COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 06 OCTOBRE 2022
N° RG 19/05772 – N° Portalis DBVJ-V-B7D-LJMF
[F] [G]
[O] [P]
c/
SELARL BALLY MJ
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le : 6 OCTOBRE 2022
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 05 avril 2019 par le Tribunal d’Instance d’ARCACHON ( RG : 11-18-0107) suivant déclaration d’appel du 30 octobre 2019
APPELANTS :
[F] [G]
né le 06 Avril 1973 à [Localité 5]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 3]
[O] [P]
née le 02 Septembre 1978 à [Localité 5]
de nationalité Française
demeurant [Adresse 2]
Représentés par Me Annie TAILLARD de la SCP ANNIE TAILLARD AVOCAT, avocat au barreau de BORDEAUX et assistés par Me Schmouel HABIB de la SELEURL HERACLES, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉES :
SELARL BALLY MJ, prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la SOCIETE NOUVELLE REGIE DES JONCTIONS DES ENERGIES DE FRANCE, prise en la personne de son représentant légal demeurant audit siège [Adresse 4]
Non représentée, assignée à personne morale
SA BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
Représentée par Me William MAXWELL de la SAS MAXWELL MAILLET BORDIEC, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 juillet 2022 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Sylvie HERAS DE PEDRO, conseiller,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
– réputé contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
En mars 2013, M. [F] [G] et Mme [O] [P] (ci-après dénommés les consorts [M]) ont été démarchés par la société Groupe Solaire de France aux fins de mise en oeuvre d’une installation photovoltaïque à leur domicile.
Le 6 mars 2013, les consorts [T] ont conclu avec la société Groupe Solaire de France un contrat de vente portant sur une centrale photovoltaïque [Y] au prix de 19 700 euros.
Le même jour, les consorts [T] ont conclu avec la Sygma Banque un contrat de prêt d’un montant de 19 700 euros en vue du financement de l’acquisition de la centrale photovoltaïque.
Le 4 mai 2013, la Sygma Banque a donné son accord pour le financement et les fonds ont été débloqués le même jour, date de l’attestation de fin de travaux.
Un contentieux s’est élevé, les consorts [M] estimant que les contrats de vente et de crédit affecté seraient irréguliers et contraires aux dispositions du droit de la consommation.
Par acte du 5 mars 2018, les consorts [M] ont fait assigner la SA BNP Paribas, venant aux droits de Sygma Banque et Maître [K], ès qualité de mandataire-liquidateur de la société Groupe Solaire de France, devant le tribunal d’instance d’Arcachon aux fins notamment de voir prononcer l’annulation du contrat de vente du 6 mars 2013 et du contrat de crédit affecté du même jour, et de voir condamner la SA BNP Paribas à rembourser la somme de 21 290,01 euros versée par les consorts [M].
Par jugement réputé contradictoire du 5 avril 2019, le tribunal d’instance d’Arcachon a :
– constaté l’irrecevabilité des demandes des consorts [M] à l’encontre de la SA BNP Paribas,
– dit recevable la présente procédure en ce qu’elle tend à constater la nullité du contrat de vente du 6 mars 2013, conclu entre les consorts [M] et le Groupe Solaire de France,
– prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre les consorts [M] et le Groupe Solaire de France le 6 mars 2013 pour les motifs ci-avant énoncés par le jugement,
– débouté les consorts [M] de leurs demandes à l’encontre de la SA BNP Paribas pour les motifs ci-avant énoncés par le jugement,
– ordonné au liquidateur de la société Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France seul, que soit effectuée à sa charge, la dépose des panneaux et la remise en état de la toiture de leur habitation dans les deux mois de la signification de la décision,
– dit, passé ce délai de deux mois de la signification du jugement, si le liquidateur de la société Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France n’a pas effectué à sa charge, la dépose des panneaux et la remise en état de la toiture de leur habitation, les consorts [M] pourront en disposer comme bon leur semblera,
– rejeté toutes demandes plus amples ou contraires,
– prononcé l’exécution provisoire du jugement,
– condamné le liquidateur de la société Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France aux entiers dépens,
– rejeté toutes demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Les consorts [M] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 30 octobre 2019.
