Droit de rétractation : Décision du 16 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/11261

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Droit de rétractation : Décision du 16 novembre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 20/11261

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 1-8

ARRÊT AU FOND

DU 16 NOVEMBRE 2022

N° 2022/ 509

N° RG 20/11261

N° Portalis DBVB-V-B7E-BGQ7R

[T] [S]

C/

S.A.R.L. CEDRANE

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Roselyne SIMON-THIBAUD

Me Carine CARRILLO

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Juridiction de proximité de CANNES en date du 10 Juillet 2020 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-19-681.

APPELANTE

Madame [T] [S]

demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Roselyne SIMON-THIBAUD, membre de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat Me Thibault POZZO DI BORGO, membre de la SCP DELPLANCKE-POZZO DI BORGO-ROMETTI & ASSOCIES, avocat au barreau de NICE,

INTIMEE

S.A.R.L. CEDRANE

prise en la personne de son représentant légal, domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 3]

représentée par Me Carine CARRILLO, membre de la SELAS LORRAIN-CARRILLO, avocat au barreau de GRASSE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 20 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Philippe COULANGE, Président

Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère

Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller

Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2022.

ARRÊT

Contradictoire, prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Novembre 2022, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE

Suivant acte conclu sous signatures privées le 15 avril 2017, Madame [T] [S] a passé commande auprès de la société CEDRANE, exerçant sous l’enseigne CUISINELLA, de meubles de cuisine destinés à équiper sa propriété de [Localité 1], moyennant le prix de 22.437,52 euros TTC.

Un acompte de 3.400 euros a été versé à la commande, et il était stipulé le paiement d’un second acompte du même montant le 29 avril, d’une somme de 15.555,85 euros à la livraison prévue le 26 juin, et enfin du solde de 81,67 euros à la pose prévue le 10 juillet 2017.

Par avenant conclu le 3 juin 2017, les parties ont convenu de reporter la date de livraison au 31 octobre 2017.

Par lettre du 30 novembre 2017, Madame [S] a informé la société CEDRANE que, faute pour cette dernière de répondre à ses sollicitations, elle avait été conduite à modifier son projet d’aménagement, et qu’elle entendait désormais limiter sa commande à un montant équivalent à celui de l’acompte versé.

Par courrier du 17 janvier 2018, la société CEDRANE a refusé de modifier les termes du contrat, et mis en demeure sa cliente de respecter ses engagements.

Par lettre de son conseil du 12 février 2018, Madame [S] en entendu exercer son droit de rétractation, ce à quoi la société CEDRANE a opposé une fin de non recevoir.

Par exploit d’huissier du 28 mars 2019, Madame [S] a saisi le tribunal d’instance de Cannes afin d’entendre juger que la société CEDRANE avait manqué à ses obligations contractuelles, et obtenir la restitution de la somme de 3.400 euros versée à titre d’acompte, outre le paiement d’une somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive. Aux termes de ses dernières écritures, elle poursuivait également l’annulation de la convention, qu’elle entendait au préalable voir requalifier en contrat de crédit affecté.

La défenderesse a conclu au rejet de l’ensemble de ces prétentions et réclamé reconventionnellement paiement d’une somme de 5.708 euros en réparation de son préjudice, en complément de l’acompte perçu.

Par jugement rendu le 10 juillet 2020 la juridiction saisie, devenue entre-temps le tribunal de proximité de Cannes, a débouté Madame [S] des fins de son action et l’a condamnée à payer à la société CEDRANE la somme de 4.190 euros à titre de dommages-intérêts, outre les entiers dépens de l’instance.

Madame [T] [S] a relevé appel de cette décision par déclaration adressée le 18 novembre 2020 au greffe de la cour.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Dans ses conclusions notifiées le 18 février 2021, Madame [T] [S] fait valoir en premier lieu que la société CEDRANE a manqué à l’obligation précontractuelle d’information mise à sa charge par les articles L.111-1 et suivants du code de la consommation, notamment en lui indiquant que le bon de commande n’était pas ‘le véritable contrat de vente’, en s’abstenant d’établir au préalable un métré et un plan de conception, et en omettant de lui préciser qu’elle pouvait recourir à un crédit.

Elle soutient ensuite que la convention doit être requalifiée en contrat de crédit affecté en application de l’article L.311-1 du même code, et devait dès lors stipuler un délai de rétractation à son profit. A défaut, il convient de considérer que ce délai n’a jamais commencé à courir, et qu’elle était donc fondée à exercer son droit de rétractation par courrier de son conseil en date du 12 février 2018.

Elle ajoute que la société CEDRANE a également manqué à ses obligations contractuelles postérieurement à la commande, en s’abstenant d’établir les plans et métrés, et en refusant de procéder à la livraison réclamée dans son courrier du 30 novembre 2017.

