ARRÊT DU
17 Février 2023
N° 234/23
N° RG 21/01260 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TYC5
AM/VDO
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire d’ARRAS
en date du
15 Juin 2021
(RG 20/00059 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 17 Février 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
Melle [U] [V]
[Adresse 2]
représentée par Me Pierre-Nicolas DECAT, avocat au barreau d’ARRAS
INTIMÉE :
S.A.R.L. LE SALON [P] [I]
[Adresse 1]
représentée par Me Maud SIEDLECKI, avocat au barreau d’ARRAS
DÉBATS : à l’audience publique du 10 Janvier 2023
Tenue par Alain MOUYSSET
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Séverine STIEVENARD
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Marie LE BRAS
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 17 Février 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Marie LE BRAS, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 20 décembre 2022
FAITS ET PROCEDURE
Suivant contrat de travail à durée déterminée à temps plein Mme [U] [V] a été embauchée le 11 avril 2016 par M. [P] [I], aux droits duquel vient la société LE SALON [P] [I], en qualité de coiffeuse, étant précisé que le changement d’employeur a été formalisé par un nouveau contrat à durée indéterminée conclu avec cette dernière société.
Par avenant en date du 24 mars 2017 une clause de non-concurrence a été instaurée.
À la suite d’une demande de la salariée tendant à l’engagement d’une procédure de rupture conventionnelle, les parties se sont rencontrées le 27 mai 2019 et ont établi une convention de rupture en utilisant le formulaire » cerfa » prévu à cet effet, en ce compris une demande d’homologation, que la salariée n’a pas signé en faisant valoir l’existence d’une erreur au niveau de son adresse postale.
Les parties ont établi une deuxième convention de rupture conventionnelle en recourant également au formulaire officiel, aux termes duquel l’erreur d’adresse postale a été corrigée, étant précisé que le montant de l’indemnité spécifique de rupture conventionnelle et la date de la convention sont demeurées inchangées, la date d’effet de la rupture du contrat de travail étant modifiée comme n’étant plus fixée au 22 juillet 2019 mais reportée au 26 juillet 2019.
Par courrier en date du 4 juillet 2019 la DIRECCTE a accusé réception le 4 juillet 2019 de la demande d’homologation de la rupture conventionnelle, reçue le même jour, en indiquant que celle-ci sera acquise le 23 juillet 2019 sauf décision expresse de refus de sa part.
Le 10 juillet 2019 la salariée a demandé par mail à partir de quand court le délai de rétractation, compte tenu de la signature de la rupture le 4 juillet 2019.
À la suite du départ de l’entreprise de la salariée la clause de non-concurrence a été mise en oeuvre par la société.
Le 3 avril 2020 la salariée a saisi le conseil de prud’hommes d’Arras lequel par jugement en date du 15 juin 2021 a :
Dit ne pas y avoir lieu à établir de nouvelles fiches de paie,
Condamné la société à payer à la salariée la somme de 404,97 euros à titre de rappel de salaire outre la somme de 40,49 euros pour les congés payés afférents,
Précisé les dispositions applicables en matière d’intérêts et d’exécution provisoire,
Ordonné à la société de remettre à la salariée les documents sociaux de fin de contrat rectifiés conformément aux dispositions du jugement sous astreinte de 20 euros par document et par jour de retard à compter du 30 ème jour suivant la notification du jugement,
Dit se réserver le droit de liquider l’astreinte,
Débouté la salariée de ses plus amples demandes,
Débouté la salariée de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Débouté la société de sa demande reconventionnelle sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamné la salariée aux dépens de l’instance.
Le 21 juillet 2021 la salariée a interjeté appel de ce jugement.
Vu les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Vu les conclusions déposées le 15 avril 2022 par la salariée.
Vu les conclusions déposées le 17 janvier 2022 par la société.
Vu la clôture de la procédure au 20 décembre 2022.
SUR CE
De la demande en rappel de salaire et congés payés afférents au titre des heures supplémentaires
Les moyens invoqués par la société au soutien de son appel de ce chef ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la Cour adopte sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation.
Il convient seulement d’ajouter que la société reproche au conseil de prud’hommes de ne pas avoir répondu à des arguments qu’elle a soulevés, notamment quant à la production d’agenda alors que la salariée n’a fourni des copies que d’une partie de ces agenda, quant à la durée des différentes missions incombant à cette dernière, et quant à la présence d’une hôtesse d’accueil devant prendre en charge les clients à la fin de la réalisation de la prestation, mais que le conseil de prud’hommes a fait une juste appréciation des règles de preuve applicable en la matière.
En effet la salariée se prévalant d’un décompte et de pièces justificatives suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre, le juge de première instance, compte tenu de l’obligation pour l’employeur de fournir des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par Mme [V], n’a pu que constater la carence de ce dernier.
Il apparaît que les éléments invoqués par l’employeur ne sont pas de nature à établir de manière contradictoire les horaires de travail de la salariée, et ressortent d’ailleurs d’affirmations notamment quant à la durée des prestations et l’aspect relationnel de la fonction de coiffeur avec la clientèle n’étant corroborées par aucun élément objectif.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris de ce chef.
