COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 53A
1re chambre 2e section
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 20 SEPTEMBRE 2022
N° RG 21/04124 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UTJK
AFFAIRE :
S.A. FRANFINANCE
C/
M. [P], [N] [I]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Mai 2021 par le Juge du contentieux de la protection de PUTEAUX
N° RG : 11-19-607
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 20/09/22
à :
Me Stéphanie CARTIER
Me Laure GODIVEAU
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A. FRANFINANCE
Ayant son siège
[Adresse 5]
[Localité 7]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Stéphanie CARTIER, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 350 – N° du dossier 2106.279
APPELANTE
****************
Monsieur [P], [N] [I]
né le [Date naissance 1] 1977 à [Localité 8]
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 4]
Présent à l’audience
Représentant : Maître Laure GODIVEAU, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 464 – N° du dossier [I] –
Représentant : Maître Harry BENSIMON, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0524
INTIME
S.A.S.U. VIVONS ENERGY prise en la personne de la SELAFA MJA, elle-même prise en la personne de Maître Frédérique LEVY, ès qualités de Liquidateur Judiciaire
[Adresse 2]
[Localité 6]
Assignée à personne
INTIMEE DEFAILLANTE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 07 Juin 2022, Monsieur Philippe JAVELAS, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN
EXPOSE DU LITIGE
Suivant un bon de commande n°7549 accepté le 4 mai 2017, M. [P] [I] a confié à la société Vivons Energy la fourniture et l’installation d’une centrale photovoltaïque et d’un système de monitoring et de gestion de l’énergie solaire pour un montant total de 29 900 euros toutes taxes comprises devant être financé par un prêt.
M. [I] a également souscrit auprès de la société Franfinance un contrat de crédit accessoire en date du 4 mai 2017, portant sur un capital d’un montant de 29 900 euros au taux contractuel annuel de 5,80 % (TEG 5,96 %) et remboursable suivant 12 mensualités de 150 euros, suivies de 162 mensualités de 274,27 euros.
Par acte d’huissier de justice délivré le 8 juillet 2019, M. [I] a assigné la SELAFA MJA prise en la personne de Me Frédérique Lévy, ès qualités de liquidateur de la société Vivons Energy et la société Franfinance devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux aux fins notamment d’obtenir l’annulation du contrat principal et celle du contrat de crédit affecté.
Par jugement réputé contradictoire du 17 mai 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux a :
– déclaré recevables les demandes formées par M. [I],
– prononcé la nullité du contrat principal relatif à l’installation des panneaux photovoltaïques conclu le 4 mai 2017 entre M. [I] et la SELAFA MJA, prise en la personne de Me Lévy, en qualité de liquidateur de la société Vivons Energy, ainsi que par voie de conséquence la nullité du contrat accessoire de crédit affecté conclu le 4 mai 2017 avec la société Franfinance,
– condamné la société Franfinance au paiement de la somme de 46 231, 74 euros au profit de M. [I] à titre de dommages et intérêts et toutes causes de préjudice confondues,
– condamné la société Franfinance au paiement de la somme de 1 500 euros à M. [I] au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– rejeté toute demande plus ample ou contraire,
– condamné la société Franfinance aux entiers dépens de l’instance,
– assorti la décision de l’exécution provisoire.