Elle demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau :

– de prononcer la nullité du contrat, ou subsidiairement sa résolution,

– de condamner la société CEDRANE à lui restituer la somme de 3.400 euros, outre intérêts au taux légal à compter du 12 février 2018,

– de la condamner également à lui payer la somme de 3.000 euros à titre de dommages-intérêts,

– et de condamner enfin l’intimée aux entiers dépens de première instance et d’appel, outre une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions en réplique notifiées le 16 avril 2021, la société CEDRANE soutient pour sa part avoir respecté son obligation précontractuelle d’information. Elle précise que le recueil préalable des métrés était impossible car le logement de Madame [S] était en cours de travaux, et que la cliente avait néanmoins souhaité passer commande sans attendre.

Elle expose que le report de la date de livraison a été décidé en raison du retard pris par le chantier, et qu’elle a appris le 27 septembre 2017 que sa cliente avait passé commande auprès d’une autre société.

Elle fait valoir d’autre part que Madame [S] ne souhaitait pas recourir à un prêt, et que le règlement échelonné du prix n’était pas assimilable à une opération de crédit, de sorte qu’aucun délai de rétractation n’était ouvert au profit de sa cliente. Elle soutient au contraire que le versement d’un acompte impliquait un engagement ferme de la part des deux parties.

Elle demande à la cour de confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, et de condamner en outre l’appelante aux entiers dépens ainsi qu’au paiement d’une somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction est intervenue le 6 septembre 2022.

DISCUSSION

Sur la qualification du contrat :

L’article L 311-1-6° du code de la consommation définit une opération de crédit comme un contrat par lequel un prêteur consent ou s’engage à consentir à l’emprunteur un crédit sous la forme d’un délai de paiement, d’un prêt, y compris sous forme de découvert, ou de toute autre facilité de paiement similaire, à l’exception des contrats conclus en vue de la fourniture d’une prestation continue ou à exécution successive de services ou de biens de même nature et aux termes desquels l’emprunteur en règle le coût par paiements échelonnés pendant toute la durée de la fourniture.

L’article L 311-1-11° définit le contrat de crédit affecté comme l’octroi d’un crédit servant exclusivement à financer un contrat relatif à la fourniture de biens particuliers ou la prestation de services particuliers ; ces deux contrats constituent alors une opération commerciale unique.

En matière de contrat de vente, le prix n’est en principe exigible qu’à la livraison, sauf la faculté pour le vendeur d’exiger au préalable le paiement d’un ou plusieurs acomptes. Dès lors, les stipulations du bon de commande conclu entre les parties prévoyant le versement de deux acomptes de 3.400 euros chacun, puis du solde du prix à la livraison, ne constituent pas des facilités de paiement consenties à l’acquéreur.

C’est donc à bon droit que le premier juge a refusé de requalifier la convention en contrat de crédit affecté, de sorte que les dispositions de l’article L 312-19 relatives à l’exercice du droit de rétractation ne trouvent pas à s’appliquer.

Sur l’obligation précontractuelle d’information :

C’est par de justes motifs, adoptés par la cour, que le premier juge a considéré que la société CEDRANE avait satisfait à l’obligation précontractuelle d’information mise à sa charge par l’article L 111-1 du code de la consommation, au visa des mentions précises contenues dans le bon de commande comportant 42 pages, toutes revêtues du paraphe de l’acheteur.

Il ne peut être déduit du simple fait que Madame [S] soit de nationalité étrangère qu’elle n’a pas été en mesure de comprendre la portée de son engagement.

Il ressort d’autre part des correspondances échangées entre les parties qu’à la date de la souscription du bon de commande le logement à meubler était en chantier, ce qui justifiait de différer le relevé des mesures et l’établissement du plan d’exécution, étant observé que l’engagement de services du professionnel prévoit expressément un tel cas de figure.

Enfin il ne résulte pas des textes légaux ou réglementaires invoqués par l’appelante que le vendeur professionnel soit tenu d’informer le consommateur de la possibilité de recourir à un crédit.

Sur l’imputabilité de l’inexécution du contrat :

Dans son courrier du 30 novembre 2017, Madame [S] soutenait qu’elle était restée sans nouvelle de la part de la société CEDRANE à compter du mois de mai, ce qui l’avait conduite à modifier son projet d’aménagement.

Cette affirmation est toutefois contredite par la signature de l’avenant en date du 3 juin 2017, par lequel les parties avaient convenu de repousser le délai de livraison au 31 octobre, toujours en raison du retard pris par le chantier.

La société CEDRANE fait valoir au contraire, sans être démentie sur ce point, que sa cliente l’avait informée verbalement dès le 27 septembre 2017, soit avant l’échéance du délai de livraison, de sa décision de passer une nouvelle commande auprès d’une autre société.

C’est donc à bon droit que le premier juge a considéré que l’inexécution du contrat était pleinement imputable à Madame [S], en dépit de la mise en demeure qui lui avait été adressée le 17 janvier 2018, et l’a condamnée à indemniser la société CEDRANE de son préjudice commercial sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

Y ajoutant, condamne Madame [T] [S] aux dépens de la procédure d’appel, ainsi qu’au paiement d’une somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LE PRESIDENT

 


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