N° RG 21/03715 – N° Portalis DBVM-V-B7F-LANF
C2
N° Minute :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Johanna ABAD
la SELARL LEXWAY AVOCATS
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE GRENOBLE
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU MARDI 13 SEPTEMBRE 2022
Appel d’une décision (N° RG 20/02683)
rendue par le Juge des contentieux de la protection de Grenoble
en date du 01 juillet 2021
suivant déclaration d’appel du 24 août 2021
APPELANTS :
Mme [C] [I] épouse [V]
née le 16 janvier 1970 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
M. [R] [V]
né le 17 octobre 1970 à [Localité 7]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentés par Me Johanna ABAD, avocat au barreau de GRENOBLE
INTIMEES :
LA SOCIETE FRANFINANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 5]
représentée par Me Philippe LAURENT de la SELARL LEXWAY AVOCATS, avocat au barreau de GRENOBLE et par Me Alexandre SPINELLA, avocat au barreau de GRENOBLE
LA SOCIETE IC GROUPE (anciennement dénommée IMMO CONFORT) Prise en la personne de LA SELAS ALLIANCE MISSION CONDUITE représentée par Maître [B] [G] » Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « société IC GROUP (anciennement dénommée IMMO CONFORT)’ désigné selon jugement du Tribunal de commerce de NANTERRE en date du 13 décembre 2018 ouvrant une procédure de liquidation judiciaire à son encontre.
[Adresse 2]
[Localité 6]
non représentée
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Hélène COMBES, Président de chambre,
Mme Joëlle BLATRY, Conseiller,
M. Laurent GRAVA, Conseiller,
DÉBATS :
A l’audience publique du 28 juin 2022 Madame BLATRY Conseiller chargé du rapport, assistée de Mme Anne BUREL, Greffier, a entendu les avocats en leurs observations, les parties ne s’y étant pas opposées conformément aux dispositions des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile.
Elle en a rendu compte à la Cour dans son délibéré et l’arrêt a été rendu ce jour.
FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES
Dans le cadre d’une vente hors établissement par un représentant de la société Immo Confort, les époux [C] [I] / [R] [V] ont, suivant bon de commande du 3 avril 2017, contracté avec cette société pour la fourniture et la pose d’une centrale photovoltaïque, moyennant le prix de 22.900,00€.
Le même jour, Monsieur et Madame [V] ont accepté une offre préalable de crédit affecté de la société Franfinance pour le même montant en capital.
Suivant exploits d’huissier du 23 juin 2020, les époux [V] ont fait citer les sociétés Franfinance et SELAS Alliance en qualité de liquidateur judiciaire de la société Immo Confort en annulation des contrats de vente et de crédit ou, à défaut, en résolution.
Par jugement du 1er juillet 2021, le tribunal judiciaire de Grenoble a :
débouté les époux [V] de l’ensemble de leurs prétentions,
dit n’y avoir lieu à indemnité de procédure et à exécution provisoire,
condamné les époux [V] à supporter les dépens.
Suivant déclaration du 24 août 2021, les époux [V] ont relevé appel de cette décision.
Par conclusions récapitulatives du 21 avril 2022, Monsieur et Madame [V] demandent à la cour d’infirmer le jugement déféré et de :
1) à titre principal,
prononcer la nullité du contrat conclu avec la société Immo Confort,
prononcer la nullité consécutive du contrat de crédit,
les décharger de la restitution du capital emprunté auprès de la société Franfinance,
condamner la société Franfinance à leur restituer la somme de 6.882,00€ arrêtée au 12 novembre 2019 au titre des mensualités par eux acquittées, à parfaire au regard des sommes réglées ultérieurement,
si la faute du prêteur n’était pas retenue, fixer leur créance au passif de la société Immo Confort à la somme de 22.900,00€ et priver rétroactivement la banque de son droit aux intérêts,
fixer leur créance à la somme de 3.600,00€ au passif de la société Immo Confort au titre des frais de dépose et remise en état,
2) subsidiairement,
prononcer la résolution du contrat conclu avec la société Immo Confort,
prononcer la résolution consécutive du contrat de crédit,
les décharger de la restitution du capital emprunté auprès de la société Franfinance,
condamner la société Franfinance à leur restituer la somme de 6.882,00€ arrêtée au 12 novembre 2019 au titre des mensualités par eux acquittées, à parfaire au regard des sommes réglées ultérieurement,
si la faute du prêteur n’était pas retenue, fixer leur créance au passif de la société Immo Confort à la somme de 22.900,00€ et priver rétroactivement la banque de son droit aux intérêts,
fixer leur créance à la somme de 3.600,00€ au passif de la société Immo Confort au titre des frais de dépose et remise en état,
3) très subsidiairement, priver la société Franfinance de son droit aux intérêts pour octroi d’un crédit abusif,
4) en toutes hypothèses, condamner solidairement les sociétés Franfinance et SELAS Alliance ès qualités à leur payer une indemnité de procédure de 3.000,00€.