Par déclaration reçue au greffe le 29 juin 2021, la société Franfinance a relevé appel de ce jugement.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 18 mai 2022, la société Franfinance, appelante, demande à la cour de :
– la dire et juger recevable et bien fondée,
A titre principal :
– infirmer le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux du 17 mai 2021 en ce qu’il a prononcé la nullité du bon de commande et du prêt et l’a condamnée à payer à M. [I] une somme de 46 231,74 euros à titre de dommages et intérêts,
– débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes,
A titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le jugement entrepris serait confirmé en ce qu’il a prononcé la nullité des conventions :
– infirmer le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux du 17 mai 2021 en ce qu’il a retenu une faute de sa part et l’a condamnée à payer à M. [I] une somme de 46 231, 74 euros,
Statuant à nouveau,
– condamner M. [I] à lui restituer la somme de 29 900 euros au titre du capital prêté,
– dire et juger qu’elle serait tenue de restituer à M. [I] la somme totale de 9 205, 29 euros,
– ordonner la compensation des dettes réciproques,
– débouter M. [I] de l’ensemble de ses demandes de dommages et intérêts,
A titre infiniment subsidiaire, dans l’hypothèse où le jugement entrepris serait confirmé en ce qu’il a retenu une faute de sa part :
– infirmer le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Puteaux du 17 mai 2021 en ce qu’il l’a condamnée à payer à M. [I] une somme de 46 231,74 euros à titre de dommages et intérêts,
Statuant à nouveau :
– condamner M. [I] à lui restituer le capital après déduction des mensualités réglées dans le cadre de ce prêt,
– limiter la décharge de l’obligation de restitution du capital prêté à concurrence du préjudice réellement subi par M. [I],
– dire et juger que les avantages tirés de la production d’électricité viendront en déduction de l’éventuel préjudice de M. [I],
En tout état de cause :
– condamner M. [I] au paiement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [I] aux dépens d’appel au profit de Me Stéphanie Cartier qui pourra les recouvrer dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.
Aux termes de ses conclusions signifiées le 8 décembre 2021, M. [I], intimé et appelant à titre incident, demande à la cour de :
– le recevoir en ses écritures et le déclarer bien fondé,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté toute demande plus ample ou contraire à savoir en ce que le jugement l’a :
*débouté de sa demande tendant à la condamnation des sociétés Franfinance et Vivons Energy à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de la réparation de son préjudice financier et de son trouble de jouissance,
* débouté de sa demande tendant à la condamnation des sociétés Franfinance et Vivons Energy à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de réparation de son préjudice moral,
*débouté de sa demande tendant à la condamnation des sociétés Franfinance et Vivons Energy à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de la remise en état de sa toiture à défaut de dépose spontanée,
– confirmer le jugement pour le surplus,
– déclarer ses demandes recevables et les déclarer bien fondées,
– déclarer que le contrat conclu avec la société Vivons Energy est nul car contrevenant aux dispositions éditées par le code de la consommation,
– déclarer que la société Vivons Energy a commis un dol à son encontre,
– déclarer que la société Franfinance a délibérément participé au dol commis par la société Vivons Energy,
Au surplus :
– déclarer que la société Franfinance a commis des fautes personnelles :
* en laissant prospérer l’activité de la société Vivons Energy par la fourniture de financements malgré les nombreux manquements de cette dernière qu’elle ne pouvait prétendre ignorer,
* en accordant des financements inappropriés s’agissant de travaux construction,
* en manquant à ses obligations d’information et de conseil à son égard,
* en délivrant les fonds à la société Vivons Energy sans s’assurer de l’achèvement des travaux,
En conséquence,
– déclarer que les sociétés Vivons Energy et Franfinance sont solidairement responsables de l’ensemble des conséquences de leurs fautes à son égard,
– prononcer la nullité du contrat de vente le liant à la société Vivons Energy,
– prononcer la nullité du contrat de crédit affecté le liant à la société Franfinance,
– déclarer que la société Franfinance ne pourra se prévaloir des effets de l’annulation à l’égard des emprunteurs,
– ordonner le remboursement des sommes versées à la société Franfinance au jour du jugement à intervenir, outre celles à venir soit la somme de 46 231,74 euros, sauf à parfaire,
– condamner solidairement les sociétés Vivons Energy et Franfinance à lui payer la somme de 5 000 euros au titre des frais de désinstallation et de remise de la toiture dans son état initial à défaut de dépose spontanée,
– condamner la société Franfinance à lui verser les sommes de :
* 8 000,00 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance,
*3 000,00 euros au titre de leur préjudice moral,
– dire qu’à défaut pour la société Vivons Energy de récupérer le matériel fourni dans un délai de 1 mois à compter de la signification du jugement, celui-ci sera définitivement acquis par lui,
– condamner la société Vivons Energy à le garantir de toute éventuelle condamnation prononcée à son encontre,
– déclarer qu’en toutes hypothèses, la société Franfinance ne pourra se faire restituer les fonds auprès de lui mais devra nécessairement récupérer les sommes auprès de la société Vivons Energy seule bénéficiaire des fonds débloqués,
– condamner solidairement les sociétés Vivons Energy et Franfinance au paiement des entiers dépens outre 1 500,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner in solidum la société Vivons Energy et la société Franfinance dans l’hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir, une exécution forcée serait nécessaire, à supporter le montant des sommes retenues par l’huissier par application des articles 10 et 12 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 n°96/1080 relatif au tarif des huissiers, en application de l’article R631-4 du code de la consommation,
– fixer les créances au passif de la liquidation de la société Vivons Energy.
