COUR D’APPEL DE METZ
Chambre des référés
N° RG 22/00017 – N° Portalis DBVS-V-B7G-FYHU
MINUTE N°22/00264
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 06 Octobre 2022
DEMANDEURS :
Madame [K] [L] épouse [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Non comparante, représentée par Me Emilie CHARTON, avocat au barreau de METZ
Monsieur [N] [I]
[Adresse 2]
[Localité 3]
Non comparant, représenté par Me Emilie CHARTON, avocat au barreau de METZ
DÉFENDERESSES:
S.A. DOMOFINANCE, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Nathalie ROCHE-DUDEK, avocat au barreau de METZ, absente à l’audience
S.A.S. ADLEC, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 5]
[Localité 6]
Défaillante
Nous Anne-Laure BASTIDE, conseillère, assistée de Cynthia CHU KOYE HO, greffière à l’audience des référés du 1er Septembre 2022 tenue publiquement, avons mis l’affaire en délibéré au 06 Octobre 2022, et avons rendu l’ordonnance dont la teneur suit :
EXPOSÉ DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :
Suivant jugement du 11 février 2022, le tribunal judiciaire de Metz a :
constaté la validité de la rétractation du contrat de vente signé le 8 août 2019 avec la S.A.S. Adlec par le bordereau signé par M. et Mme [I] le 5 juin 2020 et expédié le 19 juin 2020 à la société,
constaté la résolution du contrat de vente en résultant,
enjoint en conséquence à la S.A.S. Adlec de restituer le prix de 24 800 euros à M. et Mme [I] dans le délai d’un mois à compter de la signification du jugement,
enjoint la S.A.S. Adlec de venir récupérer les matériels installés chez M. et Mme [I] et de remettre les lieux dans leur état antérieur à la signature du contrat, à ses frais, dans un délai de deux mois à compter de la signification du jugement, délai à l’issue duquel si les matériels ne sont pas récupérés par la société, ils seraient considérés comme délaissés et M. et Mme [I] pourraient en disposer librement,
constaté la résolution du contrat de crédit affecté signé le 8 août 2019 avec la S.A. Domofinance,
enjoint à M. [N] [I] et Mme [K] [I] née [L] de restituer à la S.A. Domofinance le capital prêté de 24 800 euros dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision,
condamné la S.A. Domofinance à rembourser à M. et Mme [I] la somme de 2 878,36 euros au titre des remboursements effectués avec les intérêts au taux légal dans un délai de trois mois à compter de la date de la signification du jugement,
débouté les parties de toute autre demande au fond,
condamné in solidum la S.A.S. Adlec et la S.A. Domofinance aux entiers dépens ainsi qu’à payer à M. et Mme [I] la somme de 1 500 euros ;
Par déclaration du 1er avril 2022, M. [N] [I] et Mme [K] [L] épouse [I] ont interjeté appel afin d’obtenir d’une part l’infirmation du jugement en ce qu’il les a enjoint de restituer à la S.A. Domofinance le capital prêté de 24 800 euros dans un délai de trois mois à compter de la signification de la décision et d’autre part le débouté des parties de toute autre demande au fond.
Suivant assignation du 27 juin 2022, M. [N] [I] et Mme [K] [L] épouse [I] ont fait assigner la S.A. Domofinance devant M. le premier président de la cour d’appel de Metz afin d’obtenir :
le sursis à l’exécution du jugement rendu le 11 février 2022 par le juge des contentieux de la protection de Metz,
l’affectation des dépens de l’instance en référé à l’instance au fond.
Par exploit d’huissier en date des 9 et 13 juin 2022, M. et Mme [I] ont tenté de faire assigner la S.A.S. Adlec, sous l’enseigne Solution Eco System. Toutefois, l’huissier n’a pu retrouver la destinataire et a été contraint de dresser un procès-verbal de vaines recherches en application de l’article 659 du code de procédure civile.
A l’appui de leur demande, les époux [I] affirment que le jugement contesté par appel encourt des moyens sérieux de réformation car le juge de première instance n’a pas tiré les conséquences du constat portant sur la validité de leur rétractation. Ils font valoir qu’en application de l’article L. 221-27 du code de la consommation, l’exercice du droit de rétractation du contrat principal met automatiquement fin à l’exécution du contrat de crédit, sans frais pour le consommateur, autres que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25. Or, le contrat de crédit ou les frais qu’il engendre ne font pas partie des frais visés par ces articles de telle sorte qu’aucune indemnité n’est due au prêteur. Selon eux, il doit être mis fin au contrat de crédit, le remboursement du crédit ne peut être sollicité et la S.A. Domofinance doit leur rembourser la somme de 2 878,36 euros.
Subsidiairement, M. et Mme [I] se prévalent de la faute de la S.A. Domofinance et affirment que c’est à tort que le premier juge a écarté la responsabilité de l’organisme de crédit.
Il font valoir que la banque a commis une faute en débloquant les fonds sans s’assurer préalablement du fonctionnement du matériel posé ainsi que de la bonne réalisation du dossier administratif, indispensable à l’exécution du bon de commande.
Ils affirment que l’exécution immédiate du jugement querellé entraînerait des conséquences manifestement excessives eu égard à la modicité de leurs ressources (pensions de retraite) et au montant de leurs charges incompressibles. Selon eux, les conséquences de l’exécution provisoire dépassent la mesure strictement nécessaire à la satisfaction de l’intérêt de la S.A. Domofinance, d’autant que la décision n’est que provisoire.
L’affaire a été appelée pour la première fois à l’audience du 16 juin 2022 et a fait l’objet de deux renvois à la demande et dans l’intérêt des parties.
Par message RPVA du 20 juillet 2022, la S.A. Domofinance a indiqué s’en rapporter à la requête. Elle n’a produit aucune pièce ni écriture.
