Droit de rétractation : Décision du 22 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/22220

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Droit de rétractation : Décision du 22 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 19/22220

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 10

ARRÊT DU 22 SEPTEMBRE 2022

(n° , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/22220 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBDKQ

Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Octobre 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 18/01631

APPELANTE

Société LDJB

S.A.R.L., immatriculée au R.C.S. de PARIS sous le n° 818 268 443

exerçant son activité sour l’enseigne DE FERLA, agissant poursuites et diligences de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Antoni MAZENQ, avocat au barreau de PARIS, toque : P0296

INTIMÉ

Monsieur [M] [G]

né le 12 février 1964 à [Localité 5]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Hubert D’ALVERNY de la SELEURL PHISERGA, avocat au barreau de PARIS, toque : P532

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 30 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère, chargée du rapport

Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller

qui en ont délibéré dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Florence PAPIN, Présidente et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.

***

Le 18 janvier 2018, M. [M] [G] a confié un mandat de vendre son appartement situé [Adresse 6] à la société Barnes, au prix de 2 200 000 euros moyennant des honoraires de 5% du prix de vente à la charge du vendeur.

Le 19 janvier 2018, un second mandat de vente de cet appartement sans exclusivité a été signé entre M. [G] et la société LDJB, exerçant sous l’enseigne De Ferla Immobilier, moyennant un prix de 2 200 000 euros incluant la rémunération de l’agence de 100 000 euros à la charge de l’acquéreur.

Dans l’après midi du 19 janvier 2018 par un SMS puis par un télégramme téléphonique, la société LDJB a informé M. [G] qu’elle venait de recevoir une première offre au prix du mandat. Dans la soirée, la société LDJB a avisé son mandant d’une seconde offre.

Le 20 janvier 2018, l’agence Barnes a informé M. [G] d’une offre reçue, le 19 janvier 2018 à midi, au prix de 2 200 000 euros, celle-ci ne nécessitant aucun financement. Cette offre a été acceptée, le jour même, par le vendeur.

L’acquéreur présenté par l’agence Barnes a usé de la faculté de rétraction prévue à l’article L 271-1 du code de la construction et de l’habitation. L’appartement de la [Adresse 6] a été vendu, selon un acte authentique en date du 26 juillet 2018, avec l’entremise de l’agence Barnes en application d’un mandat du 14 mars 2018.

Par acte extra-judiciaire du 6 février 2018, la société LDJB a fait assigner M. [G] devant le tribunal de grande instance de Paris en paiement de la somme de 100 000 euros ttc à titre principal en exécution du mandat et à titre subsidiaire, à titre de dommages et intérêts.

Par jugement du 28 octobre 2019, le tribunal de grande instance de Paris a, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, débouté la société LDJB de l’ensemble de ses demandes, a débouté M. [G] de sa demande de dommages et intérêts et a condamné la société LDJB à payer à M. [M] [G] la somme de 4 000 euros au titre de ses frais irrépétibles et aux entiers dépens.

Le 2 décembre 2019, la société LDJB a interjeté appel et aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 18 juin 2020, elle demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil et de l’article 78 du décret n°72-678 du 20 juillet 1972, sous divers dire et juger qui ne sont que la reprise de ses moyens, d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté ses demandes et est entré en voie de condamnation à son égard et statuant à nouveau, de condamner M. [G] à lui payer, la somme de 83 333,33 euros ht, soit 100 000 euros TTC, à titre principal, en exécution du mandat de vente du 19 janvier 2018 et à titre subsidiaire, à titre de dommages et intérêts, de débouter M. [G] de ses demandes et de le condamner à lui payer la somme de 10 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 6 mai 2020, M. [G] soutient, au visa des articles 6 de la loi n°70-9 du 2 janvier 1970 et 72 du décret n°70-678 du 20 juillet 1970 et des articles 1104, 1231-5 et 1240 du code civil et sous divers constater reprenant ses moyens, la confirmation du jugement en ce qu’il a débouté la société LDJB de ses demandes et son infirmation en ce qu’il a rejeté sa demande indemnitaire, sollicitant la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice subi par la faute délictuelle de l’agence. A titre subsidiaire, il sollicite qu’il soit jugé que le préjudice indemnisable de la société LDJB ne peut être que de principe et que le montant de la condamnation soit ramené à l’euro symbolique. En tout état de cause, il réclame la condamnation de l’appelante à lui payer la somme de 10 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile et sa condamnation aux entiers dépens.

La clôture a été prononcée le 11 mai 2022.

SUR CE, LA COUR

L’agence immobilière soutient la légalité et la force obligatoire de la stipulation au mandat d’une clause pénale, invoquant les dispositions de l’article 6 aliénas 8 et 9 de la loi du 70-9 du 2 janvier 1970 et de l’article 78 alinéa 1 du décret 72-678 du décret du 20 juillet 1972. Elle fait valoir qu’elle n’a jamais affirmé qu’elle pouvait se substituer à son mandant pour accepter l’offre ni que la vente n’est parfaite. Elle estime qu’en exécution des termes de son mandant, le vendeur devait, dès lors qu’il refusait de signer aux prix charges et conditions du mandat, lui verser une indemnité compensatrice égale à la rémunération prévue. Elle critique la motivation du jugement déféré sur ce point et affirme la faute de son mandant qui n’a pas respecté son obligation de vendre à l’acquéreur qu’elle lui a présenté.

Elle estime surprenant que l’intimé ait accepté l’offre de la société Barnes, moins avantageuse financièrement puisque la commission d’agence était plus élevée et elle relève qu’il a en fin de compte, conclu avec un autre acheteur, le 26 juillet 2018 en exécution d’un autre mandat que celui versé aux débats.