La SELAFA MJA, prise en la personne de Me Lévy, ès qualités de liquidateur de la société Vivons Energy n’a pas constitué avocat. Par acte d’huissier de justice délivré le 17 septembre 2021, la déclaration d’appel lui a été signifiée par remise à personne physique. Les conclusions de l’appelant lui ont été remises par acte d’huissier de justice délivré le 15 octobre 2021 selon les mêmes modalités. Les conclusions de la société Franfinance lui ont été signifiées par acte d’huissier de justice délivré le 21 décembre 2021 par remise à personne physique.
La clôture de l’instruction sera prononcée le 7 juin 2022.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
La SELAFA MJA, intimée qui ne comparaît pas ayant été citée à personne, le présent arrêt sera réputé contradictoire à l’égard de tous, en application des dispositions de l’article 474, alinéa 1er, du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur l’annulation des contrats de vente et de crédit affecté
La société Franfinance fait grief au premier juge d’avoir annulé les contrats de vente et, subséquemment de crédit affecté, parce que le bon de commande ne respectait pas les prescriptions de l’article L. 221-8 et suivants du code de la consommation, en ce qu’il ne comportait pas les mentions obligatoires relatives aux caractéristiques essentielles, notamment la rentabilité et la puissance exacte des biens vendus, ne précisait pas les modalités de paiement de la prestation, ne comportait pas les mentions obligatoires relatives au droit de rétractation.
Poursuivant l’infirmation de ce chef du jugement déféré, elle fait valoir en cause d’appel que :
– M. [I] ne justifie pas que la rentabilité de l’installation était une condition déterminante de son consentement, ni le bon de commande ni le contrat de prêt ne garantissant une production d’électricité,
– le bon de commande précise bien la puissance unitaire des panneaux photovoltaïques (300wc) ainsi que la puissance totale de l’installation (4 500 wc),
– le bon de commande est suffisamment précis pour permettre à M. [I] d’appréhender la nature de son achat, et il précise notamment et contrairement à ce qu’a retenu le premier juge, les modalités de paiement de la prestation,
– le bon de commande comportait un formulaire de rétractation détachable et les conditions générales précisaient, dans la rubrique ‘ Informations concernant l’exercice du droit de rétractation’ les modalités d’exercice de ce droit et ses effets,
– les causes de nullité relatives invoquées ont été couvertes conformément à l’article 1182 du code civil, dès lors que :
*les conditions générales de vente du bon de commande reproduisent l’intégralité des dispositions de l’article L.111-1 du code de la consommation, de sorte que M. [I] a eu connaissance des termes de cet article dès la signature du bon de commande,
* M. [I] a volontairement exécuté le contrat en réceptionnant le bien sans réserve, en autorisant le déblocage des fonds, en commençant à rembourser le prêt qui lui a été consenti, et il s’est ainsi privé de la possibilité d’invoquer les irrégularités formelles du contrat dont il avait connaissance.
M. [I] sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu’il a annulé le contrat de vente et, subséquemment, le contrat de crédit affecté.
