Droit de rétractation : Décision du 3 octobre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/04461

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Droit de rétractation : Décision du 3 octobre 2023 Cour d’appel d’Amiens RG n° 21/04461

ARRET

[U]

C/

S.A.S. K PAR K

PB/VB

COUR D’APPEL D’AMIENS

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU TROIS OCTOBRE

DEUX MILLE VINGT TROIS

Numéro d’inscription de l’affaire au répertoire général de la cour : N° RG 21/04461 – N° Portalis DBV4-V-B7F-IGY7

Décision déférée à la cour : JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE D’AMIENS DU VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT ET UN

PARTIES EN CAUSE :

Monsieur [O] [U]

né le [Date naissance 2] 1947 à [Localité 6]

de nationalité Française

[Adresse 3]

[Localité 4]

Représenté par Me Hamadou SABALY substituant Me Pascal BIBARD de la SELARL CABINETS BIBARD AVOCATS, avocats au barreau d’AMIENS

APPELANT

ET

S.A.S. K PAR K agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 5]

Assignée à secrétaire le 26/10/2021

INTIMEE

DÉBATS & DÉLIBÉRÉ :

L’affaire est venue à l’audience publique du 20 juin 2023 devant la cour composée de M. Pascal BRILLET, Président de chambre, M. Vincent ADRIAN et Mme Myriam SEGOND, Conseillers, en présence de Mme [H] [T], Mme [K] [I], M. [Z] [M] et Mme [N] [S], auditeurs de justice qui en ont ensuite délibéré conformément à la loi.

A l’audience, la cour était assistée de Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

Sur le rapport de M. Pascal BRILLET et à l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré et la présidente a avisé les parties de ce que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 03 octobre 2023, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.

PRONONCÉ :

Le 03 octobre 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par M. Pascal BRILLET, Président de chambre et Mme Vitalienne BALOCCO, greffier.

*

* *

DECISION :

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat du 4 janvier 2017, modifié par deux avenants des 24 juin et 4 septembre suivant, Mme [O] [U] a confié à la société K par K des travaux de menuiserie comprenant la fourniture et la pose à son domicile, situé [Adresse 3] à [Localité 4], de quatre portes et de sept fenêtres en chêne abouté pour un prix total TTC de 26 157 euros.

Soutenant que sa facture finale d’un montant de 9 357 euros était restée impayée par Mme [U] malgré plusieurs mises en demeure, la société K par K a obtenu du tribunal de proximité d’Abbeville une ordonnance en date du 5 août 2019 portant injonction de payer cette somme.

Mme [U] a fait opposition à cette ordonnance le 11 décembre 2019 devant le tribunal de proximité d’Abbeville lequel, par jugement du 6 novembre 2020, s’est déclaré incompétent au profit de la chambre de la proximité de la protection du tribunal judiciaire d’Amiens.

Mme [U] a principalement sollicité la nullité du contrat du 4 janvier 2017, la restitution d’un acompte de 16 800 euros, subsidiairement la condamnation de la société K par K à lui payer cette somme au titre de sa responsabilité contractuelle et, encore plus subsidiairement, l’organisation d’une mesure d’expertise judiciaire.

Par jugement en date du 28 juin 2021, dont Mme [U] a interjeté appel par déclaration en date du 31 août 2021, signifiée à la société K par K par acte d’huissier de justice du 26 octobre 2021 (à personne habilitée), le tribunal a :

– reçu l’opposition à l’injonction de payer du 5 août 2019, l’a mise à néant et statuant à nouveau,

– condamné Mme [U] à payer à la société K par K la somme de 9 357 euros avec intérêts au taux légal à compter du 16 mai 2019,

– débouté Mme [U] de toutes ses demandes,

– condamné Mme [U] à payer à la société K par K la somme de 1 200 euros sur le fondement l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.

La société K par K n’a pas constitué avocat devant la cour.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 22 juin 2022.

L’affaire a été appelée à l’audience du 10 janvier 2023.

Le 7 février 2023, la cour a invité le conseil de Mme [U] à produire sous huitaine les originaux du bon de commande du 4 janvier 2017 et des deux avenants des 24 juin et 4 septembre suivant.

Il n’a pas été donné suite à cette demande.

