COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 1-8
ARRÊT AU FOND
DU 25 OCTOBRE 2023
N° 2023/ 449
N° RG 22/02788
N° Portalis DBVB-V-B7G-BI5TF
[Z] [T]
[W] [G] épouse [T]
C/
S.A. COFIDIS
S.A.S.U. EVOSYS
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Aurélie AUROUET- HIMEUR
Me Joseph MAGNAN
Décision déférée à la Cour :
Jugement du tribunal judiciaire de GRASSE en date du 13 Avril 2021 enregistrée au répertoire général sous le n° 11-19-707.
APPELANTS
Monsieur [Z] [T]
demeurant [Adresse 2] [Localité 1]
Madame [W] [G] épouse [T]
demeurant [Adresse 2] [Localité 1]
représentés par Me Aurélie AUROUET-HIMEUR, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Harry BENSIMON, avocat au barreau de PARIS
INTIMEES
S.A. COFIDIS
agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 8] [Localité 7]
représentée par Me Joseph MAGNAN, membre de la SCP PAUL ET JOSEPH MAGNAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, ayant pour avocat plaidant Me Xavier HELAIN, avocat au barreau d’ESSONNE
S.A.S.U. EVOSYS
Es qualité de mandataire judiciaire à la liquidation, prise en la personne de Me [N] [V] domiciliée [Adresse 4] [Localité 5], elle-même venant aux droits de la SARL GROUPE DBT, dont le siège social est [Adresse 3] [Localité 6]
Signification de la DA et conclusions le 28/04/2022 à domicile,
Signification de conclusions le 08/09/2022 à étude et le 31/01/2023 à personne habilitée.
défaillante
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 12 Septembre 2023 en audience publique devant la cour composée de :
Monsieur Philippe COULANGE, Président
Madame Céline ROBIN-KARRER, Conseillère
Monsieur Jean-Paul PATRIARCHE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme Maria FREDON.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2023.
ARRÊT
Réputé contradictoire à l’égard de Me [N] [V], prononcé par mise à disposition au greffe le 25 Octobre 2023, signé par Monsieur Philippe COULANGE, Président et Madame Maria FREDON, greffière auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE ANTÉRIEURE
Suivant bon de commande daté du 30 mars 2017, les époux [T] ont conclu avec la société GSI GROUPE DBT un contrat portant sur la fourniture et l’installation de panneaux photovoltaïques sur la toiture de leur maison, moyennant le prix de 34.600 euros partiellement financé par un crédit affecté de 27.600 euros souscrit auprès de la société COFIDIS.
Sur la foi d’une attestation de livraison datée du 4 mai 2017 (et non pas du 4 mai 2016 comme indiqué par erreur) et d’une attestation de conformité de l’installation visée par le CONSUEL, la société de crédit a viré les fonds sur le compte du vendeur le 11 janvier 2018 et la première échéance a été prélevée sur le compte des emprunteurs le 5 février 2019.
La société EVOSYS, ayant succédé aux droits et obligations de la société GSI GROUPE DBT, a été déclarée en liquidation judiciaire par jugement du tribunal de commerce de Montpellier prononcé le 19 octobre 2018, Maître [N] [V] ayant été désignée en qualité de mandataire liquidateur.
Par actes délivrés les 17 juin et 4 juillet 2019 faisant suite à une mise en demeure restée infructueuse, les époux [T] ont assigné Maître [V], ès-qualités, et la société COFIDIS à comparaître devant le tribunal d’instance de Grasse aux fins d’entendre :
– prononcer la nullité du contrat de vente, ou à défaut sa résolution, pour violation des règles du code de la consommation régissant le démarchage à domicile et pour cause de dol,
– prononcer par voie de conséquence l’annulation ou la résolution du contrat de crédit affecté,
– condamner la société de crédit, en raison des fautes commises, à leur restituer l’ensemble des prélèvements opérés sur leur compte, ainsi qu’à leur verser la somme de 11.000 euros à titre de des dommages-intérêts,
– condamner solidairement le vendeur et le prêteur à leur payer en outre la somme de 5.000 euros au titre des frais de dépose du matériel et de remise des lieux dans leur état antérieur,
– et dire qu’à défaut de récupération du matériel vendu dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision, celui-ci leur serait définitivement acquis.
