Droit de rétractation : Décision du 21 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06499

·

·

Droit de rétractation : Décision du 21 décembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/06499

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 9 – A

ARRÊT DU 21 DÉCEMBRE 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/06499 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFRYO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 4 février 2022 – Juge des contentieux de la protection de MELUN – RG n° 21/05125

APPELANTE

La SA FINANCO, société anonyme à directoire et conseil de surveillance agissant poursuites et diligences de osn représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 338 138 795 00467

[Adresse 8]

[Adresse 8]

[Localité 4]

représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HKH AVOCATS, avocat au barreau de l’ESSONNE

INTIMÉS

Monsieur [E] [N]

né le [Date naissance 3] 1984 à [Localité 7] (94)

[Adresse 1]

[Localité 5]

représenté par Me Henrique VANNIER de la SELARL CHARRETON – VANNIER, avocat au barreau de MELUN

Madame [B] [K] épouse [N]

née le [Date naissance 2] 1988 à [Localité 6] (92)

[Adresse 1]

[Localité 5]

représentée par Me Henrique VANNIER de la SELARL CHARRETON – VANNIER, avocat au barreau de MELUN

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 novembre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sixtine GUESPEREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère, chargée du rapport

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Muriel DURAND, Présidente de chambre

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère

Mme Sixtine GUESPEREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère

Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Muriel DURAND, Présidente et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Suivant offre préalable acceptée le 18 octobre 2016, la société Financo a consenti à M. [E] [N] et Mme [B] [N] un prêt personnel d’un montant de 16 000 euros remboursable en 72 mensualités de 259,76 euros hors assurance, moyennant un taux débiteur annuel fixe de 5,28 %, le TAEG s’élevant à 5,41 %.

Les fonds ont été débloqués le 7 novembre 2016.

Par courrier en date du 3 mai 2019, la Commission de surendettement de la Seine-et-Marne a informé la société Financo que les époux [N] bénéficiaient d’un réaménagement de leurs échéances à compter du 30 juin 2019, organisé en 8 mensualités de 50 euros puis 80 mensualités de 168,80 euros.

Plusieurs échéances n’ayant pas été honorées, la société Financo a entendu se prévaloir de la déchéance du terme. Par courriers recommandés avec accusés de réception en date du 10 juillet 2020, la société Financo a adressé à chacun des époux [N] une mise en demeure préalable de respecter les dispositions de leur plan de surendettement dans un délai de 15 jours, sous peine de déchéance du terme. Les destinataires ont signé les accusés de réception le 20 juillet 2020. Par courriers recommandés avec accusés de réception en date du 13 août 2020, la société Financo a notifié à M. et Mme [N] la déchéance du terme et les a mis en demeure de payer la somme de 13 882,57 euros. Les accusés de réception sont revenus « Pli avisé non réclamé ».

Par acte d’huissier en date du 8 novembre 2021, la société Financo a fait assigner M. et Mme [N] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Melun aux fins de les voir solidairement condamner à lui payer la somme de 14 163,81 euros, majorée des intérêts au taux conventionnel à compter du 13 août 2020, et subsidiairement au taux légal à compter du jugement.

Par jugement réputé contradictoire en date du 4 février 2022, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Melun a :

– déclaré l’action irrecevable,

– débouté la société Financo de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la société Financo aux dépens.

Pour statuer ainsi, le premier juge a retenu qu’il ressortait de la vérification des relevés de compte et du dossier fournis en demande que la créance était forclose, ce en tenant compte de l’interruption du délai de forclusion d’août 2018 à juillet 2019 en raison de la procédure de surendettement.

Par déclaration réalisée par voie électronique le 29 mars 2022, la société Financo a interjeté appel de ce jugement.

