2ème Chambre
ARRÊT N°465
N° RG 19/05023
N° Portalis DBVL-V-B7D-P7I2
SA SEFIA
C/
M. [L] [K]
Mme [B] [J] épouse [K]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me LECLERCQ
– Me KIBGE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 16 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur Jean-François POTHIER, Conseiller,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 16 Juin 2022
devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 16 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
SA SEFIA
[Adresse 5]
[Localité 4]
Représentée par Me Erwan LECLERCQ de la SCP LECLERCQ & CASTRES, postulant, avocat au barreau de RENNES
Représentée par Me William MAXWELL de la SCP MAXWELL & ASSOCIES, plaidant, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉS :
Monsieur [L] [K]
né le [Date naissance 2] 1978 à [Localité 8]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Madame [B] [J] épouse [K]
née le [Date naissance 1] 1985 à [Localité 8]
[Adresse 6]
[Localité 3]
Représentés par Me Aurélie KIBGE, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon offre préalable acceptée le 2 janvier 2015, la société Sefia a consenti à M. [L] [K] et Mme [B] [J] (les époux [K]) un prêt de 25 495,50 euros affecté à l’achat d’un véhicule neuf Hyundai IX 35 auprès de la société GCH, au taux de 7,738 % l’an et remboursable en 84 mensualités de 405,69 euros, hors assurance emprunteur.
Prétendant que les échéances de remboursement n’étaient plus honorées depuis février 2018 en dépit d’une mise en demeure de régularisation de l’arriéré sous huitaine en date du 7 mai 2018, le prêteur s’est, par un nouveau courrier recommandé du 28 mai 2018, prévalu de la déchéance du terme et, par acte du 25 janvier 2019, a fait assigner les emprunteur en paiement et en restitution du véhicule gagé devant le tribunal d’instance de Rennes.
Estimant que le prêteur avait manqué à ses obligations d’explication et de vérification de la solvabilité des emprunteurs, et que le prêt n’était pas garanti par l’affectation du véhicule financé en gage, le premier juge a, par jugement du 23 mai 2019 :
prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Sefia au titre du crédit affecté consenti selon offre acceptée le 2 janvier 2015,
condamné en conséquence solidairement les époux [K] à payer à la société Sefia la somme de 10 950,29 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 25 janvier 2019,
écarté l’application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier relatif à la majoration du taux légal,
rejeté pour le surplus les demandes principales et incidentes, y compris celles formées aux fins de restitution du véhicule financé, de délais de paiement et en application de l’article 700 du code de procédure civile,
condamné solidairement les époux [K] aux dépens,
ordonné l’exécution provisoire.
La société Sefia a relevé appel de cette décision le 25 juillet 2019, pour demander à la cour de l’infirmer et de :
condamner solidairement les époux [K] au paiement de la somme de 19 528,09 euros, avec intérêts au taux contractuel de 7,738 % sur le principal de 17 552,36 euros à compter de l’arrêté de comptes du 19 septembre 2018, et au taux légal sur le surplus,
ordonner la restitution du véhicule Hyundai, immatriculé [Immatriculation 7] et portant le numéro de série TMAJU81UAFJ687329 ainsi que son certificat d’immatriculation, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement, ou, à défaut, autoriser tout huissier à l’appréhender en quelque lieu et quelques mains que ce soit,
dire que le véhicule sera vendu aux enchères publiques et que le produit de la vente viendra en déduction du montant de la créance de la société Sefia,
condamner solidairement les époux [K] au paiement d’une indemnité de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens d’appel.
Les époux [K] concluent quant à eux à la confirmation de la décision attaquée, sauf en ce qu’elle a rejeté leur demande de délai de grâce.
