Droit de rétractation : Décision du 27 octobre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/05032

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Droit de rétractation : Décision du 27 octobre 2023 Cour d’appel de Colmar RG n° 21/05032

GLQ/KG

MINUTE N° 23/794

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – SECTION A

ARRET DU 27 OCTOBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/05032

N° Portalis DBVW-V-B7F-HXEP

Décision déférée à la Cour : 26 Novembre 2021 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE SCHILTIGHEIM

APPELANT :

Monsieur [J] [L]

[Adresse 1]

[Localité 2]

Représenté par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A.S. VERTICAL SQUARE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 4]

[Localité 3]

Représentée par Me Henri GUYOT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 16 Juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Mme DORSCH, Président de Chambre, et M. LE QUINQUIS, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE

ARRET :

– contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat à durée indéterminée du 03 décembre 2018, la société MAROT, qui appartient au même groupe que la S.A.S. VERTICAL SQUARE, a embauché M. [J] [L] en qualité de directeur de la « Business Unit » France Est.

Par convention du 08 avril 2019, la société MAROT, la société VERTICAL SQUARE et M. [J] [L] ont convenu que celui-ci serait désormais salarié de la société VERTICAL SQUARE, avec reprise de l’ancienneté acquise. Le transfert du salarié a donné lieu le même jour à la signature d’un nouveau contrat de travail à durée indéterminée avec la société VERTICAL SQUARE

A l’issue d’un entretien organisé le 02 janvier 2020, M. [J] [L] et son employeur ont conclu une rupture conventionnelle qui a été homologuée par la DIRECCTE le 18 février 2020.

Le 24 novembre 2020, M. [J] [L] a saisi le conseil de prud’hommes de Schiltigheim pour contester la rupture conventionnelle.

Par jugement du 26 novembre 2021, le conseil de prud’hommes a débouté M. [J] [L] de ses demandes.

M. [J] [L] a interjeté appel le 13 décembre 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 21 juin 2022, M. [J] [L] demande à la cour d’infirmer le jugement en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

– prononcer l’annulation de la rupture conventionnelle du contrat de travail,

– dire que la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société VERTICAL SQUARE au paiement des sommes suivantes :

* 18 090 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 809 euros au titre de l’indemnité de congés payés sur préavis,

* 4 286,85 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés,

* 2 847,50 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 3 015,00 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 6 030 euros au titre du non-respect de la procédure de licenciement,

– donner acte à M. [J] [L] du paiement par la société VERTICAL SQUARE de la somme de 2 345 euros qui viendra en déduction des montants sollicités,

– condamner la société VERTICAL SQUARE à payer à M. [J] [L] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile tant en première instance qu’en appel,

– débouter la société VERTICAL SQUARE de ses demandes,

– condamner la société VERTICAL SQUARE aux dépens de l’appel.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 05 avril 2022, la société VERTICAL SQUARE demande de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [J] [L] de ses demandes. A titre subsidiaire, elle demande de :

– fixer la moyenne mensuelle brute de salaires à 6 000 euros,

– ordonner à M. [J] [L] de rembourser les sommes perçues au titre de la rupture conventionnelle soit 2 345 euros,

– ordonner la compensation avec d’éventuelles condamnations prononcées.

A titre reconventionnel, elle demande à la cour de :

– condamner M. [J] [L] au paiement d’une amende civile de 3 000 euros,

– condamner M. [J] [L] au paiement de la somme 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive.

En tout état de cause, elle demande à la cour de condamner M. [J] [L] aux dépens ainsi qu’au versement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l’article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 07 septembre 2022. L’affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 16 juin 2023 et mise en délibéré au 27 octobre 2023.

MOTIFS

Sur la nullité de la convention de rupture

Vu les articles L. 1237-11 et suivants du code du travail,

Pour solliciter la nullité de la convention de rupture, M. [J] [L] fait valoir que l’employeur ne justifie pas lui avoir remis un exemplaire de la convention en original.

La remise d’un exemplaire de la convention au salarié est nécessaire pour lui permettre de solliciter son homologation ou d’exercer son droit de rétractation en connaissance de cause. A défaut, la convention est nulle. En cas de contestation, il appartient à celui qui invoque la remise de cet exemplaire d’en rapporter la preuve (Soc., 10 mars 2021, pourvoi n° 20-12.801).

En l’espèce, la société VERTICAL SQUARE soutient que M. [J] [L] se serait volontairement dessaisi de son exemplaire de la convention de rupture en retournant à l’employeur tous les exemplaires qui lui avaient été adressés à pour signature, sans conserver celui qui lui était destiné. Elle ne produit toutefois aucun élément pour démontrer la réalité de cette affirmation, étant observé qu’aucun exemplaire de la convention litigieuse n’est produit par les parties. La société VERTICAL SQUARE ne démontre donc pas qu’un exemplaire de la convention aurait été remis au salarié lors de sa signature.

Au vu de ces éléments, il y a lieu d’infirmer le jugement en ce qu’il a débouté M. [J] [L] de sa demande d’annulation et de prononcer la nullité de la convention de rupture conclue entre les parties.

Sur les effets de l’annulation de la convention de rupture

Lorsque le contrat de travail est rompu en exécution d’une convention de rupture ensuite annulée, la rupture produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse. La nullité de la convention de rupture emporte par ailleurs obligation à restitution des sommes perçues en exécution de cette convention (Soc., 30 mai 2018, pourvoi n° 16-15.273).

Il convient en conséquence de dire que la rupture du contrat de travail, intervenue le 18 février 2020, date de l’homologation de la convention de rupture par la DIRECCTE, produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur le salaire de référence

Il résulte des bulletins de salaire produits par M. [J] [L] qu’après prise en compte d’une prime de vacances de 360 euros bruts versée au mois de juin 2019, son salaire moyen calculé sur une moyenne de douze mois s’établit à 6 030 euros bruts.

Sur l’indemnité de licenciement

M. [J] [L] ne peut prétendre à l’indemnité conventionnelle de licenciement dès lors que son ancienneté est inférieure à deux ans.

Pour une ancienneté d’un an et deux mois à la date de la rupture du contrat de travail, il convient de fixer l’indemnité de licenciement calculée selon les modalités prévues aux articles R. 1234-1 et suivants du code du travail à 1 758,75 euros nets et de condamner la société VERTICAL SQUARE au paiement de cette somme.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

Vu l’article 68 de la convention collective des cadres, techniciens et employés de la publicité française,

Le licenciement étant sans cause réelle et sérieuse, M. [J] [L] peut prétendre au bénéfice de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents à cette indemnité. Dès lors que la convention collective prévoit une durée de préavis de trois mois pour les cadres, il convient de faire droit à sa demande et de condamner la société VERTICAL SQUARE au paiement de la somme de 18 090 euros bruts à ce titre, outre la somme de 1 809 euros bruts au titre des congés payés afférents.

Sur l’indemnité compensatrice de congés payés

Il résulte du bulletin de paie du mois de janvier 2020 que le solde des congés payés acquis par le salarié s’élevait à 16 jours. La société VERTICAL SQUARE ne fait par ailleurs état d’aucun élément pour remettre en cause le principe et le montant de l’indemnité sollicitée par M. [J] [L] à ce titre. Il convient donc de condamner l’employeur à verser à ce titre la somme de 4 286,85 euros bruts.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

Vu les articles L. 1235-3 et L. 1235-3-1 du code du travail,

Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée au salarié, de son âge, de son ancienneté, du fait que les relations avec l’employeur se sont poursuivies après la rupture du contrat de travail dans le cadre d’une relation commerciale, s’agissant par ailleurs d’une entreprise employant moins de onze salarié, il convient de faire droit à la demande de M. [J] [L] et de fixer à 3 015 euros bruts, correspondant à un demi mois de salaire, le montant des dommages et intérêts mis à la charge de la société VERTICAL SQUARE pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts pour irrégularité de la procédure

Il résulte de l’article L. 1235-2 alinéa 5 du code du travail que le salarié ne peut être indemnisé pour une irrégularité commise au cours de la procédure de licenciement que si ce dernier repose sur une cause réelle et sérieuse. Dès lors qu’il a été jugé que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse, il convient débouter M. [J] [L] de cette demande.

Sur la restitution des sommes versées au salarié au titre de la rupture conventionnelle

Dès lors que la convention de rupture est annulée, M. [J] [L] doit restituer les sommes qui lui ont été versées en exécution de cette convention et sera en conséquence condamné à payer à la société VERTICAL SQUARE la somme de 2 345 euros. Il y a lieu par ailleurs d’ordonner la compensation entre les créances respectives des parties, conformément à leurs demandes et en application des dispositions des articles 1347 et suivants du code civil.

Sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts pour procédure abusive

Dès lors qu’il a été fait droit à la demande d’annulation de la convention de rupture, la société VERTICAL SQUARE sera déboutée de la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive, sans qu’il y ait lieu à confirmation du jugement sur ce point dès lors que le conseil de prud’hommes qui a omis de statuer sur cette demande.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera infirmé en ce qu’il a condamné M. [J] [L] aux dépens ainsi qu’au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l’issue du litige, il convient de condamner la société VERTICAL SQUARE aux dépens de première instance et d’appel. Par équité, la société VERTICAL SQUARE sera en outre condamnée à payer à M. [J] [L] la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en appel. La société VERTICAL SQUARE sera par ailleurs déboutée de la demande présentée sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement du conseil de prud’hommes de Schiltigheim du 26 novembre 2021 en toutes ses dispositions ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

ANNULE la convention de rupture du contrat de travail entre M. [J] [L] et la S.A.S. VERTICAL SQUARE ;

DIT que la rupture du contrat de travail, intervenue le 18 février 2020, produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la S.A.S. VERTICAL SQUARE à payer à M. [J] [L] les sommes suivantes :

* 18 090 euros bruts (dix-huit mille euros et quatre-vingt-dix centimes) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

* 1 809 euros bruts (mille huit cent neuf euros) au titre des congés payés sur le préavis,

* 1 758,75 euros nets (mille sept cent cinquante huit euros et soixante-quinze centimes) à titre d’indemnité légale de licenciement,

* 3 015 euros bruts (trois mille quinze euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 4 286,85 euros bruts (quatre mille deux cent quatre-vingt-six euros et quatre-vingt-cinq centimes) à titre d’indemnité compensatrice de congés payés ;

CONDAMNE M. [J] [L] à payer à la S.A.S. VERTICAL SQUARE la somme de 2 345 euros (deux mille trois cent quarante cinq euros) au titre de la restitution des sommes versées en exécution de la convention de rupture du contrat de travail ;

ORDONNE la compensation entre les créances respectives des parties ;

DÉBOUTE M. [J] [L] de sa demande d’indemnité pour irrégularité de la procédure de licenciement ;

DÉBOUTE la S.A.S. VERTICAL SQUARE de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE la S.A.S. VERTICAL SQUARE aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d’appel ;

CONDAMNE la S.A.S. VERTICAL SQUARE à payer à M. [J] [L] la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et de la procédure d’appel ;

DÉBOUTE la S.A.S. VERTICAL SQUARE de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 27 octobre 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine THOMAS, Greffier.

Le Greffier Le Président

 


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