de vente du 24 mai 2017, à compter du moment où le jugement sera devenu définitif,
– débouté M. [W] de ses demandes formées à l’encontre de la société Herbert et associés (anciennement dénommée la société [X] et associés) ainsi que de la société [J] et associés,
– condamné M. [W] aux entiers dépens qui pourront être recouvrés directement conformément à l’article 699 du code de procédure civile, par les avocats de la cause chacun pour ce qui le concerne,
– condamné M. [W] à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– débouté la société Herbert et associés ainsi que la société [J] et associés de leurs demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire de la décision,
– rejeté le surplus des demandes.
Par acte du 12 avril 2021, M. [W] a interjeté appel et prie la cour, par dernières écritures du 15 février 2023, de :
– déclarer M. [W] tant recevable que bien fondé en son appel, et y faisant droit,
– infirmer le jugement déféré en tous ses chefs de jugement, sauf en ce qu’il a reconnu l’existence de fautes commises par les deux études notariales, dans l’exercice de leurs fonctions,
Et statuant de nouveau,
Sur la recevabilité,
– déclarer recevable M. [W] en sa demande de nullité de la promesse sur le fondement de l’article L.271-1 du code de la construction et de l’habitation de même qu’en ses demandes de restitution de la somme de 62 500 euros versée à titre d’indemnité d’immobilisation,
– déclarer recevable M. [W] en sa demande de condamnation à 99 000 euros de Mme [G] au titre de sa responsabilité délictuelle sur le fondement des article 1240 et 1112-1 du code civil,
– le déclarer recevable en sa demande de condamnation à 30 000 euros de Mme [G], l’exercice de son droit de rétraction constituant un fait nouveau,
– débouter tous les intimés de leur exceptions d’irrecevabilités,
– déclarer bien fondé et recevable M. [W] en toutes ses demandes, fins et prétentions, lesquelles ne sont pas nouvelles,
Sur le fond,
A titre principal, sur le droit de rétractation,
– dire que la notification du 27 mai 2017 n’est pas conforme à la promesse ni à l’article L.271-1 du code de la construction et de l’habitation,
– admettre M. [W] au bénéfice de son droit à rétractation, par courrier avec accusé de réception du 3 juillet 2021 et à l’issue des présentes écritures, de la promesse du 24 mai 2017, le délai n’ayant jamais commencé à courir,
– déclarer nulle et non avenue la promesse du 24 mai 2017,
– ordonner la restitution de la somme de 62 500 euros avec intérêts, auxquels Mme [G] sera condamnée, à effet du 22ème jour suivant la réception de la rétractation notifiée par lettre avec accusé de réception,
– débouter Mme [G] de tous moyens fins et conclusions et autoriser Me [J], notaire de la société [J] et associés, à lever séquestre au profit de M. [W] de la somme de 62 500 euros consignée entre ses mains,
– juger que les comportements de Mme [G] et des notaires ont concouru aux préjudices allégués par M. [W], tant au titre de l’article 1240 du code civil que sur le terrain de la perte de chance,
– fixer à 30 000 euros la réparation de l’intégralité des préjudices ainsi subis par M. [W],
– condamner Mme [G] à lui payer une somme de 3 000 euros,
– condamner les deux études de notaires in solidum entres elles, sur le fondement de la perte d’une chance, à payer 27 000 euros,
– les débouter de tous leurs moyens fins et exceptions,
A titre subsidiaire, sur la nullité pour dol,
– qualifier de dolosive la rétention de l’information relative à l’existence de la servitude de non aedificandi par Mme [G] avant la signature de la promesse en ce que la preuve de l’élément intentionnel de la dissimulation a été rapporté,
– prononcer la nullité de la promesse de vente signée le 24 mai 2017 au motif que le consentement de M. [W] a été vicié par un dol,
– ordonner la restitution de la somme de 62 500 euros, séquestrée entre les mains de la société [J] et associés, au profit de M. [W], avec intérêts de retard à compter à effet du 26 juillet 2017, sur le fondement de l’article 1352-6 du code civil,
– condamner Mme [G] à verser à M. [W] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de l’ensemble des préjudices dont il justifie,
– débouter Mme [G] de tous ses moyens, fins et conclusions contraires, visant notamment la caducité de la promesse, pour non levée de l’option,
– la débouter de sa demande de versement de la somme de 125 000 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation,
A titre plus subsidiaire, sur la nullité pour erreur sur les qualités essentielles de la chose,
– qualifier d’erreur excusable sur les qualités substantielles du bien vendu, celle commise par M. [W], consécutivement à l’omission et la négligence fautive de Mme [G] de révéler la servitude litigieuse,
– débouter Mme [G] de tous ses moyens, fins et conclusions contraires,
– prononcer la nullité de la promesse de vente signée le 24 mai 2017 pour erreur,
– ordonner la restitution de la somme de 62 500 euros, séquestrée entre les mains de la société [J] et associés, au profit de M. [W], avec intérêts de retard à compter du 26 juillet 2017, sur le fondement de l’article 1352-6 du code civil,
