Droit de rétractation : Décision du 20 septembre 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01786

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Droit de rétractation : Décision du 20 septembre 2022 Cour d’appel de Riom RG n° 20/01786

COUR D’APPEL

DE [Localité 8]

PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE

Du 20 septembre 2022

N° RG 20/01786 – N° Portalis DBVU-V-B7E-FP6R

-DA- Arrêt n° 423

[Z] [H], [S] [J] épouse [H] / S.E.L.A.R.L. JEROME ALLAIS Es qualité de liquidateur judiciaire de la société LAFIEE, S.A. FRANFINANCE

Jugement au fond, origine Tribunal de proximité de VICHY, décision attaquée en date du 17 Novembre 2020, enregistrée sous le n° 11-19-000476

Arrêt rendu le MARDI VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX

COMPOSITION DE LA COUR lors du délibéré :

M. Philippe VALLEIX, Président

M. Daniel ACQUARONE, Conseiller

Mme Laurence BEDOS, Conseiller

En présence de :

Mme Marlène BERTHET, greffier lors de l’appel des causes et du prononcé

ENTRE :

M. [Z] [H]

et Mme [S] [J] épouse [H]

[Adresse 2]

[Localité 1]

Représentés par Maître Chloé BARGOIN, avocat au barreau de CUSSET/VICHY

Timbre fiscal acquitté

APPELANTS

ET :

S.A. FRANFINANCE

[Adresse 3]

[Adresse 6]

[Localité 5]

Représentée par Maître Laurie FURLANINI, avocat au barreau de CLERMONT- FERRAND et par Maître Olivier LE GAILLARD de la SELARL BLG AVOCATS, avocat au barreau de ROANNE

Timbre fiscal acquitté

S.E.L.A.R.L. JEROME ALLAIS es qualité de liquidateur judiciaire de la société LAFIEE (Agence Française de l’Isolation et de l’Ecologie)

[Adresse 7]

[Localité 4]

Non représentée

INTIMEES

DÉBATS :

L’affaire a été débattue à l’audience publique du 20 juin 2022, en application des dispositions de l’article 786 du code de procédure civile, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. VALLEIX et M. ACQUARONE, rapporteurs.

ARRÊT : RÉPUTÉ CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 20 septembre 2022 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

Signé par M. VALLEIX, président et par Mme BERTHET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE :

Démarchés à domicile par la société LAFIEE (Agence Française de l’Isolation et de l’Écologie), les époux [Z] et [S] [H] ont confié à cette entreprise le 13 décembre 2018 des travaux d’isolation des combles de leur maison, dont le coût était financé par un contrat de crédit affecté avec la banque SA FRANFINANCE pour un montant de 15’900 EUR.

Un litige s’est élevé ensuite entre les époux [H] et la société LAFIEE, les premiers reprochant à la seconde de ne pas leur fournir les documents nécessaires à l’obtention de primes relatives aux travaux d’isolation effectués.

De son côté, la SA FRANFINANCE ayant payé la somme de 15’900 EUR à la société LAFIEE, réclamait aux époux [H] le règlement des mensualités du prêt.

Finalement, par exploits des 11 et 18 octobre 2019 les époux [H] ont fait assigner la société LAFIEE et la SA FRANFINANCE devant le tribunal d’instance de Vichy (devenu tribunal de proximité) afin d’obtenir la résolution du contrat de vente et du contrat de crédit affecté.

Seule la SA FRANFINANCE comparaissait en défense devant le tribunal d’instance, la société LAFIEE étant défaillante.