Par arrêt en date du 14 mars 2023, auquel la cour renvoie pour une présentation plus complète des faits et de la procédure antérieure, la cour a :

– confirmé le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [U] en lien avec l’existence d’un paiement avant l’expiration d’un délai de sept jours à compter de la conclusion du contrat hors établissement,

Pour le surplus, avant dire droit,

– fait injonction à Mme [U] de produire les originaux du bon de commande du 4 janvier 2017 et des deux avenants des 24 juin et 4 septembre suivant,

– dit que l’affaire serait appelée à l’audience des plaidoiries du mardi 20 juin 2023 à 14H00.

Vu les dernières conclusions récapitulatives de Mme [U] notifiées par voie électronique le 19 juin 2023 aux termes desquelles elle demande à la cour de :

– la déclarer recevable en ses demandes, fins, et prétentions ;

– infirmer la décision entreprise en ses dispositions suivantes :

– condamne Mme [O] [U] à payer à la SAS K par K la somme de 9 357 euros avec intérêts aux taux légal à compter du 16 mai 2019 ;

– déboute Mme [O] [U] de toutes ses demandes ;

– condamne Mme [O] [U] à payer à la sas K par K la somme de 1 200 euros

sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamne Mme [O] [U] aux dépens.

En conséquence, y faisant droit,

A titre principal :

– prononcer la nullité du contrat litigieux ;

– condamner la société K par K à lui restituer la somme de 16 800 euros, correspondant à l’acompte que celle-ci a versé à la société K par K ;

A titre subsidiaire :

– dire et juger que la société K par K engage sa responsabilité contractuelle ;

En conséquence,

– condamner la société K par K à lui payer la somme de 16 800 euros, à titre de dommages-intérêts du fait que la société K par K n’a pas respecté son obligation de livrer un ouvrage, exempt de défauts, et conforme à sa destination ;

A titre très subsidiaire :

– dire et juger que le non-versement du solde du fait des désordres relevés est constitutif d’une exception d’inexécution ;

– ordonner une éventuelle compensation entre la somme sollicitée par la société K par K et les condamnations qui pourraient être mises à sa charge.

A titre infiniment subsidiaire :

– ordonner avant dire droit une expertise confiée à tel expert qu’il plaira à la cour de désigner avec pour mission :

– convoquer les parties,

– se faire communiquer tout document et pièces qu’il estimera utile pour l’accomplissement de sa mission,

– se rendre à son domicile et examiner les fenêtres, et portes installées par la société K par K,

– dire si celles-ci sont affectées de désordres, de malfaçons, de non-finitions ou de défectuosités d’un quelconque ordre,

– préciser la date d’apparition des désordres et leur gravité,

– en expliquer les causes et origines,

– en cas de pluralité de causes, indiquer la part incombant à chaque cause,

– rechercher si les désordres proviennent d’un défaut de conception, d’une non-conformité aux documents contractuels, aux règles de l’art, d’une exécution défectueuse,

– évaluer les travaux de réfection nécessaires pour remédier auxdits désordres, malfaçons, non finitions et défectuosités constatés,

– dire si les travaux de la société K par K sont conformes à ceux commandés et facturés, et si ceux-ci respectent les règles de l’art tout type de menuiserie confondue

– chiffrer le coût de reprise des désordres et des mises en conformité,

– évaluer et indiquer le coût des travaux éventuellement nécessaires à la réfection et chiffrer le cas échéant le coût des remises en état,

– fournir tous les éléments techniques et de fait, de nature à permettre à la juridiction saisie de déterminer les responsabilités encourues et évaluer les préjudices subis.

– fixer le délai dans lequel l’expert devra déposer son rapport définitif auprès du greffe du tribunal,

– fixer la provision à valoir sur les frais d’expertise à la charge des parties,

– surseoir à statuer sur les autres demandes des parties dans l’attente du dépôt du rapport de l’expertise judiciaire,

– réserver le cas échéant les demandes des parties, et dépens.

En tout état de cause,

– condamner la société K par K à lui payer :

– la somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance qu’elle a subi.

– la somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral qu’elle a subi.

– la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens, y compris le coût des constats d’huissier.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties s’agissant de la présentation plus complète de leurs demandes et des moyens qui les fondent.

MOTIFS

1. Il résulte de l’article 472 du code de procédure civile qu’en appel, si l’intimé ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit aux prétentions et moyens de l’appelant que dans la mesure où il les estime réguliers, recevables et bien fondés. Il appartient à la cour d’examiner, au vu des moyens d’appel, la pertinence des motifs par lesquels le premier juge s’est déterminé.

2. Il est renvoyé au précédent arrêt en date du 14 mars 2023 s’agissant du rejet du moyen tiré du prétendu règlement de l’acompte avant la formation du contrat.

3. Le moyen de nullité de la convention tiré du défaut de fourniture du formulaire type de rétractation est nouveau aux termes du jugement dont appel.

Le premier juge n’a donc pas statué à cet égard.

Il est cependant recevable en application de l’article 563 du code de procédure civile, la prétention tendant à la nullité du contrat n’étant elle-même pas nouvelle.

4. Dans sa version applicable au jour du contrat, l’article L221-5, 2° du code de la consommation prévoit que, préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique notamment au consommateur, de manière lisible et compréhensible, lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat.

L’article L221-9 du code de la consommation dispose notamment que le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L. 221-5. Le contrat est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L. 221-5, l’article R221-1 renvoyant à un formulaire type figurant en annexe du code.

Selon l’article L221-7, la charge de la preuve du respect de ces obligations pèse sur le professionnel.

Enfin, l’article L242-1 prévoit que les dispositions des articles L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

5. En l’espèce, il ne résulte pas des pièces contractuelles versées au débat que la société K par K a satisfait à son obligation légale de communiquer à Mme [U] le formulaire type de rétractation.

En conséquence, la nullité de la convention est encourue.

6. Les autres moyens deviennent sans objet.

7. La nullité de la convention supposant de remettre les parties dans la situation antérieure à celle-ci, il est fait droit à la demande de condamnation de la société K par K à restituer l’acompte de 16 800 euros.

8. Mme [U] expose que le retard dans l’exécution du contrat a engendré des préjudices en ce qu’elle devait faire face à un chantier d’une durée excessive avec toutes les contraintes que cela comporte. Elle allègue l’existence d’un préjudice de jouissance consécutif qu’elle chiffre à la somme de 5 000 euros.

Le dispositif de ses écritures vise les dispositions des articles 1217 et suivants et 1604 et suivants du code civil, soit un fondement contractuel.

Cependant, le contrat étant annulé, Mme [U] ne peut reprocher à la société K par K un retard dans l’exécution de celui-ci.

La demande est rejetée.

9. Mme [U] met également en avant à la pression qui lui a été infligée, ses contestations ayant de tout temps été ignorées par le prestataire qui a daigné multiplier les courriers de mise en demeure. Elle allègue l’existence d’un préjudice moral qu’elle chiffre également à la somme de 5 000 euros.

Toutefois, Mme [U] produit uniquement trois courriers. Un premier en date du 16 mai 2018, qui n’est pas une mise en demeure, se bornant à réclamer le solde de la facture de travaux en suite de leur réalisation. Deux autres en date des 9 et 29 mai 2019, dont seul le second est une mise en demeure, en suite d’une nouvelle intervention le 7 mai précédent.

Ces trois seuls courriers ne mettent en évidence aucune pression excessive caractérisant une faute de la part de la société K par K.

La demande est rejetée.

10. Le jugement est totalement infirmé.

La demande en paiement doit être rejetée, le contrat lui servant de fondement étant annulé.

La société K par K est condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

Elle est également condamnée à payer la somme de 2 500 euros à Mme [U] en application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, statuant par arrêt réputé contradictoire, rendu par mise à disposition au greffe, après débats publics, en dernier ressort,

Infirme le jugement,

Statuant à nouveau,

Annule le contrat du 4 janvier 2017, modifié par deux avenants des 24 juin et 4 septembre suivant, entre la société K par K et Mme [O] [U] portant sur la pose de menuiserie à son domicile, situé [Adresse 3] à [Localité 4],

Condamne la société K par K à restituer à Mme [O] [U] la somme de 16 800 euros versées à titre d’acompte,

Condamne la société K par K à payer à Mme [O] [U] la somme de 2 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne la société K par K aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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