Il fait valoir en réplique devant la cour que :
– le bon de commande ne comporte pas les mentions obligatoires prévues par le code de la consommation : la marque et le modèle des panneaux ne sont pas précisément indiqués, non plus que le prix unitaire et celui de la main-d’oeuvre, aucun calendrier des travaux et de l’exécution de l’ensemble des prestations de service n’est communiqué au client, le bon de commande ne précise pas les modalités de paiement (établissement prêteur, montant emprunté, durée du crédit, nombre d’échéances mensuelles, coût total du financement, taux débiteur, taux effectif global, frais de dossier), le délai de livraison est irréalisable tant techniquement que juridiquement et aucune date de livraison n’est communiquée au client, le nom du démarcheur mentionné sur le bon de commande est un faux nom, le bon de commande ne comporte pas de formulaire détachable de rétractation ni aucune information sur la période pendant laquelle les pièces détachées indispensables à l’utilisation de l’installation sont disponibles sur le marché, le bon de commande ne précise pas non plus que le consommateur peut avoir recours un médiateur de la consommation,
– la société Vivons Energy a commis un dol caractérisé sans lequel M. [I] n’aurait jamais contracté,
– il ne peut être considéré que les vices affectant le contrat de vente ont été couverts, dès lors que M. [I] n’a jamais eu connaissance des vices de forme affectant le contrat de vente et n’a jamais eu l’intention de purger ces vices, la simple reproduction des articles du code de la consommation au verso du bon de commande ne suffisant pas à caractériser la connaissance du vice par M. [I], qui est un consommateur profane,
– l’annulation du contrat principal conclu avec la société Vivons Energy emporte annulation de plein droit du contrat de crédit affecté.
Réponse de la cour
L’article L221-5 du code de la consommation, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 14 mars 2016 applicable à la date de conclusion du contrat, impose préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fournitures de services au professionnel de communiquer au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations prévues aux articles L111-1 et L111-2 du code de la consommation.
L’article L221-9 du même code prescrit au professionnel non seulement le respect de l’article L221-5 mais de plus des règles complémentaires au cas où le contrat est conclu hors établissement, toutes prescrites à peine de nullité par application de l’article L242-1.
L’article L111-1 du même code dispose qu’ «avant que le consommateur ne soit lié par un contrat de vente de biens ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes :
1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;
2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 113-3 et L. 113-3-1 ;
3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;
4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte, ainsi que, s’il y a lieu, celles relatives aux garanties légales, aux fonctionnalités du contenu numérique et, le cas échéant, à son interopérabilité, à l’existence et aux modalités de mise en ‘uvre des garanties et aux autres conditions contractuelles. La liste et le contenu précis de ces informations sont fixés par décret en Conseil d’Etat.(…)».
En l’espèce, le bon de commande signé par M. [I] le 4 mai 2017 prévoit que l’installation doit permettre une autoconsommation plus la revente du surplus d’électricité produit à la société EDF et qu’elle porte sur
‘ un système GSE AIRSYTEM, comportant 15 panneaux photovoltaïques de marque SOLUXTEC, d’une puissance unitaire de 300 Wc, la puissance totale de l’installation étant de 4 500 WC, l’installation comprenant : un kit d’intégration GSE in -roof system, un kit GSE Air’System, filtres, ventilateurs, option Speed Heating, des bouches d’insufflation, un coffret de protection, un disjoncteur, un parafoudre, un onduleur et la mise à la terre des générateurs’
Le bon de commande indique également :
‘ Prise en charge de l’installation complète + accessoires & fournitures + Mise en service
La société Vivons Energy s’engage à accomplir toutes les démarches administratives relatives à votre dossier et vous accompagne jusqu’à l’obtention de votre contrat d’achat avec EDF, à savoir :
– déclaration préalable à la mairie,
– demande de raccordement auprès D’ERDF,
– obtention du contrat d’achat auprès d’EDF,
– frais de raccordement ERDF pris en charge par Vivons Energy,
– obtention de l’attestation consuel ‘.
Le bon litigieux mentionne également une date de livraison’ Livraison au plus tard le 4 juillet 2017″, le prix global de la prestation hors taxe et toutes taxes comprise (29 900 euros), le crédit étant remboursable en 12 mensualités de 150 euros et 162 mensualités de 274, 27 euros, le coût total du financement s’élevant à la somme de 46 231, 74 euros.