À l’issue des débats, le tribunal de proximité de Vichy a rendu la décision suivante le 17 novembre 2020 :

« Le tribunal, statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire et en premier ressort, par mise à disposition au greffe,

PRONONCE la nullité du contrat conclu le 13 décembre 2018 entre Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [J] épouse [H] et la société LAFIEE ;

CONSTATE la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté consenti par la société FRANFINANCE à Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [J] épouse [H] ;

DÉBOUTE Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [J] épouse [H] de l’ensemble de leurs demandes dirigées à l’encontre de la société FRANFINANCE ;

CONDAMNE solidairement Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [J] épouse [H] à rembourser à la société FRANFINANCE le capital emprunté de QUINZE MILLE NEUF CENTS EUROS (15 900 €) ;

déduction faite des versements ayant déjà pu intervenir ;

DÉBOUTE Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [J] épouse [H] de leur demande tendant à être garantis du remboursement de leur prêt par la société LAFIEE ;

DÉBOUTE Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [J] épouse [H] de leur demande de dommages et intérêts ;

DIT n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [J] épouse [H] aux dépens de l’instance ;

ORDONNE l’exécution provisoire ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. »

Dans les motifs de sa décision le tribunal de proximité a notamment écrit :

Les époux [H] font valoir que leur consentement a été conditionné par l’assurance que le coût des travaux à hauteur de 15 900 € serait ramené à -70 % compte tenu des primes annoncées par la société LAFIEE, alors que ces dernières ne leur ont jamais été versées.

Cependant aucune pièce n’est produite portant sur un engagement du vendeur sur le versement desdites primes et a fortiori sur le fait que celles-ci couvriraient 70 % du coût de l’installation.

Les seules garanties offertes concernent la bonne réalisation des travaux. Or il n’est pas contesté par les requérants que les travaux ont été réalisés et sont conformes au bon de commande [‘]

Si les requérants produisent un dépôt de plainte à l’encontre de la société LAFIEE pour escroquerie, en date du 23 septembre 2019 (pièce 16), ils ne rapportent pas de poursuites à l’encontre de cette dernière ni davantage de condamnation pour lesdits faits.

Il résulte de ces éléments que le dol invoqué n’est pas établi [‘]

Les requérants font valoir que le bon de commande valant engagement de leur part n’est pas conforme et présente des irrégularités emportant la nullité du contrat.

Ainsi, à juste titre ils relèvent que l’information concernant le point de départ du délai de rétractation est erronée, en ce qu’il s’agit de 14 jours à compter de la livraison du bien èt non de la conclusion du contrat pour ce type de contrat particulier.

Il s’ensuit que le contrat principal n’est pas conforme aux exigences de formalisme prévues par le code de la consommation à peine de nullité [‘]

Le fait que les conditions générales figurant au verso sur le bon de commande se bornent à reprendre les dispositions du code de la consommation est insuffisant à révéler aux emprunteurs les vices affectant ce bon.

Il en résulte que faute pour Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [J] épouse [H] d’avoir eu connaissance du vice affectant le bon de commande, aucun de leurs agissements postérieurs ne saurait être interprété comme une confirmation tacite de l’obligation entachée de nullité. Ainsi l’absence d’exercice de la faculté de rétractation du contrat de crédit n’emporte pas confirmation tacite.

Aucune confirmation de la nullité ne saurait donc être caractérisée.

En conséquence, il convient de prononcer la nullité du contrat de vente [‘]

Alors ainsi que le contrat de vente a été correctement exécuté, que les emprunteurs ne contestent pas bénéficier des travaux d’isolation des combles et d’une installation en parfait état de marche, et qu’ils ne subissent aucun préjudice consécutif au versement des fonds par le prêteur sur la foi d’une attestation portant une signature litigieuse, Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [J] épouse [H] ne sont pas fondés à solliciter la condamnation de la société FRANFINANCE à leur rembourser les échéances de prêt réglées en l’absence de faute de celle-ci.

Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [J] épouse [H] seront en revanche condamnés solidairement à rembourser le capital emprunté de 15 900 €, déduction faite des versements ayant déjà pu intervenir.

