COUR D’APPEL D’ORLÉANS
CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE
GROSSES + EXPÉDITIONS : le 21/09/2023
la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN
ARRÊT du : 21 SEPTEMBRE 2023
N° : 153 – 23
N° RG 21/00599
N° Portalis DBVN-V-B7F-GJ2Q
DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Juge des contentieux de la protection de BLOIS en date du 18 Janvier 2021
PARTIES EN CAUSE
APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265263367569255
S.A. COFIDIS
Société à directoire et conseil de surveillance
Agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié audit siège
[Adresse 4]
[Localité 3]
Ayant pour avocat postulant Me Pierre GUILLAUMA, membre de la SCP GUILLAUMA – PESME – JENVRIN, avocat au barreau d’ORLEANS, et pour avocat plaidant Me Olivier HASCOET, membre de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, avocat au barreau d’ESSONNE
D’UNE PART
INTIMÉ : – Timbre fiscal dématérialisé N°: -/-
Monsieur [N] [O]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Défaillant
D’AUTRE PART
DÉCLARATION D’APPEL en date du : 24 Février 2021
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 29 septembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR
Lors des débats, affaire plaidée sans opposition des avocats à l’audience publique du JEUDI 15 JUIN 2023, à 9 heures 30, devant Madame Fanny CHENOT, Conseiller Rapporteur, par application de l’article 805 du code de procédure civile.
Lors du délibéré :
Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferréole DELONS, Conseiller,
Greffier :
Madame Emmanuelle PRADEL, Greffier lors des débats,
Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier lors du prononcé.
ARRÊT :
Prononcé publiquement par arrêt de défaut le JEUDI 21 SEPTEMBRE 2023 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
EXPOSE DU LITIGE :
Selon offre de crédit préalable acceptée le 27 juillet 2014, la société Cofidis a consenti à M. [N] [O] une ouverture de crédit d’un montant de 500 euros.
Par avenants successifs des 9 juin 2015, 5 septembre 2016 et 1er mars 2017, le montant de l’ouverture de crédit a été porté à 6’000 euros.
Des échéances de remboursement du crédit étant restées impayées, la société Cofidis a mis en demeure M. [O] de régulariser la situation par courrier du 26 juillet 2019, adressé sous pli recommandé réceptionné le 27 juillet suivant, en l’informant qu’à défaut de paiement de la somme de 1’375,71 euros dans un délai de 11 jours, elle provoquerait la déchéance du terme.
La société de crédit a résilié son concours le 7 août 2019, et fait assigner M. [O] en paiement devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Blois par acte du 4 septembre 2020.
Par jugement réputé contradictoire du 18 janvier 2021 assorti de l’exécution provisoire, en retenant que l’établissement de crédit ne justifiait pas avoir remis à l’emprunteur une offre de prêt dotée d’un formulaire détachable de rétractation, le tribunal a’:
– déclaré recevable l’action de la société Cofidis à l’encontre de M. [N] [O],
– prononcé la déchéance du droit aux intérêts conventionnels au titre du contrat conclu le 27 juillet 2014 et modifié les 9 juin 2015, 5 septembre 2016 et 1er mars 2017, entre la société Cofidis et M. [N] [O],
– condamné M. [N] [O] à payer à la société Cofidis la somme de 1’461,18’euros avec intérêts au taux légal à compter du 7 août 2019,
– débouté la société Cofidis de ses autres demandes,
– condamné M. [N] [O] à payer à la société Cofidis la somme de 600 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [N] [O] aux entiers dépens.
La société Cofidis a relevé appel de cette décision par déclaration du 24 février 2021, en critiquant expressément tous les chefs du jugement en cause lui faisant grief.
Dans ses dernières conclusions remises le 19 avril 2021 au greffe par voie électronique, signifiées le 28 avril 2021 à M. [O], la société Cofidis demande à la cour, au visa des articles 1134 et suivants du code civil, devenus 1103 et suivants du code civil, et L.311-1 et suivants du code de la consommation, de :
– la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d’appel, y faire droit,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels et a rejeté la demande de capitalisation des intérêts,
Statuant à nouveau sur ces points,
– dire n’y avoir lieu à déchéance du droit aux intérêts,
– condamner M. [N] [O] à payer à la SA Cofidis la somme de 6’540,90 euros, avec intérêts au taux contractuel de 11,818 % l’an à compter de la mise en demeure du 7 août 2019,
– ordonner la capitalisation annuelle des intérêts conformément à l’article 1343-2 du code civil,
– condamner M. [N] [O] à payer à la SA Cofidis la somme de 1’200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner M. [N] [O] aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits et des moyens de l’appelante, il convient de se reporter à ses dernières conclusions récapitulatives.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 29 septembre 2022, pour l’affaire être plaidée le 15 juin suivant et mise en délibéré à ce jour, sans que M. [O], assigné le 28 avril 2021 en l’étude du commissaire de justice instrumentaire, ait constitué avocat.