– condamner Mme [G] à verser à M. [W] la somme de 30 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de l’ensemble des préjudices qu’il justifie,
– débouter Mme [G] de tous ses moyens, fins et conclusions contraires visant notamment la caducité de la promesse, pour non levée de l’option,
– la débouter de sa demande de versement de la somme de 125 000 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation,
A titre encore plus subsidiaire, sur la non réalisation de la condition d’urbanisme,
– déclarer caduque la promesse du 24 juillet 2017, dépourvue de toute annexe de notice «renseignement urbanisme », sa condition suspensive liée à l’urbanisme ne s’étant pas réalisée, à la suite de la révélation le 21 juillet 2017 à M. [W] d’une servitude qu’il ignorait,
– débouter Mme [G] de tous ses moyens, fins et conclusions contestant la révélation de la servitude,
– la débouter de sa demande de versement de la somme de 125 000 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation,
– ordonner la restitution avec intérêt de la somme de 62 500 euros versée entre les mains de la société [J] et associés, à titre d’indemnité d’immobilisation avec intérêt au taux légal, à effet du 26 juillet 2017 sur le fondement de l’article 1352-6 du code civil,
– condamner Mme [G] à verser à M. [W] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice lié à la résistance abusive dont elle fait preuve depuis juillet 2017,
Plus subsidiairement encore, sur les responsabilités des intimés,
Sur la responsabilité délictuelle de Mme [G],
– qualifier la violation de l’obligation d’information précontractuelle commise par Mme [G] comme constitutive d’une faute, ayant entraîné un préjudice pour M. [W] ayant consisté à perdre une chance, pour laquelle il a droit à réparation,
– débouter Mme [G] de tous ses moyens, fins et conclusions contraires,
– la débouter de sa demande de versement de la somme de 125 000 euros au titre de l’indemnité d’immobilisation,
– condamner Mme [G] à verser à M. [W] la somme de 99 000 euros à titre de dommages et intérêts, en réparation de l’ensemble de ses préjudices,
Sur la responsabilité délictuelle des notaires,
– confirmer le jugement en ce qu’il a imputé à la société [J] et associés ainsi qu’à la société Herbert et associés des fautes, dans l’exercice de leur obligation de conseil, en ne lisant aucun document relatif aux servitudes,
– condamner les deux études, sur le fondement de la perte de chances, fixée à 90%, et autres préjudices en lien avec les fautes reprochées, à verser à M. [W] à titre de dommages intérêts la somme de 112 500 euros,
– les débouter de tous moyens, fins et conclusions visant à exclure leur responsabilité, le fondement et le quantum des réparations dues,
En tout état de cause,
– débouter les intimés de leurs appels incidents,
– condamner Mme [G] in solidum avec les deux études à payer à M. [W] la somme de 10 000 euros,
– les condamner aux entiers dépens ainsi qu’aux frais engagés au titre des articles A 444-10 et suivant du code de commerce, avec recouvrement direct, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 30 janvier 2023, Mme [G] prie la cour de :
– la recevoir en ses demandes, fins et conclusions, et les déclarant bien fondés,
A titre liminaire,
– déclarer irrecevable comme nouvelle la demande de M. [W] d’admission de son exercice de rétractation,
– déclarer irrecevable comme nouvelle les demandes de M. [W] de condamnation de Mme [G] au titre de sa prétendue responsabilité délictuelle et notamment de sa demande de condamnation à lui verser 99 000 euros à titre de dommages et intérêts au visa des articles 1240 et 1112-1 du code civil,
Sur le fond, à titre principal,
– confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,
En conséquence,
– débouter M. [W] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
A titre subsidiaire,
– condamner in solidum la société Herbert et associés ainsi que la société [J] et associés à verser à Mme [G] l’indemnité d’immobilisation d’un montant total de 125 000 euros en réparation de son entier préjudice,
– subsidiairement, condamner in solidum la société Herbert et associés ainsi que la société [J] et associés à verser à Mme [G] la somme de 135 000 euros en réparation de son entier préjudice,
A titre plus subsidiaire, dans l’hypothèse d’une recevabilité de l’exercice du droit de rétractation de M. [W],
– condamner la société [J] et associés à verser à Mme [G] l’indemnité d’immobilisation d’un montant total de 125 000 euros, en réparation de son entier préjudice,
En tout état de cause,
– débouter M. [W] de l’ensemble de ses demandes et conclusions formées à l’encontre de Mme [G],
– débouter la société Herbert et associés de l’ensemble de ses demandes et conclusions,
– débouter la société [J] et associés de l’ensemble de ses demandes et conclusions,
– condamner in solidum M. [W] et/ou tout succombant à régler à Mme [G] et M. [A] [G] la somme de 9 000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum M. [W] et/ou tout succombant aux entiers dépens comprenant le timbre fiscal de 225 euros, avec recouvrement direct, dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile ainsi qu’aux frais engagés au titre des articles A 444-10 et suivants du code de commerce en cas d’exécution forcée de la décision à intervenir.