***

Les époux [H] ont fait appel de cette décision le 4 décembre 2020 contre la SA FRANFINANCE et la SELARL Jérôme ALLAIS prise en sa qualité de liquidateur de la société LAFIEE, précisant :

« Objet/Portée de l’appel : Appel limité aux chefs de jugement expressément critiqués, en ce que le tribunal de proximité de Vichy a: – Débouté Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [J] épouse [H] de l’ensemble de leurs demandes dirigées à l’encontre de la société FRANFINANCE, – Condamné solidairement Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [J] épouse [H] à rembourser à la société FRANFINANCE le capital emprunté de 15.900 €, déduction faite des versements ayant déjà pu intervenir, – Débouté Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [J] épouse [H] de leur demande tendant à être garantis du remboursement de leur prêt par la société LAFIEE, – Débouté Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [J] épouse [H] de leur demande de dommages et intérêts, – Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, -Condamné Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [J] épouse [H] aux entiers dépens de l’instance, – Débouté les parties de leurs demandes plus amples ou contraires. La liste des pièces est annexée à la présente déclaration. »

Dans leurs conclusions nº 2 ensuite du 30 juin 2021 les époux [H] demandent à la cour de :

« Vu les articles 1104,1130,1131,1137 et 1240 du Code civil,

Vu les articles L. 312-48, L. 312-55, L. 312-56, L. 311-1,L. 221-5, L. 221-9 et L. 242-1 du Code de la consommation.

Vu l’article 700 du Code de procédure civile,

Vu les jurisprudences précitées, Vu les pièces annexées aux débats,

– JUGER recevable et bien fondé l’appel interjeté par Monsieur et Madame [H] à l’encontre du jugement rendu par le Tribunal de proximité de VICHY le 17 novembre 2020,

– CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

PRONONCE la nullité du contrat conclu le 13/12/2018 entre Monsieur et Madame [H] et la société LAFIEE,

CONSTATE la nullité de plein droit du contrat de crédit affecté consenti par la société FRANFINANCE à Monsieur et Madame [H],

Subsidiairement, si la nullité desdits contrats devait ne pas être confirmée,

– PRONONCER la résolution du contrat conclu le 13 décembre 2018 entre Monsieur et Madame [H] d’une part, et la société LAFIEE d’autre part,

– PRONONCER la résolution du contrat de crédit affecté conclu le 13 décembre 2018 entre Monsieur et Madame [H] d’une part, et la société FRANFINANCE d’autre part,

– INFIRMER le jugement entrepris pour le surplus,

Et, statuant à nouveau,

– JUGER que la société FRANFINANCE a manqué à ses obligations contractuelles et a commis une faute,

En conséquence,

– JUGER qu’il n’y a pas lieu au paiement par les époux [H] des échéances du prêt à compter du 20 juillet 2019,

– DÉBOUTER la société FRANFINANCE de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles,

En cela,

– DÉBOUTER la société FRANFINANCE de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de prêt souscrit par les époux [H],

– DÉBOUTER la société FRANFINANCE de sa demande visant à voir condamner les époux [H] à lui payer les sommes suivantes, outre intérêts :

– Capital restant dû : 14.221,53 €

– Echéance de crédit impayée : 1.517,70 €

– Intérêts échus : 2,19 €

– Indemnité conventionnelle : 1.218,62 €

– DÉBOUTER la société FRANFINANCE de sa demande formulée subsidiairement, visant à voir condamner les époux [H] à lui payer la somme de 15.900 € au titre de l’obligation de restitution du capital prêté,

– CONDAMNER la société FRANFINANCE au remboursement des sommes déjà versées par les époux [H] en remboursement du crédit, à savoir 1.517,52 € à date des présentes,

– PRENDRE ACTE de la demande formulée par la société FRANFINANCE au visa de l’article L. 312-56 du Code de la consommation, visant à voir fixer au passif de la société LAFIEE la somme de 15.900 € correspondant au montant du prêt débloqué entre ses mains, et FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la société LAFIEE la somme de 15.900 €,

Subsidiairement, et si par extraordinaire, le Tribunal devait ne pas retenir une faute à l’encontre de la société FRANFINANCE et ordonner le remboursement de la somme prêtée à son endroit,

– FIXER au passif de la liquidation judiciaire de la société LAFIEE, garantissant les emprunteurs, la somme de 15.900 € en remboursement du capital prêté à la société FRANFINANCE dès lors que la résolution du contrat principal est intervenue de son fait, déduction faite des sommes déjà versées par les époux [H] qui, également fixées au passif de la liquidation judiciaire, leur seront remboursées directement,

En tout état de cause.