La mention, figurant sur le bon de commande, et selon laquelle la livraison du ou des matériaux et la pose auraient lieu au plus tard le 4 juillet 2017, sans autre forme de précision, est insuffisante pour répondre aux exigences de l’article L. 111-1, 3°, du code de la consommation, dès lors qu’il n’est pas distingué entre le délai de pose des modules et celui de réalisation des prestations à caractère administratif, que la société Vivons Energy s’est engagée à effectuer, et qu’un tel délai global ne permettait pas à l’acquéreur de déterminer de manière suffisamment précise quand le vendeur exécuterait ses différentes obligations, de sorte que la nullité du contrat principal de vente est encourue sans qu’il soit besoin de statuer sur les autres moyens soulevés par M. [I] au soutien de sa demande d’annulation (Cass. 1er civ., 15 juin 2022, pourvoi n° 21-11.747).
Cependant, il est de règle que la nullité qui découle de l’irrégularité formelle du contrat au regard des dispositions régissant la vente hors établissement et dont la finalité est la protection du consommateur, est une nullité relative.
L’article 1182 du code civil, énonce que la confirmation est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat.
La confirmation ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat.
L’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu’après que la violence a cessé.
La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.
Il s’en déduit que la confirmation d’un acte nul impose, d’une part, la connaissance du vice l’ayant affecté et, d’autre part, l’intention de le réparer.
En matière de démarchage, la connaissance du vice par le consommateur résulte de la reproduction, sur le bon de commande, des articles du code de la consommation relatifs à la réglementation en matière de démarchage à domicile (Cass. 1er civ. 9 décembre 2020, n°18-25.686).
En l’espèce, le bon de commande remis à M. [I] reproduit de façon claire le texte des articles L. 111-1, L. 221-5 et L221-9 précités du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur au jour de la signature du contrat, et dont la simple lecture suffit à informer une personne normalement avisée des exigences de la réglementation en matière de démarchage à domicile et plus particulièrement des mentions nécessaires à la validité du bon de commande.
Le seul fait que l’acquéreur ne soit pas un professionnel du droit ou n’ait pas souhaité, le cas échéant, prendre connaissance de ces dispositions que la loi impose pour sa protection, ne saurait justifier que la reproduction des articles précités soient sans portée quant à la capacité de l’acquéreur à apprécier les irrégularités formelles du bon de commande.
Or, il est avéré que le 9 juin 2017 M. [I] a signé un document par lequel la société venderesse attestait de la réception sans réserve de l’installation acquise et sollicitait le versement du prix, que la société Franfinance a écrit à M. [I] que le vendeur l’avait informée de la livraison et de l’installation et de lui demandait de l’autoriser à régler le vendeur, ce que M. [I] a fait en confirmant que l’installation n’appelait aucune restriction ni réserve, que M. [I] a entrepris le remboursement du prêt affecté et a remboursé à la société Franfinance la somme totale de 9 205, 29 euros, que l’installation photovoltaïque est en état de fonctionnement lui permettant de consommer sa production d’énergie électrique.
M. [I] s’est ainsi privé de la possibilité d’invoquer les irrégularités formelles du contrat dont il avait connaissance, en application de l’article 1182 précité.
M. [I] soutient, par ailleurs, que son consentement a été vicié par les manoeuvres dolosives de la société venderesse et que le contrat de vente encourt la nullité pour ce motif.
Selon l’article 1137 du code civil dans sa rédaction applicable à l’espèce, « Le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manoeuvres ou des mensonges.
Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie ».
S’il impute à la société venderesse une tromperie dans la présentation commerciale de son offre de contrat et des manoeuvres frauduleuses qui auraient vicié son consentement, force est de constater que M. [I]. ne produit aucun document à l’appui de ses allégations et il n’est pas justifié qu’un volume de production ou un revenu annuel quantifié soit entré dans le champ contractuel.
Le contrat de vente ne saurait, dès lors, encourir la nullité pour vice du consentement.
L’ensemble de ces éléments établit sans aucune ambiguïté que pleinement informés tant de ses droits que des dispositions pratiques à mettre en oeuvre, M. [I] a entendu tirer les avantages du contrat qu’il avait conclu, nonobstant les irrégularités formelles affectant le bon de commande.
M. [I] est en conséquence débouté de l’ensemble de ses prétentions relatives à la validité du contrat principal et à la nullité de plein droit du contrat de crédit.
Le jugement est infirmé en toutes ses dispositions.