La S.A. Adlec ne s’est pas manifestée dans le cadre de la présente procédure ni à l’audience, ni par écrit.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
Sur la demande de sursis à exécution
Il résulte de l’article 514-3 du code de procédure civile que le premier président peut, en cas d’appel, être saisi afin d’arrêter l’exécution provisoire de la décision lorsqu’il existe un moyen sérieux d’annulation ou de réformation et que l’exécution risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives.
La demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d’observation sur l’exécution provisoire n’est recevable que si, outre l’existence d’un moyen sérieux d’annulation ou de réformation, l’exécution provisoire risque d’entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
Devant le premier juge, les époux [I] ont présenté des écritures dans lesquelles figurent des observations sur l’exécution provisoire. Selon eux, dans l’hypothèse où la juridiction ferait droit aux demandes de l’organisme de crédit, l’exécution provisoire entraînerait des conséquences dépassant la mesure de ce qui est nécessaire et souhaitable, sans autre développement.
Il ressort de l’assignation et des dernières conclusions que la demande principale des époux [I] était la reconnaissance de la validité de leur rétractation, la nullité du contrat étant un moyen invoqué à titre subsidiaire.
Le premier juge a fait droit à la demande principale et a reconnu la validité de la rétractation.
Il a alors fait application de l’article L. 221-27 du code de la consommation qui prévoit :
« L’exercice du droit de rétractation met fin à l’obligation des parties soit d’exécuter le contrat à distance ou le contrat hors établissement, soit de le conclure lorsque le consommateur a fait une offre.
L’exercice du droit de rétractation d’un contrat principal à distance ou hors établissement met automatiquement fin à tout contrat accessoire, sans frais pour le consommateur autres que ceux prévus aux articles L. 221-23 à L. 221-25. »
En application de ces dispositions, le juge a alors estimé que les époux [I] devaient restituer à l’organisme de crédit le capital versé de 24 800 euros et que ce dernier devait leur rembourser les échéances payées à hauteur de 2 878,36 euros.
Il n’y a aucune indemnité comprise dans la somme que les époux [I] sont tenu de restituer.
Le premier juge a relevé que la demande principale étant accueillie, il convenait de débouter M. et Mme [I] de leurs demandes subsidiaires.
Le juge a précisé que l’ensemble de la jurisprudence fournie par les deux parties concernant la faute éventuelle de l’établissement prêteur dans la mise à disposition des fonds, et dispensant les emprunteurs de restituer les fonds, concernait la nullité ou l’annulation du contrat de vente, ce qui n’était pas le cas de la demande principale à laquelle il avait été fait droit, qui concernait la validité de la rétractation du contrat par les consommateurs, acheteurs.
Les époux [I] ne justifient pas de moyen sérieux susceptible d’entraîner la réformation de la décision quant à leur condamnation à restituer le capital versé par la banque dans le cadre du contrat qu’il avaient souscrit puis auquel ils ont mis un terme en exerçant leur droit à rétractation.
Par ailleurs, pour justifier des conséquences manifestement excessives, les époux [I] produisent trois documents, notamment le relevé Carsat du 3 mai 2022 justifiant que M. [I] perçoit à ce titre 1 574,79 euros de pension, ainsi que l’attestation de la retraite des mines du 5 mai 2022 selon lequel Mme [I] a perçu pour le mois d’avril 2022 une pension de 627,75 euros, soit au total 2 202,54 euros.
Aucun autre document n’est produit pour connaître de manière complète les revenus, notamment d’autres pensions de retriate complémentaire ainsi que le patrimoine, immobilier et mobilier (dont placements), des époux [I].
Suivant l’extrait de relevé bancaire allant du 16 mars au 6 avril 2022, le couple [I] doit régler cinq crédits à la consommation pour un total de 475,63 euros, notamment le crédit auto (leasing) de 243,56 euros, ainsi qu’une mutuelle à hauteur de 126,29 euros.
Au regard des trois pièces produites visées, il convient de considérer que M. et Mme [I] disposent d’une capacité de remboursement leur permettant de mettre en place des mensualités de remboursement auprès de la banque.
Ainsi, au regard des éléments produits, M. et Mme [I] ne justifient pas que des éventuelles conséquences manifestement excessives liées à l’exécution provisoire.
Sur les dépens et la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
La procédure de référé devant le premier président étant une procédure autonome, il n’est pas possible de prévoir, comme cela est demandé, que les dépens suivront ceux de l’instance principale. Partant, eu égard à l’issue du litige, il convient de condamner les demandeurs aux entiers frais et dépens de la présente instance.
Subséquemment, leur demande présentée en application de l’article 700 du code de procédure civile doit être rejetée.
PAR CES MOTIFS,
Nous Anne-Laure Bastide, conseillère à la cour d’appel de Metz, sur délégation de M. le premier président de la cour, assistée de Mme Cynthia Chu Koye Ho, greffière,statuant publiquement, contradictoirement et par ordonnance non susceptible de recours,
DÉBOUTONS M. [N] [I] et Mme [K] [L] épouse [I] de leur demande de sursis à l’exécution du jugement rendu le 11 février 2022 par le juge des contentieux de la protection de Metz ;
CONDAMNONS M. [N] [I] et Mme [K] [L] épouse [I] aux entiers frais et dépens de la présente instance ;
DÉBOUTONS les deux parties de leurs prétentions au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
La présente ordonnance a été prononcée publiquement le 06 Octobre 2022 par Anne-Laure BASTIDE, conseillère, assistée de Cynthia CHU KOYE HO, greffière, et signée par eux.
La greffière,La conseillère,
C. CHU KOYE HOA.-L. BASTIDE