Droit de rétractation : Décision du 22 décembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15375

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Droit de rétractation : Décision du 22 décembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/15375

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-2

ARRÊT AU FOND

DU 22 DECEMBRE 2023

N° 2023/353

Rôle N° RG 19/15375 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BE67Q

Dominique RAFONI

Association UNEDIC AGS CGEA DE [Localité 4]

SASU CAZA INVEST

C/

[U] [F]

Copie exécutoire délivrée

le : 22 décembre 2023

à :

Me Jérôme GAVAUDAN, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

(Vestiaire 149)

Me Christelle SANTIAGO, avocat au barreau de MARSEILLE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 06 Septembre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 18/00132.

APPELANTS

Monsieur [Z] [M] Es qualité de « Mandataire judiciaire » de la « CAZA INVEST », demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Jérôme GAVAUDAN, avocat au barreau de MARSEILLE

Association UNEDIC AGS CGEA DE [Localité 4] Représentée par sa directrice nationale Mme [E] [Y] , demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Frédéric LACROIX, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

INTIME

Monsieur [U] [F], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Christelle SANTIAGO, avocat au barreau de MARSEILLE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 25 Octobre 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante, chargée du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Mme Marianne FEBVRE, Présidente de chambre suppléante

Madame Florence TREGUIER, Présidente de chambre

Madame Ursula BOURDON-PICQUOIN, Conseillère

Greffier lors des débats : Mme Cyrielle GOUNAUD.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 22 Décembre 2023.

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 22 Décembre 2023

Signé par Madame TREGUIER, Présidente, pour la présidente suppléante empêchée, et Madame Cyrielle GOUNAUD, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

M. [U] [F] a été embauché le 18 novembre 2011 en qualité de barman par la société Gabriella exploitant un dancing dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée puis, à compter du 1er septembre 2012, par le biais d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps complet, moyennant une rémunération mensuelle brute de 1.674,77 €.

La relation contractuelle était régie par la convention collective nationale des hôtels, cafés et restaurants (HCR) du 30 avril 1997.

Le 1er janvier 2016, la société Caza Invest a fait l’acquisition du fonds de commerce exploité par la société Gabriella et le contrat de travail de M. [F] a été transféré en application des dispositions de l’article L.1224-1 du code du travail.

Par un courrier remis en main propre du 7 décembre 2016, le salarié a été convoqué à un entretien préalable en vue de la signature d’une rupture conventionnelle.

Parallèlement, le 21 décembre 2016, il s’est vu adresser un avertissement au sujet d’erreurs de caisse.

Par un courrier du 7 février 2017 dans lequel il réclamait également un rappel de salaire au titre de retenues qu’il estimait injustifiées, le salarié a accepté la mise en ‘uvre d’une rupture conventionnelle.

Celle-ci a été régularisée le 16 avril 2017 et les documents de fin de contrat ont été remis au salarié le 24 avril 2017.

Le 12 octobre 2017, M. [F] a contesté son solde de tout compte.

Puis, le 6 mars 2018, invoquant l’absence de rupture conventionnelle à défaut d’homologation par la DIRECCTE, M. [F] a saisi le conseil des prud’hommes de Martigues pour demander la requalification de la rupture en licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse ainsi que la condamnation de l’employeur au titre de divers manquements contractuels.

Le 17 janvier 2019, la société Caza Invest a été placée en redressement judiciaire, procédure qui sera ultérieurement (le 7 juillet 2020) convertie en liquidation judiciaire.

Vu le jugement du 6 septembre 2019 déclaré expressément opposable à l’AGS et au mandataire judiciaire désigné par le tribunal de commerce, par lequel la juridiction prud’homale a :

– décidé que la rupture du contrat de travail était dépourvue de cause réelle et sérieuse,

– fixé en conséquence les créances de M. [F] sur la société Caza Invest à l’époque en redressement judiciaire aux sommes suivantes (avec intérêts de droit du 6 mars 2018 au 17 janvier 2019 et capitalisation) :

– 3.553,73 € à titre d’indemnité de préavis et 355,37 € au titre des congés payés sur préavis,

– 451,68 € à tire de rappel de salaire contractuel année 2016 et 45,17 € au titre des congés payés afférents,

– 2.374,49 € à titre de salaire pour années 2016-2017 outre 237,45 € au titre des congés payés,

– 6.932 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– 1.500 € pour frais de procédure,

– débouté M. [F] du surplus de ses demandes,

– dit que les dépens seront supportés par la société Caza Invest.

Vu l’appel limité formé par la société Caza Invest représentée par son mandataire judiciaire dans une déclaration en date du 4 octobre 2019, expressément limité aux chefs de jugement suivants :

– Dit et jugé bienfondé en son action Monsieur [U] [F],

– Constaté l’absence de rupture conventionnelle négociée et homoguée,

– Dit en conséquence, la rupture du contrat de travail de Monsieur [F] réputée dépourvue de cause réelle et sérieuse,

– Fixé en conséquence les créances de Monsieur [F] sur la société Caza Invest aux sommes suivantes :

– 3.553,73 € à titre d’indemnité de préavis et 355,37 € au titre des congés payés sur préavis,

– 451,68 € à tire de rappel de salaire contractuel année 2016 et 45,17 € au titre des congés payés afférents,

– 2.374,49 € à titre de salaire pour années 2016-2017 outre 237,45 € au titre des congés payés,

– 6.932 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– 1.500 € pour frais de procédure,

– Déclaré la présente décision opposable au CGEA/AGS et la SCP BR Associés es qualité de mandataire judiciaire,

– Dit que le mandataire judiciaire et la société Caza Invest devront établir le bordereau de créances au profit de Monsieur [F],

– Dit que les intérêts légaux seront calculés à compter du 6 mars 2018 et ce jusqu’au 17 janvier 2019, avec capitalisation en aplication des article

1231-7 et 1343-2 du Code civil,

– Dit que les entiers dépens seront supportés par la société Caza Invest.

Vu les appels incidents de M. [F] et de l’AGS, régularisés par le biais de leurs conclusions des 2 et 9 mars 2020,

Vu les dernières conclusions de la société Caza Invest représentée par son mandataire judiciaire, transmises par voie électronique le 2 juin 2020, par lesquelles l’appelante demande à la cour de :

– réformer le jugement entrepris en tous ses chefs,

– débouter M. [F] de l’ensemble de ses demandes ou réduire les sommes allouées à de plus justes proportions ,

– condamner le salarié au paiement d’une indemnité de 3.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Vu les dernières conclusions prises le 7 septembre 2023 pour M. [F], aux fins de voir :

1) confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a jugé la rupture du contrat de travail dépourvue de cause réelle et sérieuse et fixé ses créances sur la société Caza Invest aux sommes suivantes :

– 3.553,73 € à titre d’indemnité de préavis et 355,37 € au titre des congés payés sur préavis,

– 451,68 € à tire de rappel de salaire contractuel pour l’année 2016 et 45,17 € au titre des congés payés afférents,

– 2.374,49 € à titre de salaire pour les années 2016-2017 outre 237,45 € au titre des congés payés,

– 1.500 € pour frais de procédure,

2) réformer le jugement en ce qu’il l’a débouté du surplus de ses demandes et, statuant à nouveau :

– fixer son salaire moyen brut à la somme de 1.776,86 € et son ancienneté à 5 ans et 5 mois,

– prononcer l’annulation de l’avertissement du 21 décembre 2017,

– fixer ses créances complémentaires aux sommes suivantes (avec intérêts de droit à compter du jour de sa contestation le 7 février 2000, au plus tard de celui la saisine du conseil des prud’hommes le 6 mars 2018, et jusqu’au 17 janvier 2019, date du jugement d’ouverture de la procédure de redressement judiciaire) :

– 21.322,32 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1.924,93 € au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 2.298,44 € au titre des retenues sur salaires injustifiés et 229,84 € au titre des congés payés afférents,

– 3.162,81 € au titre des congés payés acquis au 31 décembre 2015,

– 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

– 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour défaut de visite médicale obligatoire,

– 3.000 € à titre de dommages-intérêts pour rétrogradation,

– 1.500 € à titre de dommages-intérêts pour avertissement injustifié,

– constater le caractère abusif de l’absence de respect de l’exécution provisoire de droit applicable à la décision de première instance et, en conséquence, fixer une autre créance à la somme de 5.000 € à titre de dommages-intérêts de ce chef,

– déclaré la décision à intervenir opposable à l’AGS représentée par le CGEA,

– condamner tout succombant à lui payer une indemnité de 2500 € au titre de ses frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel ces derniers avec droit de recouvrement direct au profit de son conseil,