De la demande tendant à la remise sous astreinte de fiches de paie rectifiées avec mention de la qualification de coiffeur qualifié niveau 2 échelon 1 de la convention collective nationale de la coiffure et des professions connexes
Il convient de confirmer le jugement entrepris quant au rejet de cette demande de la salariée, dès lors que l’employeur a fait droit à sa demande de requalification en lui adressant un nouveau certificat de travail mentionnant son nouveau niveau et échelon de reclassification, et que la salariée fait état de conséquences au niveau de ses » tierces demandes » sans en justifier et sans qu’il apparaisse au regard des demandes dont la cour est saisie de telles conséquences.
Il importe de souligner que le conseil de prud’hommes a pris soin de vérifier que le minimum conventionnel de rémunération correspondant à cette nouvelle qualification a bien été respecté.
De la rupture du contrat de travail
Aux termes de l’article L. 1237-11 du code du travail, l’employeur et le salarié peuvent convenir en commun des conditions de la rupture du contrat de travail qui les lie.
La rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties.
Elle résulte d’une convention signée par les parties au contrat. Elle est soumise aux dispositions de la présente section destinées à garantir la liberté du consentement des parties.
Au titre des dites garanties l’article L. 1237-12 de ce même code dispose que les parties au contrat conviennent d’une rupture conventionnelle lors d’un ou plusieurs entretiens au cours duquel le salarié peut se faire assister.
Aux termes de l’article L. 1237-13 en son troisième alinéa, à compter de la date de la signature par les deux parties, chacune d’entre elles dispose d’un délai de 15 jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ce droit est exercé sous la forme d’une lettre adressée par tout moyen, attestant de sa date de réception par l’autre partie.
En l’espèce la salariée soutient qu’elle a été victime de pressions de la part de son employeur pour signer une convention de rupture conventionnelle antidatée, et alors même qu’elle était encore en cours de pourparlers relativement au montant de l’indemnité devant lui être allouée à ce titre.
Après avoir rappelé qu’il appartient un salarié qui invoque un vice de son consentement lors de la conclusion d’une convention de rupture conventionnelle d’en rapporter la preuve, il convient de constater qu’en l’espèce la salariée ne s’est pas contentée de signer l’exemplaire de cette convention rectifiant l’erreur commise au niveau de son adresse postale, mais avait déjà ratifié une précédente convention n’ayant pas été formalisée par le biais du formulaire cerfa utilisé par la suite.
Cette convention ne comprenant pas de demande d’homologation, et ne comportant pas d’erreur au niveau de l’adresse de la salariée, constitue la première manifestation au 27 mai 2019 de la volonté de cette dernière de rompre le contrat de travail par le biais d’une rupture conventionnelle.
Si la salariée a, à compter du 15 juin 2019 soit au-delà d’un délai de 15 jours après l’établissement de la première convention sans recours à un formulaire et jusqu’au 3 juillet 2019, demandé la poursuite de la procédure en faisant état d’un deuxième entretien et d’une proposition d’indemnité, il n’en demeure pas moins que le 4 juillet 2019 elle a de nouveau fait part de son accord pour une rupture conventionnelle visant les mêmes date de conclusion et d’indemnité.
Par la signature de cette convention et la demande d’homologation lui étant attachée, la salariée a formalisé une nouvelle fois son accord de principe à la même date, et validé par là même le caractère rectificatif quant à l’erreur commise au niveau de son adresse.
Si la salariée n’avait pas renoncé à sa tentative de renégociation du montant de l’indemnité de rupture contractuellement fixée par le biais de la convention établie le 27 mai 2019 sans recourir au formulaire cerfa, il lui appartenait de refuser de signer l’exemplaire du 4 juillet 2019, comme elle l’avait fait pour le précédent établi le même jour que le premier mais en recourant à un tel formulaire.
Il importe de souligner qu’au-delà de la correction de l’erreur au niveau de l’adresse, les parties ont modifié le premier formulaire cerfa quant à la date d’effet de la rupture conventionnelle, ce dont la salariée s’est prévalue par la suite pour quitter des effectifs de la société à cette date.
Il appartient à la salariée de démontrer, qu’en dépit de son accord quant au montant de l’indemnité, consécutif à la signature de la convention du 4 juillet 2019, et la validation de la reprise de la date initiale de conclusion de la rupture conventionnelle, elle a été victime de pressions de la part de son employeur pour signer ce document.
Or la salariée a été en capacité de refuser de signer un exemplaire comprenant une mention erronée relativement à son adresse, laquelle n’avait pas de conséquence quant à la validité de la rupture conventionnelle faute d’avoir pour effet de vicier son consentement ou de la priver de la possibilité d’exercer son droit de rétractation.
Par ailleurs elle ne fournit aucun justificatif permettant d’établir l’existence d’un vice du consentement ou d’une fraude, laquelle ne peut pas ressortir de sa seule tentative de renégociation antérieure à la signature de l’acte litigieux.
