Droit de rétractation : Décision du 16 janvier 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/06575

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Droit de rétractation : Décision du 16 janvier 2024 Cour d’appel de Versailles RG n° 22/06575

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 53B

chambre 1 – 2

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 16 JANVIER 2024

N° RG 22/06575 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VPW2

AFFAIRE :

M. [U] [D]

C/

S.A.S. SOGEFINANCEMENT

Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 15 Septembre 2022 par le Tribunal de proximité de COURBEVOIE

N° RG : 1122000216

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le : 16/01/24

à :

Me Linda FIRANE

Me Stéphanie CARTIER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEIZE JANVIER DEUX MILLE VINGT QUATRE,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [U] [D]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Maître Linda FIRANE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 670

Représentant : Maître Alexis FACHE, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0897 –

APPELANT

****************

S.A.S. SOGEFINANCEMENT

Ayant son siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentant : Maître Stéphanie CARTIER, Postulant et Plaidant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 350 – N° du dossier 2301.011

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 Novembre 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Anne THIVELLIER, Conseillère chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Philippe JAVELAS, Président,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Anne THIVELLIER, Conseillère,

Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN,

EXPOSE DU LITIGE

En vertu d’une offre préalable de prêt acceptée le 23 octobre 2018, M. [U] [D] a souscrit auprès de la société Sogéfinancement un prêt personnel n°37198643894 d’un montant de 12 000 euros en capital augmenté des intérêts au taux conventionnel annuel de 3,15 % remboursable en 60 mensualités d’un montant de 216,43 euros hors assurances facultatives.

Le 31 janvier 2020, les parties ont conclu un avenant de réaménagement prenant effet à compter du 21 mars 2020 prévoyant le remboursement des sommes restant dues en capital, intérêts et indemnités, soit la somme de 10 714,73 euros, selon 78 mensualités d’un montant de 159,05 euros chacune.

Par acte d’huissier de justice délivré le 11 mars 2022, la société Sogéfinancement a assigné M. [D] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Courbevoie aux fins d’obtenir sa condamnation, sous le bénéfice de l’exécution provisoire, à :

– lui payer une somme de 9 787,52 euros au titre du solde restant dû sur le prêt personnel, outre les intérêts au taux contractuel annuel de 3,15%, à valoir sur la somme de 9 071, 58 euros et au taux légal pour le surplus, à compter de la mise en demeure du 12 octobre 2021 et jusqu’au parfait paiement, conformément à l’article L. 312-39 du code de la consommation,

– payer les dépens ainsi qu’une somme de 700 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement réputé contradictoire du 15 septembre 2022, le juge des contentieux et de la protection du tribunal de proximité de Courbevoie a :

– dit recevable l’action de la société Sogéfinancement,

– condamné M. [D] à payer à la société Sogéfinancement :

– une somme de 9 069,09 euros au titre du solde débiteur du crédit personnel n°37198643894, avec intérêts au taux contractuel de 3,15 % à compter de la mise en demeure du 12 octobre 2021,

– une somme de 50 euros portant intérêts au taux légal à compter du jugement,

– rejeté tout autre demande,

– condamné M. [D] aux dépens,

– dit que l’exécution provisoire assortit la présente décision.

Par déclaration reçue au greffe en date du 30 octobre 2022, M. [D] a relevé appel de ce jugement.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 30 janvier 2023, M. [D], appelant, demande à la cour de :

– d’infirmer le jugement en ce qu’il l’a :

– condamné à payer à la société Sogéfinancement une somme de 9 069,09 euros au titre du solde débiteur du crédit personnel avec intérêts au taux contractuel de 3,15 % à compter de la mise en demeure du 12 octobre 2021,

– condamné aux dépens,

– dit que l’exécution provisoire assortit la présente décision,

Et statuant de nouveau,

– dit que la société Sogéfinancement est déchue de son droit à intérêts,

– enjoindre la société Sogéfinancement à produire un historique de compte complet,

– fixer la créance de la société Sogéfinancement à la somme de 8 040 euros,

– dit qu’il pourra s’acquitter de cette somme en 23 mensualités de 200 euros et le solde de 3 440 euros à l’échéance.