Ils sollicitent à cet égard l’octroi d’un report de paiement, ou en tous son étalement par mensualités de 100 euros, et la condamnation de la société Sefia au paiement d’une indemnité de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la société Sefia le 18 octobre 2019 et pour les époux [K] le 15 janvier 2020, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 14 avril 2022.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Le premier juge a prononcé la déchéance du droit du prêteur aux intérêts en lui faisant grief d’avoir manqué à ses obligations d’explications relativement à l’adéquation du crédit proposé à la situation et aux besoins de l’emprunteur, sans que le jugement précise au demeurant quelles explications seraient manquantes, et de vérification de la solvabilité des emprunteurs, en ne recueillant pas de justificatif du montant du loyer déclaré par ces derniers.
Il résulte à cet égard de l’article L. 311-8 devenu L. 312-14 du code de la consommation que le prêteur ou l’intermédiaire de crédit fournit à l’emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière, notamment à partir des informations contenues dans la fiche d’informations précontractuelles normalisée mentionnée à l’article L. 311-6 devenu L. 312-12 et attirant l’attention de l’emprunteur sur les caractéristiques essentielles du crédit proposé et sur les conséquences que ce crédits peut avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement, ces informations étant le cas échéant données sur la base des préférences exprimées par l’emprunteur.
Or, la société Sefia produit la fiche d’informations précontractuelles européenne normalisée remise aux époux [K] et décrivant les principales caractéristiques du crédit proposé ainsi que son coût, le droit de rétractation des emprunteurs et la faculté de remboursement anticipé.
En outre, elle a recueilli, dans la fiche de dialogue établie sur le lieu de vente du véhicule financé, les revenus, les charges et l’encours de crédits des emprunteurs.
De même, il a été proposé aux emprunteurs d’adhérer à une assurance sur la base des besoins exprimés par chacun d’eux.
Enfin, l’offre de prêt comporte un encart reproduisant les caractéristiques essentielles du crédit et mentionnant, dans les conditions générales paraphées par les emprunteurs, les conséquences de leur défaillance dans le remboursement du prêt, les époux [K] ayant de surcroît accepté cette offre en déclarant avoir reçu du prêteur, sur la base de la fiche d’informations précontractuelles qui leur a été remise (ce qu’ils ne contestent pas), les explications leur permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à leurs besoins et à leur situation financière et d’avoir été informés des conséquences liées à une éventuelle défaillance de leur part.
Les époux [K] ne précisant pas davantage dans leurs conclusions d’appel en quoi la société Sefia aurait précisément manqué à son devoir d’explication, la cour considère qu’il n’y a pas matière à déchéance du droit du prêteur aux intérêts de ce chef.
Il résulte par ailleurs des articles L. 311-9, 311-10, D. 311-10-2 et D. 311-10-3 devenus L. 312-16, L. 312-17, D. 312-7 et D. 312-8 du code de la consommation qu’avant de conclure le contrat de crédit, le prêteur doit vérifier la solvabilité de l’emprunteur à partir d’un nombre suffisant d’informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur, qu’ainsi, lorsque l’opération de crédit est conclue sur le lieu de vente, il est établi et remis une fiche de dialogue comportant notamment les éléments relatifs aux ressources et charges de l’emprunteur ainsi que, le cas échéant, aux prêts en cours contractés par ce dernier, les déclarations de l’emprunteur devant, si le montant du crédit accordé est supérieur à 3 000 euros, être corroborées par des justificatifs du domicile, des revenus et de l’identité de l’emprunteur.
Or, en l’occurrence, les époux [K] ont bien établi et signé, sur l’invitation du vendeur intermédiaire du crédit, la fiche de dialogue détaillant leurs revenus, leurs charges et leur encours de crédits, et ont fait remettre au prêteur les bulletins de paie de Mme [K] de septembre à novembre 2014, ceux de M. [K] de septembre à décembre 2014, leur avis d’impôt sur les revenus de l’année 2013, des copies de la carte d’identité de M. [K] et de la carte de séjour de Mme [K], ainsi qu’une facture de fourniture d’énergie justifiant de leur domicile.
La société Sefia a ainsi suffisamment vérifié la solvabilité des emprunteurs, de sorte qu’il n’y a pas davantage matière à déchéance du droit du prêteur aux intérêts de ce chef.