Par conclusions signifiées par voie électronique le 23 novembre 2022, la société Financo demande à la cour de :

– déclarer M. et Mme [N] mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions, et les en débouter,

– la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes, fins et conclusions d’appel,

– infirmer le jugement du 4 février 2022 en ce qu’il a :

– déclaré l’action irrecevable,

– l’a déboutée de ses demandes,

– l’a condamnée aux dépens,

– a rejeté ses demandes tendant à voir condamner solidairement les époux [N] à lui payer la somme de 14 163,81 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,28 % l’an à compter de la mise en demeure du 13 août 2020 et à titre subsidiaire de l’assignation, avec capitalisation des intérêts et la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau,

– déclarer son action recevable,

– condamner solidairement M. et Mme [N] à lui payer la somme de 14 163,81 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,28 % l’an à compter du jour de la mise en demeure du 13 août 2020,

– à titre subsidiaire, si la cour devait estimer que la déchéance du terme ne lui était pas acquise, de constater les manquements graves et réitérés de M. et Mme [N] à leur obligation contractuelle de remboursement du prêt, de prononcer la résolution judiciaire du contrat sur le fondement des articles 1224 à 1229 du code civil et de les condamner en conséquence solidairement à lui payer la somme de 14 163,81 euros, au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir,

– en tout état de cause, de condamner solidairement M. et Mme [N] à lui payer la somme de 1 200 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel.

La société Financo soutient que son action en paiement est recevable étant donné que M. et Mme [N] ont manqué à leurs obligations une première fois en ne payant pas les échéances du prêt à compter du mois d’octobre 2017, qu’ils ont obtenu un réaménagement de leurs échéances et ont manqué à leurs obligations une nouvelle fois en ne payant pas les échéances du plan à compter du mois de janvier 2020, qu’ils ont réglé les échéances de juillet, août et septembre 2019 puis régularisé celle d’octobre 2019 le 5 novembre 2019 et repris les paiements pour les échéances de décembre 2019 et janvier 2020, de sorte que le premier incident non régularisé est fixé au 5 décembre 2019 et, au mieux, au 6 janvier 2020, que son action engagée par assignation délivrée le 8 novembre 2021 n’est donc pas forclose.

Sur la déchéance du terme, la société Financo fait valoir qu’elle a adressé, par courriers recommandés avec accusés de réception en date du 10 juillet 2020, une mise en demeure préalable explicite à chacun des époux [N] les invitant à régulariser la situation dans un délai de 15 jours puis a prononcé, par courriers recommandés avec accusés de réception du 13 août 2020 adressés à chacun des époux, la déchéance du terme, la caducité du plan de surendettement et l’exigibilité immédiate de l’intégralité des sommes dues.

A titre subsidiaire, la société Financo soutient que M. et Mme [N] n’ont pas versé la moindre somme pour régulariser la situation, ce qui caractérise des manquements graves et réitérés à leurs obligations contractuelles justifiant de prononcer la résolution judiciaire du contrat sur le fondement des articles 1224 à 1229 du code civil et de les condamner solidairement à lui payer la somme de 14 163,81 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’arrêt à intervenir.

Par conclusions signifiées par voie électronique le13 décembre 2022, M. et Mme [N] demandent à la cour de :

– confirmer les dispositions du jugement du 4 février 2022,

– déclarer la société Financo irrecevable et ses demandes et la débouter de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile

– condamner la société Financo à leur payer la somme de 1 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Les intimés font valoir qu’un délai de quatre ans s’est écoulé entre le premier incident de paiement non régularisé, fixé au 19 octobre 2017, et l’assignation signifiée par la société Financo le 8 novembre 2021, que par ailleurs la procédure de surendettement d’août 2018 à juillet 2019, par l’effet de son caractère suspensif à l’égard du délai de forclusion, ne permet pas à la société Financo d’être redevable en ses demandes, cette procédure ne permettant de soustraire qu’un an dans le calcul du délai de forclusion, le délai étant alors toujours de trois ans entre le premier incident de paiement non régularisé et l’assignation.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 26 septembre 2023 et l’affaire a été appelée à l’audience du 14 novembre 2023.

Par courrier envoyé par RPVA le 14 novembre 2023, la cour a sollicité les pages 1 à 5 du contrat afin de vérifier la présence du bordereau de rétractation. Par note en délibéré autorisée en date du 1er décembre 2023, la société Financo a indiqué qu’elle n’était pas en mesure de fournir les pages 1 à 5 du contrat et qu’elle s’en rapportait donc sur une éventuelle cause de déchéance du droit aux intérêts.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Il résulte de l’article 954 dernier alinéa du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s’en approprier les motifs.

A titre liminaire, il convient de noter que M. et Mme [N] ont envoyé leurs cartes nationales d’identité au cours du délibéré et qu’ils apparaissent bien tous les deux comme s’appelant « [N] », ce point ayant été relevé par la société Financo.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un prêt personnel souscrit le 18 octobre 2016, soumis aux dispositions de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu’il doit être fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation postérieure à l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n° 2016-884 du 29 juin 2016.

Sur la forclusion

Il résulte de l’article L. 312-35 du code de la consommation, en vigueur du 1er juillet 2016 au 1er janvier 2020, que les actions en paiement engagées à l’occasion de la défaillance de l’emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l’événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion. Cet événement est caractérisé par :

– le non-paiement des sommes dues à la suite de la résiliation du contrat ou de son terme ;

– ou le premier incident de paiement non régularisé ;

– ou le dépassement non régularisé du montant total du crédit consenti dans le cadre d’un contrat de crédit renouvelable ;

– ou le dépassement, au sens du 13° de l’article L. 311-1, non régularisé à l’issue du délai prévu à l’article L. 312-93.

Lorsque les modalités de règlement des échéances impayées ont fait l’objet d’un réaménagement ou d’un rééchelonnement, le point de départ du délai de forclusion est le premier incident non régularisé intervenu après le premier aménagement ou rééchelonnement conclu entre les intéressés ou après adoption du plan conventionnel de redressement prévu à l’article L. 732-1 ou après décision de la commission imposant les mesures prévues à l’article L. 733-1 ou la décision du juge de l’exécution homologuant les mesures prévues à l’article L. 733-7.

Il résulte de ces dispositions que l’intervention d’un plan de surendettement ne suspend pas le délai de forclusion mais l’interrompt et en fait donc repartir un nouveau.

En application de l’article 125 du code de procédure civile, il appartient au juge saisi d’une demande en paiement de vérifier d’office même en dehors de toute contestation sur ce point et même en cas de non-comparution du défendeur que l’action du prêteur s’inscrit bien dans ce délai.

La société Financo verse aux débats :

– le contrat de prêt personnel du 18 octobre 2016 sans bordereau de rétractation,

– le tableau d’amortissement,

– la fiche de dialogue signée,

– le plan de surendettement mis en application le 30 juin 2019,

– la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées, signée,

– le justificatif de consultation du fichier des incidents de paiement de Mme et M. les 15 octobre, 24 octobre et 4 novembre 2010, soit avant la date de déblocage des fonds,

– des éléments d’identité et de solvabilité,

– l’historique du prêt,

– les mises en demeure avant déchéance du terme envoyée par LRAR du 10 juillet 2020 à chacun des époux, dont les avis de réception ont été signés le 20 juillet 2020 par les destinataires,

– la notification de déchéance du crédit envoyée par LRAR du 13 août 2020 à chacun des époux, dont les avis de réception sont revenus « Pli avisé non réclamé »,

– le décompte de créance au 3 avril 2021,

– la notice d’assurance.

Il ressort de l’historique du prêt et des pièces versées que :

– les échéances ont été payées jusqu’au mois de septembre 2017,

– les échéances des mois d’octobre et novembre 2017 ont été rejetées,

– deux échéances ont été payées au mois de décembre 2017, s’imputant sur les échéances des mois d’octobre et novembre 2017,

– l’échéance du mois de janvier 2018 a été payée, s’imputant sur l’échéance du mois de dé-cembre 2017,

– les échéances ont toutes été rejetées à compter du mois de février 2018,

– M. et Mme [N] ont bénéficié d’un réaménagement de leur dette à compter du 30 juin 2019, soit moins de 2 ans après le premier impayé non régularisé qui était alors celui du mois de janvier 2018, ce réaménagement a fait repartir un nouveau délai de forclusion,

– les échéances de 50 euros prévues par le plan de surendettement ont été payées pour les mois de juillet, août, septembre, octobre et novembre 2019, le 5 de chaque mois,

– les mensualités des mois suivants ont toutes été rejetées, le premier impayé non régularisé dans le cadre du plan correspondant donc à l’échéance du mois de décembre 2019,

– la société Financo a envoyé à M. et Mme [N] un courrier en date du 10 juillet 2020 indiquant que les dispositions du plan de surendettement n’étaient pas respectées et que passé le délai règlementaire de 15 jours, la banque n’était plus tenue aux termes de ce plan.

Il en résulte qu’en assignant le 8 novembre 2021, la banque ne pouvait être forclose en son action. Le jugement doit donc être infirmé sur ce point et la banque doit être déclarée recevable.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Sur le bordereau de rétractation

L’article L. 312-18 du code de la consommation, en vigueur du 1er juillet 2016 au 1er avril 2018, prévoit que l’offre de contrat de crédit est établie par écrit ou sur un autre support durable. Elle est remise ou adressée en autant d’exemplaires que de parties et, le cas échéant, à chacune des cautions.

Il résulte des articles L. 312-21 et L. 341-4 du code de la consommation que, pour permettre à l’emprunteur d’exercer son droit de rétractation, un formulaire détachable est joint à son exemplaire du contrat de crédit et que le prêteur qui accorde un crédit sans remettre à l’emprunteur un contrat comprenant un tel formulaire est déchu du droit aux intérêts en totalité ou dans la proportion fixée par le juge.

Ce formulaire doit être établi conformément au modèle-type de bordereau et selon l’article R. 312-9 du même code, il ne peut comporter au verso aucune mention autre que le nom et l’adresse du prêteur.

Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu’il a satisfait à ses obligations précontractuelles et la signature par l’emprunteur de l’offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis le bordereau de rétractation constitue seulement un indice qu’il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.

En l’espèce, il ressort de l’exemplaire de contrat en possession de la société Financo « Exemplaire à renvoyer », que par une mention pré-imprimée au verso de l’offre préalable acceptée le 18 octobre 2016 par M. et Mme [N], ces derniers ont reconnu rester en possession d’un exemplaire du contrat doté d’un formulaire détachable de rétractation. L’exemplaire « prêteur » produit est dépourvu de bordereau de rétractation.

La société Financo a été autorisée à produire une note en délibéré sur cette question. Elle a indiqué qu’elle s’en rapportait sur une éventuelle cause de déchéance du droit aux intérêts, n’étant pas en mesure de produire les premières pages du contrat. Aucune liasse contractuelle n’a été produite à hauteur d’appel permettant à la cour d’apprécier si l’exemplaire « à conserver » était bien pourvu d’un bordereau détachable de rétractation.

Dans ces conditions, il convient de prononcer la déchéance du droit aux intérêts convention-nels de la société Financo.

Sur le montant des sommes dues

L’article L. 341-8 du code de la consommation dispose que, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts dans les conditions prévues aux articles L. 341-1 à L. 341-7, l’emprunteur n’est tenu qu’au seul remboursement du capital suivant l’échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n’a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d’intérêts au taux de l’intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

Pour fixer les sommes dues par l’emprunteur, il convient de déduire du capital prêté l’ensemble des sommes versées à quelque titre que ce soit par l’emprunteur depuis l’origine.

Cette limitation légale de la créance du prêteur exclut par ailleurs qu’il puisse prétendre au paiement de l’indemnité légale prévue par l’article D. 312-16 du code de la consommation.