Par dernières écritures du 5 janvier 2023, la société Victoires notaires et associés (anciennement dénommée Herbert et associés) prie la cour de :
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a jugé que la société Herbert et associés, devenue la société Victoires notaires et associés, a commis des fautes dans l’exercice de sa mission,
Statuant à nouveau,
– juger que M. [W] ne rapporte pas la preuve d’une faute ou d’un manquement de la société Victoires notaires et associés à ses obligations professionnelles, à l’origine d’un préjudice certain, réel et actuel en relation causale avec les manquements imputés et pouvant ouvrir droit à réparation,
En conséquence,
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [W] de ses demandes formulées à l’encontre de la société Victoires notaires et associés,
– débouter M. [W] de l’intégralité de ses demandes de condamnation pécuniaire formulée à l’encontre de la société Victoires notaires et associés,
– juger que Mme [G] succombe dans la charge de la preuve d’une faute ou d’un manquement fautif de la société Victoires notaires et associés qui soit à l’origine d’un préjudice certain, réel et actuel, et d’un lien de causalité pouvant ouvrir droit à réparation,
En conséquence,
– débouter Mme [G] de ses demandes de condamnation pécuniaire à l’encontre de la société Victoires notaires et associés,
En tout état de cause,
– condamner M. [W] et/ou tout succombant, solidairement, au paiement d’une somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Victoires notaires et associés,
– condamner M. [W] et/ou tout succombant, solidairement, aux entiers dépens d’instance d’appel, avec recouvrement direct, en application des dispositions des articles 696 et suivants du code de procédure civile.
Par dernières écritures du 10 février 2023, la société [J] et associés prie la cour de :
– la juger recevable et bien fondée en ses conclusions,
– déclarer M. [W] irrecevable en sa demande de nullité de la promesse fondée sur les dispositions de l’article L 271-1 du code de la construction et de l’habitation s’agissant d’une demande nouvelle devant la cour,
Sur le fond, statuant à nouveau,
– infirmer le jugement en ce qu’il a retenu la responsabilité de la société [J] et associés pour manquement à son devoir de conseil et d’information,
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a débouté M. [W] de ses demandes à l’encontre de la société [J] et associés,
– rejeter toutes autres demandes,
– débouter Mme [G] de toutes ses demandes subsidiairement et infiniment subsidiaires formées à l’encontre de la société [J] et associés,
– condamner la partie qui succombera au paiement d’une somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la même aux entiers dépens d’instance, avec recouvrement direct, en application de l’article 699 du code de procédure civile.
La cour renvoie aux écritures des parties en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile pour un exposé complet de leur argumentation.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 9 mars 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Le tribunal a jugé qu’aucun manquement à l’obligation pré-contractuelle d’information ne pouvait être retenu à l’encontre de Mme [G], qu’aucune manoeuvre ou réticence dolosive n’était caractérisée, l’information relative à la servitude non aedificandi ayant été donnée par la promettante au moment de la rédaction de la promesse de vente. Il a également jugé qu’aucune erreur n’était démontrée, alors qu’il n’est pas établi que M. [W] aurait fait connaître sa volonté de procéder à des travaux sur le bien ni que la possibilité de ces travaux aurait été déterminante de son consentement.
S’agissant de la réalisation de la condition suspensive d’urbanisme, le tribunal a observé qu’aucune servitude n’avait été révélée postérieurement à la promesse, ni que cette servitude aurait déprécié la valeur du bien de manière importante ou en aurait affecté considérablement l’usage. Le tribunal a noté que le département des Hauts-de-Seine a confirmé, par courrier du 21 juillet 2010 , l’absence de servitude d’alignement s’agissant du bien litigieux, et le 2 août 2017, indiqué que le département avait abandonné tout projet d’agrandissement de la voirie. Il a déduit des différents éléments analysés qu’il ne pouvait être argué de la non réalisation de la condition suspensive.
Le tribunal a condamné M. [W] à payer l’indemnité d’immobilisation, rejeté la demande de dommages-intérêts pour résistance abusive présentée par M. [W] à l’encontre de Mme [G].
Le tribunal a ensuite jugé que les deux notaires avaient commis des manquements dans l’exercice de leurs fonctions, mais a rejeté la demande de dommages-intérêts présentée, au motif que M. [W] ne justifie pas d’un préjudice en lien direct et certain avec ces manquements, ne précisant pas la nature des préjudices subis, ajoutant que, tout au plus, il pourrait faire état comme conséquence directe des manquements retenus d’une perte de chance de ne pas avoir signé la promesse de vente, ou de l’avoir signée à des conditions différentes.
M. [W], qui sollicite l’anéantissement du contrat signé, fonde son appel sur l’exercice du droit de rétractation, subsidiairement sur le manquement à l’obligation précontractuelle d’information, ensuite le dol ou l’erreur, et sur la non réalisation de la condition suspensive, enfin la responsabilité civile de la venderesse et des notaires.
‘ sur l’exercice de la faculté de rétractation
M. [W] sollicite l’anéantissement du contrat, en considérant que le délai de la faculté de rétractation n’a pas pu courir. Il recherche par ailleurs la responsabilité civile des notaires intervenus à l’acte.
* sur la fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de cette demande
Mme [G] conclut à l’irrecevabilité de la demande relative à l’exercice du droit de rétractation, motif pris qu’il s’agit d’une demande nouvelle. L’étude notariale SCP Victoires associés (anciennement la SCP Herbert) et la SCP [J] présentent la même fin de non-recevoir.
En réponse, M. [W] réplique qu’il s’agit, non d’une demande nouvelle, mais d’un moyen nouveau, comme tel recevable, et qui a pour but de voir constater l’anéantissement du contrat.
Sur ce,
C’est à raison que M. [W] soutient que sa demande tendant à voir l’avant-contrat anéanti du fait d’une notification irrégulière de l’avant-contrat n’est pas nouvelle. Il s’agit en effet d’une demande tendant aux mêmes fins, à savoir l’anéantissement rétroactif de la promesse notariée intervenue entre les parties, développée sur un fondement nouveau, à savoir la mise en oeuvre de l’article L271-1 du code de la construction et de l’habitation. En application de l’article 565 du code de procédure civile, une telle prétention n’est pas nouvelle.
La fin de non-recevoir tirée de l’irrecevabilité de cette prétention est écartée.
* sur la validité de la notification
M. [W] affirme que la notification de l’avant contrat est irrégulière en ce qu’elle a été signée par Mme [Z], sa concubine, et non par ses soins, que cette dernière n’était pas partie à l’acte, que les notaires ne se sont pas assurés de la régularité de la notification.
Il affirme également qu’une seconde notification aurait dû être faite lorsque les notaires ont pris connaissance de la servitude litigieuse, que cela n’a pas été fait, de sorte que le délai de rétractation n’a pu courir.
Il en déduit que le délai de rétractation, qui a pour point de départ la date de notification de la promesse, n’a pas commencé à courir. Il affirme avoir exercé son droit de rétractation le 3 juillet 2021 et demande à la cour de constater l’anéantissement de la promesse.
En réponse, Mme [G] fait observer que l’ensemble des actes ont été signés par M. [W] et Mme [Z], de sorte qu’il était légitime de considérer que cette dernière disposait d’un mandat, qu’en toute hypothèse, le courrier de notification est bien parvenu à M. [W], puisqu’il a communiqué la promesse de vente à l’occasion de l’instance et que la faculté de rétractation est rappelée au sein de l’avant-contrat notarié. Elle ajoute que M. [W] a attendu quatre années pour tenter d’exercer son droit de rétractation, alors qu’il avait sollicité l’exécution du contrat, arguant de ses clauses pour tenter de s’en défaire.
Elle prétend que la rétractation du 3 juillet 2021 est inefficace et sans objet, puisque M. [W] avait dès le 26 juillet 2017 sollicité la caducité de la promesse.
Sur ce,
En application de l’article L271-1 du code de la construction et de l’habitation, le délai de rétractation de 10 jours court à compter de la notification ou de la remise du projet d’acte. Cependant, seule une notification régulière fait courir le délai.
Dans la présente espèce, il n’est pas discuté que la lettre recommandée avec accusé de réception adressée à M. [W] aux fins de notification de la promesse signée le 24 mai 2017 a été reçue par sa concubine, Mme [Z], laquelle n’avait pas reçu mandat pour ce faire.
Ce faisant, la notification n’a pas été faite régulièrement. S’il est bien certain que M. [W] a eu connaissance de la promesse notariée, ce dont il ne discute pas, il n’en demeure pas moins qu’il n’a pas pu exercer valablement sa faculté de rétractation. Aucune des parties ne remet en cause le fait que c’est sa concubine seule qui a signé l’accusé de réception de ce courrier, et il n’est pas démontré qu’elle aurait reçu mandat pour le faire. Il sera d’ailleurs observé que la promesse notariée a prévu un paragraphe relatif à ce droit de rétractation, mais se contente de rappeler le principe de ce droit, sans mentionner les modalités pratiques de cette faculté.
L’argument invoqué par les intimés selon lesquels M. [W] aurait sollicité l’application de cette promesse pour finalement prétendre qu’elle serait anéantie ne saurait être opérant. En effet, c’est à la date de la notification de l’acte qu’il convient de se placer pour s’assurer du caractère régulier de cette formalité, sans pouvoir opposer que finalement M. [W] a excipé de la caducité de l’acte pour tenter de s’en défaire. Certes, M. [W] a par la suite argué de la caducité de l’acte au motif de la non levée de l’option par ses soins dans le délai contractuel prévu, sans pour autant que cette attitude ne puisse être considérée comme une renonciation à l’exercice de son droit de rétractation.
L’exercice de sa faculté de rétractation a été fait régulièrement le 3 juillet 2021, certes quatre années après la signature de l’acte préparatoire à la vente, et a pour conséquence l’anéantissement de la vente.
Les parties seront remises dans l’état où elles se trouvaient et les sommes versées par M. [W] à titre d’indemnité d’immobilisation lui seront restituées par Me [J] qui les détient comme séquestre depuis cette date, sans qu’il y ait lieu à assortir cette demande d’intérêts telle que présentée par M. [W]. La demande de Mme [G] tendant à voir condamner M. [W] à lui payer l’indemnité d’immobilisation dans sa totalité est rejetée, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres fondements tendant à la nullité de l’acte.
Le jugement est infirmé.
‘ sur les demandes de dommages-intérêts formées par M. [W] contre Mme [G]
Concluant à la recevabilité de cette demande, déjà formulée devant les premiers juges, M. [W] sollicite l’octroi de dommages-intérêts à la charge de la venderesse, lui reprochant d’avoir commis une faute en ne l’informant pas de l’existence de cette servitude non aedificandi et en ne relevant pas l’absence en annexe de la promesse de son titre de propriété et de la notice d’urbanisme. Il dit avoir subi un préjudice lié à la perte de chance de bénéficier d’une notification régulière et complète à l’issue de la promesse du 24 mai 2017, conforme à ses projets, et/ou de signer une promesse à des conditions plus favorables, enfin de ne pas signer cette promesse et ne pas verser l’indemnité d’immobilisation. Il évoque également les préjudices liés à l’énergie dépensée pour obtenir le caractère définitif de son divorce dans les jours suivants le prononcé de celui-ci, à l’anticipation de son déménagement, au congé donné du logement loué et le temps passé pour organiser le déménagement, au stress extrême induit par la découverte tardive de cette servitude, de l’immense déception provoquée par la nécessité de devoir renoncer à ce projet compte tenu de l’incertitude née de cette découverte. Il souligne également le préjudice matériel né de l’immobilisation de la somme de 62 500 euros chez le notaire. Dans le dernier état de ses écritures, il sollicite une somme de 3 000 euros de dommages-intérêts à la charge de Mme [G].
Mme [G] argue de l’irrecevabilité de cette demande nouvelle en cause d’appel. Elle fait valoir que cette demande n’a pas été présentée en première instance, le manquement à l’obligation d’information allégué l’était au soutien de la demande de nullité de l’acte pour dol, sans qu’il présente alors de mise en cause de la responsabilité délictuelle de Mme [G]. Sur le fond, elle conteste toute faute de sa part, alors qu’il ne lui appartenait pas de vérifier les diligences du notaire et affirme que M. [W] n’avait pas fait connaître son intention d’agrandir le bien acquis. Elle réfute tout lien de causalité entre la faute et le dommage allégué, observant que M. [W] n’a pas cherché à renégocier le prix mais a immédiatement décidé de renoncer à l’acquisition.
Sur ce,
Il est exact que M. [W] avait en première instance sollicité la réparation du préjudice qu’il disait subir du fait du manquement de l’obligation précontractuelle d’information qu’il imputait à Mme [G] et au soutien duquel il demandait également la nullité de l’avant contrat.
En conséquence, cette demande de réparation n’est pas nouvelle. Au dispositif de ses dernières écritures, qui seules saisissent la cour, il sollicite une somme de 3 000 euros de dommages-intérêts à l’encontre de la promettante.
Si Mme [G] n’a pas manqué à ses obligations en ne réagissant pas au fait que le titre de propriété et la notice d’urbanisme de 1984 n’étaient pas annexés à la promesse, aucune obligation de s’assurer des diligences effectuées par le notaire n’étant à sa charge, il est constant et non contesté qu’elle n’a pas pensé pertinent d’informer M. [W] de cette servitude. Elle reconnaît pourtant bien en avoir eu connaissance, arguant avoir considéré que cette situation ne présentait pas d’intérêt particulier, dans la mesure où cette servitude n’était plus d’actualité, le projet d’élargissement de la voie n’étant plus en cours. C’est ainsi qu’elle écrit dans un SMS du 21 juillet 2017, contemporain de la découverte de cette servitude par le notaire assistant M. [W], en réponse à un SMS interrogatif adressé par ce dernier que : ‘ non en effet nous n’avons pas évoqué le sujet, qui n’est pas vraiment récent dans la mesure où lorsque nous avons acheté en 1984 c’était déjà la cas. Ca doit d’ailleurs probablement figurer dans l’acte de propriété qui a été fourni à votre notaire au moment de la promesse. Par moment les notaires se plaisent à être anxiogène [sic]’ Dans ce court message, elle ne prétend pas avoir oublié cette situation et reconnaît n’en avoir pas fait part.
Dans le courrier qu’elle adresse en réponse à M. [W] le 26 juillet suivant, elle ne prétend pas non plus avoir oublié cette servitude, préférant reprocher au notaire de l’acquéreur de ne pas avoir informé celui-ci de l’existence de cette servitude, dont il pouvait prendre connaissance à la lecture des actes transmis au moment de la rédaction de la promesse. C’est seulement le 28 août suivant qu’elle affirme que ‘pour notre part, cette servitude n’est pas un sujet et nous avions même oublié son existence.’
En n’informant pas M. [W] de l’existence de cette servitude antérieurement à la signature de la promesse, Mme [G] a manqué à son obligation d’information. Elle ne peut prétendre avoir rempli son devoir d’information en adressant les éléments nécessaires au notaire, et ne peut se contenter d’affirmer qu’il appartenait à ce dernier d’aviser l’acquéreur de la situation.
Mme [G] était tenue d’informer M. [W] de l’existence de cette servitude, sans pouvoir se libérer de cette obligation en prétendant que ce n’était plus une difficulté.
Elle a ainsi méconnu son devoir d’information, manquement qui a conduit M. [W] à découvrir bien tardivement la charge grevant le bien qu’il projetait d’acquérir, et même dans les derniers jours précédant la réitération de la promesse. Or, cette information était essentielle, contrairement à ce qu’elle prétend, puisqu’elle grevait le bien d’une charge modifiant substantiellement la consistance du bien. En effet, et peu important que M. [W] ait ou non fait part de son intention d’effectuer des travaux d’agrandissement de son bien, l’impossibilité de procéder à de tels travaux du fait de cette charge était susceptible de modifier son consentement. Mme [G] ne peut seulement soutenir qu’il n’établit pas du fait de cette servitude une perte de valeur du bien, alors que le risque de se voir empêché, immédiatement ou à l’avenir, d’effectuer des travaux d’agrandissement déprécie nécessairement la valeur du bien.
