Droit de rétractation : Décision du 19 décembre 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/03063

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Droit de rétractation : Décision du 19 décembre 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 22/03063

ARRET N°523

FV/KP

N° RG 22/03063 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GWBT

S.A.S. GROUPE ECO HABITAT

C/

[Y]

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

2ème Chambre Civile

ARRÊT DU 19 DECEMBRE 2023

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/03063 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GWBT

Décision déférée à la Cour : jugement du 14 novembre 2022 rendu par le Tribunal Judiciaire de LA ROCHELLE.

APPELANTE :

S.A.S. GROUPE ECO HABITAT

[Adresse 3]

[Localité 7]

Ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS.

Ayant pour avocat plaidant Me Paul ZEITOUN, avocat au barreau de PARIS.

INTIMES :

Monsieur [D] [Y]

né le [Date naissance 1] 1969 à [Localité 8]

[Adresse 5]

[Localité 4]

Ayant pour avocat postulant Me Lucie VIOLETTE de la SELARL ARZEL ET ASSOCIES, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Thierry PIERRON, avocat au barreau de PARIS.

S.A. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

[Adresse 2]

[Localité 6]

Ayant pour avocat plaidant Me Aurélie DEGLANE de la SELARL BRT, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT.

PARTIEINTERVENANTE :

S.E.L.A.R.L. AXYME prise en la personne de Maître [H] [N] es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL GROUPE ECO HABITAT

Ayant pour avocat postulant Me Yann MICHOT de la SCP ERIC TAPON – YANN MICHOT, avocat au barreau de POITIERS.

Ayant pour avocat plaidant Me Paul ZEITOUN, avocat au barreau de PARIS.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 11 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Claude PASCOT, Président

Monsieur Fabrice VETU, Conseiller

Monsieur Cédric LECLER, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 22 mai 2017, Monsieur [D] [Y] a conclu avec la société à action simplifiée Groupe Eco Habitat (société GEH) un contrat portant sur l’achat et la pose d’un kit GSE Air’System ainsi qu’un chauffe-eau thermodynamique pour un montant total de 32.500 €.

Le même jour, afin de financer cet achat, la société anonyme BNP Paribas Personal Finance (la BNP Paribas) a consenti à M. [Y] une offre de crédit affecté d’un montant de 32.500 €.

Le 13 juin 2017, M. [Y] a signé un document attestant la fin des travaux et aux termes duquel il a demandé à la BNP Paribas de verser à la société GEH la somme de 32.500 €. Celle-ci a été débloquée par acte du 23 juin 2017.

Par acte du 20 avril 2021, M. [Y] a attrait la société GEH et la BNP Paribas devant le tribunal judiciaire de La Rochelle aux fins de voir prononcer, à titre principal, la nullité du contrat de vente du 22 mai 2017 ainsi que la nullité du contrat de prêt, à titre subsidiaire, la résolution des contrats.

Par jugement en date du 14 novembre 2022, le tribunal judiciaire de La Rochelle a statué ainsi:

– Constate l’abandon par M. [Y] de sa demande relative à la suspension de ses obligations découlant du prêt conclu le 22 mai 2017 avec la BNP Paribas ;

– Ecarte la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée en raison de l’accord transactionnel du 19 Juillet 2019 ;

– Déclare recevable l’action de M. [Y] ;

– Prononce la nullité du contrat de vente conclu le 22 Mai 2017 entre M. [Y] et la société GEH ;

– Prononce la nullité du contrat de prêt affecté conclu le 22 Mai 2017 entre M. [Y] et la BNP Paribas ;

– Condamne M. [Y] à restituer à la BNP Paribas, en deniers ou quittance, la somme de 32.500€, avec intérêts au taux légal, au titre du capital emprunté ;

– Condamne la Société GEH à garantir M. [Y] de sa condamnation à restituer à la BNP Paribas, en deniers ou quittance, la somme de 32.500 €, avec intérêts au taux légal, au titre du capital emprunté ;

– Condamne la BNP Paribas à restituer à M. [Y], en deniers ou quittance, le montant des mensualités déjà versées par M. [Y] au titre du prêt en date du 22 Mai 2017 ;

– Condamne la Société GEH à effectuer, à ses frais, le démontage et l’enlèvement de l’ensemble des composants, des équipements, et des éléments liés à la centrale photovoltaïque, et de remettre le toit et les éléments de la maison en contact avec le matériel dans l’état initial, et ce dans un délai de 90 jours calendaires à compter de la signification du jugement à intervenir, à charge pour elle d’en apporter la preuve ;

– Dit qu’à défaut, pour la Société GEH de ne pas avoir procédé à l’enlèvement et à la remise en état au 91ème jour suivant la date de la signification du jugement, elle sera réputée avoir abandonné l’entière propriété de son matériel qui sera alors transféré à M. [Y] libre d’en disposer ;

– Déboute M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts formée contre la société GEH et la BNP Paribas ;

– Condamne solidairement la Société GEH et la BNP Paribas à payer à M. [Y] la somme de 1.000 Euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– Condamne solidairement la Société GEH et la BNP Paribas aux dépens ;

– Ecarte l’exécution provisoire.

Par déclaration en date du 09 décembre 2022, la société GEH a fait appel de cette décision en visant les chefs expressément critiqués.

La société GEH, par dernières conclusions RPVA du 25 août 2023, demande à la cour de :

– Juger recevable et bien fondée l’intervention volontaire de la société Axyme représentée Maître [H] [N] es qualité de liquidateur judiciaire de la société GEH ;

– Déclarer la société GEH représentée par son liquidateur judiciaire recevable et bien fondée en toutesses demandes ;

– Rejeter toutes les prétentions et demandes formées à son encontre par Monsieur [Y] ;

– Rejeter toutes les prétentions et demandes formées à son encontre par la société BNP PF ;

Y faisant droit,

– Infirmer le jugement rendu par juge des contentieux de la protection près le Tribunal de proximité de La Rochelle en ce qu’il a fait droit à la demande d’annulation du contrat du 22 mai 2017 conclu entre Monsieur [Y] et la société GEH ;

– Infirmer l’ensemble des condamnations de la société GEH découlant de la nullité du contrat prononcée en première instance ;

Statuant à nouveau,

In limine litis,

Sur l’infirmation du jugement en ce qu’il a écarté la fin de non recevoir tirée de la signature d’un protocole d’accord entre Monsieur [Y] et la société GEH le 19 juillet 2019 :

– Infirmer le jugement en ce qu’il a écarté la fin de non-recevoir tirée de l’autorité de la chose jugée en raison de l’accord transactionnel du 19 juillet 2019 et déclaré recevable l’action de Monsieur [D] [Y],

Jugeant de nouveau,

– Juger qu’il y a une identité d’objet et de cause entre le protocole d’accord et les demandes de Monsieur [Y] ;

En conséquence,

– Juger irrecevables les demandes de Monsieur [Y].

A titre principal,

Sur l’infirmation du jugement en ce qu’il a prononcé la nullité du contrat conclu le 22 mai 2017 entre Monsieur [Y] et la société GEH :

– Infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé que le contrat de vente et le contrat de crédit affecté du 22 mai 2017 étaient nuls ;

Jugeant de nouveau,

– Juger que les dispositions prescrites par les articles L.111-1 et suivants du code de la consommation ont été respectées par la société GEH ;

– Juger qu’en signant le bon de commande aux termes duquel étaient indiquées les conditions de forme des contrats conclus à distance imposées par le code de la consommation, en ayant lu et approuvé le bon de commande (conditions générales de vente incluses), Monsieur [Y] ne pouvait ignorer les prétendus vices de forme affectant le bon de commande ;

– Juger qu’en laissant libre accès à son domicile aux techniciens, que par l’acceptation sans réserve des travaux effectués par la société GEH au bénéfice de Monsieur [Y], qu’en laissant le contrat se poursuivre et en procédant au remboursement des échéances du prêt souscrit auprès de la Banque, ce dernier a manifesté sa volonté de confirmer l’acte prétendument nul ;

– Juger que par tous les actes volontaires d’exécution des contrats accomplis postérieurement à sa signature, Monsieur [Y] a manifesté sa volonté de confirmer le bon de commande prétendument nul ;

– Juger que Monsieur [Y] succombe totalement dans l’administration de la preuve du dol qu’il invoque ;

– Juger l’absence de dol affectant le consentement du demandeur lors de la conclusion du contrat de vente ;

En conséquence,

– Juger que le contrat de vente et le contrat de crédit affecté du 22 mai 2017 sont parfaitement valides ;

– Débouter Monsieur [Y] de ses demandes tendant à faire prononcer l’annulation du contrat conclu avec la société GEH ;

A titre subsidiaire,

Sur la demande de résolution du contrat conclu entre la société GEH et Monsieur [Y] le 22 mai 2017 pour inexécution contractuelle :

– Juger que Monsieur [Y] succombe totalement dans l’administration de la preuve d’une inexécution contractuelle imputable à la société GEH ;

– Juger l’absence d’inexécution contractuelle imputable à la société GEH ;

– Juger que la société GEH a parfaitement respecté les obligations auxquelles elle s’est engagée en vertu du contrat conclu le 22 mai 2017 ;

– Juger que Monsieur [Y] ne prouve pas l’impossibilité d’un remboursement ou d’un remplacement du bien livré par la société GEH ;

En conséquence,

– Débouter Monsieur [Y] de sa demande tendant à voir prononcer la résolution du contrat conclu le 22 mai 2017 avec la société GEH ;

– Débouter Monsieur [Y] de sa demande de désinstallation et de remise en état ;

A titre très subsidiaire, et si à l’extraordinaire la juridiction de céans faisait droit aux demandes de résolution ou de nullité du contrat,

Sur les demandes indemnitaires formulées par la société BNP PF à l’encontre de la société GEH :

– Juger que la Société GEH n’a commis aucune faute dans l’exécution du contrat conclu ;

– Juger que la Société BNP Paribas a commis des fautes dans la vérification du bon de commande et la libération des fonds, notamment au regard de sa qualité de professionnel du crédit ;

– Juger que la Société GEH ne sera pas tenue de restituer à la Société BNP Paribas les fonds empruntés par Monsieur [Y] augmentés des intérêts ;

– Juger que la Société GEH ne sera pas tenue de restituer à la société BNP Paribas les fonds perçus ;

– Juger que la Société GEH ne sera pas tenue de garantir Monsieur [Y] ;

– Juger que la société BNP Paribas est mal fondée à invoquer la responsabilité délictuelle de la société GEH ;

En conséquence,

– Débouter la Banque BNP Paribas de toutes ses demandes formulées à l’encontre de la Société GEH et ainsi la priver de sa créance de restitution ;

Sur les demandes indemnitaires formulées par Monsieur [Y] à l’encontre de la société GEH:

– Juger que la société GEH a parfaitement accompli toutes ses obligations contractuelles ;

– Juger que Monsieur [Y] est défaillant dans l’administration de la preuve d’une faute de la société GEH et d’un préjudice dont il serait victime ;

En conséquence,

– Débouter Monsieur [Y] de l’intégralité de ses demandes indemnitaires ;

En tout état de cause,

– Condamner Monsieur [Y] à payer à la Société Axyme représentée Maître [H] [N] es qualité de liquidateur judiciaire de la société GEH, la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts en raison du caractère parfaitement abusif de l’action initiée par ce dernier ;

– Condamner Monsieur [Y] à payer à la Société Axyme représentée Maître [H] [N] es qualité de liquidateur judiciaire de la société GEH, la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

– Condamner Monsieur [Y] aux entiers dépens ;

M. [Y], par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 06 juin 2023, demande à la cour de :

– Prononcer la nullité du contrat de vente conclu le 22 Mai 2017 entre Monsieur [D] [Y] et la Société GEH ;

– Prononcer la nullité corrélative du contrat de prêt conclu le 22 Mai 2017 entre Monsieur [D] [Y] et la BNP Paribas ;

A titre principal,

– Recevoir Monsieur [D] [Y] en ses écritures ;

– Confirmer le Jugement prononcé le 14 Novembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de La Rochelle en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

– Condamner la Société GEH à payer à Monsieur [D] [Y] la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts ;

– Condamner la BNP Paribas à payer à Monsieur [D] [Y] la somme de 3.000 € au titre de dommages et intérêts pour défaut de devoir de conseil et d’information ;

– Condamner solidairement la Société GEH et la Société BNP Paribas à payer à Monsieur [D] [Y] la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;

– Condamner la Société la Société BNP Paribas aux dépens, dont distraction au profit de Maître Lucie Violette, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de Procédure Civile, en ce compris les coûts des Huissiers de Justice.

La BNP Paribas, par dernières conclusions RPVA du 05 juin 2023, demande à la cour de :

A titre principal,

– Réformer le jugement de première instance,

Statuant à nouveau,

– Juger irrecevables les demande de Monsieur [D] [Y], compte tenu de la transaction réalisée le 19 juillet 2019, emportant autorité de la chose jugée,

A titre subsidiaire,

– Confirmer le jugement de première instance en toutes ses dispositions sauf en ce qui concerne l’article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens,

Statuant à nouveau sur l’article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens de première instance,

– Débouter Monsieur [D] [Y] de sa demande au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et les dépens de première instance,

– En cause d’appel, fixer la créance de la société BNP Paribas dans la liquidation judiciaire de la société GEH à la somme de 1.400 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et les entiers dépens

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

L’instruction de l’affaire a été clôturée suivant ordonnance datée du 13 septembre 2023 en vue d’être plaidée à l’audience du 11 octobre 2023, date à compter de laquelle elle a été mise en délibéré au 21 novembre 2023 puis, prorogée au 19 décembre 2023, l’appelant n’ayant remis ses pièces à la cour qu’à compter du 10 novembre 2023.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1. A titre liminaire, la cour indique que la recevabilité de l’intervention de La SELARL AXYME en la personne de Maître [H] [N] es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL GROUPE ECO HABITAT, qui n’est pas contestée au regard des dispositions de l’article 325 du Code de procédure civile, est rendue nécessaire au regard du jugement rendu le 12 avril 2023 par le tribunal de commerce de Paris.

2. Partant, cette intervention sera déclarée recevable.

Sur la fin de non-recevoir tirée de l’existence d’une transaction

3. En vertu de l’article 122 du Code de procédure civile, constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d’agir, tel le défaut de qualité, le défaut d’intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

4. Selon l’article 2044 du Code civil, la transaction est un contrat par lequel les parties, par des concessions réciproques, terminent une contestation née, ou préviennent une contestation à naître.

L’article 2048 du code civil dispose que ‘les transactions se renferment dans leur objet : la renonciation qui y est faite à tous droits, actions et prétentions, ne s’entend que de ce qui est relatif au différend qui y a donné lieu’.

L’article 2052 du même code, applicable à la cause, dispose que la transaction fait obstacle à l’introduction ou à la poursuite entre les parties d’une action en justice ayant le même objet.

5. Une transaction implique l’existence de concessions réciproques des parties, quelle que soit leur importance relative. L’exigence de concessions réciproques ne signifie pas l’équivalence proportionnelle entre les concessions consenties du moment qu’elles existent réellement et qu’elles sont réciproques. Néanmoins, la contrepartie ne doit pas être dérisoire.

6. Il appartient donc au juge de déterminer si l’accord invoqué à l’appui d’une fin de non-recevoir tiré de l’autorité de la chose jugée constitue une transaction qui implique des concessions réciproques.

7. L’appelant fait valoir sur ce point que M. [Y] a régularisé, le 19 juillet 2019, un protocole transactionnel aux termes duquel il aurait entendu mettre un terme définitif au litige qui l’opposait à la société, et ce, au titre des faits et du litige mentionnés aux termes de l’exposé préalable ou, plus généralement, au titre de la conclusion du contrat, l’installation, le raccordement, la rentabilité ou le financement du produit commandé.

8. M. [Y] objecte que le protocole transactionnel en date du 19 Juillet 2019 précise uniquement que ‘le client a exprimé son mécontentement concernant le rendement du système, concernant l’autoconsommation et la production, qui ne correspondait pas d’après lui à ce qui lui avait été annoncé lors de la conclusion du contrat avec le commercial.’

Selon lui, il n’y aurait aucune précision sur ces difficultés liées au discours du commercial et au bon de commande et les contestations relatives à d’éventuelles irrégularités des documents contractuels telles que soulevées dans la présente procédure sont inconnues.

9. La BNP, se fondant sur les termes du protocole, explique que le renoncement de M. [Y] à toute acte de sa part en échange du versement de la somme de 5.000 € concerne bien la présente action.

10. La cour observe que sur ce point, les parties ne font que reprendre devant la cour leurs prétentions et leurs moyens de première instance.

11. Conformément aux dispositions de l’article 955 du Code de procédure civile, en l’absence d’élément nouveau soumis à son appréciation, la cour estime que le premier juge, par des motifs pertinents qu’elle approuve, a fait une exacte appréciation des faits de la cause et des droits des parties.

12. Il convient en conséquence de confirmer la décision déférée sur ce point.

Sur la nullité du bon de commande daté du 22 mai 2017 pour violation des dispositions du code de la consommation

13. Aux termes de l’article L. 221-9 du Code de la consommation, le ‘professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties.

Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L. 221-5.

Le contrat mentionne, le cas échéant, l’accord exprès du consommateur pour la fourniture d’un contenu numérique indépendant de tout support matériel avant l’expiration du délai de rétractation et, dans cette hypothèse, le renoncement de ce dernier à l’exercice de son droit de rétractation’.

14. Selon l’article L. 221-5 du Code de la consommation :

‘Préalablement à la conclusion d’un contrat de vente ou de fourniture de services, le professionnel communique au consommateur, de manière lisible et compréhensible, les informations suivantes:

1° Les informations prévues aux articles L. 111-1 et L. 111-2 ;

2° Lorsque le droit de rétractation existe, les conditions, le délai et les modalités d’exercice de ce droit ainsi que le formulaire type de rétractation, dont les conditions de présentation et les mentions qu’il contient sont fixées par décret en Conseil d’Etat ;

3° Le cas échéant, le fait que le consommateur supporte les frais de renvoi du bien en cas de rétractation et, pour les contrats à distance, le coût de renvoi du bien lorsque celui-ci, en raison de sa nature, ne peut normalement être renvoyé par la poste ;

4° L’information sur l’obligation du consommateur de payer des frais lorsque celui-ci exerce son droit de rétractation d’un contrat de prestation de services, de distribution d’eau, de fourniture de gaz ou d’électricité et d’abonnement à un réseau de chauffage urbain dont il a demandé expressément l’exécution avant la fin du délai de rétractation ; ces frais sont calculés selon les modalités fixées à l’article L. 221-25 ;

5° Lorsque le droit de rétractation ne peut être exercé en application de l’article L. 221-28, l’information selon laquelle le consommateur ne bénéficie pas de ce droit ou, le cas échéant, les circonstances dans lesquelles le consommateur perd son droit de rétractation ;

6° Les informations relatives aux coordonnées du professionnel, le cas échéant aux coûts de l’utilisation de la technique de communication à distance, à l’existence de codes de bonne conduite, le cas échéant aux cautions et garanties, aux modalités de résiliation, aux modes de règlement des litiges et aux autres conditions contractuelles, dont la liste et le contenu sont fixés par décret en Conseil d’Etat. […]’.

15. Les informations prévues à l’article L.111-1 du Code de la consommation sont notamment les suivantes :

1° Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, compte tenu du support de communication utilisé et du bien ou service concerné ;

2° Le prix du bien ou du service, en application des articles L. 112-1 à L. 112-4 ;

3° En l’absence d’exécution immédiate du contrat, la date ou le délai auquel le professionnel s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service ;

4° Les informations relatives à son identité, à ses coordonnées postales, téléphoniques et électroniques et à ses activités, pour autant qu’elles ne ressortent pas du contexte ;

16. L’article L. 242-1 du même code énonce que les dispositions de l’article L. 221-9 sont prévues à peine de nullité du contrat conclu hors établissement.

17. La société GEH fait valoir que les caractéristiques essentielles du bien acheté, au regard de la jurisprudence constante de la cour de cassation, sont portées sur le contrat.

18. M. [Y] objecte que le bon de commande est illisible et antidaté et souligne notamment à la suite du premier juge, que le prix détaillé de chaque bien vendu n’est pas indiqué, ni même la main-d’oeuvre. Selon lui, encore, le bordereau de rétractation ne respecterait pas les dispositions du code de la consommation et ne serait indiqué ni la marque ni les références de tous les produits vendus, ni la surface ni le poids ni la composition des panneaux, ni leurs caractéristiques en termes de rendement, de capacité de production et de performances. Le contrat ne précise pas non plus les détails techniques de la pose de ces matériels.

19. La BNP explique pour sa part que c’est à bon droit que le premier juge a considéré que le bon de commande était irrégulier compte tenu de l’absence de prix détaillé alors même que Monsieur [Y] avait passé commande de panneaux photovoltaïques et d’un chauffe-eau thermodynamique.

20. La cour rappelle à titre liminaire que les mentions relatives à la rentabilité économique, le poids, la dimension la marque et, plus généralement, l’ensemble des mentions manquantes dont se prévaut M. [Y], ne sont constitutives d’une caractéristique essentielle d’une installation photovoltaïque au sens de l’article L111-1 du code de la consommation, que dans la mesure où les parties l’ont fait entrer dans le champ contractuel.

23. A cet égard, la cour observe que le chapitre relatif aux ‘CONDITIONS DE VENTE & SIGNATURE’ porté en page deux du bon de commande n°05710, seulement lisible en ce qu’il fait l’objet d’une mention pré-imprimée, stipule :

‘La livraison du ou des matériaux et la pose auront lieu dans un délai maximum de 120 jours. Les caractéristiques essentielles du bien ou du service (poids, dimensions, etc…) et, le cas échéant, de ses composantes, sont précisées dans la documentation technique complète et détaillée fournie en annexe, faisant partie intégrante du présent bon de commande et remise au client’.

21. Il ressort du texte de cet encart :

– En premier lieu, contrairement à ce qui est soutenu par les intimés à la suite du premier juge, que ce contrat constitue bien une installation globale composée d’élément qui ne sauraient être acquis séparément ;

– En second lieu, que le contrat a voulu ériger en caractéristique essentielle du bien vendu et de ses accessoires, le poids, les dimensions, le cas échéant, ses composantes et toutes autres précisions qu’une annexe faisant corps avec le bon de commande aura bien voulu détailler.

22. Or, constate la cour, cette annexe n’est pas fournie et le bon de commande est taisant sur la plupart des caractéristiques essentielles dont s’agit, étant précisé que la locution adverbiale ‘et cetera’ permet de considérer comme caractéristique essentielle l’ensemble des éléments dont se prévaut M. [Y], sauf en ce qui concerne la rentabilité et l’autoconsommation, indemnisés, pour rappel, suivant protocole transactionnel daté du 19 juillet 2019.

23. Compte tenu de ce qui précède, la cour indique que faute d’avoir renseigné la marque et les références de tous les produits vendus, la dimension et le poids des composantes de l’installation, la société GEH a manqué à ses obligations d’ordre public en la matière de sorte que la décision sera confirmée sur ce point sans qu’il ne soit nécessaire d’examiner les autres moyens tendant à la nullité du bon de commande.

Sur la confirmation

24. Selon l’article 1181 du Code civil, ‘la nullité relative ne peut être demandée que par la partie que la loi entend protéger.

Elle peut être couverte par la confirmation.

Si l’action en nullité relative a plusieurs titulaires, la renonciation de l’un n’empêche pas les autres d’agir’.

En vertu de l’article 1182 du même code, la confirmation est l’acte par lequel celui qui pourrait se prévaloir de la nullité y renonce. Cet acte mentionne l’objet de l’obligation et le vice affectant le contrat.

La confirmation ne peut intervenir qu’après la conclusion du contrat.

L’exécution volontaire du contrat, en connaissance de la cause de nullité, vaut confirmation. En cas de violence, la confirmation ne peut intervenir qu’après que la violence a cessé.

La confirmation emporte renonciation aux moyens et exceptions qui pouvaient être opposés, sans préjudice néanmoins des droits des tiers.

25. Il est établi, en vertu de ces textes, que la confirmation peut être tacite dès lors qu’elle est non équivoque. Elle suppose que le consommateur ait eu connaissance du vice et l’intention de le réparer.

26. La cour rappelle que les caractéristiques essentielles des éléments de l’installation photovoltaïque, objet du bon de commande n°05710 sont manquantes et ajoute qu’aucun des éléments versés au débats ne démontre que M. [Y] ait eu connaissance de ces vices au moment de la signature et l’intention de les réparer, nonobstant l’acceptation de l’installation et le paiement des mensualités.

27. La décision entreprise sera là encore confirmée de ce chef.

Sur les conséquences

Sur la nullité corrélative des contrats de crédit affectés

28. Il résulte de l’article L. 312-55 du Code de la consommation que le contrat de crédit est résolu ou annulé de plein droit lorsque le contrat en vue duquel il a été conclu est lui-même judiciairement résolu ou annulé.

29. En l’espèce, l’annulation du bon de commande a pour effet l’annulation de plein droit du contrat de crédit.

30. La décision entreprise sera confirmée sur ce point et ainsi, l’emprunteur doit restitution du capital emprunté, sauf faute du prêteur.

Sur le droit à restitution du prêteur

Sur l’existence d’une faute

31. Il est établi que le prêteur qui a versé les fonds sans s’être assuré, comme il y était tenu, de la régularité formelle du contrat principal ou de sa complète exécution, peut être privé en tout ou partie de sa créance de restitution, dès lors que l’emprunteur justifie avoir subi un préjudice en lien avec cette faute.

Il s’ensuit que l’absence de préjudice subi par les emprunteurs, en lien avec les fautes alléguées du prêteur, exclut la responsabilité de ce dernier.

32. M. [Y], en sa qualité d’appelant incident, explique que la BNP a omis de vérifier la validité du contrat principal au regard des dispositions d’ordre public prescrites par le code de la consommation en matière de démarchage à domicile mais que le prêteur serait également privé de son droit à restitution du capital dès lors que le montant total du crédit serait illisible, l’offre de crédit étant de ce fait irrégulière.

En outre, cette sanction serait encore encourue du fait que le commercial de la société GEH, en lui faisant souscrire un crédit, aurait alors agi en qualité de courtier, alors que ce métier lui est interdit en tant que profession réglementée.

33. Enfin, M. [Y] indique que la faute du prêteur consisterait en un déblocage des fonds avant que n’intervienne la réponse de la mairie à la suite du dépôt de dossier de déclaration préalable, antérieurement encore à la déclaration attestant de l’achèvement de la conformité des travaux mais également de l’exécution complète du contrat principal.

34. La société GEH ne conclut pas sur ce point et pas davantage la BNP.

35. La cour indique que l’ensemble des griefs fondés sur un déblocage des fonds prématurés est inopérant dès lors qu’un procès-verbal de réception des travaux signé de M. [Y] le 13 juin 2017, a permis la levée de toutes réserves et a permis le déblocage des fonds.

36. En revanche et pour rappel, le bon de commande ne comporte pas mention du poids et des dimensions des composants de l’installation photovoltaïque, pourtant érigés en caractéristiques essentielles par les parties par une clause idoine.

37. C’est donc par des motifs pertinents, qui ne sont pas réfutés en cause d’appel et que la cour adopte, que le premier juge a considéré que la BNP avait commis une faute en sa qualité de professionnelle du crédit affecté en acceptant de financer un contrat principal affecté de plusieurs irrégularités flagrantes, sanctionnées par une nullité de plein droit.

38. La décision sera confirmée de ce chef.

Sur le préjudice

39. Selon M. [Y], il est manifeste que les fautes commises par la BNP, en n’assistant pas l’emprunteur, lui aurait causé un préjudice en ce qu’il se voit affublé de panneaux non rentables qu’il a payés extrêmement cher, et qu’il doit rembourser. Selon lui, si le montant du financement est de 32.500 €, le coût total du crédit est quant à lui de 46.247,40 €, alors même que le contrat est nul et que l’opération n’est pas rentable.

40. Mais la cour constate que M. [Y] ne rapporte pas la preuve d’une installation non rentable et d’un préjudice autre que celui indemnisé dans le cadre du protocole transactionnel dont il indique lui-même qu’il a été signé pour l’indemniser de son préjudice lié au rendement du système.

41. La décision sera encore confirmée sur ce point.

Sur la demande d’appel en garantie du vendeur

42. L’article L. 312-56 du Code de la consommation dispose ‘si la résolution judiciaire ou l’annulation du contrat principal survient du fait du vendeur, celui-ci peut, à la demande du prêteur, être condamné à garantir l’emprunteur du remboursement du prêt, sans préjudice de dommages et intérêts vis-à-vis du prêteur et de l’emprunteur.’

43. L’appelante explique que n’ayant commis aucune faute, elle ne peut être tenue à garantir l’emprunteur et rappelle que la BNP est un établissement de crédits et ainsi un professionnel du contrat de crédit et notamment des contrats de crédit affectés à ce type de ventes. Selon elle, par conséquent, rompue à ce genre d’opérations, la BNP serait tenue à une obligation de vigilance dans le déblocage des fonds.

44. M. [Y] ne conclut pas sur ce point sauf à dire qu’à défaut de le décharger de son obligation de restitution, la société GEH devra lui rembourser la somme de 46.247,40 €.

45. La BNP conclut à la confirmation du jugement sur ce point.

46. La cour observe que le premier juge a condamné la société GEH a garantir M. [Y] de sa condamnation à restituer à la BNP la somme de 32.500 € avec intérêts au taux légal au titre du capital emprunté en omettant de rappeler que si l’absence de démonstration d’un préjudice par M. [Y] faisait obstacle à une absence de restitution du capital emprunté, il n’en demeurait pas moins qu’elle avait commis une faute en finançant une installation objet d’un bon de commande affecté de plusieurs irrégularités flagrantes.

47. Il s’ensuit, en l’absence d’éléments supplémentaires versés au débat, que la BNP, qui a contribué à la faute au même titre que le vendeur, ne peut prétendre à l’application de ce texte.

48. La décision entreprise sera réformée de ce chef.

Sur les demandes indemnitaires de M. [Y]

49. La cour constate que si M. [Y] sollicite une indemnité de 3.000 € à la société GEH sur le fondement de l’article 1240 du Code civil et une même somme à la BNP pour manquement à son devoir de conseil et d’information, il ne fournit dans ses écritures aucun moyen permettant de faire droit à cette prétention.

50. De la sorte, c’est par des motifs pertinents, qui ne sont pas remis en cause par les débats en appel et que la cour adopte, que le premier juge a retenu, au visa de l’article 9 du Code de procédure civile, que la preuve de tels agissements n’étant pas rapportée, il y avait lieu de le débouter de cette demande.

51. La décision sera confirmée.

Sur les autres demandes

52. Au regard de l’équité, il n’y a pas lieu de faire application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

53. La SELARL AXYME, en la personne de Maître [H] [N], es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL GROUPE ECO HABITAT et la BNP seront condamnés in solidum aux dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Reçoit l’intervention volontaire de la SELARL AXYME, en la personne de Maître [H] [N], es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL GROUPE ECO HABITAT

Confirme en toutes ses dispositions contestées le jugement du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de La Rochelle en date du 14 novembre 2022 sauf en ce qu’il :

– Condamne la SAS Groupe Eco Habitat à garantir M. [Y] de sa condamnation à restituer à la BNP Paribas Personal Finance, en deniers ou quittance, la somme de 32.500 €, avec intérêts au taux légal, au titre du capital emprunté ;

Statuant à nouveau,

Rejette la demande d’appel en garantie formée par la BNP Paribas Personal Finance à l’encontre de la SARL GROUPE ECO HABITAT,

Y ajoutant,

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile,

Rejette les autres demandes,

Condamne in solidum la SELARL AXYME, en la personne de Maître [H] [N], es qualité de liquidateur judiciaire de la SARL GROUPE ECO HABITAT et la BNP Paribas Personal Finance aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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