Par conclusions déposées le 27 mai 2022, ils demandent à la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le tribunal d’instance d’Arcachon le 5 avril 2019 en ce qu’il a :
– dit recevable la procédure en nullité du contrat,
– prononcé la nullité du contrat de vente conclu entre les consorts [M] et le Groupe Solaire de France le 6 mars 2013,
– réformer le jugement rendu par le tribunal d’instance d’Arcachon le 5 avril 2019 en ce qu’il a :
– constaté l’irrecevabilité des demandes des consorts [M] à l’encontre de la SA BNP Paribas,
– débouté les consorts [M] de leurs demandes à l’encontre de la SA BNP Paribas,
– ordonné au liquidateur de la société Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France seul, que soit effectuée à sa charge, la dépose des panneaux et la remise en état de la toiture de leur habitation dans les deux mois de la signification de la décision à intervenir,
– dit que passé e délai de deux mois, si le liquidateur de la société n’a pas effectué à sa charge la dépose des panneaux et la remise en état de leur habitation, les consorts [M] pourront en disposer comme bon leur semblera,
– condamné le liquidateur de la société Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France aux entiers dépens,
– rejeté les demandes des consorts [M] au titre de l’article 700,
– rejeté toutes demandes plus amples et contraire,
Réformer pour le surplus et statuant à nouveau,
– dire les demandes des consorts [M] recevables et les déclarer bien fondées,
– débouter la SA BNP Paribas venant aux droits de Sygma Banque de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la SA BNP Paribas venant aux droits de Sygma Banque,
Et partant,
– confirmer l’annulation du contrat de vente liant les consorts [M] et la société Nouvelle Régie des Jonctions des Energies de France,
– prononcer l’annulation du contrat de crédit affecté liant les consorts [M] et la SA BNP Paribas venant aux droits de Sygma Banque,
En conséquence,
– ordonner le remboursement par la SA BNP Paribas venant aux droits de Sygma Banque, des sommes qui lui ont été versées par les consorts [M], au jour du jugement à intervenir, soit la somme de 21 290,01 euros,
A titre subsidiaire,
– condamner la SA BNP Paribas venant aux droits de Sygma Banque à restituer aux consorts [M] la somme de 11 440,01 euros,
En tout état de cause,
– condamner la SA BNP Paribas venant aux droits de Sygma Banque, à verser aux consorts [M] la somme de :
– 3 000 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance,
– 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,
– condamner la SA BNP Paribas venant aux droits de Sygma Banque au paiement de la somme 5 450,50 euros, au titre du devis de désinstallation,
En tout état de cause,
– condamner la SA BNP Paribas venant aux droits de Sygma Banque à payer aux consorts [M] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
– condamner la SA BNP Paribas venant aux droits de Sygma Banque, au paiement des entiers dépens.
Par conclusions déposées le 23 juin 2022 comportant appel incident, la SA BNP Paribas demande à la cour de :
– confirmer le jugement déféré en ce qu’il a constaté l’irrecevabilité des demandes des consorts [M] dirigées à l’encontre de la SA BNP Paribas, sur le fondement des dispositions de l’article 32 du code de procédure civile,
En conséquence,
– débouter les consorts [M] de l’ensemble de leurs demandes,
Subsidiairement, si la cour infirmait le jugement déféré de ce chef et, statuant à nouveau, jugeait les demandes des consorts [B], dirigées à l’encontre de la SA BNP Paribas, recevables,
– constater que les consorts [M] ont manifesté de manière réitérée et non équivoque leur acceptation de l’installation, de sorte qu’ils ont ratifié le contrat de vente litigieux,
En conséquence,
– infirmer le jugement déféré en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de vente litigieux et, statuant à nouveau,
– débouter les consorts [M] de l’ensemble de leurs demandes,
Très subsidiairement, si la cour infirmait le jugement déféré en ce qu’il a constaté l’irrecevabilité des demandes des consorts [M], dirigées à l’encontre de la SA BNP Paribas, et, statuant à nouveau, prononçait la nullité du contrat de vente et celle subséquente du contrat de
prêt affecté,
– débouter les consorts [M] du surplus de leurs demandes dirigées à l’encontre de la SA BNP Paribas comme étant infondées et, en tout état de cause, manifestement disproportionnées,
– ordonner la remise des choses en l’état,
– condamner in solidum les consorts [M] à restituer à la SA BNP Paribas le montant du financement, soit la somme de 19 700 euros,
En tout état de cause,
– condamner tout succombant à payer à la SA BNP Paribas la somme de 3 000 euros, sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– condamner tout succombant aux dépens de première instance et d’appel.