Ils expliquent que :
le contrat de vente, insuffisamment précis, est contraire aux dispositions du code de la consommation,
certaines caractéristiques essentielles sont omises,
le tribunal a estimé que la facture complétait le bon de commande, ce qui est un dévoiement des dispositions protectrices du code de la consommation,
le délai d’exécution est imprécis,
il n’est pas fait mention de la possibilité de recourir à un médiateur,
les informations relatives au droit de rétractation sont insuffisantes,
le bénéfice de la garantie décennale est omis,
la police du contrat est illisible,
le ballon thermodynamique n’a pas été installé,
l’installation présente des dysfonctionnements du fait de la très faible production d’électricité,
deux panneaux sont situés derrière une cheminée et le raccordement n’est pas conforme,
les contrats de vente et de crédit encourent l’annulation,
à défaut, la gravité des inexécutions justifie la résolution des contrats de vente et de crédit,
la société Franfinance a commis diverses fautes la privant de son droit à restitution du capital emprunté,
la banque a débloqué les fonds illégalement alors qu’aucune déclaration préalable d’urbanisme n’avait été déposée et sans que le ballon thermodynamique n’ait été installé,
l’attestation de livraison ne vaut pas attestation de fin de travaux,
la banque a également commis des manquements dans le contrôle du contrat principal,
s’agissant de travaux de construction, il convenait de mettre en ‘uvre un contrat de crédit immobilier,
ils ont été privés des dispositions protectrices s’y rattachant,
la banque a manqué de vigilance dans le choix de son partenaire commercial.
Au dernier état de ses écritures du 3 février 2022, la société Franfinance demande à la cour de :
1) à titre principal, confirmer le jugement déféré,
2) subsidiairement si la nullité du contrat de crédit était prononcée, dire qu’elle n’a commis aucune faute et condamner les époux [V] à lui restituer le capital emprunté,
3) en tout état de cause, condamner les époux [V] à lui payer une indemnité de procédure de 1.500,00€.
Elle expose que :
elle s’en remet à la sagesse de la cour sur la régularité du bon de commande,
elle n’a commis aucune faute dans le déblocage des fonds au regard de l’attestation de livraison et de l’attestation du contrat EDF du 5 avril 2017.
La SELAS Alliance en qualité de liquidateur judiciaire de la société Immo Confort, citée le 10 novembre 2022 à personne habilitée, n’a pas constitué avocat.
La décurion sera réputée contradictoire.
La clôture de la procédure est intervenue le 24 mai 2022.
SUR CE
1/ sur l’annulation des contrats de vente et de crédit
Il n’est pas contesté que Monsieur et Madame [V] ont été démarchés pour la conclusion du contrat principal de fournitures et pose et du contrat de crédit subséquent qui s’est réalisée « hors établissement ».
Ainsi, les dispositions du code de la consommation sur le démarchage à domicile sont applicables.
L’article L111-1 du code de la consommation dans sa version applicable au 1er juillet 2016 énumère les mentions que le contrat de vente doit comporter à peine de nullité conformément à l’article L242-1 de ce code en vigueur à partir de la même date.
L’article L221-5 du même code instauré par la même ordonnance prévoit une information pré-contractuelle.
A titre liminaire et contrairement à ce qu’a retenu le tribunal, il sera observé que seul le bon de commande doit être examiné puisque les consentements des parties se rencontrent lors de sa signature et que sa régularité ne doit pas être appréciée au regard de la facture établie postérieurement alors que la vente a déjà été conclue.
En l’espèce, le contrat principal conclu avec la société Immo Confort est en contravention avec :
le premier alinéa de ces dispositions, compte tenu du défaut de précision sur la marque au regard de la mention « ou équivalent », de même pour la puissance de l’installation, de l’indication de deux marques différentes pour le ballon thermodynamique et du défaut des caractéristiques complètes (dimensions et poids) des panneaux photovoltaïques, du défaut d’indication du mode de pose par intégration ou par superposition,
le troisième alinéa sur les délais de livraison, la mention de « 2 à 8 semaines » n’étant pas suffisamment précise,
le quatrième alinéa sur l’identité complète du démarcheur manquante,
le cinquième alinéa sur les garanties légales manquantes,
le sixième alinéa au regard du défaut de mention de la possibilité de recourir à un médiateur.
Concernant la faculté de rétractation, le contrat comporte la mauvaise codification, à savoir L 121-17 à L 121-21 au lieu de L221-18 du code de la consommation.
La sanction de ce défaut d’information est la prolongation du délai du droit de rétraction de 12 mois à l’expiration du délai prévu par les dispositions précédentes.
D’une manière générale, les autres textes ne sont pas visés dans la version applicable à l’année 2017, date de la conclusion du contrat, ce qui ne permet pas au consommateur d’être pleinement informé.
En outre, la société Immo Confort ne démontre pas avoir satisfait à son obligation d’information pré-contractuelle.
La violation du formalisme prescrit par les articles L 111-1 et suivants du code de la consommation a pour finalité la protection des intérêts de l’acquéreur démarché et est sanctionnée par une nullité relative, à laquelle celui-ci peut renoncer par une exécution volontaire de son engagement irrégulier.