II) Sur la responsabilité personnelle de la société Franfinance et les demandes indemnitaires de M. [I]
M. [I] expose que la banque a engagé sa responsabilité à son égard en ne vérifiant pas la conformité du bon de commande aux dispositions du code de la consommation, en libérant hâtivement les fonds avant l’achèvement de l’installation sur le fondement d’une simple attestation de livraison qui ne leur permettait pas de le faire, en lui accordant, enfin, un crédit inadapté à ses capacités de remboursement, manquant ainsi à ses obligations de mise en garde et d’information de son client.
Il indique, en outre, dans le dispositif de ses conclusions, que la société Franfinance a participé au dol commis par la société Vivons Energy, qu’elle a laissé prospérer l’activité de la société Vivons Energy par la fourniture de financements malgré les nombreux manquements de cette dernière, qu’elle a accordé des financements inappropriés s’agissant de travaux de construction.
Il fait valoir que ces fautes lui ont causé de nombreux préjudices : obligation de restituer le capital emprunté sans pouvoir se retourner contre sa venderesse, qui a été placée en liquidation judiciaire, préjudice matériel lié aux frais de désinstallation de la centrale et de remise en état de sa toiture (5 000 euros), préjudice économique du fait qu’il a été contraint d’exposer des frais pour faire valoir sa défense en justice, de régler les échéances du crédit ce qui a pour effet d’obérer sa trésorerie disponible et de réduire son niveau de vie, préjudice moral, enfin, tenant au fait qu’il a été victime d’un dol et que, devant assumer le remboursement d’un crédit onéreux, il a dû ‘ se passer des plaisirs de la vie’.
Il sollicite, en conséquence, la condamnation de l’établissement bancaire à lui payer une indemnité de 46 231, 74 euros à titre de dommages et intérêts, qui correspond au coût total du crédit qui lui a été consenti, outre les sommes suivantes : 5 000 euros (frais de remise en état de la toiture), 8 000 euros (préjudice économique et trouble de jouissance), 3 000 euros (préjudice moral).
La société Franfinance réplique qu’elle n’a commis aucune faute dans l’exécution de ses obligations contractuelles, dès lors que :
– elle n’a aucune expertise technique et il ne lui appartenait pas de vérifier les caractéristiques techniques en considération desquelles le vendeur et son client, M. [I], ont contracté,
– elle n’a pas manqué à son obligation de conseil et d’information, puisqu’elle a vérifié la solvabilité de M. [I], à qui elle a délivré les informations lui permettant de déterminer si le contrat était adapté à ses besoins, et que le prêt n’était pas disproportionné aux revenus de M.[I], ce qui est confirmé par le fait qu’il a honoré les mensualités de remboursement,
– elle n’a procédé à la libération des fonds qu’après avoir reçu et par deux fois de M. [I], la preuve de la livraison, conforme au bon de commande, des biens acquis,
– M. [I] ne justifie d’aucun préjudice en lien causal avec les fautes qu’il lui reproche.
Elle souligne, en outre, que les demandes de dommages et intérêts de M. [I] portant sur les frais de désinstallation et de remise en état de la toiture, et d’indemnisation de ses préjudices économique et moral ne sont pas fondées du fait de l’inexistence de ces préjudices.
Réponse de la cour
L’exécution du contrat de crédit ne fait pas obstacle à ce que les emprunteurs recherchent la responsabilité du prêteur dans les obligations spécifiques qui lui incombent dans le cadre d’une opération économique unique.
Les motifs développés au paragraphe précédent suffisent à écarter les griefs émis par M. [I] à l’encontre de la société Franfinance aux motifs que celle-ci aurait commis une faute en laissant prospérer l’activité de la société Vivons Energy par la fourniture de financements malgré les manquements de cette dernière ou aurait participé à une tromperie qui n’est pas démontrée.
Par ailleurs, M. [I] ne saurait utilement reprocher à la banque de lui avoir accordé ‘ un financement inapproprié’ , s’agissant de travaux de construction, alors même qu’il n’est pas établi que la pose de panneaux photovoltaïque constituerait des travaux de construction et que le régime du crédit immobilier n’est applicable que si le montant des travaux excède 75 000 euros, ce qui n’était pas le cas, en l’espèce, pour le crédit qui lui a été accordé.
La faute du prêteur peut prendre deux formes : un défaut de vérification de l’exécution
complète du contrat principal ou un défaut de vérification de la régularité formelle de ce contrat.
M. [I] reproche, en premier lieu, à la banque de ne pas avoir vérifié la régularité du bon de commande.
Dans la logique de l’opération commerciale unique et afin de protéger le consommateur, le prêteur est tenu de vérifier la régularité formelle du contrat principal et d’informer l’emprunteur d’une éventuelle irrégularité afin que celui-ci puisse confirmer le contrat ou y renoncer.
A défaut, le prêteur commet une faute susceptible d’engager sa responsabilité.
La société Franfinance a donc commis une faute en ne vérifiant pas la régularité du bon de commande.
Toutefois, M. [I] ne démontre pas l’existence d’un préjudice en lien causal avec cette faute dès lors qu’il apparaît que l’installation photovoltaïque qu’il a acquise fonctionne et est opérationnelle.
M. [I] reproche, en deuxième lieu, à la banque d’avoir libéré hâtivement les fonds et sur le fondement d’une simple attestation de livraison qui ne lui permettait pas de le faire, dès lors que cette attestation ne rapportait pas la preuve d’une exécution complète des prestations à la charge de la société venderesse.
En application de l’article L. 312-48 du code de la consommation, les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation.
Il incombe donc au prêteur de vérifier que l’attestation de fin de travaux qui lui est adressée suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.
En revanche, il n’appartient pas au prêteur de s’assurer par lui-même de l’exécution des prestations et l’appelante fait valoir à juste titre qu’elle n’est pas garante de l’exécution du contrat principal.
Il convient par ailleurs de rappeler que si, en application de l’article L. 312-27 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, le prêteur est garant du fait de l’intermédiaire pour ce qui concerne le contrat de crédit, il n’est pas garant des modalités de conclusion et d’exécution du contrat de prestation de services.
En l’espèce, le document destiné à la société Franfinance, intitulé ‘ attestation de livraison’ et qui a été signé par M. [I] le 9 juin 2017 est libellé ainsi :
‘ L’acheteur …. a réceptionné sans restriction ni réserve le bien ou la prestation, objet du financement, conforme au bon de commande et autorise ainsi Franfinance à régler le vendeur en une fois.
Le soussigné vendeur du bien ou de la prestation de service, objet du contrat de crédit désigné ci-dessus certifie sous sa seule et entière responsabilité que le bien ou la prestation de services a été livré et ou installé à l’entière satisfaction de l’emprunteur en conformité avec le bon de commande signé ci-dessus’.
Par courrier électronique du 1er septembre 2017, M. [I] a réitéré son accord à la société Franfinance, à la demande de cette dernière, au versement des fonds à la venderesse.
L’attestation dont s’agit n’ a pas de force probante, dès lors que, si elle est signée par M. [I], datée, de nature à identifier l’opération financée, elle ne permet pas de caractériser l’exécution complète du contrat principal, ni l’exécution de sa prestation par la société venderesse, en ce qu’elle ne fait pas mention de l’exécution des démarches administratives mises à la charge de la venderesse par le bon de commande.
En procédant au déblocage des fonds suite à la production d’une attestation qui ne permettait ainsi nullement à la banque de se convaincre de l’exécution complète de l’intégralité des prestations stipulées au contrat principal de vente, la banque a commis une faute.
Cependant, M. [I] ne justifie d’aucun préjudice en lien causal avec cette faute, dès lors qu’il est établi que l’installation est opérationnelle et en mesure de produire de l’électricité permettant de financer la consommation de l’acquéreur, de sorte que ce dernier doit être débouté de sa demande en paiement de la somme de 46 231, 74 euros, dont le montant correspond au coût total du crédit qui lui a été octroyé (Cass. 1er civ. 2020 octobre 2021, n°20-12.411).
M. [I] reproche, en troisième et dernier lieu, à la société Franfinance d’avoir manqué à ses obligations d’information et de mise en garde en lui octroyant un crédit disproportionné par rapport à ses capacités de remboursement.