Il n’est pas exact de prétendre que la connaissance de cette charge était sans importance, au motif que M. [W] n’avait pas fait de la possibilité d’effectuer des travaux une condition de son consentement. La découverte à quelques jours de la réitération de la vente de cette servitude portant atteinte au droit de propriété constitue un préjudice directement causé par ce manquement à l’obligation d’information, et ce peu important à ce stade que Mme [G] ait délibérément dissimulé la situation ou omis de la signaler sans réaliser l’importance que revêtait cette information.
En revanche, l’absence de notification régulière de l’avant contrat n’est pas imputable à Mme [G] et aucune faute ne peut lui être reprochée à ce titre, seuls les notaires étant tenus de s’assurer des conditions de mise en oeuvre de la faculté de rétractation ouverte au bénéficiaire de la promesse.
Le bouleversement des projets de M. [W] à quelques jours de la réitération de la vente, les tracas nécessairement induits par la découverte de cette situation, le choix de renoncer à la vente du fait de l’incertitude que faisait naître cette information quant aux possibilités d’agrandir le bien sont autant de conséquences directement causées par ce manquement de Mme [G]. A cela s’ajoute le refus obstiné de Mme [G] de prendre en compte l’importance de cette découverte tardive et de s’opposer avec fermeté et entêtement à restituer les fonds séquestrés entre les mains du notaire, cette immobilisation ayant indéniablement ajouté un préjudice matériel.
Ce préjudice sera réparé par l’octroi de la somme de 3 000 euros telle que réclamée par M. [W], que Mme [G] est condamnée à lui payer.
‘ sur la demande de dommages-intérêts formée par M. [W] contre les notaires
M. [W], qui sollicite la condamnation in solidum des deux notaires à lui payer une somme de 27 000 euros, impute à faute à ces derniers l’irrégularité de la première notification de la promesse, l’absence de seconde notification de son avenant et fait valoir que chacune des études se devait de lire les documents reçus, d’éclairer les parties, de s’assurer de la validité de l’acte instrumenté. Il leur reproche également de n’avoir pas pris l’initiative de rédiger un avenant mentionnant l’existence de la servitude non aedificandi, comportant en annexe le titre de propriété et sa notice de renseignement d’urbanisme pour faire courir à son profit un nouveau délai de rétractation. Il observe que le lien de causalité entre la défaillance des notaires et les préjudices qu’il subit est établi, et ne saurait être rompu au motif que Mme [G] a également contribué à ces préjudices, soulignant que la lecture des actes aurait permis d’éviter cette situation.
Me [J] conteste tout manquement de sa part, affirmant que Mme [G] s’est gardée de l’aviser de l’existence de cette servitude et que la promesse a été rédigée en considérant les informations délivrées par cette dernière. Il affirme que certaines vérifications, notamment l’existence ou non de servitudes, doivent avoir lieu dans l’intervalle prévu entre la promesse et la rédaction de l’acte définitif de vente, l’avant-contrat permettant de fixer l’accord des parties sur la chose et sur le prix.
La SCP Herbert affirme avoir parfaitement satisfait à ses obligations professionnelles à l’occasion de la notification de la promesse de vente, soutenant que M. [W] a reçu notification de la promesse notariée rédigée par ses soins avec la participation de Me [J] assistant l’acquéreur et que ce dernier n’a formulé aucune observation quant aux pièces annexées. Elle ajoute qu’aucune obligation ne lui était faite d’annexer à la promesse les titres antérieurs et qu’après la signature de cette promesse, la note d’urbanisme a révélé l’existence d’une servitude non aedificandi, la promettante ayant quant à elle indiqué, que cette servitude d’urbanisme existait depuis longtemps, mais que la commune de [Localité 11] lui avait appris que le projet d’élargissement de la voirie avait été abandonné. Elle fait savoir cependant que cette information n’étant cependant nullement confirmée en l’absence de modification du PLU, et compte tenu de la mention de cette servitude sur la note d’urbanisme. Elle estime ensuite que M. [W] ne peut prétendre qu’une nouvelle notification aurait dû être faite, alors qu’il a renoncé immédiatement à la vente.
Elle conteste tout préjudice en lien avec son intervention, le manquement étant en réalité essentiellement celui commis par le vendeur qui a délibérément violé son obligation d’information. Elle observe que la somme séquestrée est entre ses mains en application des accords contractuels et est consécutive au refus de Mme [G] de s’opposer à cette restitution.
Sur ce,
La demande de dommages-intérêts formée par M. [W] à l’encontre des notaires est fondée sur l’article 1240 du code civil, et suppose la preuve d’une faute, d’un dommage et d’un lien de causalité entre les deux.
Il est établi que la notification de l’avant-contrat a été reçue par Mme [Z], laquelle n’avait pas mandat pour recevoir cette notification. L’absence de vérification par le notaire de cette situation constitue une faute. Cependant, il est certain que le titre de propriété n’avait pas à être joint à l’avant-contrat objet de la notification, de sorte que M. [W] n’aurait pas pris connaissance de l’existence de la servitude si la notification faite avait été régulière. Il n’existe donc aucun lien entre la faute et le préjudice qu’il subit né du fait d’une information reçue tardivement.
Il est également exact que M. [W] a aussitôt fait connaître sa décision de ne pas réitérer la vente, de sorte que les notaires n’ont pas eu à envisager de procéder à la rédaction d’un avenant, qui eut en toute hypothèse supposé l’accord des deux parties, ni à la notification de celui-ci pour faire courir un nouveau délai de rétractation. Ainsi, s’il peut être considéré comme fautif de la part des notaires de n’avoir pas examiné la pertinence de rédiger un tel avenant, il n’en demeure pas moins qu’aucun préjudice n’a été causé à M. [W] de ce fait, compte tenu de sa décision de renoncer à l’acquisition du bien prise dans les jours suivants la découverte.
Enfin, il est certain que l’immobilisation de la somme séquestrée entre les mains de la SCP Herbert depuis la signature de la promesse n’est pas le fait des notaires, mais la conséquence de l’accord pris entre les parties à la date de la signature de l’avant-contrat, puis du refus persistant de Mme [G] de restituer ladite somme au bénéficiaire de la promesse.
La demande de réparation présentée par M. [W], dont il convient de rappeler qu’il obtient la restitution des sommes immobilisées, est rejetée, en l’absence de démonstration d’un préjudice autre que celui né de l’immobilisation de ces sommes et causé par les manquements des notaires.
‘ sur la demande de dommages-intérêts présentée par Mme [G] à l’encontre des notaires
Mme [G] reproche aux notaires de n’avoir pas vérifié la validité des actes et affirme qu’ils ont commis une faute en ne contrôlant pas l’existence d’une servitude, alors qu’ils disposaient des titres pour procéder à cette vérification. Elle estime que cette faute doit être réparée, si elle entraîne la perte de l’indemnité d’immobilisation. Elle affirme que son préjudice s’élève à 135 000 euros, qui correspond à la baisse de prix qu’elle a été contrainte de consentir et que les notaires devront prendre en charge ce préjudice, arguant de ce que cette baisse de prix n’est pas consécutive à la servitude mais à la pression subie par Mme [G], pressée par sa banque de procéder à la vente de son bien au plus vite. Elle relève de plus que si les bénéficiaires, mieux informés, n’avaient pas contracté, aucune immobilisation du bien n’aurait eu cours, et que cette immobilisation résulte bien de la faute des notaires.
Elle ajoute qu’en ne prenant pas connaissance du titre et de ses annexes transmis, les notaires n’ont pas adapté la condition suspensive relative à l’urbanisme à la situation, et ont permis la réalisation du dommage, de sorte que la non-perception de l’indemnité est bien le fait des notaires.
La SCP Herbert conteste toute faute de sa part au stade de la rédaction de la promesse de vente, rappelant que les vérifications relatives à la situation administrative et d’urbanisme du bien immobilier devaient être effectuées après la signature de la promesse de vente et préalablement à la signature de l’acte authentique. Elle ajoute que la délivrance du dossier d’urbanisme qu’il lui appartenait de solliciter auprès du service d’urbanisme de la ville, est seule de nature à révéler ou confirmer l’existence de prescriptions administratives particulières, dont l’existence d’urbanisme. Elle rappelle que la promesse est régularisée sous la condition suspensive portant sur tout élément susceptible d’être révélé ou confirmé par les documents administratifs et que cet avant-contrat a pour but de sceller l’accord entre les parties et éviter qu’un tiers ne puisse faire l’acquisition de cet immeuble.
Elle conteste que le paiement de l’indemnité d’immobilisation soit mis à sa charge, ni à titre d’indemnité d’immobilisation ni à titre de dommages-intérêts, et fait valoir que si la cour considérait que l’existence de la servitude révélée par la note de renseignement d’urbanisme était un élément essentiel justifiant que les acquéreurs se prévalent de la condition suspensive ou qu’ils décident de ne pas lever l’option, l’absence de versement de cette indemnité d’immobilisation au vendeur ne serait pas un préjudice indemnisable mais seulement l’application des stipulations contractuelles. Elle relève que si l’existence de cette servitude avait été découverte par M. [W] avant la signature, ce dernier n’aurait pas contracté, de sorte que Mme [G] n’aurait pas eu vocation à recevoir la moindre somme. Elle ajoute que la promettante ne pas plus prétendre subir un préjudice né de la minoration du prix de vente, qui n’est pas lié à l’intervention du notaire mais est seulement consécutive à la réelle valeur du bien.
Me [J] affirme pour sa part que l’acte a été signé sous condition suspensive de ce que pourront révéler les renseignements d’urbanisme, ce qui a été accepté par Mme [G] restée complètement taisante. Il rappelle que Mme [G] n’a jamais évoqué l’existence de cette servitude, et que la vérification qu’il lui incombait de faire avant la réitération a bien été faite. Il estime que si cette servitude a bien existé, il est avéré par les services du département au vu du nouveau PLU que les parcelles litigieuses ne sont pas frappées d’alignement, établissant ainsi que M. [W] a cherché à se délier de cette promesse. Il affirme que la situation provient du silence de Mme [G], qui informée de la servitude, a choisi de n’en pas parler au motif qu’elle ne l’estimait plus d’actualité, et du fait que M. [W] n’a pas signalé son projet de construction comme déterminant de son consentement.