– CONDAMNER la société FRANFINANCE et la SELARL JEROME ALLAIS es qualité de Liquidateur judiciaire de la société LAFIEE solidairement à verser en outre à Monsieur et Madame [H] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi, et partant, FIXER cette somme au passif de la liquidation judiciaire de la société LAFIEE,

– ORDONNER à la société FRANFINANCE de procéder au défichage auprès du FICP des époux [H], sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du prononcé de la décision, la Cour se réservant la faculté de liquider l’astreinte,

– CONDAMNER la société FRANFINANCE et la SELARL JEROME ALLAIS es qualité de Liquidateur judiciaire de la société LAFIEE solidairement à verser à Monsieur et Madame [H] la somme de 1.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais engagés dans le cadre de la première instance,

– CONDAMNER la société FRANFINANCE et la SELARL JEROME ALLAIS es qualité de Liquidateur judiciaire de la société LAFIEE solidairement à verser à Monsieur et Madame [H] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais engagés en cause d’appel,

– DÉBOUTER la société FRANFINANCE de l’ensemble de ses demandes reconventionnelles, dont celle formulée sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile,

– CONDAMNER les mêmes aux entiers dépens de première instance et d’appel. »

***

En défense, dans des conclusions du 19 mai 2021, la SA FRANFINANCE demande à la cour de :

« Vu les articles 1134,1147,1902 du code civil,

Vu les articles L 311-1 et suivants du Code de la consommation,

CONFIRMER le jugement rendu par le Tribunal de proximité de VICHY en ce qu’il a débouté Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [H] née [J] de leur demande de nullité du contrat en raison d’un prétendu dol commis par la société LAFIEE,

LE RÉFORMER en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de vente en raison de la mention d’un point de départ du délai de rétractation erroné,

Débouter par conséquent Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [H] née [J] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions,

PRONONCER la résiliation judiciaire du contrat de prêt souscrit par Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [H] née [J] et les condamner solidairement au paiement des sommes suivantes arrêtées au 19 mai 2021 :

Capital restant dû : 14.221,53 €

Échéance de crédit impayé : 1.517,70 €

Intérêts échus : 2,19 €

Indemnité conventionnelle : 1.218,62 €

Total : 16.960,04 €

Outre frais et intérêts de retard au taux contractuel à compter de la mise en demeure et jusqu’à parfait paiement.

SUBSIDIAIREMENT, et si par extraordinaire, la Cour devait considérer que le contrat principal de vente est nul ou résolu, entraînant la nullité ou la résolution du contrat de crédit, confirmer le jugement rendu le 17 novembre 2020 par le Tribunal de proximité de VICHY en ce qu’il a condamné solidairement Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [H] née [J] à payer à la société FRANFINANCE la somme de 15.900,00 € au titre de l’obligation pour l’emprunteur de restituer le capital emprunté,

INFINIMENT SUBSIDIAIREMENT, si la Cour devait considérer par très extraordinaire que Monsieur [Z] [H] et Madame [S] [H] née [J] sont bien fondés en leurs demandes, fixer au passif de la société LAFIEE la somme de 15.900 € correspondant au montant du prêt débloqué entre ses mains,

EN TOUT ÉTAT DE CAUSE,

Les condamner in solidum à payer et porter à la Société FRANFINANCE la somme de 5.000 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Les condamner aux entiers dépens.

Dire que, dans l’hypothèse où, à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le Jugement à intervenir, l’exécution devra être réalisée par l’intermédiaire d’un Huissier de Justice, le montant des sommes retenues par l’Huissier, en application de l’article R. 444-55 du Code de Commerce et son tableau 3-1 annexé, devra être supporté par le débiteur, en sus de l’application de l’article 700 du Code de Procédure Civile, l’article L. 111-8 du Code des Procédures Civiles d’Exécution ne prévoyant qu’une simple faculté de mettre à la charge du créancier les dites sommes. »

***

La SELARL Jérôme ALLAIS, liquidateur de la société LAFIEE, bien que régulièrement assignée devant la cour à personne habilitée le 8 février 2021, ne comparaît pas.