SELARL Bally MJ n’a pas constitué avocat. La déclaration d’appel et les conclusions d’appelants et d’intimée lui ont été régulièrement signifiées.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 23 juin 2022 et l’affaire fixée à l’audience du 7 juillet 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la recevabilité de l’action des consorts [M] à l’encontre de la BNP Paribas Personal Finance
Les consorts [M] font valoir que le remboursement anticipé de leur prêt le 25 avril 2014 ne signifie aucunement qu’ils ont renoncé à leur droit de se prévaloir des nullités affectant les contrats en cause et que la société Sygma Banque ayant été absorbée par la société Laser Cofinoga, elle-même absorbée par la société BNP Paribas Personal Finance, il s’est opérée une transmission universelle du patrimoine de la banque avec laquelle ils ont contracté vers celui de la banque intimée, comprenant actif et passif, de sorte que la société absorbante devient débitrice des créanciers de la société absorbée. Ils soutiennent en conséquence être recevables à agir contre la BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de Sygma Banque.
En réponse, la société BNP Paribas Personal Finance estime que les demandes des consorts [M] sont irrecevables à son encontre, en ce qu’elle n’aurait pas qualité à agir dans le cadre de la présente instance, au motif que les appelants ont soldé le prêt litigieux en 2014, lequel ne faisait donc plus partie du patrimoine de la Sygma Banque au moment de la fusion avec la BNP Paribas Personal Finance en 2015.
Il ressort en l’espèce de l’annonce BODACC produite en pièce n°1 par l’intimée, ainsi que de celle produite en pièce n°37 par les appelants, que la société Banque Solfea a été entièrement absorbée par la société Laser Cofinoga Forme, elle-même entièrement absorbée par la société BNP Paribas Personal Finance, ces opérations ayant respectivement été publiées au BODACC les 12 et 14 juillet 2015. Ces cessions comprenaient ainsi l’ensemble des éléments d’actif et de passif des sociétés absorbées, de sorte que les consorts [M] sont recevables à agir à l’encontre de la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Sygma Banque au titre du crédit consenti par cette dernière, dès lors qu’ils ont agi avant l’expiration du délai de prescription, peu important qu’ils aient soldé leur prêt avant la fusion-absorption des établissements de crédit.
Le jugement sera en conséquence infirmé sur ce point et les demandes de M. [G] et de Mme [P] à l’encontre de la BNP Paribas Personal Finance seront déclarées recevables.
Sur la validité du contrat principal de vente
Le contrat de vente de l’installation photovoltaïque a été conclu le 6 mars 2013, entre la société Groupe Solaire de France et les consorts [M] à l’occasion d’un démarchage à domicile. Il est dès lors soumis aux articles L.121-21 et suivants du code de la consommation, dans leur version applicable au litige et antérieure à la loi n°2014-344 du 17 mars 2014.
L’article L.121-23 du même code, dans sa rédaction applicable au litige, dispose : ‘les opérations visées à l’article L.121-21 doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;
2° Adresse du fournisseur ;
3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;
4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;
5° Conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d’exécution de la prestation de services ;
6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l’intérêt et le taux effectif global de l’intérêt déterminé dans les conditions prévues à l’article L.313-1 ;
7° Faculté de renonciation prévue à l’article L.121-25, ainsi que les conditions d’exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L.121-23, L.121-24, L.121-25 et L.121-26’.
L’article L.121-24 du même code dans la même version, énonce que ‘le contrat visé à l’article L.121-23 doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l’exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l’article L.121-25. Un décret en Conseil d’Etat précisera les mentions devant figurer sur ce formulaire’.
L’article L.121-25, alinéa 1, dispose que ‘dans les sept jours, jours fériés compris, à compter de la commande ou de l’engagement d’achat, le client a la faculté d’y renoncer par lettre recommandée avec accusé de réception. Si ce délai expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, il est prorogé jusqu’au premier jour ouvrable suivant’.
Les articles R.121-4 et R.121-5 du même code précisent que le formulaire prévu à l’article L.121-24 comporte, sur une face, l’adresse exacte et complète à laquelle il doit être envoyé et sur son autre face, les mentions successives ci-après en caractères très lisibles :
1° En tête, la mention « Annulation de commande » (en gros caractères), suivie de la référence « Code de la consommation, articles L. 121-23 à L. 121-26 » ;
2° Puis, sous la rubrique « Conditions », les instructions suivantes, énoncées en lignes distinctes:
« Compléter et signer ce formulaire » ;
« L’envoyer par lettre recommandée avec avis de réception » (ces derniers mots doivent être soulignés dans le formulaire ou figurer en caractères gras) ;
« Utiliser l’adresse figurant au dos » ;
« L’expédier au plus tard le septième jour à partir du jour de la commande ou, si ce délai expire normalement un samedi, un dimanche ou un jour férié ou chômé, le premier jour ouvrable suivant » (soulignés ou en caractères gras dans le formulaire) ;
3° Et, après un espacement, la phrase :
« Je soussigné, déclare annuler la commande ci-après », suivie des indications suivantes, à raison d’une seule par ligne :
« Nature du bien ou du service commandé… ».