Aux termes de ses conclusions signifiées le 27 avril 2023, la société Sogéfinancement, intimée, demande à la cour de :

– la dire et juger recevable et bien fondée en l’ensemble de ses moyens, fins et conclusions ;

– déclarer M. [D] mal fondé en son appel et en l’ensemble de ses moyens, fins et conclusions,

Y faisant droit :

– confirmer le jugement rendu le 15 septembre 2022 par le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité de Courbevoie en ce qu’il a condamné M. [D] à lui payer la somme de 9 069.09 euros au titre du solde débiteur du prêt n°37198643894 avec intérêts au taux contractuel de 3,15 % à compter de la mise en demeure du 12 octobre 2021, outre une somme de 50 euros au titre de l’indemnité légale avec intérêts au taux légal à compter du jugement,

– débouter M. [D] de sa demande de délais de paiement,

En tout état de cause :

– condamner M. [D] au paiement d’une somme de 1 200 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner M. [D] aux entiers dépens de première instance et d’appel au profit de Maître Stéphanie Cartier qui pourra les recouvrer dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile.

La clôture de l’instruction a été prononcée le 19 octobre 2023.

Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de préciser que compte tenu de la date de signature du contrat, il sera fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 14 mars 2016.

Sur la déchéance du droit aux intérêts

Au soutien de sa demande visant à déchoir la banque de son droit aux intérêts conventionnels, M. [D] fait valoir qu’un avenant est un nouveau contrat, ce dont le premier juge n’a pas tiré les conséquences, et doit ainsi respecter les dispositions du code de la consommation, à savoir la consultation du FICP et les règles applicables à la souscription de tout contrat de crédit notamment la présence d’un bordereau de rétractation et la mention du coût total du crédit en relevant que le consommateur, en bénéficiant de son avenant, n’est pas directement informé que le coût total du crédit augmente du fait de l’étalement des mensualités.

Il soutient qu’un formalisme particulier est bien applicable au réaménagement s’il modifie l’économie du contrat. Il indique que l’avenant modifie le montant des mensualités avec assurance, le nombre des mensualités et le coût mensuel de l’assurance facultative, sans adresser une nouvelle offre de prêt ni un échelonnement des remboursements. Il affirme que ces modifications sont nécessairement plus onéreuses pour l’emprunteur et modifient ainsi l’économie générale du contrat.

La société Sogéfinancement demande la confirmation du jugement déféré en faisant valoir que le réaménagement des seules modalités de remboursement du prêt (échéances impayées et capital restant dû) ne rend pas nécessaire l’émission d’une nouvelle offre de prêt du fait qu’il ne constitue pas l’octroi d’un nouveau crédit, de sorte qu’elle n’encourt pas la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Elle relève qu’au cas d’espèce, l’avenant de réaménagement stipule expressément que l’avenant ne porte pas novation au contrat de prêt avec lequel il forme un tout indivisible, de sorte que les parties ont expressément exclu toute idée de novation du contrat initial qui seule pouvait donner lieu à l’établissement d’une nouvelle offre de prêt. Elle ajoute que l’avenant porte sur l’intégralité des sommes dues en capital, intérêts et indemnités au titre du capital initialement souscrit, y compris les mensualités impayées antérieures à sa date qu’il régularise ainsi. Elle précise que la mensualité initiale du prêt a été réduite de manière significative, augmentant ainsi la durée de remboursement mais que le montant du capital consenti, le taux d’intérêt et le taux annuel effectif global demeurent inchangés. Elle indique que l’augmentation du coût du crédit par l’allongement de la période de remboursement sur la base du taux d’intérêt initialement convenu n’exclut pas l’existence même d’un réaménagement au sens de l’article R. 312-35 du code de la consommation.

Elle en déduit que le réaménagement s’est limité à modifier les seules modalités de remboursement sans porter préjudice à l’emprunteur et ne peut donc être considéré comme un nouveau contrat de crédit, de sorte qu’il ne rendait donc pas nécessaire la présentation d’une nouvelle offre de prêt.

Elle ajoute que cet avenant a été accepté sans la moindre réserve par M. [D] qui l’a exécuté d’avril 2020 à mai 2021 sans jamais le contester.

Sur ce,

En application des articles L. 341-1, L. 341-2 et L. 341-4 du code de la consommation, le prêteur qui accorde un crédit sans communiquer à l’emprunteur les informations précontractuelles dans les conditions fixées par l’article L. 312-12, sans avoir vérifié la solvabilité de l’emprunteur ni consulté le FICP en vertu de l’article L 312-16 ou sans remettre à l’emprunteur un contrat comportant un formulaire détachable permettant l’exercice du droit de rétractation conformément à l’article L. 312-21 du code de la consommation encourt la déchéance du droit aux intérêts.

