Droit de rétractation : Décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/01732

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Droit de rétractation : Décision du 14 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/01732

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 14 DÉCEMBRE 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/01732 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFDBM

Décision déférée à la Cour : Jugement du 14 décembre 2021 – Juge des contentieux de la protection de MELUN – RG n° 21/03889

APPELANTE

LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE, anciennement dénommée la BANQUE POSTALE FINANCEMENT, société anonyme à directoire et conseil de surveillance, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés ès-qualités audit siège

N° SIRET : 487 779 035 00046

[Adresse 1]

[Adresse 1]

représentée par Me Sébastien MENDES GIL de la SELAS CLOIX & MENDES-GIL, avocat au barreau de PARIS, toque : P0173

INTIMÉS

Monsieur [B] [J]

né le [Date naissance 4] 1985 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

DÉFAILLANT

Madame [D] [P] épouse [J]

née le [Date naissance 3] 1986 à [Localité 5] (RP DOMINICAINE)

[Adresse 2]

[Adresse 2]

DÉFAILLANTE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 17 octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sophie COULIBEUF, Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– DÉFAUT

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Selon offre préalable acceptée le 29 août 2016, la société Banque Postale Consumer Finance alors dénommée la Banque Postale Financement (la société Banque Postale) a consenti à M. [B] [J] et Mme [D] [P] épouse [J] un crédit personnel d’un montant en capital de 20 000 euros remboursable en 60 mensualités de 370,14 euros hors assurance incluant les intérêts au taux nominal de 4,20 %, le TAEG s’élevant à 4,58 %, soit une mensualité avec assurance de 410,80 euros.

Le 13 juillet 2017, ce crédit a été aménagé pour la somme de 18 840,82 euros devant être remboursée par 109 mensualités de 246,51 euros (assurance comprise) à compter du 10 septembre 2017.

Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la société Banque Postale a entendu se prévaloir de la déchéance du terme.

Par acte du 1er juillet 2021, la société Banque Postale a fait assigner M. et Mme [J] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Melun en paiement du solde du prêt lequel, par jugement réputé contradictoire du 14 décembre 2021, a déclaré la banque recevable en son action, a constaté l’acquisition de la clause résolutoire du prêt mais l’a déchue de son droit aux intérêts contractuels et a condamné M. et Mme [J] solidairement au paiement de la somme de 8 923,65 euros outre 1 euro de clause pénale et ce sans intérêt ni contractuel ni légal, a rejeté le surplus des demandes et condamné M. et Mme [J] in solidum aux dépens.

Après avoir contrôlé la recevabilité de la demande au regard de la forclusion, le premier juge a retenu que la déchéance du terme avait été régulièrement prononcée et pour prononcer la déchéance du droit aux intérêts contractuels, il a relevé que l’exemplaire produit par la banque était dépourvu de bordereau de rétractation et que la clause de reconnaissance était insuffisante à démontrer sinon son existence du moins sa régularité.

Il a déduit les sommes versées soit 11 076,35 euros du capital emprunté et a relevé que pour assurer l’effectivité de la sanction, il fallait écarter l’application des dispositions relatives au taux légal.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 20 janvier 2022, la société Banque Postale a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses conclusions déposées par voie électronique le 16 mai 2022, la société Banque Postale demande à la cour :

– d’infirmer le jugement sauf en ce qu’il l’a déclarée recevable, a reconnu la régularité de la déchéance du terme et a condamné M. et Mme [J] aux dépens,

– de déclarer irrecevable le moyen visant à faire prononcer la déchéance du droit aux intérêts au regard du délai de prescription quinquennal, et subsidiairement de rejeter le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels,

– de constater que la déchéance du terme a été prononcée, subsidiairement de prononcer la résiliation judiciaire du contrat de crédit au vu des manquements de l’emprunteur dans son obligation de rembourser les échéances du crédit et fixer la date des effets de la résiliation au 19 janvier 2021

– et en tout état de cause, de condamner M. et Mme [J] solidairement à lui payer la somme de 14 356,91 euros majorée des intérêts au taux contractuel de 4,20 % l’an à compter du 20 janvier 2021 sur la somme de 13 210,43 euros et au taux légal pour le surplus ; subsidiairement en cas de déchéance du droit aux intérêts, de condamner M. et Mme [J] à lui payer la somme de 10 270,63 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 22 janvier 2021,

– en tout état de cause de condamner M. et Mme [J] in solidum à lui payer la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens avec distraction au profit de Selas Cloix & Mendes Gil.

Elle fait principalement valoir, s’agissant de la prescription, que celle-ci s’applique à toutes les demandes qu’elles soient formées par voie d’action ou par voie d’exception, que la demande de déchéance du droit aux intérêts est bien une demande puisqu’elle vise à compenser les intérêts avec la créance et que cette prescription s’applique aussi bien aux parties qu’au juge qui ne peut avoir plus de droits que les parties elles-mêmes. Elle se prévaut de l’article L. 110-4 du code de commerce dans sa version applicable après l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, laquelle a réduit ce délai à 5 ans et soutient que les arguments soulevés au titre d’une déchéance du droit aux intérêts contractuels pour irrégularité du formalisme précontractuel ou du formalisme contractuel ne pouvaient donc être invoqués que jusqu’au 29 août 2021.

S’agissant de la preuve de l’existence d’un bordereau de rétractation, elle soutient qu’elle résulte de la reconnaissance par l’emprunteur de cette remise dans le contrat qui fait la loi des parties, qu’en présence d’une telle clause c’est à l’emprunteur qu’il appartient d’établir qu’il n’a pas reçu le bordereau de rétractation ou que celui-ci ne serait pas conforme ce qu’il ne fait pas étant non comparant et n’ayant pas contesté cette remise. Elle ajoute que seul l’exemplaire remis à l’emprunteur doit comporter une telle clause et non celle conservée par le prêteur qui par définition ne pourrait s’en servir et que la règle du double exemplaire n’est pas applicable. Elle soutient apporter la preuve de la remise d’un exemplaire conforme par la production d’une liasse vierge du pack contractuel identique à celui envoyé à M. et Mme [J].

A titre subsidiaire, elle précise que M. et Mme [J] ont réglé la somme de 11 746,93 euros mais que les échéances d’assurance échues restent dues car la déchéance du droit aux intérêts ne porte pas sur les cotisations d’assurance et qu’ils restent devoir à ce titre 2 017,56 euros.

Elle indique que le juge ne peut pas écarter le taux légal qui doit être appliqué et que seul le juge de l’exécution a le pouvoir de supprimer la majoration de 5 points car cette question relève de l’exécution puisque, pour être appliquée, il faut une inexécution pendant 2 mois et que la perte des intérêts est suffisamment significative.

Aucun avocat ne s’est constitué pour M. et Mme [J] à qui la déclaration d’appel a été signifiée par actes du 10 mars 2022 délivrés à étude et les conclusions par actes du 20 mai 2022 délivrés à étude.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l’appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 juin 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience le 17 octobre 2023.

A l’audience la cour ayant examiné les pièces a relevé que la FIPEN produite n’était pas signée. Elle a fait parvenir le 7 novembre 2023 au conseil de la banque par RPVA un avis rappelant que dans un arrêt du 7 juin 2023 (pourvoi 22-15.552) la première chambre de la cour de cassation avait considéré que la preuve de la remise de la FIPEN ne pouvait se déduire de la clause de reconnaissance et de la seule production de la FIPEN non signée, ce document émanant de la seule banque, souligné que l’intimé ne comparaissait pas et a invité la banque à produire tout justificatif de la remise de cette FIPEN et le cas échéant à faire valoir ses observations sur la déchéance du droit aux intérêts encourue à défaut de preuve de remise, et ce au plus tard le 1er décembre 2023.

Le 30 novembre 2022, la banque a fait parvenir une note en délibéré aux termes de laquelle elle fait valoir :

– qu’aucun texte ne prévoit que la FIPEN soit signée et que sa seule obligation consiste à remettre cette fiche d’information,

– que jusqu’à l’arrêt du 7 juin 2023 visé dans l’avis, la Cour de cassation admettait que la remise d’un document constituant un fait juridique, il pouvait être prouvé par tous moyens et notamment par une clause de reconnaissance, et qu’il en était déduit, de manière constante, que la clause combinée à la production de la copie du document permettait à l’établissement de crédit de rapporter la preuve de la remise du document sans qu’il soit nécessaire que ledit document soit signé par l’emprunteur,

– que l’exigence d’un document émanant du débiteur n’est requise qu’en matière de preuve des actes juridiques par l’article 1362 du code civil,

– que l’apposition de la signature de l’emprunteur sur le document ne confère, en outre, pas à la production un caractère plus probant que celui résultant de la signature sous la clause de reconnaissance corroborée par la production d’une copie du document,

– que la FIPEN soit ou non signée laisse à l’emprunteur la faculté de rapporter la preuve contraire que le document qui lui a été remis n’est pas celui que le prêteur a produit, en produisant le cas échéant l’exemplaire qui lui a été remis,