Sur ce,
S’il est certain que la vérification de la situation au regard des règles de l’urbanisme devait être faite par les notaires dans la période précédant la réitération de l’acte de vente, il n’en demeure pas moins que la remise par Mme [G] de l’acte de propriété antérieur aurait, s’il avait été examiné avec le soin nécessaire, conduit les notaires à s’apercevoir de l’existence de cette servitude à tout le moins avant la signature de l’avant-contrat, et à rédiger une clause plus appropriée, et moins générale que celle insérée à cet acte.
Il est cependant évident que la découverte de cette servitude par M. [W] après la signature de la promesse n’a pas eu d’autre conséquence que la réaction qu’il aurait indubitablement adoptée s’il avait été informé de cette situation avant la signature de la promesse. En effet, il est certain que l’existence de cette servitude a immédiatement suscité une réaction de prudence de M. [W], qui, non rassuré par les quelques éléments communiqués, a immédiatement fait connaître qu’il renonçait à cette vente.
Ainsi, la faute des notaires est sans lien causal avec le préjudice qu’elle dit subir du fait de l’absence de versement à son profit de l’indemnité d’immobilisation. Il sera rappelé en effet que cette somme est restituée à M. [W] du fait de l’anéantissement de la vente, et que même dans l’hypothèse où la notification de l’avant contrat avait été régulièrement faite, la découverte de cette servitude, dont il ne peut être considéré qu’elle n’a plus cours en l’absence de modification du PLU et de ce qu’elle figure toujours sur les documents d’urbanisme, aurait conduit à dire que la condition suspensive n’était pas réalisée, sans faute de M. [W].
Il sera rappelé de surcroît que cette situation résulte également du silence qu’elle a adopté, dans le but de dissimuler la situation ou par omission fautive, et que l’absence d’information relative à l’existence de cette servitude à l’occasion de la préparation de la promesse a conduit M. [W] à signer celle-ci sans réserve, conduisant de fait à l’immobilisation du bien jusqu’à la caducité de la promesse. C’est ainsi pour grande partie au motif du silence de la promettante que le bien a été immobilisé un temps, entraînant donc un retard à la réalisation de la vente, l’entier processus ayant dû être recommencé avec un autre acquéreur candidat à la vente. C’est ce délai qui est à l’origine du refus de la banque de proroger plus encore les facilités accordées dans l’attente de la vente du bien immobilier litigieux, imposant ainsi à Mme [G] de procéder à la vente du bien dans les meilleurs délais.
Si les notaires ont assurément été négligents en ne s’assurant pas des sujétions particulières susceptibles de grever le bien à vendre à la réception du titre de propriété de Mme [G], aucun lien de causalité n’est établi entre cette faute et la non-perception de l’indemnité d’immobilisation ou la baisse du prix de vente. De surcroît, le préjudice indemnisable par les notaires ne peut consister qu’en une perte de chance au titre de dommages-intérêts, et non en la somme contractuellement fixée entre les parties à l’acte de vente.
La demande de Mme [G] sera rejetée.
‘ sur les autres demandes
Le jugement est infirmé en ses dispositions statuant sur les dépens et l’indemnité de procédure.
Mme [G] est condamnée à payer à M. [W] la somme de 5 000 euros d’indemnité de procédure. La demande présentée par chacun des notaires à l’encontre de Mme [G] est rejetée, en considération des fautes commises par ces derniers.
Mme [G] est également condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, par les avocats de la cause chacun pour ce qui le concerne.
PAR CES MOTIFS,
La cour,
Infirme le jugement entrepris sauf en ce qu’il a :
– mis hors de cause M. [G] et l’agence immobilière de [Localité 10],
– déclaré irrecevables les demandes formées par Mme [Z] en l’absence de qualité pour agir,
– déclare irrecevable la demande de Mme [G] s’agissant de la nullité de l’assignation,
Statuant à nouveau,
Rejette les fins de non-recevoir tirées de l’irrecevabilité pour demandes nouvelles,
Dit que le délai de rétractation n’a pas couru régulièrement, et constate en conséquence l’anéantissement de la promesse signée entre Mme [G] et M. [W] le 24 mai 2017,
Ordonne en conséquence la restitution à M. [W] de l’indemnité d’immobilisation pour un montant de 62 500 euros séquestrée entre les mains de Me [J] et associés, dans les 15 jours suivant la signification du présent arrêt,
Condamne Mme [G] à payer à M. [W] une somme de 3 000 euros
Rejette la demande de dommages-intérêts de M. [W] présentée à l’encontre de la SCP Herbert et de Me [J],
Rejette la demande de dommages-intérêts de Mme [G] à l’encontre de la SCP Herbert et de Me [J],
Condamne Mme [G] à payer à M. [W] la somme de 5 000 euros d’indemnité de procédure,
Rejette la demande présentée par la SCP Herbert et Me [J] d’indemnité de procédure,
Condamne Mme [G] aux dépens de première instance et d’appel, qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, par les avocats de la cause chacun pour ce qui le concerne.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Madame PERRET, Président, et par Madame FOULON, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,