La société Financo produit outre les pièces d’ores et déjà évoquées, l’offre de contrat de crédit qui comporte une clause de déchéance du terme, la fiche d’informations précontractuelles européennes normalisées signée, la fiche de dialogue (revenus et charges) signée, les justificatifs de solvabilité, le résultat de consultation du fichier des incidents de paiement avant la date de déblocage des fonds, la notice d’assurance, la mise en demeure préalable du 10 juillet 2020 laissant aux époux [N] conformément au plan un délai de 15 jours pour régulariser leur retard sous peine de caducité du plan et de déchéance du terme et la notification de la déchéance du terme du 13 août 2020. C’est donc de manière légitime que la société Financo se prévaut de la déchéance du terme du contrat et de l’exigibilité des sommes dues.

La société Financo étant déchue de son droit aux intérêts, sa créance s’établit comme suit selon l’historique du prêt versé aux débats :

– capital emprunté à l’origine : 16 000 euros

– sous déduction des versements de M. et Mme [N] : 3 955,77 euros de règlement des échéances du prêt + 2 500 euros de règlements au cours du plan négocié, soit un total de 6 455,77 euros de versements,

– soit une somme totale due de 9 544,23 euros.

Le prêteur, bien que déchu de son droit aux intérêts, demeure fondé à solliciter le paiement des intérêts au taux légal, en vertu de l’article 1153 devenu 1231-6 du code civil, sur le capital restant dû, majoré de plein droit deux mois après le caractère exécutoire de la décision de justice en application de l’article L. 313-3 du code monétaire et financier.

Ces dispositions légales doivent cependant être écartées s’il en résulte pour le prêteur la per-ception de montants équivalents ou proches de ceux qu’il aurait perçus si la déchéance du droit aux intérêts n’avait pas été prononcée, sauf à faire perdre à cette sanction ses caractères de dissuasion et d’efficacité (CJUE 27 mars 2014, affaire C-565/12, Le Crédit Lyonnais SA / Fesih Kalhan).

En l’espèce, le taux contractuel s’élevait à 5,28 % l’an. Dès lors, les montants susceptibles d’être effectivement perçus par le prêteur au titre des intérêts au taux légal sont inférieurs mais pas si celui-ci devait être majoré de cinq points. Il convient en conséquence de ne pas faire application de l’article 1231-6 du code civil dans son intégralité et de dire qu’il ne sera pas fait application de l’ar-ticle L. 313-3 du code monétaire et financier. La somme restant due en capital, soit la somme de 9 544,23 euros au titre de ce crédit, porte intérêts au taux légal à compter du 13 août 2020 et sans ma-joration de retard.

Il convient de condamner solidairement M. et Mme [N] au paiement de cette somme.

Sur les autres demandes

Le jugement doit être infirmé en ce qu’il a condamné la société Financo aux dépens et con-firmé en ce qu’il a rejeté la demande de la société Financo sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

En revanche, rien ne justifie de condamner M. et Mme [N] aux dépens d’appel, alors que M. [N] a comparu seul en première instance, sans avocat, qu’il n’a pas fait valoir de moyen ayant pu conduire le premier juge à statuer comme il l’a fait, sauf pour faire état de ses difficultés personnelles et financières. La société Sofinco conservera donc la charge de ses dépens d’appel et de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

LA COUR,

Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort,

Infirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté la demande de la société Sofinco sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevable l’action de la société Sofinco ;

Prononce la déchéance du droit aux intérêts conventionnels de la société Sofinco ;

Condamne solidairement M. [E] [N] et Mme [B] [N] à payer à la société Sofinco la somme de 9 544,23 euros au titre du contrat de prêt personnel, avec intérêts au taux légal à compter du 13 août 2020 et sans majoration de retard ;

Rejette la demande de la société Sofinco au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Laisse les dépens d’appel à la charge de la société Sofinco ;

Rejette toute demande plus ample ou contraire.

La greffière La présidente

 


0 0 votes
Je supporte LegalPlanet avec 5 étoiles
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x