TRIBUNAL JUDICIAIRE
DE BORDEAUX
ORDONNANCE DE R༄༅F༄༅R༄༅
50A
Minute n° 23/
N° RG 23/01766 – N° Portalis DBX6-W-B7H-YDRF
3 copies
GROSSE délivrée
le18/12/2023
àMe Laure CAVANIE
Me Damien LORCY
Rendue le DIX HUIT DECEMBRE DEUX MIL VINGT TROIS
Après débats à l’audience publique du 20 Novembre 2023
Par mise à disposition au greffe, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente au tribunal judiciaire de BORDEAUX, assistée de Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.
DEMANDEUR
Monsieur [M] [U]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Laure CAVANIE, avocat postulante au barreau de BORDEAUX, Me Henri ROUCH de la SELARL WARN AVOCATS, avocat plaidant au barreau de PARIS
DÉFENDERESSE
S.A.R.L. GD AUTOMOTIVE
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Damien LORCY, avocat au barreau de BORDEAUX
EXPOSE DU LITIGE
Par acte en date du 1er août 2023, Monsieur [U], au visa des articles 835 du code de procédure civile et L.221-1 et L.221-18 et suivants du code de la consommation, a assigné la SARL GD AUTOMOTIVE, exerçant sous le nom commercial ICOIN MOTORS, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de BORDEAUX aux fin de voir :
à titre principal, juger que le contrat conclu entre eux le 25 mai 2023 est annulé du fait de sa rétractation en date du 17 juin 2023 ;ordonner le remboursement intégral de son achat, soit la somme de 60 916,77 euros majorée de 50 % à compter du 14ème jour suivant l’exercice du droit de rétractation, soit la somme de 30 458,38 euros ;en conséquence, condamner à titre provisionnel la société GD AUTOMOTIVE à lui régler la somme de 91 375,16 euros arrêtée au 1er août 2023, à parfaire ;à titre subsidiaire, condamner à titre provisionnel la société GD AUTOMOTIVE à lui régler la somme de 60 916,77 euros ;en tout état de cause, condamner la société GD AUTOMOTIVE au paiement de la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Le demandeur expose qu’à la suite de la parution d’une annonce publiée par la société GD AUTOMOTIVE exerçant sous le nom commercial ICON MOTORS sur le site internet LA CENTRALE, il a acheté en juin 2023 un véhicule FORD Mustang Fastback de l’année 1967 moyennant le prix de 60 000 euros dont il s’est acquitté le 13 juin 2023 ; qu’il a pris livraison du véhicule le 16 juin 2023 ; qu’il a aussitôt constaté des défectuosités au niveau du démarreur et des freins, il a redéposé le véhicule au garage le 17 juin et a envoyé à la défenderesse un SMS pour annuler la vente ; qu’il a réitéré cette volonté par courriel du 19 juin et LRAR du 22 juin ; que la défenderesse a refusé d’annuler la vente ; que s’agissant d’une vente à distance conclue avec un professionnel, il est fondé à se prévaloir du délai de rétractation de 14 jours prévu par le code de la consommation, dont le point de départ est celui de la prise de possession du bien, de sorte qu’il a exercé son droit dans les délais.
L’affaire, appelée à l’audience du 06 novembre 2023, a été renvoyée pour échanges et conclusions des parties à l’audience du 20 novembre 2023.
Les parties ont conclu pour la dernière fois :
– le demandeur, dans son acte introductif d’instance ;
– la défenderesse, le 17 novembre 2023, par des conclusions dans lesquelles elle sollicite le débouté de Monsieur [U] de toutes ses demandes et sa condamnation à lui payer la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Elle fait valoir que dans le cadre de son activité de commerce et réparation de véhicules automobiles, elle prend souvent en dépôt-vente des véhicules qu’elle est chargée de vendre après révision et travaux éventuels ; que c’est dans ce cadre qu’elle a proposé le véhicule litigieux à la vente ; qu’elle a été contactée par le demandeur à qui elle a adressé toutes les informations et documents nécessaires ; qu’après avoir envisagé de l’acheter pour le compte de sa société, Monsieur [U] a finalement décidé de l’acquérir en son nom personnel ; que le lendemain de la livraison, il a appelé pour envisager des améliorations et a ramené le véhicule à cette fin avant de réclamer l’annulation ; que cependant cette demande se heurte à des contestations sérieuses dans la mesure où le droit de la consommation n’est pas applicable d’une part car elle n’est pas le vendeur mais le dépositaire du véhicule, et que le bon de commande comme la facture mentionnent la société ELICLADAN ; d’autre part, qu’il ne s’agit pas d’un contrat à distance au sens de l’article L.221-1 du code de la consommation. Elle ajoute, à titre subsidiaire, que faire droit à la demande, alors qu’elle n’a perçu qu’une commission et non l’intégralité du prix de vente, serait de nature à mettre en péril son activité.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur les demandes principales
L’article 834 du code de procédure civile permet au juge des référés, en cas d’urgence, de prendre les mesures qui ne se heurtent pas à l’existence d’une contestation sérieuse. En outre, l’article 835 alinéa 1 permet au juge de prendre toute mesure nécessaire pour faire cesser un trouble manifestement illicite, tel que l’occupation sans titre d’une propriété privée.
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile permet au juge des référés, lorsque l’obligation n’est pas sérieusement contestable, d’allouer une provision au créancier ou d’ordonner l’exécution de cette obligation même lorsqu’il s’agit d’une obligation de faire.
La demande se fonde en l’espèce sur les dispositions des articles L.221-1 et L.221-18 et suivants du code de la consommation, aux termes desquels est considéré comme contrat à distance tout contrat conclu entre un professionnel et un consommateur, dans le cadre d’un système organisé de vente ou de prestation de services à distance, sans la présence simultanée du professionnel et du consommateur, par le recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance jusqu’à la conclusion du contrat.
Ce fondement est contesté par la défenderesse qui soutient que les dispositions du code de la consommation ne sont pas applicables, pour un double motif :
– elle n’est pas le vendeur du véhicule, qui est un particulier, et l’acquéreur devait initialement être la société ELICLADAN et non Monsieur [U];
– le contrat litigieux n’est pas un contrat de vente à distance en l’absence de système organisé de vente ou de prestation de services à distance et de recours exclusif à une ou plusieurs techniques de communication à distance, alors que le demandeur pouvait parfaitement voir le véhicule et que la signature du bon de commande et le paiement ne peuvent pas être réalisés en ligne.
Il ressort en effet des pièces que la société GD AUTOMOTIVE verse aux débats qu’elle est intervenue à la vente en qualité de dépositaire selon mandat de vente conclu le 30 janvier 2023 avec Monsieur [V], prévoyant un prix de vente de 59 990 euros et une commission de 4 990 euros. Ces éléments sont de nature à introduire un doute sur la qualité de débitrice de la défenderesse, dont l’obligation est dès lors sérieusement contestable.
Par ailleurs, l’argumentation de la défenderesse, telle que rappelée supra, selon laquelle la vente ne peut être qualifiée de vente à distance au sens de l’article L.221-1 du code de la consommation, se fonde sur des moyens qui caractérisent une contestation sérieuse dont l’examen relève de la compétence du seul juge du fond.
Il y a lieu en conséquence de débouter Monsieur [U] de toutes ses demandes.
Sur les autres demandes :
Il apparaît inéquitable de laisser à la charge de la SARL GD AUTOMOTIVE les sommes, non comprises dans les dépens, qu’elle a dû exposer dans le cadre de l’instance. Monsieur [U] sera condamné à lui payer une somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Monsieur [U] qui succombe à l’instance sera en outre condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Le juge des référés du tribunal judiciaire, après en avoir délibéré, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par ordonnance contradictoire et en premier ressort,
DEBOUTE Monsieur [U] de ses demandes ;
CONDAMNE Monsieur [U] à payer à la SARL GD AUTOMOTIVE la somme de 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [U] aux entiers dépens.
La présente décision a été signée par Elisabeth FABRY, Première Vice-Présidente, et par Karine PAPPAKOSTAS, Greffière.
Le Greffier,Le Président,