Le manquement allégué de la société Franfinance à son obligation de vérification de la solvabilité de l’ emprunteur et à son devoir d’information ne se résout pas par l’allocation de dommages et intérêts mais par la déchéance du prêteur de son droit aux intérêts par application des dispositions des articles L. 341-1 et L. 341-2 du code de la consommation.
Au surplus, la société Franfinance établit que le moyen manque en fait, dès lors qu’elle a communiqué à M. [I] la fiche d’informations précontractuelles mentionnée à l’article L.312-12 du code de la consommation, vérifié la solvabilité de M. [I] en lui demandant communication de son avis d’imposition à l’impôt sur le revenu, et la fiche de dialogue communiquée par la banque permet de constater que le prêt n’était nullement disproportionné par rapport aux revenus déclarés par M. [I], fonctionnaire de police (2 500 euros), puisque compte tenu des charges mensuelles dont il a fait état (870 euros), son revenu disponible mensuel lui permettait d’honorer les mensualités du prêt d’un montant de 274, 27 euros, ce qu’il a, du reste, fait du 31 mars 2018 au 30 juin 2021, avant de cesser tout paiement au motif que l’installation n’était pas suffisamment rentable.
La demande d’indemnisation au titre des frais de désinstallation, d’un montant de 5 000 euros, est mal fondée, le contrat de vente n’étant point annulé, et en l’absence de préjudice, l’installation étant parfaitement opérationnelle.
L’indemnisation du préjudice financier lié à l’obligation de rembourser un crédit onéreux et d’avoir dû, de ce fait, ‘renoncer aux plaisirs de la vie’ ne peut davantage être accueillie, M. [I] ayant accepté l’offre de crédit, qui mentionnait clairement le taux d’intérêt et le montant des échéances de remboursement, ainsi que le coût total du prêt.
Enfin, le préjudice moral invoqué par M. [I] n’est pas établi, les manoeuvres dolosives dont il fait état n’étant pas, comme il a été dit auparavant, démontrées .
Par suite, M. [I] sera débouté de l’ensemble de ses demandes indemnitaires.
III) Sur l’appel en garantie de M. [I] à l’encontre de la société Vivons Energy
M. [I] demande à être garanti de toute condamnation prononcée à son encontre par la société Vivons Energy.
Réponse de la cour
Aux termes de l’article L.622-22 du code de commerce, dans sa rédaction issue de l’ordonnance du 12 mars 2014, en cas d’ouverture d’une procédure collective les instances en cours sont interrompues jusqu’à ce que le créancier poursuivant ait procédé à la déclaration de sa créance. Elles sont alors reprises de plein droit, les organes de la procédure dûment appelés, mais tendent uniquement à la constatation des créances et à la fixation de leur montant.
La recevabilité d’un appel en garantie, qui tend à obtenir condamnation à un paiement, dirigé contre une société placée en cours de procédure en liquidation est subordonnée au respect des conditions fixées ci-dessus.
En l’espèce, M. [I] justifie avoir procédé à la déclaration de sa créance auprès du mandataire de la société Vivons Energy, de telle sorte que son appel en garantie est recevable.
L’appel en garantie sera, néanmoins, rejeté, M. [I] ayant été débouté de sa demande d’annulation du contrat de vente conclu avec la société Vivons Energy.
La demande visant à voir inscrire les créances au passif de la liquidation de la société Vivons Energy est sans objet, du fait des solutions retenues.
IV) Sur les demandes accessoires
M. [I], qui succombe, sera condamné aux dépens de première instance et d’appel.
Il n’y a pas lieu d’ordonner l’exécution provisoire de la présente décision, comme le sollicite M. [I], dès lors qu’elle est exécutoire de plein droit.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe
Infirme le jugement déféré en toutes ses dispositions à l’exception de celles ayant déclaré M. [P] [I] recevable en ses demandes ;
Statuant à nouveau
Déboute M. [P] [I] de la totalité de ses demandes ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne M. [P] [I] à payer à la société Franfinance une indemnité de 2 500 euros ;
Condamne M. [P] [I] aux dépens de première instance et d’appel et dit que les dépens de la procédure d’appel pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile, par Mme Stéphanie Cartier, avocat en ayant fait la demande.
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,