« Date de la commande… ».
« Nom du client… ».
« Adresse du client… ».
4° Enfin, suffisamment en évidence, les mots :
« Signature du client… ».
En l’espèce, la BNP Paribas Personal Finance critique le jugement prononçant la nullité du contrat de vente, en ce qu’il écarte toute ratification du contrat par les consorts [M]. La banque estime que les acheteurs de l’installation ont renoncé à se prévaloir des irrégularités du bon de commande et ont couvert les nullités encourues en exécutant volontairement et spontanément le contrat.
Les consorts [M] font valoir que le bon de commande ne respecte pas les dispositions applicables du code de la consommation, notamment en ce que la nature de la prestation et les caractéristiques de celle-ci sont imprécises, les conditions d’exécution du contrat et les délais de mise en service ne sont pas mentionnés et que le nom de l’établissement de crédit, le coût total du crédit, le détail du coût de l’installation et le nom du démarcheur ne sont pas précisés. Ils ajoutent que les dispositions concernant le droit de rétractation ne sont pas respectées, en ce que le formulaire de rétractation détachable fait partie intégrante du contrat, ceci ayant pour effet d’amputer la partie du contrat qui figure au recto, ce qui les empêche d’user de leur droit de rétractation.
Il convient de relever que le bon de commande signé le 6 mars 2013 et produit en pièce n°3 par les appelants, fait apparaître la description suivante :
‘ – Centrale Photovoltaïque – fourniture, livraison et pose, garantie pièces, main d’oeuvre et déplacements.
2820 WC ; 12×235.
[Y].
– Démarches administratives et techniques.
Raccordement de l’onduleur au compteur de production à la charge de Groupe Solaire de France ;
Obtention du contrat de rachat de l’électricité produite à la charge de Groupe Solaire de France ;
Démarche auprès du Consuel d’Etat (obtention de l’attestation de conformité) à la charge de Groupe Solaire de France’.
Cette description est insuffisante au regard des exigences de l’article L.121-23 4° du code de la consommation, en ce qu’elle ne mentionne pas les caractéristiques précises des panneaux photovoltaïques (catégorie monocristallins ou polycristallins des panneaux) et ne comporte ni la désignation, ni les caractéristiques de l’onduleur (marque, modèle, référence, performances, poids). Par ailleurs, le montant de chaque élément composant l’installation n’est pas mentionné, seul est indiqué un prix global pour la centrale photovoltaïque, étant précisé que ni le montant HT, ni le taux de TVA appliqué, ni les conditions financières du prêt, ne sont indiqués.
Ce bon de commande ne précise pas la nature et les caractéristiques des équipements en cause et ne permet pas au consommateur de connaître le prix de chacun des biens ou de chacune des prestations qui lui sont proposées.
En outre, concernant les conditions d’exécution du contrat relevant de l’article L.121-23 5°, ni l’implantation, ni l’orientation ou l’inclinaison des panneaux ne sont mentionnées, alors que ces éléments sont essentiels pour déterminer les caractéristiques et la rentabilité de l’opération pour le consommateur.
Enfin, il convient de relever qu’en contradiction avec l’article L.121-23 1° du code de la consommation, le bon de commande signé le 6 mars 2013 ne mentionne pas l’identité du démarcheur, seule une signature figure dans l’encadré prévu à cet effet et aucun nom ni prénom n’est mentionné.
Ces irrégularités sont sanctionnées par la nullité du contrat. L’exécution volontaire du contrat ne peut en valoir confirmation qu’à la double condition que le consommateur ait la connaissance précise du vice affectant l’acte et que soit caractérisée sa volonté non équivoque de couvrir ce vice. Il appartient à la société qui l’allègue de le démontrer, cela ne se présumant pas.
En l’espèce, le contrat reproduit au verso du bon de commande les dispositions des articles L.121-23, L.121-24, L.121-25 et L.121-26 du code de la consommation. La lecture de ces dispositions pouvait alerter un consommateur normalement attentif sur les omissions du bon de commande, quant aux caractéristiques essentielles des biens offerts, aux conditions d’exécution du contrat et aux modalités de paiement, en méconnaissance de l’article L.121-23.