L’intimé rappelle qu’il a donné un mandat non exclusif à deux agences immobilières, que celles-ci lui ont présenté des offres, qu’il était légitime de retenir la première offre présentée au prix du mandat, soit celle du 19 janvier 2018 à midi de M. [O] transmise par l’agence Barnes. Il conteste toute faute. Il rappelle que le seul fait de refuser l’opération convenue alors que l’agence n’est titulaire que d’un mandat d’entremise ne peut être imputé à faute au mandant et qu’en tout état de cause il était légitime à retenir l’une quelconque des offres qu’il avait reçues et qui toutes trois avaient été émises le 19 janvier 2018, d’autant qu’il a immédiatement avisé l’appelante de l’existence de l’offre de l’agence Barnes et de sa décision de l’accepter.

*

Aux termes du mandat d’entremise régularisé entre les parties le 19 janvier 2018, la société LDJB est chargée de rechercher et de présenter de potentiels acquéreurs à M. [G].

L’appelante réclame l’application de la clause pénale prévue mandat de recherche d’acquéreur du 19 janvier 2018, qui sous le titre, obligations du mandant est ainsi rédigée :

(…)

5) clause pénale :

De convention expresse et à titre de condition essentielle sans laquelle le mandataire n’aurait pas accepté la présente mission, le mandant :

a- s’engage à signer aux prix, charges et conditions convenus toute promesse de vente ou tout compromis de vente, éventuellement assorti d’une demande de prêt (…)

b- (…) En cas de vente réaliser par lui-même ou par un autre cabinet, il s’engage à en informer immédiatement

c) s’interdit, pendant la durée du mandat et pendant la période suivant son expiration

indiquée au recto, de traiter directement ou indirectement avec un acquéreur ayant été

présenté par le mandataire ou ayant visité les locaux avec lui.

En cas de non-respect des obligations énoncées ci-avant aux paragraphes a, b ou c, il s’engage expressément à verser au mandataire, en vertu des articles 1142 et 1152 du code civil, une indemnité compensatrice forfaitaire égale au montant de la rémunération prévue au recto.

Ainsi que l’a retenu le tribunal, en l’absence d’une clause permettant au mandataire d’engager son mandant, celui-ci reste libre jusqu’au bout de conclure ou non l’opération proposée par l’agence immobilière. L’insertion dans le mandat de l’agence immobilière d’une clause pénale qui contraint le mandant à vendre aux conditions du mandat ne peut pas mettre en échec les dispositions des articles 6-1 de la loi du 2 janvier 1970 et 74 du décret du 72-678 du 20 juillet 1972, aux termes desquelles, aucune somme d’argent n’est due à l’agent immobilier, à quelque titre que ce soit, avant que l’opération pour laquelle il a reçu mandat écrit ait été effectivement conclue et constatée dans un seul acte contenant l’engagement des parties. En d’autres termes, aucune stipulation contractuelle ne peut contrevenir à cette exigence légale et mettre en échec la protection de la liberté du client de ne pas donner suite aux propositions de l’agence immobilière.

Ce motif suffit à écarter la demande de l’appelante, sans qu’il y ait lieu à examiner l’argumentation des parties relatives à l’acceptation par M. [G] d’une demande présentée par l’agence Barnes également titulaire d’un mandat de vente.

*

M. [G] prétend que le jugement a, à tort, écarté sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive. Il estime que l’agence a agi de manière téméraire, puisque professionnel de la vente immobilière, elle ne pouvait pas se méprendre sur l’étendue de ses droits, ajoutant que sa mauvaise foi est caractérisée également par le caractère exorbitant de sa demande, eu égard au temps qui s’est écoulé entre la signature du mandat et les offres. Il affirme que ce comportement lui a été préjudiciable puisque avisés par ses soins de la contestation de la société LDJP, l’agence Barnes et le notaire en charge de la rédaction de l’acte authentique ont informé M. [O] de la situation et que celui-ci a alors exercé son droit de rétractation. Il précise qu’il n’a vendu son bien que le 26 juillet 2018 et réclame une somme de 10 000 euros en réparation de son préjudice. L’appelante ne réplique pas.

Ainsi que le soutient l’intimé, l’agence immobilière, dont l’activité est réglementée par la loi du 2 janvier 1970 dite loi Hoguet, ne pouvait pas ignorer que la clause pénale dont elle excipe ne pouvait pas recevoir application, dans le cas d’espèce, ni d’ailleurs la bonne foi de son cocontractant qui l’a immédiatement avisé qu’il avait accepté l’offre d’une concurrente, ce qui n’est que l’expression de son droit de contracter avec le candidat de son choix.

En revanche, aucune démonstration n’est faite d’un préjudice – dont la nature n’est d’ailleurs pas précisée – en lien de causalité avec cet abus de droit. En effet, aucune pièce ne vient établir le lien que fait M. [G] entre les menaces de procédure judiciaire de la société LDJP et l’usage qu’à fait M. [O] de la faculté de rétractation prévue à l’article L 271-1 du code de la construction et de l’habitation.

Au regard de ce qui précède, la décision déférée sera confirmée dans toutes ses dispositions y compris sur la charge des dépens et frais irrépétibles. A hauteur d’appel, la société LDJP sera condamnée aux dépens et à payer une indemnité complémentaire au titre des frais exposés par l’intimé pour assurer sa défense devant la cour.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe

Confirme le jugement rendu le 28 octobre 2019 par le tribunal de grande instance de Paris ;

Y ajoutant,

Condamne la société LDJP à payer à M. [G] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

 


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