SUR CE, LA COUR :
Il résulte de l’article 472 du code de procédure civile que si, en appel, l’intimé ne conclut pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que la cour ne fait droit aux prétentions de l’appelant que dans la mesure où elle les estime régulières, recevables et bien fondées, étant précisé que par application de l’article 954, dernier alinéa, du même code, la partie qui ne conclut pas est réputée s’approprier les motifs du jugement entrepris.
L’article L. 311-12 du code de la consommation, pris dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, devenu l’article L. 312-21 du même code, énonce que l’emprunteur peut se rétracter sans motifs dans un délai de quatorze jours calendaires révolus à compter du jour de l’acceptation de l’offre de contrat de crédit comprenant les informations prévues à l’article L. 311-18 et précise que, afin de permettre l’exercice de ce droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit.
Comme l’indique l’appelante, la Cour de cassation a jugé que la reconnaissance écrite par l’emprunteur, dans le corps de l’offre préalable, de la remise d’un bordereau de rétractation détachable joint à cette offre, laissait présumer la remise effective de celui-ci et qu’il appartenait à l’emprunteur de rapporter la preuve de l’absence de remise du bordereau ou, à défaut, de son caractère irrégulier (v. par ex. civ. 1, 12 juillet 2012, n° 11-17.595′; 16 janvier 2013, n° 12-14.122).
Cette jurisprudence dont se prévaut la société Cofidis est cependant obsolète.
Par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance, C-449/13), la Cour de justice de l’Union européenne a en effet dit pour droit que les dispositions de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs, dont sont issues les dispositions de l’article L.’311-12 du code de la consommation, doivent être interprétées en ce sens qu’elles s’opposent à ce qu’en raison d’une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur -une telle clause entraînant un renversement de la charge de preuve de l’exécution desdites obligations de nature à compromettre l’effectivité des droits reconnus par la directive 2008/48 (point 32).
La Cour de cassation a en conséquence fait évoluer sa jurisprudence relative aux modes de preuve de la remise du bordereau détachable de rétractation à l’emprunteur (v. par ex. civ. 1, 21 octobre 2020, n° 19-18.971).
Désormais, la preuve par le prêteur de la communication à l’emprunteur du bordereau détachable de rétractation ne saurait résulter de la seule signature apposée par l’emprunteur sous une clause type par laquelle celui-ci reconnaît cette remise. Une telle reconnaissance ne constitue qu’un simple indice que le prêteur doit compléter par d’autres éléments pour établir l’exécution de son obligation envers l’emprunteur. A défaut, la sanction encourue par le prêteur est la déchéance de son droit aux intérêts.
En l’espèce, la société Cofidis, qui se prévaut de la clause de l’offre de prêt litigieux selon laquelle l’emprunteur a reconnu rester en possession d’un exemplaire du contrat de crédit doté d’un formulaire détachable de rétractation, fait valoir que l’intimé a remboursé un certain nombre de mensualités sans se plaindre que l’offre de prêt n’ait pas comporté de formulaire de rétractation, et que M. [O] a sollicité à plusieurs reprises une augmentation de l’ouverture de crédit en signant des offres qui, selon elle, «’avaient nécessairement’» elles aussi un bordereau de rétraction.
En procédant ainsi par simple affirmation, la société Cofidis n’offre aucun élément pertinent pour compléter le simple indice que constitue la signature de l’emprunteur sous cette clause.
Dès lors que l’appelante échoue, dans ces circonstances, à établir la preuve de l’exécution de ses obligations envers l’intimé, le jugement entrepris, qui a déchu la société Cofidis de son droit aux intérêts, ne peut qu’être confirmé.
La société Cofidis, qui succombe au sens de l’article 696 du code de procédure civile, devra supporter les dépens de l’instance d’appel et sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Confirme la décision entreprise en tous ses chefs critiqués,
Y ajoutant,
Rejette la demande de la société Cofidis formée en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la société Cofidis aux dépens.
Arrêt signé par Madame Carole CHEGARAY, Président de la chambre commerciale à la Cour d’Appel d’ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT , Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT