Droit de rétractation : Décision du 16 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/01908

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Droit de rétractation : Décision du 16 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/01908

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-4

ARRÊT AU FOND

DU 16 FEVRIER 2023

N°2023/32

Rôle N° RG 19/01908 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BDXEC

SAS LOCAM

C/

[J] [O]

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me Alain KOUYOUMDJIAN

Me Agnès ERMENEUX

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Tribunal de Commerce d’AIX-EN-PROVENCE en date du 29 Octobre 2018 enregistré au répertoire général sous le n° 2017007302.

APPELANTE

SAS LOCAM, prise en la personne de son représentant légal en exercice, dont le siège est sis [Adresse 2]

représentée par Me Alain KOUYOUMDJIAN, avocat au barreau de MARSEILLE et assistée de Me Guy WIGGINGHAUS, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [J] [O], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Agnès ERMENEUX de la SCP ERMENEUX-CAUCHI & ASSOCIES, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, et assistée de Me Sophie ARNAUD, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804, 806 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 03 Janvier 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président Rapporteur,

et Madame Françoise FILLIOUX, conseiller- rapporteur,

chargés du rapport qui en ont rendu compte dans le délibéré de la cour composée de :

Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président

Madame Françoise PETEL, Conseiller

Madame Françoise FILLIOUX, Conseiller, magistrat rapporteur

Greffier lors des débats : Madame Valérie VIOLET.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 16 Février 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 16 Février 2023.

Signé par Madame Anne-Laurence CHALBOS, Président et Madame Valérie VIOLET, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Faits, Procédure, prétentions

La société Impressions Multifonctions et équipements, anciennement Chrome bureautique, (IME) a pour activité la vente de détail d’ordinateurs, d’unités périphériques et de logiciels et matériel de reprographie.

Le 4 juin 2015, Monsieur [J] [O], qui exerce la profession de kinésithérapeute au [Adresse 1], a signé un bon de commande pour la fourniture d’un copieur MF 3100 pour un coût mensuel de 249euros HT pendant 21 trimestres, incluant l’installation, la connexion, le paramétrage et la formation.

A la même date, il a signé un contrat de maintenance pour le matériel commandé prévoyant le coût des copies.

Le 4 juin 2015, il a également signé un contrat de ‘partenariat référent’ avec la société Chrome Bureautique SEPM indiquant une participation commerciale de

4 000euros HT par chèque remis 4 semaines après la livraison et ‘un changement de matériel tous les 21 mois avec le solde du contrat en cours par nos soins au renouvellement de celui -ci (nouvelle participation identique)’. Il est également prévu l’absence de prélèvement lors du 1er trimestre et ce à chaque renouvellement. La contrepartie prévue est l’accord de Monsieur [O] de voir divulguer ses coordonnées téléphoniques à des fins d’aide à la vente, concernant le lancement de la nouvelle gamme de matériels.

Le contrat précise qu’il est solidaire et indivisible du bon de commande de matériel et du contrat de maintenance, tous deux signés le jour même.

Le 4 juin 2015, Monsieur [O] a signé un nouveau contrat de location financière avec la SAS Locam prévoyant le paiement de 21 loyers trimestriels de 747euros HT soit 896,40euros TTC.

Le 3 juillet 2015, le matériel a été régulièrement livré ainsi qu’en atteste le bon de livraison.

Le 6 juillet 2015, la société IME a adressé une facture à Monsieur [O].

Le 15 mars 2017, Monsieur [O] a demandé le renouvellement de son matériel à l’expiration d’une période de 21 mois ainsi que le versement de la participation prévue.

Le 26 mai 2017, Monsieur [O] a sollicité par lettre adressée à la société IME l’annulation du contrat le liant avec elle.

Le 25 juillet 2017, la SAS Locam a mis en demeure Monsieur [O] de payer les loyers échus sous huitaine et qu’à défaut, le contrat serait résilié de plein droit.

Le 17 et 18 juillet 2017, Monsieur [O] a assigné devant le tribunal de commerce d’Aix en Provence la société IME et la SAS Locam afin de voir prononcer la nullité du contrat de fourniture de matériel et de location longue durée ou à titre subsidiaire prononcer la résiliation du contrat de fourniture de matériel et la caducité du contrat de location longue durée et de les voir condamnées à lui payer la somme de 5 000euros à titre de dommages et intérêts et 6 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement du 24 novembre 2017, le tribunal de commerce de Montpellier a prononcé la liquidation de la société IME et Maître [E] a été désigné en qualité de liquidateur.

Le 9 novembre 2017, Monsieur [O] a déclaré sa créance à hauteur de

31 707,13euros entre les mains de Maître [E] en qualité de liquidateur de la société IME qui l’a informé le 18 janvier 2018 de la résiliation des contrats en cours.

Par jugement du 29 octobre 2018, le tribunal de commerce d’Aix en Provence a dit que les contrats de commande de matériel, de client référent et de location financière étaient interdépendants et a prononcé la nullité des trois contrats sur le fondement des articles L221-3, L242-1 et L221-9 du code de la consommation, a ordonné à Monsieur [O] de restituer à Maître [E] ès qualités le matériel livré le 3 juillet 2015, dit qu’il incombe à Maître [E] de récupérer le matériel au domicile professionnel de Monsieur [O], a fixé la créance de Monsieur [O] au montant des frais d’enlèvement du photocopieur, a ordonné à Monsieur [O] de rembourser à la société IME la somme de 4 000euros au titre de la participation et a ordonné à la SAS Locam de restituer à Monsieur [O] l’intégralité des loyers perçus soit 6 274,80euros et à Maître [E] de restituer à la Locam la somme de 14 975,54euros correspondant à la facture du 6 juillet 2015 et a ordonné la fixation de la créance au passif de la liquidation de la SARL IME, débouté la SAS Locam de ses demandes à l’encontre de Monsieur [O] au titre de la dépréciation du matériel et a condamné in solidum la SA Locam, Maître [E] ès qualités à payer à Monsieur [O] la somme de 2 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et a fixé cette somme au passif de la société IME.

Le 3 février 2019, La SAS Locam a fait appel de cette décision.

Par conclusions déposées et notifiées le 3 mai 2019, la SAS Locam demande à la Cour de :

Réformer le jugement du 29 octobre 2018,

Dire et juger que le contrat de location financière est indépendant du contrat de partenariat souscrit avec la société IME,

Débouter Monsieur [O] de ses demandes à l’encontre de la société Locam,

Dire et juger inapplicables les dispositions du code de la consommation et notamment les articles L221-3, L221-5,

Déclarer valable le contrat de location souscrit,

A titre subsidiaire :

Débouter Monsieur [O] eu égard aux dispositions de l’article L221-20 du code de la consommation,

Dire et juger que Monsieur [O] n’a pas accompli les démarches visées par l’article L221-20 du code de la consommation et qu’il est dans l’incapacité de restituer la matériel livré dans son état initial,

Débouter Monsieur [O] de sa demande de nullité pour absence de bordereau de rétractation,

Débouter Monsieur [O] de sa demande de restitution des loyers versés,

Condamner Monsieur [O] à lui verser une somme de 13 784,40euros se ventilant ainsi 12 544euros à titre principal et 1 254,40euros de clause pénale et ce avec capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1154 du code civil,

Ordonner la restitution du matériel à la charge de Monsieur [O] et à ses frais au siège social de la Locam et sous astreinte de 50euros par jour de retard et le condamner à lui verser la somme de 2 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Elle soutient qu’il n’existe aucune interdépendance entre le contrat de location financière et le contrat de partenariat souscrit par Monsieur [O] et une société que Locam ne connaît pas, que Monsieur [O] s’est engagé en qualité de professionnel dans le cadre de son activité principale et non pour ses besoins personnels, que l’absence de bordereau de rétractation ne fait que prolonger le délai de rétractation mais n’entraîne pas la nullité du contrat, qu’il a utilisé gratuitement le matériel pendant 4 à 5 ans sans payer de loyers.

Elle fait valoir qu’il convient de résilier le contrat pour défaut de paiement et acquisition de la clause résolutoire 8 jours après l’envoi de la mise en demeure du 25 juillet 2017.

Par conclusions du 2 décembre 2022, Monsieur [O] demande à la Cour de :

Confirmer le jugement rendu le 29 octobre 2018 en toutes ses dispositions,

Annuler les clauses inconciliables avec l’interdépendance des contrats liés et notamment les dispositions 1,7,11,12,13,14 du contrat de location financière,

Assortir la condamnation de la société Locam à restituer à Monsieur [O] la somme de 6 274,80euros de l’intérêt au taux légal à compter du 26 mai 2017 et condamner la SAS Locam au paiement de cette somme,

Ordonner la capitalisation des intérêts,

Débouter la société Locam de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions,

A titre subsidiaire :

Prononcer la résiliation des contrats aux torts de la société IME à compter du 4 mars 2017,

Prononcer la caducité du contrat de location longue durée,

Condamner la société Locam à lui restituer le montant des loyers versés soit la somme de 896,40euros assortie des intérêts à taux légal à compter du 26 mai 2017,

Dire et juger que l’indemnité de résiliation éventuellement due peut être qualifiée de clause pénale et réduire à de plus justes proportions le montant sollicité,

Débouter la société Locam de ses demandes,

La condamner à lui payer la somme de 3 000euros au titre de l’article 700 du code de procédure civil et aux entiers dépens avec distraction au profit de Maître Ermeneux.

Il fait valoir que la société Locam n’a pas qualité pour solliciter la réformation de la décision de première instance en ce qu’elle a prononcé la nullité du contrat de fourniture et de maintenance établi entre Monsieur [O] et la société IME.

Il soutient que les contrats sont concomitants et s’inscrivent dans une même opération financière et sont donc interdépendants, toutes clauses contraires devant être considérées comme non écrites, que les contrats ont été signés le 4 juin 2015 de sorte les dispositions de la loi du 17 mars 2014 sont applicables, que les contrats ont été conclus hors établissement et par un professionnel employant moins de 5 salariés, que les contrats ne rentrent pas dans le champ de l’activité principale de Monsieur [O], et ne comportent pas de mentions relatives à la possibilité de rétractation pas plus que de bordereau en ce sens, que ce défaut est sanctionné par la nullité du contrat.

Il s’oppose à l’octroi d’une indemnité de jouissance sollicitée par la SAS Locam au motif que cette dernière doit récupérer le bien et que l’octroi d’une indemnité serait contraire aux dispositions de l’article L 121-21-3 du code de la consommation.

A titre subsidiaire, il souligne que la société Chrome Bureautique a mis en place des pratiques commerciales trompeuses dont il a été victime notamment en raison d’une présentation confuse et que la nullité doit être prononcée pour dol et que ces cocontractants se sont exonérés de leur obligation de conseil et d’information.

A titre infiniment subsidiairement, il sollicite le prononcé de la résiliation du contrat pour défaut d’exécution aux torts de ses cocontractants.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 6 décembre 2022.

Motifs

Le 4 juin 2015, Monsieur [O] a signé avec la société IME un bon de commande pour la fourniture d’un copieur MF 3100 prévoyant les conditions de location à savoir 21 loyers trimestriels d’un montant de 249euros HT et un contrat de maintenance portant sur le matériel commandé prévoyant un coût des copies.

Le même jour, il a également souscrit auprès de la SA Locam un contrat de location portant sur le dit matériel et reprenant les conditions financières telles que définies dans le bon de commande présenté par la société IME.

Cette opération qui implique la conclusion de plusieurs contrats concomitants doit s’analyser comme une seule et même action incluant la location financière. De sorte que l’interdépendance de deux contrats doit être retenue et que l’annulation d’un quelconque des contrats entraîne la caducité des autres contrats.

Toute clause contraire doit être réputée non écrite.

La loi du 17 mars 2014 applicable à compter du 13 juin 2014 doit recevoir application dans le présent litige concernant des contrats souscrits le 4 juin 2015.

En application des dispositions de l’article 121-16-1 III ancien du code de la consommation ‘ Les sous-sections 2, 3, 6, 7 et 8, applicables aux relations entre consommateurs et professionnels, sont étendues aux contrats conclus hors établissement entre deux professionnels dès lors que l’objet de ces contrats n’entre pas dans le champ de l’activité principale du professionnel sollicité et que le nombre de salariés employés par celui-ci est inférieur ou égal à cinq’.

Il n’est pas contesté en cause d’appel que le contrat avec la SAS Locam souscrit à [Localité 3] a été signé hors établissement et que le cabinet de Monsieur [O] emploie moins de 5 salariés.