***

La cour, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des demandes et moyens des parties, fait ici expressément référence au jugement entrepris ainsi qu’aux dernières conclusions déposées, étant précisé que le litige se présente céans de la même manière qu’en première instance.

Une ordonnance du 2 juin 2022 clôture la procédure.

MOTIFS :

À titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile elle « ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif », et que les demandes de « constater », « donner acte », « prendre acte » ou « dire et juger » ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des prétentions.

Ceci étant précisé, devant la cour, les époux [H] reprennent les arguments qu’ils avaient développés en première instance. Il convient donc d’examiner leurs demandes en suivant l’ordre dans lequel elles sont présentées.

1. Sur le dol

Il n’est pas discuté que le contrat a été passé par démarchage au domicile des époux [H]. Ceux-ci soutiennent que la société LAFIEE les a lourdement trompés en leur disant que le coût de financement des travaux pour 15’900 EUR serait diminué de 70 % compte tenu des primes versées, alors qu’ils n’en ont jamais reçu aucune. Ils affirment que sans les primes annoncées ils n’auraient jamais passé un tel contrat, et que la baisse du prix résultant du versement des primes avait déterminé leur engagement.

Or le bon de commande nº 01228 du 13 décembre 2018, seule pièce contractuelle produite au dossier, ne comporte aucune référence explicite à des primes susceptibles de diminuer de 70 % le montant du financement des travaux. Il n’est pas possible dans ces conditions de considérer que le versement de telles primes liées à la réalisation des travaux d’isolation était rentré dans le champ contractuel, et encore moins d’affirmer que le consentement à la convention des époux [H] était déterminé par la certitude de les percevoir.

Dans la même partie de leurs écritures concernant le dol, les époux [H] affirment que la société LAFIEE « a établi un faux » « en signant à la place de Monsieur [H] une attestation de livraison pour se faire verser la somme de 15’900 € par la société FRANFINANCE. »

Or contrairement à ce qu’affirment les appelants, il n’est pas possible de constater une différence significative entre la signature figurant sur l’attestation de livraison du 15 janvier 2019 et celles qui se trouvent sur d’autres documents qu’eux-mêmes versent au dossier. Au contraire, la signature sur l’attestation de livraison, caractérisée par une direction montante à l’intérieur de deux traits parallèles, est très similaire voire identique à celles apposées sur la deuxième page du dépôt de plainte de M. [Z] [H] auprès du commissariat de police de [Localité 9] le 23 septembre 2019 (pièce 16) et sur un chèque bancaire établi par celui-ci à l’ordre de la SA FRANFINANCE le 24 janvier 2020 (pièce 20).

Il n’est pas démontré dans ces conditions que la société LAFIEE a commis un faux en signant elle-même le bon de livraison daté du 15 janvier 2019 ; dès lors les époux [H] ne peuvent pas soutenir avoir été victimes d’un dol.

2. Sur la non-conformité du bon de commande et ses conséquences

Il n’est pas contestable que le contrat litigieux a été passé entre la société LAFIEE et les époux [H] au domicile de ceux-ci qui ont par conséquent été démarchés par l’entreprise. Il s’agit dans ce cas d’un contrat conclu «  hors établissement » selon l’article L. 221-8 du code de la consommation, ce qui entraîne diverses conséquences.

En premier lieu, le contrat doit contenir un formulaire de rétractation conformément aux articles L. 221-5 et L. 221-9, précisant que le délai de rétractation est de quatorze jours et qu’il court, s’agissant de la fourniture et la livraison d’un bien, à compter de la réception de ce bien par le consommateur, selon l’article L. 221-18.

La sanction du non-respect de ces dispositions est prévue par l’article L. 242-1 disant que « Les dispositions de l’article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement. » Dans la mesure où l’article L. 221-9 précise que le contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L. 221-5, qui définit les documents devant être communiqués au consommateur par le professionnel, parmi lesquels, lorsque le droit de rétractation existe, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type, il s’en déduit, par combinaison de tous ces textes, que le non-respect des modalités du droit de rétractation entraîne la nullité du contrat de vente conclu hors établissement.