Cependant, rien ne permet de considérer que les consorts [M] aient jamais, même implicitement, renoncé à se prévaloir de la nullité du contrat de vente et aucun élément ne permet d’envisager une volonté non équivoque de ratification du contrat de leur part. Ainsi, les circonstances invoquées par la BNP Paribas Personal Finance selon lesquelles les appelants n’ont pas exercé leur droit de rétractation et ont régulièrement exécuté leurs obligations jusqu’à solder le prêt litigieux, ne suffisent pas à établir la volonté de couvrir les irrégularités affectant le contrat de vente.
En conséquence et sans qu’il n’y ait lieu d’examiner la demande de nullité du contrat pour dol, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat de vente conclu le 6 mars 2013 entre M. [G], Mme [P] et la société Nouvelle Régie Jonction des Energies de France (Groupe Solaire de France).
Sur les conséquences de la nullité du contrat principal sur le contrat de prêt
L’article L.311-32, alinéa 1er, du code de la consommation dans sa version applicable au litige, dispose que le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.
En application de ces dispositions et au regard de l’annulation du contrat conclu par acceptation du bon de commande du 6 mars 2013, le contrat de crédit du même jour affecté au financement de l’opération doit également être annulé de plein droit.
Le jugement qui a débouté les consorts [M] de leur demande sur ce point sera dès lors infirmé et l’annulation du contrat de crédit à la consommation affecté conclu par les consorts [M] le 6 mars 2013 avec la Sygma Banque aux droits de laquelle vient la BNP Paribas Personal Finance sera prononcée.
Sur les conséquences de la nullité du contrat de prêt
La nullité du contrat principal emporte en principe remise en l’état antérieur et obligation pour l’emprunteur de restituer le capital emprunté, sous la seule déduction des échéances payées, sauf faute du prêteur le privant de sa créance de restitution.
Par ailleurs, aux termes de l’article L.311-31 du code de la consommation dans sa version applicable au litige, les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation.
En l’espèce, les appelants invoquent plusieurs fautes du prêteur, dont notamment celle d’avoir financé l’opération alors que le contrat d’achat était entaché de nullité et d’avoir débloqué les fonds alors que la prestation n’était pas totalement achevée. La société BNP Paribas Personal Finance fait valoir quant à elle qu’elle n’est pas le mandant du vendeur, que l’irrégularité du contrat ne sauraient engager sa responsabilité et qu’en l’espèce, l’installation fonctionne et produit de l’électricité.
Cependant, le contrat de vente était affecté de plusieurs irrégularités sanctionnées par la nullité ainsi que cela a été relevé ci-dessus, ce dont il résulte que la Sygma Banque, aux droits de laquelle vient la BNP Paribas Personal Finance, a commis une faute en finançant un contrat dont la nullité était apparente et en rendant ainsi possible une opération qui n’aurait pas dû recevoir exécution.
Il convient de rappeler que le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute (Civ. 1ère, 25 nov. 2020, n°19-14.908).
En l’espèce, aucune attestation de fin de travaux n’est produite aux débats, seul un certificat de livraison du matériel est produit par la banque intimée en dernière page de sa pièce n°2, étant précisé que ce document est daté 19 février 2013, soit 15 jours avant la conclusion du contrat de vente du 6 mars 2013. Il ressort néanmoins du tableau d’amortissement du prêt produit en pièce n°6 par les consorts [M], que les fonds ont été débloqués par la banque le 3 mai 2013, cette opération figurant sous le libellé ‘DBL’.
Cependant, le contrat d’achat de l’énergie électrique produite, conclu entre M. [G] et EDF, précise en page 2 : ‘le présent contrat prend effet à la date de mise en service du raccordement de l’installation, soit le 03/12/2013’. La centrale photovoltaïque vendue le 6 mars 2013 à M. [G] et Mme [P] n’est donc entrée en fonctionnement que le 3 décembre 2013, soit 9 mois après le contrat d’achat de cet équipement auprès de la société Groupe Solaire de France. La banque ne pouvait dès lors pas remettre les fonds au vendeur comme elle l’a fait le 3 mai 2013, sans s’assurer que ce dernier avait exécuté la totalité de ses obligations.
Si les fonds ont été libérés le 3 mai 2013, date à laquelle les démarches et le raccordement n’étaient pas effectués, il apparaît à la lecture du tableau d’amortissement que le remboursement des échéances du prêt a démarré le 4 juin 2014, les consorts [M] ayant bénéficié d’un différé de remboursement d’un an. Par ailleurs, ils disposent d’une installation photovoltaïque en état de fonctionnement, quand bien même elle ne procure pas le rendement escompté.