Vu les conclusions récapitulatives prises pour l’AGS représentée par le CGEA de [Localité 4] et transmises par voie électronique le 27 juillet 2023, aux fins de voir :

– infirmer le jugement du conseil de prud’hommes de Martigues dans les limites de l’objet de l’appel et débouter M. [F] de ses demandes de fixation de créances critiquées utilement par la société appelante et son mandataire judiciaire,

– subsidiairement, constater et fixer les créances de M. [F] en fonction des justificatifs produits et, en temps que de besoin, les indemnités compensatrices de préavis et de congés payés ainsi que l’indemnité de licenciement,

– lui donner acte de ce qu’elle a avancé les créances suivantes à la requête du liquidateur pour un total de 7.017,89 € bruts (correspondant à 1.091,65 € de rappels de salaire, 637,99 € d’indemnités de congés payés, 3.553,73 € d’indemnité de préavis et 1.734,52 € d’arriérés de salaire antérieurs aux 6 derniers mois),

– débouter l’appelant de toute demande de prise en charge complète de ses créances dès lors que la garantie AGS est limitée, toutes sommes et créances avancées confondues, à un ou des montants déterminés par décret, en référence au plafond mensuel retenu pour le calcul des contributions du régime d’assurance chômage, et inclut les cotisations et contributions sociales et salariales d’origine légale, ou d’origine conventionnelle imposées par la loi,

– débouter l’appelant de toute demande de paiement direct contre l’AGS dès lors, d’une part, que l’obligation de l’UNEDIC-AGS CGEA de [Localité 4] de faire l’avance de montant total des créances définies aux articles L.3253-6 et suivants du code du travail, compte tenu du plafond applicable (articles L.3253-17 et D.3253-5), ne pourra s’exécuter que sur présentation d’un relevé de créances par le mandataire judiciaire et sur justification par ce celui-ci de l’absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement et, d’autre part, que débouter l’appelant de toute demande de paiement direct contre l’AGS dès lors que l’UNEDIC-AGS CGEA de [Localité 4] ne doit pas sa garantie pour les demandes au titre des frais irrépétibles visés à l’article 700 du code de procédure civile, des dépens, de l’astreinte, des cotisations patronales ou résultant d’une action en responsabilité ;

– débouter l’appelant de toute demande d’intérêts de droit dès lors que le jugement d’ouverture de la procédure collective opère arrêt des intérêts légaux et conventionnels,

– débouter Monsieur [F] de toute demande contraire,

Vu l’ordonnance de clôture en date du 25 septembre 2023,

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites susvisées.

A l’issue de cette audience, les parties présentes ont été avisées que la décision était mise en délibéré pour être rendue le 22 décembre 2023 par mise à disposition au greffe.

SUR CE :

Sur l’appel principal : la rupture du contrat de travail :

Le conseil des prud’hommes a estimé que la société Caza Invest n’avait pas mis en oeuvre la procédure permettant la validation d’une rupture conventionnelle et, notamment, ne justifiait pas avoir adressé à la DIRECCTE les éléments négociés avec M. [F], cela pour en déduire que la rupture de la relation contractuelle devait produire les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Selon l’article L.1237-11 du code du travail, la rupture conventionnelle, exclusive du licenciement ou de la démission, ne peut être imposée par l’une ou l’autre des parties et est soumise à des dispositions destinées à garantir la liberté du consentement des parties.

Par ailleurs, aux termes des articles L.1237-12 et L.1237-13 du code du travail, la signature de la convention de rupture est précédée d’un ou de plusieurs entretiens et chaque partie dispose, à compter de la date de sa signature, d’un délai de quinze jours calendaires pour exercer son droit de rétractation. Ces règles sont destinées, aux termes de l’article L.1237-11 du même code, à garantir la liberté de consentement des parties.

Il résulte enfin de l’article L.1237-14 du même code qu’à l’issue du délai de rétractation, ‘la partie la plus diligente adresse une demande d’homologation à l’autorité administrative, avec un exemplaire de la convention de rupture’. L’autorité administrative alors dispose d’un délai d’instruction de quinze jours ouvrables, à compter de la réception de la demande, pour s’assurer du respect des conditions prévues à la présente section et de la liberté de consentement des parties. ‘A défaut de notification dans ce délai, l’homologation est réputée acquise et l’autorité administrative est dessaisie’.

En l’espèce, M. [F] qui conteste la rupture conventionnelle ne fait pas état d’un vice du consentement par application de l’article 1130 du code civil. Il se prévaut exclusivement de l’absence d’homologation par les services de la DIRECCTE en s’appuyant sur un mail émanant de ‘[email protected]’ daté du 6 mai 2018 mais ne comportant aucune mention permettant d’identifier son auteur, indiquant répondre à une lettre de du conseil du salarié qui n’est pas versée aux débats et affirmant que ‘nous n’avons pas reçu, ni a fortiori traité’ la demande de rupture conventionnelle entre M. [F] et la société Caza Invest.

Le salarié en déduit que son contrat de travail a été rompu par l’employeur au moyen d’une rupture conventionnelle non homologuée par la DIRECCTE et donc non valable, cela pour demander la confirmation du jugement.

Or la société Caza Invest appelante objecte à juste titre que le salarié ne peut se prévaloir de l’absence d’homologation alors qu’il a signé le formulaire, qu’il ne conteste pas la validité de son consentement ni celle de la procédure tandis que le texte de l’article L.1237-14 prévoit que l’envoi à l’administration émane ‘de la partie la plus diligente’, de sorte qu’il pouvait lui-même adresser la demande d’homologation à l’autorité administrative compétente.

Au soutien de son recours, elle produit en effet le formulaire de demande d’homologation signé par les deux parties le 6 mars 2017 faisant état d’un premier entretien le même jour et d’une indemnité spécifique d’un montant de 1.599,17 €.

Par ailleurs, elle verse aux débats l’avis de réception de la lettre recommandée qu’elle a adressée à l’unité départementale de [Localité 4] et comportant un tampon confirmant sa réception le 28 mars 2017 par le service courrier de la ‘DIRECCTE-PACA-UT13″.

La preuve est donc rapportée de ce que cette convention a bien été adressée pour homologation, en temps utile et au service compétent, et que l’autorité administrative n’ayant pas répondu (ni positivement ni négativement) avant l’expiration du délai de 15 jours, la rupture conventionnelle a fait l’objet d’une homologation tacite.

En conséquence le jugement entrepris sera infirmé et le salarié débouté de ses prétentions relative à la rupture de son contrat de travail.

Sur l’appel principal : les demandes de rappels de salaire ou accessoires de salaire :

Nonobstant la délivrance de fiches de paie, la charge de la preuve du paiement du salaire incombe à l’employeur qui se prétend libéré. Inversement, la preuve du non-paiement de certains éléments du salaire peut notamment être tirée des bulletins de paie ou de la signature d’un reçu.

Par ailleurs, selon l’article L.3243-3 du code du travail, l’acceptation sans protestation ni réserve d’un bulletin de paie par le salarié ne peut valoir renonciation de sa part au paiement de tout ou partie du salaire et des indemnités ou accessoires de salaire qui lui sont dûs en application de la loi, du règlement, d’une convention ou d’un accord collectif de travail ou d’un contrat.

En l’espèce, le conseil des prud’hommes de Martigues a accueilli, au seul visa des ‘éléments du dossier’, les demandes de rappels de salaire présentées par M. [F] et a condamné la société Caza Invest à lui payer les sommes de 451,68 € à titre de rappel de salaire pour la période de janvier à décembre 2016 et 2.374,49 € au titre des mois de mai et décembre 106 ainsi que de janvier et avril 2017, outre les congés payés afférents.

La société Caza Invest conteste être débitrice de ces sommes et fait valoir dans le cadre de l’appel principal que le salarié n’apporte aucun élément probant susceptible d’établir le bien fondé de ses prétentions.

M. [F] fait pour sa part valoir en premier lieu qu’il a subi une baisse de rémunération à compter du 1er janvier 2016 puisqu’il n’a perçu que 1.637,13 € par mois au lieu de sa rémunération contractuelle d’un montant mensuel brut de 1.674,77 €.

Or, la cour observe que s’il a effectivement subi une baisse de rémunération inexpliquée après la reprise de son contrat de travail, son bulletin de salaire du mois de décembre 2016 fait précisément mention d’un rappel de salaire de 451,68 € (soit 37,64 € x 12, correspondant au montant de la somme qu’il réclame). Il doit donc être débouté de cette première demande de rappel de salaire alors qu’elle a déjà fait l’objet d’une régularisation à l’initiative de l’employeur.

Le salarié affirme en second lieu ne pas avoir été réglé des montants nets à payer mentionnés sur quatre bulletins de paie pour les mois de mai et décembre 2016 ainsi que de janvier et avril 2017. Il n’offre cependant aucun élément de preuve susceptible de justifier ses allégations relatives au non paiement des sommes portées sur les 4 bulletins de salaire litigieux.

En l’état, la cour doit donc infirmer le jugement de ces deux chefs et rejeter les demandes de M. [F].

Sur l’appel incident : la critique des retenues :

Au soutien de son appel incident, M. [F] reproche au conseil des prud’hommes de l’avoir débouté de ses demandes de rappels de salaire pour retenues injustifiées selon lui et pratiquées par la société Caza Invest en janvier février mars et avril 2017 à hauteur d’une somme de 2.298,44 €. Il réclame également une somme de 3.162,81 € correspondant à 44,5 jours de congés payés acquis en décembre 2015 au sein de la société Gabriella et non repris ni payés par la nouvelle société.

La société Caza Invest ne répond pas à ces demandes dans ses écritures.

S’agissant des premières retenues dont se plaint le salarié, le simple examen des bulletins de salaire qu’il produit en dément cependant l’existence : les congés payés sont mentionnés pour mémoire mais l’employeur n’a pratiqué aucune retenue. Il a réglé le salaire de base (1.701 €) sans aucunement déduire les sommes mentionnées à titre informatif concernant des périodes de congés payés dont le salarié ne justifie par ailleurs pas qu’elles auraient été travaillées.

Quant aux 44,5 jours de congés payés acquis en décembre 2015 auprès de l’ancien employeur, M. [F] n’établit pas que le l’employeur s’est engagé à les lui payer. Et, comme il le souligne lui-même dans ses conclusions, il est de principe que les congés acquis pour une période de référence doivent être utilisés dans l’année suivante : à défaut, le salarié ne peut plus prétendre à leur bénéfice. Or, en l’occurrence, le salarié ne justifie pas avoir pris ces congés ou avoir vainement revendiqué la possibilité de le faire au cours de l’année 2016.

En conséquence le jugement entrepris sera confirmé quant au rejet de ces deux chefs de demande.

Sur l’appel incident : la rétrogradation, l’absence de visite médicale et l’exécution fautive du contrat de travail :

M. [F] réitère ses demandes indemnitaires à ces titres, dont il a été débouté par le conseil des prud’hommes.

S’agissant de la rétrogradation dont il affirme avoir fait l’objet, l’examen de ses bulletins de paie établit que l’erreur d’intitulé de son poste en janvier, février et mars 2016 a été ensuite rectifiée. Or le salarié ne rapporte pas la preuve de d’un préjudice susceptible d’indemnisation et résultant de l’erreur entachant trois de ses bulletins de salaire et ensuite rectifiée.

M. [F] n’offre pas davantage de rapporter la preuve d’un préjudice en relation avec l’absence de visite médicale au cours de la période courant du 1er janvier 2016 à la rupture de son contrat de travail en avril 2017.

Quant à la demande indemnitaire liée à l’exécution fautive du contrat de travail, qu’il estime liée au non respect du salaire contractuel ou à l’existence de retenues injustifiées, elle mérite également d’être rejetée et ce, par simple voie de conséquence du rejet des demandes principales sur lesquelles elle repose.

Le jugement rendu sera donc confirmé s’agissant du rejet de ces trois chefs de demandes.

Sur l’appel incident : l’avertissement disciplinaire :

En cas de litige sur une sanction disciplinaire, la juridiction apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. Elle peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise. Un comportement fautif ne peut résulter que d’un fait imputable au salarié.

L’employeur fournit au juge les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de ses allégations, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utile. Si un doute subsiste il profite au salarié.

En l’espèce, M. [F] demande à la cour d’infirmer le jugement qui l’a notamment débouté de sa demande d’annulation de l’avertissement disciplinaire qui lui a été notifié le 21 décembre 2016 et de la demande indemnitaire qu’il a présenté à ce titre.

Le courrier portant avertissement est rédigé en ces termes :

‘Monsieur,

Nous avons été amené à plusieurs reprises à vous faire des observations verbales, vous n’avez pas cru devoir tenir compte de ces observations, ce comportement est, vous ne l’ignorez pas, extrèmement préjudiciable au bon fonctionnement de votre service. Il vous est reproché :

– beaucoup de client(s) se plaignent que vous ne donnez pas le ticket de la boisson gratuite

– vous n’avez pas à éditer de ticket Z de la caisse jusqu’à deux fois par soirée, cel ne fait pas partie de vos fonctions (…)’.

La courconstate que la société Caza Invest ne lui fournit aucun élément permettant de comprendre le sens et d’établir la matérialité des griefs formulés à l’encontre de M. [F] qui a formellement contesté la mesure après sa notification, et qui en demande à juste titre l’annulation.

En l’état, la cour infirmera le jugement entrepris et annulera l’avertissement avant de condamnera l’employeur à payer au salarié une somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour avertissement injustifié.

Sur l’absence de respect de l’exécution provisoire de droit applicable à la décision de première instance :

M. [F] demande à la cour de lui allouer des dommages et intérêts à concurrence de 5.000 € en raison du ‘caractère abusif du non respect de l’exécution provisoire de droit applicable à la décision de première instance’, en se fondant sur le défaut de règlement spontané et l’absence de suite donnée aux mises en demeure officielles successives des 21 novembre 2019 et 28 février 2020.

Il déclare que le représentant de la société Caza Invest a attendu le 24 février 2023 pour solliciter auprès de l’AGS les sommes dues au titre des créances salariales.

Si le représentant de la société Caza Invest ne conclut pas sur ce point, il ne résulte pas des pièces versées aux débats que que le représentant de la société employeur aurait attendu le 24 février 2023 pour solliciter auprès de l’AGS les sommes dues au titre des créances salariales ou que le salarié aurait subi un préjudice qui ne serait pas susceptible d’être réparé par les intérêts de retard. Ces pièces ne permettent pas d’établir.

Enfin, si effectivement les représenants légaux de la société employeur avaient tardé à exécuter le jugement dans ses dispositions assorties de l’exécution provisoire de droit, le conseiller de la mise en état aurait été saisi d’une demande de radiation de l’affaire sur le fondement de l’article 524 du code de procédure civile ce qui n’a pas été le cas.

En l’état, la demande indemnitaire présentée directement à la cour par le salarié ne peut être accueillie.

Sur les autres demandes :

Partie essentiellement perdante au sens de l’article 696 du code de procédure civile, M. [F] supportera les dépens de première instance et d’appel.

En revanche, l’équité et la situation économique des parties commandent de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement et par arrêt mis à la disposition des parties au greffe :

Infirme le jugement rendu le 6 septembre 2009 par le conseil des prud’hommes de Martigues en ce qu’il a :

– décidé que la rupture du contrat de travail était dépourvue de cause réelle et sérieuse,

– fixé les créances de M. [F] sur la société Caza Invest à l’époque en redressement judiciaire aux sommes suivantes (avec intérêts de droit du 6 mars 2018 au 17 janvier 2019 et capitalisation) :

– 3.553,73 € à titre d’indemnité de préavis et 355,37 € au titre des congés payés sur préavis,

– 451,68 € à tire de rappel de salaire contractuel l’année 2016 et 45,17 € au titre des congés payés afférents,

– 2.374,49 € à titre de salaire pour les années 2016-2017 outre 237,45 € au titre des congés payés,

– 6.932 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– 1.500 € pour frais de procédure,

– débouté M. [F] de ses demandes d’annulation de l’avertissement et paiement de dommages et intérêts à ce titre,

– dit que les dépens seront supportés par la société Caza Invest ;

Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a débouté M. [F] de ses demandes au titre des retenues sur salaires injustifiés, des congés payés acquis au 31 décembre 2015 ainsi que des dommages-intérêts pour exécution fautive du contrat de travail,

défaut de visite médicale obligatoire et pour rétrogradation,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

Déboute M. [U] [F] de toutes ses prétentions au titre de la rupture du contrat de travail ainsi que des divers rappels de salaire sollicités ;

Le déboute également de sa demande de dommages et intérêts pour non respect de l’exécution provisoire de droit applicable à la décision de première instance;

Annule l’avertissement notifié le 21 décembre 2016 ;

Fixe la créance de M. [U] [F] au passif de la société Caza Invest désormais en liquidation judiciaire à la somme de 500 € à titre de dommages et intérêts pour sanction disciplinaire injuistifiée ;

Dit la présente décision opposable à l’AGS CGEA de [Localité 4] en application des articles L.3253-6 et suivants du code du travail, sa garantie étant plafonnée dans les conditions de l’article D.3253-5 du code du travail ;

CondamneM. [U] [F] aux entiers dépens de première instance et d’appel ;

Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Le greffier Le président

 


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