En l’espèce, le formulaire de rétractation figurant à la fin des conditions générales de vente sur le bon de commande du 13 décembre 2018, mentionne expressément que le délai de rétractation est de 14 jours à compter de la conclusion du contrat « autrement dit, du jour de la présente commande », ce qui est inexact au regard de l’article L. 221-18 s’agissant d’un contrat conclu hors établissement, en conséquence de quoi les époux [H] sont fondés à solliciter pour ce motif, au regard des textes applicables qui sont parfaitement clairs, l’annulation du contrat.

Vainement par conséquent la SA FRANFINANCE soutient l’application de l’article L. 221-20 qui prévoit certes une prolongation du délai de rétractation lorsque les informations n’ont pas été fournies correctement au consommateur, mais qui d’aucune manière n’est de nature à faire obstacle à la nullité du contrat prévue dans pareil cas en application de l’article L. 242-1.

L’argumentation de la SA FRANFINANCE confond ici la possibilité pour le consommateur de bénéficier d’un délai de rétractation allongé, qui est une disposition favorable pour lui, et la faculté dont il dispose par ailleurs de solliciter la nullité du contrat, qui est une sanction dont il peut faire usage également.

L’irrégularité du formulaire de rétractation entraîne donc la nullité du contrat, conformément à la demande des époux [H], étant rappelé que les textes régissant les contrats conclus hors établissement sont d’ordre public selon l’article L. 221-19 du code de la consommation.

3. Sur le sort du contrat de crédit

S’agissant d’un crédit affecté, le prêt consenti aux époux [H] par la SA FRANFINANCE est annulé « de plein droit » par l’effet de l’annulation du contrat principal, en application de l’article L. 312-55 du code de la consommation.

4. Sur l’hypothèse d’une faute de la SA FRANFINANCE

Reprochant ici encore à la société LAFIEE d’avoir signé l’attestation de livraison « en lieu et place de Monsieur [H] », les appelants soutiennent que la SA FRANFINANCE a pour sa part commis une faute en ne respectant pas son obligation de vérification, « s’étant contentée de croire à la bonne exécution et réception des travaux sur la foi d’un seul document fourni par la société LAFIEE outrageusement grossier. »

Or la cour a déjà jugé ci-dessus que l’accusation de faux émise par les époux [H] contre la société LAFIEE manque totalement de pertinence, moyennant quoi il est impossible de reprocher quoi que ce soit de ce chef également à la SA FRANFINANCE.

Par ailleurs, l’attestation de livraison « totale » avec demande de financement, signée « bon pour accord » par M. [Z] [H], précise que le bien objet du financement a été réceptionné sans restriction ni réserve et autorise la SA FRANFINANCE à régler le vendeur « en une seule fois ». La référence du contrat de crédit affecté figure très clairement en bas à droite du bordereau, le fait que le numéro de ce contrat n’ait pas été reporté manuellement en haut à droite est sans incidence sur la validité de l’attestation. Nulle raison ne permet donc de douter de la sincérité de ce document qui intègre une réception du bien sans réserve et engage les deux époux en application de l’article 1421 du code civil.

Par ailleurs, le fait que les fonds ont été débloqués deux jours seulement après la signature du bon de livraison n’est nullement significatif d’une quelconque manoeuvre ou faute de la part de la SA FRANFINANCE.

D’aucune manière par conséquent il n’est démontré que la SA FRANFINANCE a manqué à ses obligations.

L’annulation du contrat de crédit consécutif à l’annulation du contrat principal, entraîne donc la restitution par les époux [H] du capital emprunté comme à bon droit décidé par le premier juge.

5. Sur la demande de fixation au passif de la société LAFIEE

Les époux [H] demandent à la cour de fixer au passif de la société LAFIEE, en liquidation judiciaire, la somme de 15’900 EUR en remboursement du capital prêté, « dès lors que la résolution du contrat principal est intervenue de son fait ».