Outre le fait que cette tentative faisait fi de la conclusion d’une première convention sans recours au formulaire cerfa, lequel facilite la demande d’homologation, mais comprenant les mentions nécessaires notamment quant au délai de rétractation, il convient de préciser qu’un différend au moment de la conclusion d’une convention de rupture conventionnelle, comme l’existence de négociations quant à ses effets avant ladite conclusion, n’affectent pas par eux mêmes la validité de ladite convention.
Il apparaît en outre qu’il s’agissait bien d’une tentative de négociations puisque la salariée n’a jamais indiqué vouloir exercer son droit de rétractation durant la période l’y autorisant, se contentant le 10 juillet 2019 de demander à l’employeur le point de départ du délai de rétractation compte tenu de la signature le 4 juillet 2019 du document formalisant la rupture conventionnelle, comme si celui-ci, en dépit de la mention d’un accord de principe le 27 mai 2019, n’avait pas d’effet rectificatif sur ce point.
Il convient au regard de ces éléments de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande en nullité de la convention de rupture conventionnelle, et par voie de conséquence de ses demandes subséquentes à la reconnaissance d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
De la demande au titre de la clause de non-concurrence
La salariée soutient que la clause de non-concurrence lui ayant été opposée est nulle en ce qu’elle l’a considérablement freinée dans ses projets professionnels consistant en l’ouverture de son propre salon de coiffeur barbier, en lui imposant une zone géographique particulièrement étendue, avec une durée d’application importante et une contrepartie financière dérisoire au regard des conséquences sur ses possibilités de travailler.
Toutefois il convient de constater que la durée de 12 mois relativement à l’application de la clause de non-concurrence ne dépasse pas celle fixée comme maximale par la convention collective en ce qu’elle y correspond.
Par ailleurs cette même convention fait référence seulement à l’interdiction d’octroyer à un salarié une indemnité d’un montant dérisoire, reprenant par la même l’une des conditions de validité d’une clause de non-concurrence.
Si le conseil de prud’hommes a fait référence à la convention collective applicable jusqu’au 1er mars 2017, qui faisait mention de la nécessité d’une indemnité ne pouvant être inférieure à 6 % du salaire minimum conventionnel correspondant au coefficient de l’intéressé, il n’en demeure pas moins d’une part que l’appréciation de la validité d’une convention doit s’effectuer à la date de sa conclusion, et d’autre part que la contrepartie financière s’élève à 20 % du salaire conventionnel.
Or la salariée procède par affirmations quant à la pratique du secteur consistant à octroyer une indemnité comprise entre 25 et 50 % de cette rémunération, et se réfère aussi à la date de la rupture du contrat de travail.
Par ailleurs l’employeur, par la production de deux attestations de salariés de l’entreprise, justifie de craintes légitimes quant à un possible détournement de clientèle, qu’il ne démontre pas néanmoins, dans la mesure où ces personnes attestent de l’information donnée par la salariée à des clients du salon de coiffure quant à sa volonté de créer sa propre entreprise.
Certes la salariée a déposé plainte à l’encontre de ses anciens collègues de travail, et leurs témoignages doivent être examinés avec circonspection compte tenu du lien hiérarchique les unissant à l’employeur.
Pour autant, non seulement la salariée ne justifie pas de la suite donnée à sa plainte, mais il importe aussi de souligner que la seule qualité de salarié ne prive pas leur témoignage de toute force probante, et il appartient de rechercher s’ils ne sont pas corroborés par des éléments objectifs permettant de leur conférer une force probante suffisante.
Si la publicité donnée par la salariée par le biais d’un réseau social de sa volonté de créer son propre salon de coiffure durant l’exécution de son obligation de non-concurrence ne constitue pas la preuve de son absence de respect de ladite obligation, il n’en demeure pas moins qu’elle est révélatrice d’une préparation de son installation ne se limitant pas au suivi d’une formation destinée à faciliter la gestion de son entreprise.
Cet élément est de nature à corroborer les allégations des salariés quant à l’information délivrée à une partie de la clientèle, en ce que cette démarche s’inscrit dans la préparation précédemment évoquée, même si les allégations de l’employeur quant à un détournement de clientèle ne sont pas fondées sur des éléments objectifs, étant précisé qu’il n’en tire aucune conséquence au niveau de ses demandes.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’instauration d’une clause de non-concurrence était légitime, que l’atteinte à la liberté de la salariée de travailler n’était pas disproportionnée au regard de la limitation de la durée d’application et du champ géographique, et du fait que l’indemnité octroyée n’était ni dérisoire ni insuffisante pour compenser la limitation apportée à la liberté de la salariée de travail.
Il convient en conséquence de confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté la salariée de sa demande en nullité de la clause de non-concurrence et ses demandes subséquentes.
De l’application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
L’équité de commande pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Des dépens
La salariée qui succombe doit être condamnée aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [U] [V] aux dépens.
LE GREFFIER
Nadine BERLY
LE PRESIDENT
Marie LE BRAS