La renonciation à se prévaloir de la nullité du contrat par son exécution doit être caractérisée par la connaissance préalable de la violation des dispositions destinées à le protéger.
En l’espèce, il n’est nullement démontré que Monsieur et Madame [V], consommateurs profanes, aient eu conscience, lors de la signature des contrats et de l’attestation de livraison des biens, des irrégularités les entachant, d’autant plus que les textes devant être intégralement repris dans le contrat de vente sont inexacts.
En conséquence, c’est à tort que le tribunal a refusé d’annuler le contrat principal conclu avec la société Immo Confort.
Le jugement sera infirmé sur ce point et le contrat principal annulé pour violation des dispositions susvisées du code de la consommation.
Les contrats de vente et de crédit étant, aux termes l’article L312-55 du code de la consommation issu de l’article L311-32, interdépendants, et le prêteur étant à la procédure, l’annulation du contrat principal entraîne l’annulation du contrat de prêt subséquent.
Il y a lieu en conséquence d’annuler le contrat conclu avec la société Franfinance.
Le jugement déféré sera également infirmé sur ce point.
2/ sur la demande en paiement de la société Franfinance
L’annulation d’un contrat de prêt emporte l’obligation pour l’emprunteur de rembourser au prêteur le capital prêté, sauf à démontrer le déblocage fautif des fonds par l’organisme financier et sous réserve de la justification d’un préjudice pour l’emprunteur.
Pour justifier le déblocage des fonds, la banque se prévaut d’une fiche de livraison du 27 avril 2017 laquelle comme sa dénomination l’indique ne vise pas l’installation de la centrale photovoltaïque et du ballon thermodynamique.
Il est d’ailleurs établi en pièce 4 des époux [V] que l’installation n’a été raccordée qu’en août 2017, soit postérieurement au déblocage des fonds du 10 mai 2017.
Le déblocage des fonds a donc été prématuré.
Par ailleurs, le prêteur n’a communiqué aucun justificatif de la fiche d’informations pré-contractuelles imposée par l’article L 312-12 du code de la consommation, ni la preuve de la délivrance d’explications pertinentes et personnalisées visée à l’article L 312-14, ni la démonstration de la transmission de la notice d’assurance visée à l’article L312-29, ni enfin, la preuve de la consultation du FICP imposée par l’article L312-6 du code de la consommation.
De surcroît, la banque, en s’abstenant de procéder aux vérifications nécessaires auprès du vendeur et de l’emprunteur, ce qui aurait permis de constater la méconnaissance des dispositions du code de la consommation sur le démarchage à domicile et que les contrats étaient affectés d’une cause de nullité, a commis une autre faute.
Ainsi, la banque a commis de multiples fautes de nature à la priver du remboursement du capital emprunté.
Les époux [V] justifient en pièce 7 que l’installation photovoltaïque n’est pas raccordée correctement et que 2 panneaux photovoltaïques sont placés derrière la cheminée laquelle projete une ombre portée sur eux, ce qui impacte à la baisse la production d’électricité.
Ils se retrouvent donc avec une installation peu performante, annulée juridiquement, sans recours contre le vendeur mis en liquidation judiciaire et un financement sur 12 années avec des intérêts d’un montant conséquent de 6.412,40€.
Par voie de conséquence, au regard des fautes de la banque et du préjudice des époux [V], il convient de débouter la société Franfinance de sa demande en restitution du capital emprunté et de la condamner à restituer à Monsieur et Madame [V] les échéances du prêt acquittées par eux.
Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.
3/ sur la demande au titre de l’enlèvement de la centrale et de la remise en état de la toiture
En l’absence de démonstration d’une déclaration de créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Immo Confort, il convient de débouter Monsieur et Madame [V] de leur demande en inscription au passif de la société liquidée la somme de 3.600,00€ au titre des frais d’enlèvement et de remise en état.
4/ sur les mesures accessoires
L’équité justifie de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au seul bénéfice des époux [V].
Enfin, les entiers dépens de la procédure seront supportés par la société Franfinance.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire,
Infirme le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
Prononce la nullité du contrat de vente conclu entre la société Immo Confort et les époux [C] [I] / [R] [V] le 3 avril 2017,
Prononce la nullité du contrat de crédit conclu entre la société Franfinance et les époux [C] [I] / [R] [V] le 3 avril 2017,
Déboute la société Franfinance de sa demande en remboursement du capital emprunté,
Condamne la société Franfinance à rembourser à Monsieur [R] [V] et Madame [C] [I] épouse [V] la somme de 6.882,00€ arrêtée au 12 novembre 2019 au titre des mensualités par eux acquittées, outre les sommes réglées ultérieurement à ce titre,
Rejette la demande de Monsieur [R] [V] et Madame [C] [I] épouse [V] en fixation au passif de la société Immo Confort,
Condamne la société Franfinance à payer à Monsieur [R] [V] et Madame [C] [I] épouse [V], unis d’intérêts, la somme de 2.000,00€ par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne la société Franfinance à supporter les dépens tant de première instance qu’en cause d’appel sans application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001.
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
Signé par Madame BLATRY, faisant fonction de président, et par Madame BUREL, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT