2ème Chambre
ARRÊT N°493
N° RG 19/05538
N° Portalis DBVL-V-B7D-QBCY
SA CREATIS
C/
M. [I] [F]
Mme [V] [F]
Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
– Me RIALLOT-LENGLART
– Me LE GOC
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE RENNES
ARRÊT DU 30 SEPTEMBRE 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Président : Monsieur Joël CHRISTIEN, Président de Chambre,
Assesseur : Monsieur David JOBARD, Président de Chambre,
Assesseur : Madame Hélène BARTHE-NARI, Conseillère,
GREFFIER :
Madame Ludivine MARTIN, lors des débats et lors du prononcé
DÉBATS :
A l’audience publique du 07 Juillet 2022
devant Monsieur Joël CHRISTIEN, magistrat rapporteur, tenant seul l’audience, sans opposition des représentants des parties, et qui a rendu compte au délibéré collégial
ARRÊT :
Contradictoire, prononcé publiquement le 30 Septembre 2022 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats
****
APPELANTE :
SA CREATIS
[Adresse 7]
[Localité 6]
Représentée par Me Johanne RIALLOT-LENGLART de la SELARL LRB, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de NANTES
INTIMÉS :
Monsieur [I] [F]
né le [Date naissance 1] 1976 à [Localité 5] ([Localité 5])
[Adresse 4]
[Localité 3]
Madame [V] [F]
née le [Date naissance 2] 1970 à [Localité 8] (78)
[Adresse 4]
[Localité 3]
Représentés par Me Vincent LE GOC de la SCP ODYS AVOCATS, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2019/014055 du 13/12/2019 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de RENNES)
EXPOSÉ DU LITIGE
Selon offre préalable acceptée le 19 décembre 2011, la société Créatis a, en vue de regrouper des crédits antérieurs, consenti à M. [I] [F] et Mme [V] [E] (les époux [F]) un prêt de 30 700 euros au taux de 6,84 % l’an, remboursable en 120 mensualités de 353,93 euros hors assurance emprunteur.
Saisie par les emprunteurs d’une demande de traitement de leur situation, la commission de surendettement des particuliers des Côtes d’Armor a établi un plan conventionnel de redressement mis en application le 31 mai 2014 et prévoyant, pour la créance de la société Créatis, un apurement en 9 mensualités de 180 euros puis 56 mensualités de 494,31 euros avec réduction du taux d’intérêt à 2,54 %, après un moratoire de trois mois sans intérêt.
À nouveau saisie par les époux [F], la commission a imposé le 30 novembre 2016 des mesures de désendettement consistant, pour la créance de la société Créatis, à l’apurer en 23 mensualités de 381 euros après un versement initial de 2 960 euros, avec suppression des intérêts.
Enfin, les époux [F] ont, séparément mais successivement, saisi une troisième fois la commission, laquelle a établi un plan conventionnelle de redressement prévoyant un moratoire de 24 mois à compter du 28 février 2019, sans intérêt, dans l’attente de la vente de leur bien immobilier au prix du marché.
Corrélativement, prétendant que les échéances de remboursement imposées par la commission le 30 novembre 2016 n’avaient plus été honorées depuis août 2018 et que les emprunteurs n’avaient pas repris le règlement des échéances du prêt à l’issue du plan de désendettement en dépit d’une mise en demeure de régulariser l’arriéré du 19 novembre 2018, la société Créatis s’est, par un second courrier recommandé du 11 février 2019, prévalue de la déchéance du terme et, par acte du 16 avril 2019, a fait assigner les époux [F] en paiement devant le tribunal d’instance de Guingamp.
Estimant qu’il ressortait de l’historique des mouvements du prêt un abandon partiel de sa créance et que l’indemnité de défaillance, manifestement excessive, devait être supprimée, le premier juge a, par jugement du 11 juillet 2019 :
condamné solidairement les époux [F] à payer à la société Créatis la somme de 7 206,41 euros, avec intérêts au taux contractuel de 6,84 % à compter du 18 février 2019,
débouté la société Créatis du surplus de ses demandes,
condamné les époux [F] aux dépens.
La société Créatis a relevé appel de cette décision le 12 août 2019, pour demander à la cour de l’infirmer et de :
condamner solidairement les époux [F] au paiement de la somme de 16 013,54 euros, avec intérêts aux taux conventionnel de 6,84 % sur le principal de 14 838,77 euros et au taux légal sur le surplus à compter de la mise en demeure du 11 février 2019,
ordonner la capitalisation des intérêts,
condamner solidairement les époux [F] au paiement d’une indemnité de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens d’appel.
Ayant formé appel incident pour prétendre que la notice d’information de l’assurance emprunteur ne leur avait pas été remise et que l’offre n’était pas pourvue d’un bordereau de rétractation, les époux [F] demandent quant à eux à la cour de :
confirmer le jugement attaqué en ce qu’il a fixé la créance de la société Créatis à la somme de 7 206,41 euros,
prononcer la déchéance des intérêts au taux conventionnel de 6,84 % sur la somme de 7 206,41 euros,
débouter la société Créatis de l’ensemble de ses demandes,
subsidiairement, dire que le montant de la clause pénale ne pourra excéder la somme de 576,51 euros,
en tout état de cause, condamner la société Créatis au paiement d’une indemnité de 1 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée ainsi qu’aux dernières conclusions déposées pour la société Créatis le 23 janvier 2020 et pour les époux [F] le 4 février 2020, l’ordonnance de clôture ayant été rendue le 12 mai 2022.