Monsieur [O] exerce la profession de kinésithérapeute, activité qui consiste en des actes réalisés de façon manuelle ou instrumentale à des fins de rééducation qui ont pour but de prévenir l’altération des capacités fonctionnelles, de concourir à leur maintien et lorsqu’elles sont altérées de les rétablir voir d’y suppléer. Il est dés lors établi que la location d’un photocopieur, aussi utile soit-elle dans l’exercice de sa profession, n’entre pas dans le champ de son activité principale dans la mesure où ce matériel ne lui sert pas à exercer son activité principale, l’utilité de l’outil loué n’étant pas un critère retenu pour définir les conditions d’application du texte susvisé.

Il convient de confirmer le jugement de première instance en ce qu’il a retenu que les dispositions de l’article L 121-16-1 ancien du code de la consommation étaient applicables en l’espèce.

En application des dispositions de l’article L 121-17 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige,’ préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur de manière lisible et compréhensible :

….

2) lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation… ‘

L’article 121-18-1 du même code énonce que le contrat conclu hors établissement comprend à peine de nullité les informations mentionnées à l’article L 121-17.

Les contrats conclus le 4 juin 2015 avec la SAS Locam et la société IME ne comportent pas d’information sur le délai de rétractation ni de formulaire en ce sens. Dès lors les contrats conclus le 4 juin 2015 par Monsieur [O] doivent être annulés ainsi que l’a retenu avec raison le tribunal de commerce.

La sanction du défaut de bordereau de rétractation telle que déterminée par les textes du code de la consommation applicable est l’annulation du contrat et ce même si l’intéressé a pu jouir du matériel en raison de l’exécution du contrat. Un tel commencement d’exécution ne peut valoir renonciation à la sanction tirée de la violation de son droit à rétractation puisqu’il n’est nullement établi que Monsieur [O] aurait sciemment renoncé à invoquer le vice affectant le contrat après en avoir été dûment informé.

La SA Locam sollicite le paiement d’une indemnité de jouissance au motif que le matériel récupéré aura nécessairement subi une dépréciation de valeur et que Monsieur [O] en aurait joui sans contrepartie financière depuis 2015.

Toutefois, un contrat annulé est censé n’avoir jamais existé et impose la remise en leur état initial les parties et l’effacement rétroactif du contrat, une partie lésée ne pouvant demander réparation du préjudice subi que dans les conditions de droit commun de la responsabilité extra contractuelle. Or la restitution à laquelle est condamnée une partie en raison de la nullité du contrat ne constitue pas un préjudice indemnisable. La SAS Locam ne justifie nullement d’une dépréciation de son bien résultant de manipulations autres que celle nécessaires au bon fonctionnement du bien.

Il convient de la débouter de sa demande à ce titre.

Il convient de confirmer la décision de première instance.

Monsieur [O] sollicite que la condamnation de la SAS Locam à lui restituer la somme de 6 274,80euros prononcée en première instance soit assortie de l’octroi d’intérêts au taux légal à compter du 26 mai 2017, date de la mise en demeure.

Par courrier du 26 mai 2017 adressé à la société Locam, Monsieur [O] sollicite l’annulation du contrat et la restitution du matériel. Or en application des dispositions de l’article 1231-6 du code civil, si les intérêts au taux légal courent à compter de la mise en demeure, la créance de Monsieur [O] qui résulte non pas du contrat de location mais de la décision de justice, ne porte intérêt qu’à compter de la décision de première instance soit le 29 octobre 2018.

Il sera fait droit à la demande d’anatocisme judiciaire formée par Monsieur [O]

La SAS Locam succombant doit supporter les entiers dépens et l’équité commande d’allouer la somme de 1 500euros au profit de Monsieur [O], au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par ces motifs la Cour statuant par arrêt contradictoire :

Confirme le jugement rendu le 29 octobre 2018 par le tribunal de commerce d’Aix en Provence,

Y ajoutant :

Dit que la somme de 6 274,80euros portera intérêts au taux légal à compter du 29 octobre 2018 et ce avec capitalisation annuelle,

Condamne la SAS Locam à payer à monsieur [O] la somme de 1 500euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Condamne la SAS Locam aux dépens d’appel avec distraction au profit de Maître Ermeneux.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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