Il est exact que l’annulation du contrat principal résulte d’une mauvaise rédaction du formulaire de rétractation, mais comme exactement observé par le tribunal de proximité, les travaux prévus d’isolation des combles ont bien été effectués et les époux [H] désormais en bénéficient sans démontrer le moindre défaut susceptible d’être reproché au prestataire. En conséquence, aucune raison ne justifie de mettre à charge de la société LAFIEE, dans le passif de sa liquidation judiciaire, le montant du crédit souscrit par les époux [H].

Par ailleurs, ce n’est qu’à titre infiniment subsidiaire, et si la cour devait considérer que les époux [H] « sont bien fondés en leurs demandes », ce qui n’est pas le cas concernant la prestation d’isolation des combles réalisée par la société LAFIEE, que la SA FRANFINANCE sollicite elle-même la fixation de la somme de 15’900 EUR au passif de l’entreprise en liquidation sur le fondement de l’article L. 312-56 du code de la consommation.

Ici encore par conséquent la décision du tribunal ne peut qu’être approuvée.

6. Sur la demande de « défichage » du FICP

Les époux [H] demandent à la cour d’ordonner à la SA FRANFINANCE de procéder à leur « défichage » auprès du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP).

Ils justifient par production d’une lettre de la Banque de France datée du 19 février 2021 (pièce 25), de leur inscription au FICP le 3 octobre 2019 en raison d’un incident recensé concernant la SA FRANFINANCE, laquelle est taisante sur cette question dans ses écritures à la cour comme d’ailleurs devant le premier juge qui l’avait noté dans les motifs de sa décision page 12.

Les époux [H] justifient d’un chèque de 1517,52 EUR qu’ils ont adressé à la SA FRANFINANCE le 24 janvier 2020 accompagné d’un courrier disant répondre à des lettres recommandées de la banque (pièce 20). Celle-ci ne se plaint nullement devant la cour de n’être pas régulièrement payée des échéances du prêt depuis le mois de janvier 2020, en conséquence de quoi le « défichage » sollicité sera ordonné à charge de la SA FRANFINANCE, sans astreinte toutefois, la cour n’ayant aucune raison de suspecter une mauvaise volonté de sa part.

7. Sur le préjudice allégué par les époux [H]

Les appelants font état d’une « anxiété importante au regard de la situation dénoncée », et se plaignent de ne bénéficier d’aucune garantie sur les travaux.

Les motifs ci-dessus démontrent que les critiques des époux [H] contre la société LAFIEE n’étaient pas fondées, sauf concernant la rédaction non conforme du formulaire de rétractation. Par ailleurs, la société LAFIEE étant en liquidation judiciaire, toute garantie de sa part est quoi qu’il en soit totalement illusoire, sans que cela puisse être considéré comme fautif à sa charge.

8. Conclusion de ce qui précède

Le jugement sera intégralement confirmé, sauf en ce que le tribunal de proximité a rejeté la demande de « défichage » des époux [H]. Statuant à nouveau de ce chef, la cour ordonnera à la SA FRANFINANCE de supprimer la mention de l’incident figurant au FICP au nom de M. [Z] [H].

8. Sur l’article 700 du code de procédure civile

Étant donné la solution donnée au litige par la cour, l’équité commande que les époux [H] paient à la SA FRANFINANCE la somme de 1000 EUR en application de l’article 700 du code de procédure civile.

9. Sur les dépens d’appel

Les dépens d’appel seront supportés par les époux [H], et il n’y a pas lieu à d’autres frais à leur charge.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement et par arrêt réputé contradictoire,

Confirme le jugement sauf en ce que le tribunal de proximité a rejeté la demande de « défichage » des époux [H] ;

Statuant à nouveau de ce chef, ordonne à la SA FRANFINANCE de procéder à la suppression de la fiche de M. [Z] [H] auprès du fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers (FICP) ;

Condamne les époux [H] à payer à la SA FRANFINANCE la somme de 1000 EUR en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties de leurs autres demandes ;

Condamne les époux [Z] et [S] [H] aux dépens d’appel.

Le greffier Le président

 


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