CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 20 décembre 2023
Cassation partielle sans renvoi
Mme CHAMPALAUNE, président
Arrêt n° 683 FS-B
Pourvoi n° J 21-16.491
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 20 DÉCEMBRE 2023
La société Media systeme, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° J 21-16.491 contre l’arrêt rendu le 18 mars 2021 par la cour d’appel de Nîmes (1re chambre), dans le litige l’opposant :
1°/ à Mme [X] [Y],
2°/ à M. [W] [Y],
tous deux domiciliés [Adresse 2],
3°/ à la société Domofinance, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
défendeurs à la cassation.
La société Domofinance a formé un pourvoi incident éventuel contre le même arrêt.
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, deux moyens de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire, les observations de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Media systeme, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de M. et Mme [Y], de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Domofinance, et l’avis de M. Salomon, avocat général, après débats en l’audience publique du 7 novembre 2023 où étaient présents Mme Champalaune, président, Mme Robin-Raschel, conseiller référendaire rapporteur, Mme Guihal, conseiller doyen, M. Ancel, Mme Peyregne-Wable, conseillers, Mme Champ, conseiller référendaire, M. Salomon, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement du pourvoi incident
1. Il est donné acte à la société Domofinance du désistement de son pourvoi incident éventuel.
Faits et procédure
2. Selon l’arrêt attaqué (Nîmes, 18 mars 2021), le 8 août 2017, M. [Y] a conclu hors établissement avec la société Media systeme (le vendeur) un contrat de fourniture, d’installation et de mise en service de quatre panneaux photovoltaïques avec micro-onduleurs et d’un chauffe-eau au prix de 10 800 euros financé par un crédit souscrit le même jour avec Mme [Y] auprès de la société Domofinance (la banque).
3. Invoquant l’irrégularité du bon de commande, M. et Mme [Y] ont assigné le vendeur et la banque en nullité des contrats de vente et de crédit affecté.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
4. Le vendeur fait grief à l’arrêt de prononcer la nullité des contrats de vente et de crédit affecté, de le condamner à récupérer à ses frais les éléments afférents à l’installation photovoltaïque, à payer les frais de remise en état ainsi que la somme de 10 800 euros et à garantir M. et Mme [Y] du paiement à la banque du montant du capital prêté sous déduction des mensualités déjà versées, alors :
« 1°/ que les mentions du modèle du formulaire type de rétractation ne sont pas prescrites à l’exclusion de toute autre ; qu’en jugeant que le contrat était nul dès lors que le formulaire de rétractation comportait au verso des mentions ne concernant pas l’exercice du droit de rétractation de sorte que l’utilisation du formulaire aurait « amputé » le contrat de ces « éléments », la cour d’appel, qui a ajouté à la loi une condition que celle-ci ne comporte pas, a violé l’article L. 221-9, du code de la consommation, ensemble l’article R. 221-1 et son annexe du même code ;
2°/ que, subsidiairement, toute sanction doit être proportionnée ; qu’en jugeant que le contrat était nul, cependant qu’elle constatait elle-même que le professionnel avait reporté toutes les mentions prescrites par le modèle réglementaire sur une des faces du formulaire de rétractation, ce dont il résultait que les consommateurs, complètement informés, avaient été mis en mesure de se rétracter en l’utilisant, sans être entravés dans l’exercice de leur choix par le découpage de l’emplacement réservé à leur signature et de l’identité du groupe de sociétés auquel le professionnel appartenait, dès lors que l’exercice du droit de rétractation entraîne l’anéantissement du contrat, la cour d’appel a violé le principe général de proportionnalité des sanctions, ensemble l’article 24 de la directive 2014/17/UE du 4 février 2014 relative aux droits des consommateurs. »
Réponse de la Cour
5. Selon l’article L. 221-9 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2021-1734 du 22 décembre 2021, le professionnel fournit au consommateur un exemplaire daté du contrat conclu hors établissement, sur papier signé par les parties ou, avec l’accord du consommateur, sur un autre support durable, confirmant l’engagement exprès des parties. Ce contrat comprend toutes les informations prévues à l’article L. 221-5. A peine de nullité prévue à l’article L. 242-1 du même code, il est accompagné du formulaire type de rétractation mentionné au 2° de l’article L. 221-5.
6. De la faculté offerte au consommateur d’exercer son droit de rétractation au moyen d’un formulaire obligatoirement fourni par le professionnel, il se déduit que l’emploi de ce formulaire ne doit pas avoir pour effet de porter atteinte à l’intégrité du contrat que le consommateur doit pouvoir conserver.
7. Ayant constaté que le formulaire de rétractation figurant au verso du bon de commande comportait, d’un côté, sur une seule page, l’adresse à laquelle il devait être expédié ainsi que les références de la commande, la date et la signature du consommateur et, de l’autre côté, l’emplacement permettant à celui-ci de signer le contrat ainsi que les éléments d’identification du vendeur, la cour d’appel, qui ne pouvait pas écarter l’application de la norme nationale édictant la sanction de la nullité du contrat au motif qu’une telle norme serait contraire à un principe général de proportionnalité et à l’article 24 de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011 relative aux droits des consommateurs, en a exactement déduit que le contrat de vente devait être annulé.
8. Le moyen n’est donc pas fondé.
Mais sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. Le vendeur fait grief à l’arrêt de le condamner à payer à M. et Mme [Y] la somme de 10 800 euros à titre de dommages-intérêts pour le préjudice financier subi, alors « que la restitution du prix consécutive à l’annulation d’un contrat de vente n’est pas un préjudice réparable ; qu’en confirmant la condamnation de la société Media système au paiement de la somme de 10 800 euros « à titre de dommages-intérêts pour le préjudice financier subi » par les époux [Y] (dispositif du jugement), après avoir cependant jugé que cette somme correspondait à la restitution du prix de vente du contrat annulé et que les préjudices allégués étaient inexistants, la cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant, ce faisant, l’article 1178 du code civil et, par fausse application, l’article 1240 du même code. »