Droit de rétractation : Décision du 14 septembre 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/00577

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Droit de rétractation : Décision du 14 septembre 2022 Cour d’appel de Toulouse RG n° 21/00577

14/09/2022

ARRÊT N°313

N° RG 21/00577 – N° Portalis DBVI-V-B7F-N6YG

PB/CO

Décision déférée du 11 Janvier 2021 – TJ à compétence commerciale de SAINT GAUDENS ( 20/00129)

M.[H]

S.A. CREATIS

C/

[M] [R] épouse [C]

[U] [C]

infirmation

Grosse délivrée

le

à

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

***

COUR D’APPEL DE TOULOUSE

2ème chambre

***

ARRÊT DU QUATORZE SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

***

APPELANTE

S.A. CREATIS agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux, domicilies en cette qualité audit siége.

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Jérôme MARFAING-DIDIER de la SELARL SELARL DECKER, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMES

Madame [M] [R] épouse [C]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Monsieur [U] [C]

[Adresse 2]

[Localité 1]

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Mars 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant P. BALISTA, Conseiller, chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

V. SALMERON, présidente

P. BALISTA, conseiller

I. MARTIN DE LA MOUTTE, conseiller

Greffier, lors des débats : C. OULIE

ARRET :

– défaut

– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties

– signé par V. SALMERON, présidente et par A. CAVAN, greffier de chambre

EXPOSE DU LITIGE

M. [U] [C] et Mme [M] [R] épouse [C] ont souscrit, suivant offre préalable acceptée le 10 octobre 2017, un prêt personnel d’un montant de 24700 €, remboursable en 120 mensualités au taux débiteur annuel de 4,24 % l’an.

À la suite d’impayés, la déchéance du terme du crédit a été prononcée.

Par acte en date du 7 juillet 2020, la Sa Creatis a fait assigner devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Gaudens M. [U] [C] et Mme [M] [R] épouse [C] en paiement, solidairement et sous exécution provisoire, des sommes de :

-26468,01 €, au titre des sommes restant dues sur le crédit, dont 1200,22 € au titre des intérêts arrêtés au 15 janvier 2020, 409,92 € au titre de cotisations d’assurance et 1841,32 € d’indemnité légale, outre intérêts au taux de 4,24 % l’an à compter du 15 janvier 2020,

-500 € à titre de dommages et intérêts outre 600 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

M. [U] [C] et Mme [M] [R] épouse [C], assignés à personne, n’ont pas comparu en première instance.

Par jugement du 11 janvier 2021, après avoir soulevé d’office la déchéance du droit aux intérêts et invité la banque à faire des observations, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Saint-Gaudens a:

-prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la Sa Creatis au titre du prêt souscrit par Monsieur [U] [C] et Madame [M] [C] née [R], le 10 octobre 2017, à compter de cette date ;

-condamné solidairement Monsieur [U] [C] et Madame [M] [C] née [R] à payer à la Sa Creatis la somme de 21033,43 € au titre du contrat de crédit du 10 octobre 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 22 août 2019 ;

-dit que cette somme produira intérêts au taux légal sans majoration de cinq points ;

-débouté la Sa Creatis de sa demande d’indemnité au titre de la clause pénale ;

-débouté la Sa Creatis de sa demande de dommages et intérêts ;

-condamné in solidum Monsieur [U] [C] et Madame [M] [C] née [R] aux dépens ;

-dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile ;

-rappelé que la présente décision est de plein droit exécutoire à titre provisoire ;

-débouté les parties de toute demande plus ample ou contraire.

La Sa Creatis a interjeté appel par déclaration du 5 février 2021.

Par conclusions notifiées par RPVA le 13 avril 2021, auxquelles il est fait référence pour un exposé complet des prétentions, la Sa Creatis a demandé à la cour de :

-réformer le jugement du 11 janvier 2021 numéro RG 20/000129 en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, limité la condamnation solidaire de Monsieur [U] [C] et Madame [M] [C] née [R] à la somme de 21033,43 € au titre du contrat de crédit du 10 octobre 2017, avec intérêts au taux légal à compter du 22 août 2019, dit que cette somme produira intérêts au taux légal sans majoration de 5 points, débouté la Sa Creatis de sa demande d’indemnité au titre de la cause pénale, débouté la Sa Creatis de sa demande de dommages et intérêts et dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile;

-statuant à nouveau :

-condamner solidairement Monsieur [U] [C] et Madame [M] [C] née [R] à payer sans délai la somme principale de 26468,01 € majorée des intérêts au taux de 4,240 % depuis l’arrêté de compte du 15 janvier 2020, la somme de 500 € au titre de dommages et intérêts, la somme de 1000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

-condamner solidairement Monsieur [U] [C] et Madame [M] [C] née [R] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Jérôme Marfaing Didier, avocat, sur son affirmation de droit.

M. [U] [C] et Madame [M] [R] épouse [C] sont défaillants en appel.

La déclaration d’appel a été signifiée à la personne de M. [C] le 01 avril 2021 et à étude d’huissier le même jour pour Mme [C].