EXPOSÉ DES MOTIFS
Les emprunteurs n’ayant pas honorées depuis août 2018 les échéances de remboursement imposées par la commission le 30 novembre 2016 et n’ayant pas davantage repris le règlement des échéances du prêt à l’issue du plan de désendettement en dépit d’une mise en demeure de régulariser l’arriéré du 19 novembre 2018, la société Créatis était bien fondée à se prévaloir de la déchéance du terme du prêt et du plan de désendettement au 11 février 2019.
Le nouveau moratoire de deux ans imposé par la commission le 28 février 2019 interdisait certes au créancier de poursuivre, jusqu’au 28 février 2021, le recouvrement des sommes dues au titre du prêt et devenues immédiatement exigibles du fait de la déchéance du terme, mais il ne l’empêchait nullement d’agir en paiement afin d’obtenir un titre dans l’attente du règlement de sa créance durant le moratoire ou de l’expiration de celui-ci.
Les époux [F] soutiennent cependant que l’offre qui leur a été remise n’aurait pas comporté de bordereau de rétractation et que la notice d’assurance de groupe à laquelle ils ont adhéré ne leur aurait pas davantage été remise.
Il résulte à cet égard de l’article L. 311-12 devenu L. 312-19 et L. 312-21 du code de la consommation que l’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre, et qu’afin de permettre l’exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable doit être joint à son exemplaire du contrat de crédit.
Il résulte aussi de l’article L. 311-19 devenu L. 312-29 du même code que, lorsque l’offre de contrat de crédit est assortie d’une proposition d’assurance, le prêteur doit remettre à l’emprunteur une notice comportant les extraits des conditions générales de l’assurance le concernant, notamment les nom et adresse de l’assureur, la durée, les risques couverts et ceux qui sont exclus.
L’offre comporte certes une mention type par laquelle les emprunteurs ont reconnu avoir reçu un exemplaire du contrat doté d’un formulaire détachable de rétractation ainsi que la notice d’information sur l’assurance de groupe souscrite auprès de la compagnie Serenis Vie.
Cependant, par arrêt du 18 décembre 2014, la Cour de justice de l’Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive relative aux crédits à la consommation transposées dans le code français de la consommation devaient être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive et ne pouvant constituer qu’un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents.
Or, l’offre produite aux débats est dépourvue de bordereau de rétractation et n’intègre pas la notice d’assurance, celle-ci étant reproduite sur un document séparé qui n’est ni signé, ni même paraphé par les emprunteurs.
Il s’en évince que la société Créatis, qui n’a au demeurant pas répliqué aux moyens de l’appel incident des époux [F] sous-tendant leur demande de déchéance du droit du prêteur aux intérêts, ne corrobore pas par des éléments de preuve complémentaires l’exactitude de cette clause type du contrat.
Aux termes de l’article L. 311-48 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la cause, la remise d’un offre dépourvue de bordereau de rétractation et le défaut de remise de la notice d’assurance sont sanctionnés par la déchéance totale du droit du prêteur aux intérêts, l’emprunteur n’étant alors plus tenu qu’au seul remboursement du capital à l’exclusion des intérêts contractuels et des pénalités.
À cet égard, il ressort de l’analyse de l’historique des mouvements du crédit que la société Créatis a encaissé depuis l’origine du prêt de 30 700 euros une somme totale de 21 287,10 euros, de sorte que les époux [F] restent lui devoir, après déchéance du droit du prêteur aux intérêts, 9 412,90 euros.
Il n’est en outre pas suffisamment établi que le prêteur ait consenti un abandon partiel de sa créance.
Les emprunteurs seront donc, après réformation du jugement attaqué, solidairement condamnés au paiement de la somme de 9 412,90 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 11 février 2019.
La capitalisation des intérêts est, en matière de crédit à la consommation, prohibée par les dispositions de l’article L. 312-23 devenu L. 313-52 du code de la consommation.
Cette demande sera donc rejetée.
Appelante à titre principal et ayant partiellement succombé en ses prétentions, la société Créatis supportera les dépens d’appel.
Il n’y a cependant pas matière à application de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de quiconque.
PAR CES MOTIFS, LA COUR :
Infirme le jugement rendu le 11 juillet 2019 par le tribunal d’instance de Guingamp en ce qu’il a condamné M. [I] [F] et Mme [V] [E] épouse [F] au paiement de la somme de 7 206,41 euros, avec intérêts au taux contractuel de 6,84 % à compter du 18 février 2019 ;
Prononce la déchéance totale du droit du prêteur aux intérêts ;
Condamne solidairement M. [I] [F] et Mme [V] [E] épouse [F] à payer à la société Créatis la somme de 9 412,90 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 11 février 2019 ;
Rejette les demandes de capitalisation des intérêts et d’application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société Créatis aux dépens d’appel, lesquels seront recouvrés conformément aux règles de l’aide juridictionnelle ;
Rejette toutes autres demandes contraires ou plus amples.
LE GREFFIERLE PRÉSIDENT