– que l’arrêt du 7 juin 2023 apparaît en contradiction avec une position jusqu’alors clairement établie, qu’il ne peut qu’être analysée qu’en un arrêt d’espèce voire d’égarement isolé et ne saurait être suivi, étant rappelé que la loi a une valeur normative supérieure et que jusqu’alors la présente cour statuait différemment,

– que changer de jurisprudence conduirait à heurter gravement le principe de sécurité juridique et que cette règle ne peut au mieux valoir que pour l’avenir et ne saurait être appliquée rétroactivement car la banque n’était pas en mesure de prévoir cette exigence nouvelle,

– qu’il y a donc lieu de ne pas prononcer de déchéance du droit aux intérêts de ce chef.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Selon l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s’il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Il résulte de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit souscrit le 29 août 2016 soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la forclusion

La recevabilité de l’action de la société Banque Postale au regard de la forclusion, vérifiée par le premier juge, n’est pas remise en cause à hauteur d’appel.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

1- La prescription du moyen

La société Banque Postale soutient que le juge du fond ne pouvait soulever d’office le 26 octobre 2021 le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts contractuels au regard du délai de prescription quinquennale ayant commencé à courir à la date d’acceptation de l’offre et devant se terminer au 29 août 2021.

La prescription est sans effet sur l’invocation d’un moyen qui tend non pas à l’octroi d’un avantage, mais seulement à mettre en échec une prétention adverse.

C’est ainsi que, défendant à une action en paiement du solde d’un crédit à la consommation, l’emprunteur peut opposer tout moyen tendant à faire rejeter tout ou partie des prétentions du créancier par application d’une disposition du code de la consommation prévoyant la déchéance du droit aux intérêts, sans se voir opposer la prescription, pour autant qu’il n’entende pas en obtenir un autre avantage tel le remboursement d’intérêts indûment acquittés.

Dans le rôle qui lui est conféré tant par l’article R. 632-1 du code de la consommation que par le droit européen, le juge peut relever d’office, sans être enfermé dans un quelconque délai, toute irrégularité qui heurte une disposition d’ordre public de ce code.

En l’espèce, le moyen soulevé d’office par le premier juge et susceptible de priver le prêteur de son droit aux intérêts contractuels n’a pas pour effet de conférer à l’emprunteur un avantage autre qu’une minoration de la créance dont la société Sogefinancement poursuit le paiement.

Loin de constituer un remboursement des intérêts acquittés par le jeu d’une compensation qui supposerait une condamnation -qui n’est pas demandée- de l’organisme de crédit à payer une dette réciproque, ces moyens ne peuvent avoir pour seul effet que de modifier l’imputation des paiements faits par l’emprunteur.

En conséquence, il convient d’écarter la fin de non-recevoir soulevée par la société Banque Postale.

2- le bordereau de rétractation

Il résulte de l’article L. 312-21 du code de la consommation que pour faciliter l’exercice par l’emprunteur de son droit de rétractation, « un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit », lequel doit aux termes de l’article R. 312-9 du même code être établi conformément à un modèle type et ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l’adresse du prêteur.

Il résulte de l’article L. 341-4du code de la consommation que lorsque le prêteur n’a pas respecté les obligations fixées à l’article L. 312-21, il est déchu du droit aux intérêts.

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et la signature par l’emprunteur de l’offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

En l’espèce, il ressort de l’exemplaire de contrat en possession de la société Banque Postale, que par une mention pré-imprimée de l’offre préalable acceptée par M. et Mme [J], ces derniers ont reconnu rester en possession d’un exemplaire du contrat doté d’un formulaire détachable de rétractation. L’exemplaire « prêteur » produit est dépourvu de bordereau de rétractation.

A hauteur d’appel, la société Banque Postale produit en sa pièce n° 14, un exemple de liasse contractuelle constituée de 10 pages, dont un exemplaire « contrat à renvoyer » et deux exemplaires « à conserver », ces derniers exemplaires étant bien pourvus d’un bordereau détachable de rétractation conforme.

Cette liasse démontre suffisamment que l’exemplaire de contrat soumis à validation de M. et Mme [J] était pourvu d’un bordereau détachable de rétractation conforme.

Il résulte de l’ensemble de ces éléments le respect par le prêteur de ses obligations dans le cadre du présent litige et que c’est à tort que le premier juge a retenu une déchéance du droit aux intérêts sur ce fondement.

3- la fiche d’informations précontractuelles

Il résulte de l’article L. 312-12 du code de la consommation applicable au cas d’espèce que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l’intermédiaire de crédit donne à l’emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l’emprunteur, compte tenu de ses préférences, d’appréhender clairement l’étendue de son engagement.

Cette fiche d’informations précontractuelles -FIPEN- est exigée à peine de déchéance totale du droit aux intérêts (article L. 341-1), étant précisé qu’il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à son obligation d’informations et de remise de cette FIPEN.

A cet égard, la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l’emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d’informations précontractuelles normalisées européennes, n’est qu’un indice qu’il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

Il a toutefois été jugé qu’un document qui émane du seul prêteur ne peut utilement corroborer les mentions de cette clause type de l’offre de prêt pour apporter la preuve de l’effectivité de la remise. (Cass. civ. 1, 7 juin 2023, n° 22-15.552).

Dès lors, ni la production de la FIPEN remplie par le prêteur, ni la production d’une liasse vierge comportant par principe une FIPEN ne saurait suffire à corroborer cette clause à la différence du bordereau de rétractation qui doit être remis vierge, car ce qui doit être prouvé d’emblée par le prêteur est la remise effective à M. et Mme [J] non représentés en appel, de la FIPEN personnalisée.

Il doit dès lors être considéré que la société Banque Postale qui ne produit que le contrat comportant une clause de reconnaissance, une FIPEN remplie mais non signée par M. et Mme [J] et une liasse vierge à l’exception de toute autre pièce, ne rapporte pas suffisamment la preuve d’avoir respecté l’obligation qui lui incombe, sans qu’elle puisse valablement opposer que la signature de cette pièce n’est pas exigée par les textes ou que le fait que l’appréciation des éléments de preuve apportés ait pu être différente est de nature à heurter un principe de sécurité juridique.

La déchéance du droit aux intérêts est donc encourue sur ce fondement et le jugement doit être confirmé en ce qu’il l’a prononcée.

Sur le montant des sommes dues

Aux termes de l’article L. 311-48 devenu L. 341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Il y a donc lieu de déduire de la totalité des sommes empruntées soit 20 000 euros la totalité des sommes payées 11 076,35 euros. Le prêteur qui ne justifie pas d’un mandat de l’assureur ne peut prétendre réintégrer les primes d’assurance.

Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu’il a retenu comme due une somme de 8 923,65 euros.

La limitation légale de la créance du préteur exclut qu’il puisse prétendre au paiement de toute autre somme et notamment de la clause pénale prévue par l’article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation. Le jugement déféré doit donc être infirmé en ce qu’il a condamné M. et Mme [J] au paiement d’une clause pénale de 1 euro.

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l’article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s’il en résulte pour le prêteur la perception de montants équivalents ou proches de ceux qu’il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n’avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d’efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l’espèce, le crédit personnel a été accordé à un taux d’intérêt annuel fixe de 4,20 %. Dès lors, les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal apparaissent significativement inférieurs à celui résultant du taux contractuel sauf en cas de majoration de cinq points. Il convient en conséquence de ne pas faire application de l’article 1231-6 du code civil dans son intégralité et de n’écarter que l’application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier. Il y a donc lieu de confirmer le jugement en ce qu’il a écarté cette majoration mais de l’infirmer en ce qu’il a écarté l’application du taux légal et de dire que la somme de 8 923,65 euros que M. et Mme [J] ont été solidairement condamnés à payer à la société Banque Postale doit porter intérêts au taux légal non majoré à compter du 22 janvier 2021, date de la mise en demeure concomitante à la déchéance du terme.

Sur les autres demandes

Le jugement doit être confirmé en ce qu’il a condamné M. et Mme [J] in solidum aux dépens de première instance et a rejeté la demande de la société Banque Postale sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Banque Postale qui succombe doit supporter les dépens d’appel et garder la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,

Confirme le jugement sauf en ce qu’il a condamné M. [B] [J] et Mme [D] [P] épouse [J] solidairement à payer une clause pénale de 1 euro et dit que la somme de 8 923,65 euros ne porterait pas intérêts au taux légal ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ecarte la fin de non-recevoir tirée de la prescription du moyen de la déchéance du droit aux intérêts ;

Rejette la demande au titre de la clause pénale ;

Condamne M. [B] [J] et Mme [D] [P] épouse [J] solidairement à payer à la société Banque Postale Consumer Finance (anciennement dénommée la société Banque Postale Financement) les intérêts au taux légal produits par la somme de 8 923,65 euros à compter du 22 janvier 2021 ;

Laisse les dépens d’appel à la charge de la société Banque Postale Consumer Finance (anciennement dénommée la société Banque Postale Financement) ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente

 


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