La société COFIDIS a conclu au rejet de ces demandes et réclamé à titre reconventionnel la condamnation des époux [T] à poursuivre l’exécution du contrat de crédit.
Le mandataire liquidateur de la société EVOSYS n’a pas comparu.
Par jugement réputé contradictoire rendu le 13 avril 2021 la juridiction saisie, devenue le tribunal judiciaire de Grasse, a débouté les époux [T] de l’ensemble de leurs prétentions et les a condamnés aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement d’une indemnité de 1.200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le tribunal a également débouté la société COFIDIS de sa demande reconventionnelle, au motif que celle-ci ne justifiait pas de la déchéance du terme du contrat de prêt.
Les époux [T], qui ont reçu signification de cette décision le 12 mai 2021, ont interjeté appel par deux déclarations successivement adressées au greffe de la cour les 10 juin 2021 et 24 février 2022, ayant fait l’objet d’une jonction.
Ils ont assigné Maître [V] par acte remis en son étude le 28 avril 2022, contenant signification de leurs conclusions d’appel.
La société COFIDIS a également signifié ses propres conclusions à l’intimé défaillant par acte du 31 janvier 2023.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de leurs conclusions récapitulatives signifiées le 20 septembre 2022, auxquelles il est ici renvoyé pour le détail de l’argumentation, les époux [T] font successivement valoir :
– que le contrat de vente conclu avec la société GSI GROUPE DBT est nul faute de contenir les mentions obligatoires prescrites par le code de la consommation en matière de démarchage à domicile, ainsi qu’en raison des manoeuvres dolosives entreprises par son représentant pour obtenir leur consentement,
– qu’ils n’ont jamais entendu confirmer le contrat ainsi vicié,
– que la société COFIDIS a elle-même commis des fautes confinant au dol dans le cadre de la libération des fonds, en s’abstenant de vérifier la validité du bon de commande ainsi que la bonne exécution de l’ensemble des prestations du vendeur, et a également manqué à son devoir de mise en garde dans le cadre de l’octroi du prêt,
– et que l’installation financée, qui ne génère aucune économie réelle d’énergie, s’avère économiquement ruineuse.
Ils demandent à la cour d’infirmer le jugement entrepris et, statuant à nouveau,
– de prononcer la nullité du contrat de vente, ou à défaut sa résolution, ainsi que celle du contrat de prêt qui en constitue l’accessoire,
– de condamner la société COFIDIS à leur rembourser l’intégralité des sommes versées, soit 36.394,59 euros, sauf son recours contre le vendeur,
– de condamner solidairement les sociétés GROUPE DBT (sic) et COFIDIS à leur payer la somme de 5.000 euros au titre des frais de dépose du matériel et de remise de leur toiture dans son état initial, à défaut d’exécution spontanée,
– de condamner en outre la société COFIDIS à leur payer la somme de 8.000 euros en réparation de leur préjudice financier et de leur préjudice de jouissance, et celle de 3.000 euros au titre de leur préjudice moral,
– de dire qu’à défaut de récupération du matériel dans le délai d’un mois à compter de la signification de la décision à intervenir, celui-ci leur restera définitivement acquis,
– de condamner la société GROUPE DBT (sic) à les relever et garantir de toute condamnation éventuellement prononcée à leur encontre,
– de condamner solidairement les parties intimées aux entiers dépens, ainsi qu’au paiement d’une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– et de fixer les créances au passif de la liquidation de la société GROUPE DBT (sic).
Par conclusions récapitulatives en réplique notifiées le 19 janvier 2023, la société COFIDIS soutient pour sa part :
– que le contrat de vente a été régulièrement conclu, et qu’en toute hypothèse l’article 1184 du code civil prévoit que lorsqu’une cause de nullité n’affecte qu’une ou plusieurs clauses d’une convention, celle-ci ne peut entraîner la nullité de l’acte tout entier que si ces clauses ont constitué un élément déterminant de l’engagement de la partie qui l’invoque, ce qui n’est pas le cas en l’espèce des irrégularités affectant prétendument le bon de commande,
– qu’au surplus la connaissance du vice résultant de la reproduction des textes du code de la consommation dans le bon de commande, jointe à l’exécution volontaire du contrat, emporte confirmation de l’acte nul,
– que le moyen tiré de l’existence d’un dol ne repose que sur les seules allégations des appelants, dépourvues de tout commencement de preuve,
– qu’elle n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde dans la mesure où il n’existait pas de risque d’endettement excessif au regard des ressources et charges déclarées par les emprunteurs,
– qu’elle n’était pas davantage obligée de vérifier la mise en service effective de l’installation ou l’obtention des autorisations administratives dès lors qu’elle ne s’y était pas contractuellement engagée,
– que l’installation financée fonctionne parfaitement en autoconsommation, et qu’il ne lui incombait pas de vérifier la rentabilité économique de l’opération.
Elle conclut principalement à la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions.
Subsidiairement, pour le cas où la nullité des contrats viendrait à être prononcée, elle demande à la cour de condamner solidairement les époux [T] à lui restituer la somme de 27.600 euros au titre du capital emprunté, avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir, déduction faite des prélèvements déjà opérés sur leur compte.
En tout état de cause, elle réclame paiement d’une somme de 3.000 euros au titre de ses frais irrépétibles, outre ses dépens.
L’ordonnance de clôture a été prononcée le 29 août 2023.
DISCUSSION
Sur la demande d’annulation des contrats :
En vertu de l’article L 111-1 du code de la consommation, la conclusion d’un contrat de vente de biens ou de fourniture de services entre un professionnel et un consommateur doit être précédée d’une information portant notamment sur les caractéristiques essentielles des biens ou des service proposés, leur prix et le délai de livraison.
Cette obligation d’information est renforcée par l’article L 221-5 lorsque le contrat est conclu hors de l’établissement du professionnel, et notamment à l’occasion d’un démarchage à domicile, ce dernier étant alors tenu de préciser en outre les conditions, le délai et les modalités d’exercice du droit de rétractation du consommateur, ainsi que d’annexer au contrat un formulaire-type à cette fin.
En l’espèce, le bon de commande signé par les époux [T] portait sur la livraison et l’installation d’un kit de 24 panneaux photovoltaïques d’une puissance de 6 Kilowatt-crête destiné à être installé en surimposition sur la toiture et permettant une production d’électricité en autoconsommation, ainsi que d’un ballon thermodynamique de 270 litres. Il n’apparaît pas que les parties aient fait entrer d’autres critères de performance dans le champ contractuel, et aucune disposition légale ou réglementaire n’impose au professionnel de préciser la marque, le poids des panneaux, leur surface ou leur prix unitaire.
Le prix fixé à 34.600 euros TTC était stipulé payable au comptant à concurrence de 7.000 euros et le solde au moyen d’un crédit affecté de 27.600 euros souscrit auprès de la société COFIDIS, dont les modalités de remboursement étaient précisément détaillées.
Le délai de livraison était prévue pour le 10 mai 2017, sous réserve de l’acceptation du dossier sur les plans technique, financier et administratif.
Le contrat reproduisait les dispositions du code de la consommation qui lui sont applicables, et notamment les modalités d’exercice du droit de rétractation du client. Il comportait également un formulaire à cette fin.
C’est par de justes motifs, adoptés par la cour, que le premier juge a considéré que les époux [T] ne rapportaient pas la preuve que leur consentement aurait été obtenu par des manoeuvres dolosives, et qu’ils ne pouvaient raisonnablement se méprendre sur la portée de leur engagement. En outre, la rentabilité économique de l’opération ne constitue une caractéristique essentielle de l’installation qu’à la condition que les parties l’aient fait entrer dans le champ contractuel, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.
En tout état de cause, la reproduction lisible dans le contrat de démarchage des dispositions du code de la consommation qui lui sont applicables, jointe à l’exécution volontaire de la convention, emporte confirmation de l’acte argué de nullité.
En conséquence, le rejet de la demande d’annulation du contrat de vente, et par suite du contrat de crédit affecté, doit être confirmé.
Sur la demande subsidiaire aux fins de résolution des contrats :
En vertu de l’article 1224 du code civil, la résolution d’un contrat peut résulter soit de l’application d’une clause résolutoire, soit, en cas d’inexécution suffisamment grave, d’une notification faite par le créancier au débiteur ou d’une décision de justice.
Toutefois en l’espèce, il n’est nullement démontré ni même allégué par les époux [T] que l’installation ne fonctionnerait pas ou serait affectée de malfaçons, ou encore que la puissance mentionnée dans le contrat ne serait pas atteinte. En conséquence, aucun manquement aux obligations du vendeur ne justifie de prononcer la résolution du contrat principal, et par suite celle du contrat de crédit.
Sur la responsabilité du prêteur :
Pour les motifs développés plus avant, il ne peut être fait grief à la société COFIDIS d’avoir omis de vérifier la régularité formelle du contrat principal, puisque celui-ci n’est pas entaché de nullité.
Il ne peut être davantage reproché au prêteur un manquement à son devoir de mise en garde, dans la mesure où la fiche de dialogue renseignée par les époux [T] faisait état de revenus annuels supérieurs à 58.000 euros et de l’absence de charges de loyer ou de crédit antérieur, de sorte qu’il n’existait pas de risque d’endettement excessif et que les emprunteurs apparaissaient en capacité d’acquitter des échéances mensuelles de remboursement de 379,12 €.
Si les époux [T] allèguent que l’installation serait ruineuse en raison de sa durée d’amortissement, il n’incombait pas cependant à l’établissement de crédit de vérifier la rentabilité économique de l’opération.
Il apparaît d’autre part que les fonds ont été versés au vendeur sur la foi d’une attestation signée par Madame [T] le 4 mai 2017 (et non pas le 4 mai 2016 comme indiqué par erreur), conforme aux prévisions de l’article L 312-48 du code de la consommation, et contenant notamment les mentions manuscrites suivantes : ‘Je confirme avoir obtenu et accepté sans réserve la livraison des marchandises. Je constate expressément que tous les travaux et prestations qui devaient être effectués par la société au titre de l’installation ont été pleinement réalisés. En conséquence je demande à COFIDIS de bien vouloir procéder au déblocage du montant du crédit directement entre les mains de la société DBT PRO au moment de la délivrance par le comité national pour la sécurité des usagers de l’électricité (CONSUEL) de l’attestation certifiant que l’installation des panneaux photovoltaïques est conforme’, étant précisé que cette dernière a été établie le 9 mai 2017 et visée par le CONSUEL le 18 mai.
Enfin, la responsabilité du prêteur suppose que soit démontré un lien de causalité entre la faute alléguée et le préjudice subi par l’emprunteur. Or il n’est pas contesté que les panneaux photovoltaïques ont été livrés, posés et mis en service, et que l’installation fonctionne effectivement en autoconsommation.
En conséquence, le jugement déféré doit être également confirmé en ce qu’il a débouté les époux [T] de leurs demandes en paiement de dommages-intérêts.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire à l’égard de Maître [V],
Confirme le jugement déféré,
Y ajoutant,
Condamne les époux [T] aux dépens de l’instance d’appel,
Rejette les demandes fondées sur l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LE PRESIDENT