Les conclusions leur ont été signifiées le 20 avril 2020, à étude d’huissier.

La clôture est intervenue le 14 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION

La déchéance du droit aux intérêts a été prononcée d’office par le juge en raison de l’absence de formulaire de rétractation dans l’exemplaire de l’offre préalable de crédit fournie par le prêteur lequel a fait valoir en réponse que l’exemplaire emprunteur de l’offre préalable comportait bien un tel bordereau de rétractation et que les emprunteurs avaient reconnu, par une mention contractuelle située au dessus de leur signature, être en possession d’un tel formulaire.

Au visa des articles L 312-19, L 312-21 et L 341-4 du Code de la consommation, dans leur rédaction applicable à la date de souscription du crédit, pour permettre à l’emprunteur d’exercer son droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit, le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat comportant un tel formulaire étant déchu du droit aux intérêts.

Par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 32).

La signature par l’emprunteur de l’offre préalable comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires (Civ 1° 21 octobre 2020 pourvoi n° 19-18.971).

En l’espèce, le contrat de crédit produit est dépourvu de formulaire détachable de rétractation mais comporte une mention au dessus de la signature des emprunteurs selon laquelle ces derniers reconnaissent «’rester en possession d’un exemplaire de ce contrat de crédit doté d’un formulaire détachable de rétractation’».

Cette mention constitue un indice de remise d’un tel formulaire qu’il incombe au prêteur de compléter.

Le premier juge a considéré :

-que l’article L 312-18 du Code de la consommation imposait d’établir l’offre en autant d’exemplaires que de parties de sorte qu’il y avait lieu de présumer que l’offre remise aux emprunteurs était conforme à celle du prêteur, dépourvue de formulaire de rétractation,

-qu’en arguant de la présence du formulaire sur le seul exemplaire remis à l’emprunteur, le prêteur reconnaissait que l’exemplaire de l’emprunteur ne constituait pas une reproduction fidèle de l’original de l’offre, en contravention avec les dispositions précitées,

-que la remise d’un formulaire de rétractation, mentionnée dans l’offre de crédit signée, ne permettait nullement de déduire la conformité de ce formulaire avec le modèle type figurant en annexe du Code de la consommation, comme prévu à l’article R 312-19 de ce code et de s’assurer qu’il ne comportait au verso aucune autre mention que le nom et l’adresse du prêteur.

L’article L 312-21 du Code de la consommation n’impose la présence d’un formulaire détachable que dans l’exemplaire du contrat fourni à l’emprunteur, aucune disposition n’exigeant la présence d’un tel formulaire, qui n’a d’intérêt que pour l’emprunteur, dans l’exemplaire conservé par la banque.

Il ne peut en conséquence être tiré aucune conséquence de l’absence d’un tel formulaire dans l’exemplaire du prêteur.

Il est produit par le prêteur, pour compléter la mention d’une remise du formulaire à l’emprunteur, une copie du contrat de crédit conservé par l’emprunteur lequel comporte en page 32 un formulaire détachable de rétractation.

Ce formulaire, détachable sans qu’il soit porté atteinte aux stipulations contractuelles, figure sous la signature de l’offre préalable de crédit par les emprunteurs.

L’exemplaire prêteur du contrat, signé par les consorts [C], pas plus que la copie de l’exemplaire emprunteur fournie par la banque ne comporte de verso, l’adresse et le nom du préteur figurant au dessus du formulaire de rétractation.

Le prêteur justifie en conséquence d’éléments complémentaires démontrant la remise d’un formulaire détachable de rétractation.

Par ailleurs, si, aux termes de son arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que le consommateur devait toujours être en mesure de faire valoir qu’il n’a pas été destinataire de l’information requise, les emprunteurs, défaillants tant en première instance qu’en appel, n’ont jamais contesté la remise d’une formulaire de rétractation pas plus que sa conformité.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts de ce chef, la société appelante justifiant du principe et du montant de sa créance par les pièces produites (contrat de crédit, justificatif de consultation du FICP, mise en demeure, décompte de créance).

En l’absence d’un préjudice indépendant du seul retard de paiement, la banque sera déboutée de sa demande en dommages et intérêts.

L’équité ne commande pas application de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour statuant en dernier ressort et par mise à disposition au greffe,

Infirme le jugement du 11 janvier 2021 du tribunal judiciaire de Saint-Gaudens.

Statuant à nouveau,

Condamne solidairement Monsieur [U] [C] et Madame [M] [C] née [R] à payer la somme de 26468,01 €, outre intérêts au taux de 4,24 % depuis l’arrêté de compte du 15 janvier 2020 sur la somme de 23016,55 €, montant du capital restant dû, et au taux légal pour le surplus.

Déboute la Sa Creatis de sa demande en dommages et intérêts.

Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamne in solidum M. [U] [C] et Madame [M] [R] épouse [C] aux dépens de première instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Jérôme Marfaing Didier, avocat, sur son affirmation de droit.

Le greffier La présidente.

 


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