Il ressort de l’offre, du tableau d’amortissement, de l’historique des mouvements du prêt et du décompte de créance qu’il restait dû au prêteur au jour de la déchéance du terme du 28 mai 2018 :
1 649,28 euros (412,28 x 4) au titre des échéances échues impayées du 10 février 2018 au 10 mai 2018,
15 903,24 euros au titre du capital restant dû,
1 272,26 euros au titre de l’indemnité de défaillance égale à 8 % du capital restant dû,
soit, au total, 18 824,78 euros, avec intérêts à compter du 28 mai 2018, au taux de 7,738 % sur le principal de 17 552,52 euros et au taux légal sur l’indemnité de 1 272,26 euros.
Le prêteur qui se prévaut de la déchéance du terme, ne peut en effet, conformément aux dispositions des articles L. 311-23, L. 311-24 et D. 311-6 devenus L. 312-38, L. 312-39 et D. 312-16 du code de la consommation, obtenir par surcroît de l’emprunteur défaillant le paiement d’une indemnité égale à 8 % des échéances échues impayées.
Les époux [K] seront par conséquent solidairement condamnés au paiement de cette somme, le jugement attaqué étant réformé en ce sens.
Par ailleurs, aux termes des conditions générales du contrat de prêt, il a été stipulé que l’emprunteur affecte et constitue le bien financé en gage au bénéfice exclusif du prêteur pour sûreté des sommes dues et selon la nature du bien, étant en outre précisé que, s’il s’agit d’un véhicule immatriculable, l’emprunteur s’engageait à communiquer au prêteur, dans les quinze jours de la livraison, la photocopie de la carte grise établie à ses nom et adresse pour permettre au prêteur d’inscrire son privilège, conformément aux dispositions du décret du 30 septembre 1953.
Or, quand bien même il avait été mentionné aux conditions particulières que le prêt serait garanti par une réserve de propriété, il ressort du reçu produit par la société Sefia que le véhicule a en définitive été affecté en gage, la formalité d’inscription du 4 mars 2015 n’ayant pu être effectuée que sur présentation du certificat d’immatriculation remis au prêteur.
Il convient donc, après réformation du jugement attaqué en ce sens, d’ordonner aux époux [K] de remettre le véhicule gagé à la société Sefia, celle-ci étant autorisée à le vendre aux enchères publiques et le prix de revente devant être déduit de la créance du prêteur.
Il n’y a en revanche pas matière à assortir cette injonction d’une astreinte ou d’autoriser l’appréhension du véhicule en quelques mains qu’il se trouve, la société Sefia disposant de voies de droit appropriées en cas de refus d’exécution volontaire.
Il n’y a pas davantage matière à accorder un délai de grâce aux époux [K], ceux-ci ayant déjà bénéficié des larges délais de la procédure et la créance étant à présent ancienne.
Enfin, il n’y a pas non plus matière à application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Confirme le jugement rendu le23 mai 2019 par le tribunal d’instance de Rennes en ce qu’il a rejeté la demande de délai de grâce et condamné solidairement les époux [K] aux dépens de première instance ;
L’infirme en ses autres dispositions ;
Rejette la demande de déchéance du droit du prêteur aux intérêts ;
Condamne solidairement les époux [K] à payer à la société Sefia la somme de 18 824,78 euros avec intérêts à compter du 28 mai 2018, au taux de 7,738 % sur le principal de 17 552,52 euros et au taux légal sur l’indemnité de 1 272,26 euros ;
Ordonne aux époux [K] de remettre à la société Sefia le véhicule Hyundai, immatriculé [Immatriculation 7] et portant le numéro de série TMAJU81UAFJ687329 ainsi que son certificat d’immatriculation dans le mois de la signification du présent arrêt ;
Dit que le prix de revente du véhicule sera déduit de la créance de la société Sefia ;
Dit n’y avoir lieu à astreinte ;
Dit n’y avoir lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne solidairement les époux [K] aux dépens d’appel ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT