Droit de rétractation : Décision du 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06468

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Droit de rétractation : Décision du 15 février 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/06468

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 4

ARRÊT DU 15 FÉVRIER 2023

(n° 31 , 7 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/06468 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDN7Y

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Octobre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS – RG n° 2018009150

APPELANT

Monsieur [D] [V]

Né le 14 mai 1964 à [Localité 3]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représenté par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque C2477,

INTIMÉE

S.A.S. EDUCATIONAL PROGRAMS MASTER FRANCE (EPMF), agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

Immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 414 324 251

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque B1055, avocat postulant,

Assistée de Me Anne-Sophie SABATIER, avocate au barreau de PARIS, toque C1080, avocate plaidante,

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Novembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, chargée du rapport, et Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère.

Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre,

Madame Brigitte BRUN-LALLEMAND, Première Présidente de chambre,

Madame Sophie DEPELLEY, Conseillère.

Greffière, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Laure DALLERY, Présidente de chambre, et par Claudia CHRISTOPHE, greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La société Education Programs Master France (ci-après dénommée «’EPMF’») est le franchisé principal en France, du réseau Wall Street English spécialisé dans l’enseignement et l’apprentissage de la langue anglaise.

Début 2017, M.[D] [V] a rencontré M. [Z], président de la société EPMF, en vue de devenir franchisé du réseau Wall Street English.

Le 16 février 2017, M. [V] a signé un contrat de réservation avec la société EPMF, sur un territoire défini et pour une période de 18 mois, moyennant le paiement d’une somme de 48’000€ TTC en application de l’article 4 du contrat, pour devenir franchisé du réseau Wall Street English .

Ce contrat prévoit’:

-une restitution partielle de 20% du montant si M.[V] ne souhaite pas conclure le contrat de franchise (article5.3),

-un droit de rétractation avec remboursement de la totalité des 48’000€ dans un délai de six mois à compter de la signature du contrat, soit le 16 août 2017 (article 5.5).

Le 13 novembre 2017, [V] notifiait son souhait de se rétracter, demandant le remboursement de la totalité des 48’000€ versés.

Le 17 novembre 2017 EPMF en prenait acte et remboursait 20% de la somme soit, 9’600€, en vertu de l’article 5.3 du contrat.

C’est dans ces conditions que, par acte du 06 février 2018, M. [V] assignait la société EPMF devant le tribunal de commerce de Paris, pour obtenir le remboursement de l’intégralité de la somme versée lors de la signature du contrat et le paiement de dommages-intérêts pour inexécution du contrat de réservation.

Par jugement du 16 octobre 2019, le tribunal de commerce de Paris a’:

-Condamné la société EPMF à payer à M. [V] la somme de 38’400€’;

-Condamné M. [V] à payer 2’500€ à la société EPMF au titre de l’article 700 du CPC’;

-Débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif’;

-Ordonné l’exécution provisoire’;

-Condamné M. [V] aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36€ dont 12,85€ de TVA.

Par déclaration reçue au greffe de la Cour le 06 avril 2021, M. [V] a interjeté appel de ce jugement.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 28 décembre 2021, M. [V], demande à la Cour de’:

Vu l’article 1231-1 du Code civil ;

Vu les pièces versées aux débats ;

Vu le contrat de réservation du 16 février 2017 ;

Vu le courrier recommandé avec A.R. de la société EPMF du 17 novembre 2017 ;

RECEVOIR Monsieur [V] en ses présentes écritures et les dire bien fondées ;

CONFIRMER le Jugement dont appel en ce qu’il a condamné la société EPMF à restituer la somme de 48 000 € TTC correspondant au montant versé par Monsieur [V] lors de la signature du contrat de réservation, la condamnant ainsi au paiement de la somme de 38.400 € tenant compte des sommes déjà versées ;

REJETTER l’appel incident de la Société EPMF tendant à la réformation de ce chef du jugement.

DEBOUTER la Société EPMF de toutes ses demandes fins et prétentions au titre de l’appel incident tendant à la réformation de ce chef du jugement.

INFIRMER le Jugement rendu par le Tribunal de commerce de PARIS, le 16 octobre 2019, en ce qu’il a :

« Condamne M. [V] [D] à payer 2.500 € à SARL EDUCATIONAL PROGRAMS MASTER France (EPMF) au titre de l’article 700 du CPC,

Déboute les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires au présent dispositif», mais uniquement lorsqu’il déboute Monsieur [V] de ses demandes ;

Condamne M. [V] [D] aux dépens de l’instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 78,36 € dont 12,85 € de TVA »,

Statuant à nouveau’:

CONDAMNER la société EPMF au paiement de la somme de 300 000 € au titre du défaut d’exécution conformément à l’article 1231-1 du code civil du contrat de réservation intitulé « Obligations d’EPMF » ;

CONDAMNER la société EPMF au paiement de la somme de 200 000 € au titre du préjudice moral subi par Monsieur [V] ;

CONDAMNER la société EPMF au paiement de la somme de 15 000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNER la société EPMF aux entiers dépens de l’instance ;

DEBOUTER la société EPMF de toutes demandes plus amples ou contraires.

Aux termes de ses dernières conclusions, déposées et notifiées le 24 mai 2022, la société EPMF, demande à la Cour de’:

Vu les articles 1103, 1193 et 1231-1 du Code civil,

Vu le contrat de réservation,

Confirmer le jugement du Tribunal de Commerce de PARIS du 16 octobre 2019 en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a condamné la société EDUCATIONAL PROGRAMS MASTER FRANCE à verser à Monsieur [V] la somme de 38.400 €.

Statuant à nouveau de chef infirmé’:

Débouter Monsieur [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions.

Y ajoutant’:

Condamner Monsieur [V] à verser à la société EDUCATIONAL PROGRAMS MASTER FRANCE la somme de 6.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Condamner Monsieur [V] aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS Avocats à la Cour.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 25 octobre 2022

MOTIVATION

Sur la demande de M [V] de remboursement de l’intégralité de la somme versée.

M [V] fait valoir que par courriel du 28 juillet 2017, il a sollicité un délai complémentaire de 3 mois afin de pouvoir finaliser son dossier de financement auprès des banques, délai que M [Z] lui a accordé par retour de mail, que le 26 septembre 2017, son plan de financement a été refusé par les banques et qu’en conséquence, il peut se prévaloir de l’article 5.5 du contrat de réservation afin d’obtenir le remboursement intégral de la somme versée lors de la signature du contrat.

La société EPMF réplique sur le fondement de l’article 1193 du code civil que les parties ne se sont pas accordées pour reporter le délai de rétractation, n’ayant pas donné d’accord non équivoque. Elle fait valoir que la mention «’On verra cela à mon retour’» indique son intention de ne pas s’engager définitivement sur un report de 3 mois du délai de rétractation mais simplement un accord de principe sur une renégociation dudit délai.

Elle en déduit que le délai n’ayant pas été reporté et M. [V] ayant notifié sa rétractation le 13 novembre 2017, soit après la fin du délai de 6 mois accordé, il peut seulement prétendre à une restitution de 20% de la somme soit 9’600€ TTC, somme qui lui a été versée.

Réponse de la Cour,

L’article 1193 du code civil dispose’:

«’Les contrats ne peuvent être modifiés ou révoqués que du consentement mutuel des parties ou pour les causes que la loi autorise.»

Le contrat stipule’:

Article 5.3 :

« Si le Candidat Franchisé ne souhaite pas conclure le contrat de franchise WALL STREET ENGLISH, EPMF restituera au candidat franchisé 20 % (vingt pour cent) de la somme de 48 000 € TTC visée ci-dessus à l’article 4, soit 9 600 € TTC, le solde étant définitivement acquis à EPMF. »

Article 5.5′:

«’Le candidat a été prévenu qu’un précédent dossier de franchise avait reçu un refus de financement de la part des banques du fait de certaines sociétés du réseau Wall Street English se soient placées en sauvegarde suite à la violente crise ayant secoué le secteur de janvier 2015 à mai 2015, même si les ventes sont reparties de plus belle depuis.

Au vu de cette situation, EPMF accorde la possibilité au candidat de se rétracter pendant un délai maximal de six mois à compter de la date de signature des présentes, jusqu’au 16 août 2017, s’il devait essuyer des refus de financement de banques. EPMF restituerait alors au candidat franchisé la somme de 40 000 € ht soit 48 000 € TTC visés ci-dessus à l’article 4. Passé ce délai, l’option de rétractation ne sera plus valable.’»

M. [V] a notifié sa rétractation le 13 novembre 2017, soit postérieurement au délai de rétractation figurant au contrat qui expirait le 16 août 2017.

Cependant, par courriel du 28 juillet 2017, il a sollicité d’EPMF un délai complémentaire de 3 mois afin de pouvoir finaliser son dossier de financement auprès des banques, demande à laquelle M [Z] pour EPMF a répondu en ces termes « Pour la date ok.’On verra cela à mon retour ».

Ce faisant et contrairement à ce qu’elle soutient, EPMF a donné son accord à M [V] pour un délai supplémentaire de rétractation de trois mois. En effet, la précision «’on verra cela à mon retour’» ne peut s’entendre comme un accord de principe sur une renégociation dudit délai alors qu’il a été répondu «’OK’» pour la date et qu’au surplus, l’accord donné le 28 juillet 2017 et le délai initial expirant le 16 août suivant, ne permettait guère une renégociation en pleine période estivale.

Par conséquent, le tribunal doit être approuvé d’avoir condamné la société EPMF à rembourser la totalité de la somme versée par M. [V], qui a exercé son droit de rétractation le 13 novembre 2017, soit au cours du délai supplémentaire de trois mois qui lui a été accordé et ainsi de l’avoir condamné à payer la somme de 38 400€ restant due.

Sur les demandes de M [V] au titre du défaut d’exécution du contrat de réservation par EPMF et du préjudice moral subi

M. [V] fait valoir que le contrat de réservation prévoit que la société EPMF s’engage à fournir assistance au candidat franchisé pour la recherche d’un emplacement sur le territoire désigné, ce que la société EPMF n’aurait pas fait en refusant de lui fournir les garanties financières sollicitées par le bailleur qu’il ne pouvait en aucun cas fournir.

Il invoque ainsi une faute contractuelle de EPMF sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil qui lui a causé un préjudice à hauteur de 300’000€ (déplacements à [Localité 4], déplacement à Lisbonne, frais personnels divers).

Il ajoute qu’alors qu’il s’est beaucoup investi dans le projet de franchise en visitant plusieurs locaux et en faisant estimer le coût des travaux de rénovation, il a reçu, suite à sa rétractation, de nombreuses critiques farfelues et infondées de la société EPMF (lettre du 17 novembre 2017) qui lui ont causé un préjudice moral à hauteur de 200’000€, puisque ces critiques l »ont conduit à abandonner ce projet avec des conséquences matérielles ( perte de 48 000 € et fonds personnels engagés dans la relation contractuelle).

La société EPMF réplique que le contrat de réservation ne prévoit aucune obligation financière la concernant, ce que M. [V] reconnaît puisqu’il parle d’une demande de «’dérogation exceptionnelle’». Elle soutient qu’elle ne peut être tenue responsable du refus de financement de la banque.

Elle ajoute que M. [V] n’a subi aucun préjudice, ni financier ni moral puisque celui-ci a trouvé un poste en octobre 2017. Elle fait valoir que les frais engagés par M. [V] entrent dans le cadre du contrat de réservation et que les dépenses énumérées correspondent aux frais normalement engagés par un candidat franchisé dans le cadre de son travail de prospection.

Enfin, elle fait valoir que M. [V] n’a pu finaliser son projet à cause de ses propres

manquements dans l’accomplissement des diligences nécessaires à l’opération de franchisage et notamment les recherches de financement et études de marchés, mentionnées au contrat de réservation, les démarches pour préparer le financement des engagements liés au contrat de franchise, lui reprochant d’avoir recherché un local sans même avoir obtenu un accord de financement d’une banque, ce qu’elle lui rappelé à plusieurs reprises ( pièces 10 et 11 adverses). Elle dit qu’en 9 mois (de février à novembre 2017), l’intéressé n’a visité que deux emplacements et n’a consulté qu’une seule banque.

Elle estime qu’à compter de la fin juillet 2017, date à laquelle elle lui a rappelé qu’elle ne pouvait se porter caution du potentiel bailleur, M [V] n’a plus effectué aucune démarche efficace pour mener à bien l’opération, organisant en parallèle sa reconversion professionnelle, puisqu’il a été embauché en qualité de directeur commercial d’une société dès le mois d’octobre 2017.

Réponse de la Cour,

M. [V] sollicite sur le fondement de l’article 1231-1 du code civil, la condamnation de la société EPMF à lui verser des dommages-intérêts en raison de l’inexécution de l’obligation d’assistance qu’il lui devait dans le cadre du contrat de réservation, faute de lui fournir les garanties financières sollicitées par le bailleur.

Si l’article 1er de ce contrat fait obligation à EPMF, notamment de fournir son assistance dans la recherche d’un emplacement pour le centre Wall Street English sur le territoire défini, force est de constater que le contrat ne prévoit aucune obligation d’assistance financière à cet égard, mais fait peser sur le candidat franchisé (article 2) «’toutes les diligences nécessaires à l’opération de franchisage et notamment recherches de financement et études de marché.’»

EPMF le lui a confirmé dans son courriel du 28 juillet 2017 en ces termes’:’ «’Nous ne nous portons jamais caution, ni pour les locaux, ni pour les emprunts’».

La demande de M [V] en paiement de 300 000 € de dommages-intérêts est donc rejetée et le jugement est confirmé de ce chef.

M [V] sollicite également la somme de 200 000 € en réparation du préjudice moral causé par la lettre de la société EPMF du 17 novembre 2017 faisant suite à sa lettre de rétractation du 13 novembre 2017 dont les critiques infondées et farfelues l’auraient conduit à abandonner le projet.

Or, force est de constater que la lettre d’EPMF du 17 novembre 2017 est postérieure à l’abandon de son projet (lettre de rétractation du 13 novembre 2017).

La preuve d’une faute de la société EPMF à l’origine d’un préjudice moral n’est nullement rapportée.

Cette demande de dommages-intérêts est rejetée et le jugement confirmé de ce chef’.

Sur les demandes au titre de l’article 700 CPC et les dépens

M. [V] qui succombe en son appel est condamné aux dépens de première instance et d’appel et condamné à payer sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, à la société EPMF la somme de 3’500€, en sus de celle allouée à ce titre par le tribunal.

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par arrêt contradictoire,

Statuant dans les limitées de l’appel,

Confirme le jugement,

Y ajoutant,

Condamne M. [D] [V] aux dépens d’appel et à payer à la société EPMF la somme de 3 500€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Rejette toute autre demande.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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