En conséquence, au regard du préjudice subi par les emprunteurs en lien avec la faute de la banque, au titre de l’absence de disponibilité des sommes employées au paiement des échéances du contrat de crédit et des limitations budgétaires inhérentes, les consorts [M] ne supporteront qu’en partie le remboursement du capital prêté, à concurrence de 10.700 €. Le jugement sera dès lors infirmé en ce qu’il les a déboutés de leur demande à ce titre à l’encontre de la société BNP Paribas Personal Finance.
Les consorts [M] ayant déjà soldé l’intégralité du prêt au moyen d’un rachat de crédit auprès d’un autre établissement bancaire, la société BNP Paribas Personal Finance sera tenue de leur restituer la somme de 9.000 €, au titre du contrat de crédit affecté conclu le 6 mars 2013.
Sur les demandes de dommages et intérêts des consorts [M] à l’encontre de la banque
Les appelants font valoir qu’en l’absence d’exécution par le liquidateur judiciaire de sa condamnation à faire procéder à sa charge à la dépose des panneaux photovoltaïques et à la remise en état de la toiture, ils sont contraints de les faire démonter à leurs frais, pour une somme de 5.450 €, selon devis de la SARL Courbin Franck produit en pièce n°35. Ils sollicitent, outre le paiement de cette somme, la condamnation de la BNP Paribas Personal Finance à leur payer les sommes de 3.000 € au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance, ainsi que 3.000 € au titre de leur préjudice moral.
Du fait de l’annulation aux torts du vendeur du contrat initial de prestation de service, les consorts [M] ont subi un préjudice lié à la nécessité de subir les travaux d’installation puis d’enlèvement des équipements en cause.
Cependant, il n’existe pas de lien de causalité directe entre, d’une part, la faute de la banque et d’autre part, le préjudice lié au coût du démontage de l’installation avec remise en état de la toiture et le préjudice moral invoqué du fait de l’installation, puis de la désinstallation des panneaux. Ces préjudices résultent en effet directement de la souscription du contrat principal, de sorte que leur réparation ne peut être mise qu’à la charge du vendeur de l’installation, représenté par la SELARL Bally MJ à l’égard de laquelle les appelants ne formulent aucune demande.
En outre, le préjudice financier et le trouble de jouissance invoqués, résultant de l’obligation de remboursement du prêt à laquelle sont tenus les emprunteurs, sont réparés par l’exonération de l’obligation de rembourser une partie du capital prêté.
Le jugement sera donc confirmé en ce qu’il a débouté les consorts [M] de leurs demandes de dommages et intérêts au titre du préjudice financier et du trouble de jouissance, du préjudice moral et du préjudice économique.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Il y a lieu d’infirmer le jugement du 5 avril 2019 en ses dispositions relatives aux dépens et à l’article 700 du code de procédure civile.
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Sur ce fondement, la société BNP Paribas Personal Finance supportera la charge des dépens.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée.
En l’espèce, la société BNP Paribas Personal Finance sera condamnée à verser à M. [G] et Mme [P], la somme globale de 2 500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour,
– Infirme partiellement le jugement du 5 avril 2019, en ce qu’il a :
* constaté l’irrecevabilité des demandes de M. [G] et Mme [P] à l’encontre de la SA BNP Paribas Personal Finance,
* débouté M. [G] et Mme [P] de leurs demandes à l’encontre de la SA BNP Paribas Personal Finance,
Statuant à nouveau dans cette limite,
– Déclare recevables les demandes de M. [F] [G] et Mme [O] [P] à l’encontre de la SA BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la Sygma Banque ;
– Prononce la nullité du contrat de crédit à la consommation affecté conclu par M. [F] [G] et Mme [O] [P] le 6 mars 2013 avec la société Sygma Banque aux droits de laquelle vient la SA BNP Paribas Personal Finance ;
– Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à restituer à M. [F] [G] et Mme [O] [P] la somme de 9 000 € au titre du contrat de crédit affecté conclu le 6 mars 2013;
– Confirme toutes les autres dispositions du jugement non contraires ;
Y ajoutant,
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
– Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance à payer à M. [F] [G] et Mme [O] [P] une somme de 2 500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– Condamne la SA BNP Paribas Personal Finance aux dépens de première instance et d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier,Le Président,