Ne constitue pas un contrat de crédit, au sens de ce texte, le contrat qui a pour seul objet de réaménager les modalités de remboursement d’une somme antérieurement prêtée, pour permettre, par l’allongement de la période de remboursement et l’abaissement du montant de l’échéance mensuelle, d’apurer le passif échu, pour autant qu’il ne se substitue pas au contrat de crédit initial dont la déchéance du terme n’a pas été prononcée, qu’il n’en modifie pas les caractéristiques principales telles le montant initial du prêt et le taux d’intérêt et qu’il porte sur l’intégralité des sommes restant dues à la date de sa conclusion.

Il résulte des pièces produites que l’avenant litigieux, qui fait expressément référence à l’offre initiale, a bien porté sur la totalité des sommes restant dues en capital, les mensualités impayées, l’assurance, les intérêts de retard et les indemnités de retard, soit une somme totale de 10 714,73, avant toute déchéance du terme. Le taux effectif global annuel (3,20%) n’a pas été modifié de même que le taux débiteur annuel (3,15%). Les mensualités, d’un montant initial de 224,23 euros incluant une assurance de 7,80 euros, ont été diminuées à la somme de 159,05 euros incluant une assurance de 6,96 euros.

Il y est par ailleurs mentionné que ‘le présent avenant ne porte pas novation du contrat de crédit sus-référencé avec lequel il forme un tout indivisible. Il n’annule et ne remplace que les stipulations qui lui sont contraires’.

Partant, cet avenant constitue un simple réaménagement du crédit qui n’emporte pas la déchéance du terme et qui a eu pour seul objet de modifier les modalités de remboursement initialement prévues et non le montant du capital consenti ni celui du taux d’intérêts. Il en est résulté mécaniquement un coût du crédit supérieur eu égard à l’allongement de la durée de l’amortissement, sans que cette seule circonstance puisse exclure la qualification de réaménagement dont elle est au contraire inhérente.

Il ne saurait en outre être déduit de ce seul renchérissement que l’ avenant a modifié l’équilibre général du contrat initial.

Il résulte des constatations qui précèdent que l’établissement bancaire n’était pas tenu d’émettre une nouvelle offre de prêt impliquant le respect des dispositions du code de la consommation rappelées ci-dessus, de sorte que la déchéance du droit aux intérêts conventionnels ne peut être encourue pour ce motif.

M. [D] est en conséquence débouté de sa demande visant à ordonner la déchéance du droit aux intérêts.

Sur le montant de la créance

Aux termes de l’article L. 312-39 du code de la consommation, en cas de défaillance de l’emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu’à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt.

En outre, le prêteur peut demander à l’emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l’application de l’article 1231-5 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret.

L’article D. 312-16 dudit code dispose que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l’article L. 312-39, il peut demander une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.

La société Sogéfinancement produit à l’appui de sa demande en paiement notamment :

– l’offre de prêt acceptée et l’avenant de réaménagement,

– les tableaux d’amortissement,

– la fiche de dialogue,

– les différentes pièces produites par l’emprunteur pour justifier de son identité et de sa solvabilité,

– la synthèse des garanties des contrats d’assurance et la notice d’information,

– la fiche d’informations européennes normalisées en matière de crédit aux consommateurs,

– le justificatif de la consultation du FICP,

– l’historique du prêt,

– les courriers de mise en demeure des 15 septembre 2021 et 12 octobre 2021,

– un décompte de la créance au 7 octobre 2021, date de la déchéance du terme.

Il ressort des documents versés au débats que M. [D] est redevable envers la société Sogéfinancement des sommes suivantes :

– 8 432,89 euros au titre du capital restant dû au 7 octobre 2021,

– 636,20 euros au titre des échéances impayées,

soit 9 069,09 euros.

Il convient donc de condamner M. [D] au paiement de cette somme qui portera intérêts au taux contractuel de 3,15 % à compter du 12 octobre 2021, date de la mise en demeure, jusqu’à parfait paiement, étant ajouté que M. [D] n’a formulé aucune observation quant aux sommes retenues par le premier juge en l’absence de déchéance du droit aux intérêts.

La société Sogéfinancement sollicite également la confirmation du jugement déféré ayant condamné M. [D] à lui verser la somme de 50 euros au titre de l’indemnité de résiliation, tout comme l’appelant dans ses conclusions (page 3).

Le jugement déféré est en conséquence confirmé de ces chefs.

Etant relevé que la société Sogéfinancement a versé aux débats un historique de compte complet depuis l’origine du prêt jusqu’à la déchéance du terme (pièce 5), il convient de débouter M. [D] de cette demande.

Sur la demande en délais de paiement

Selon de l’article 1343-5 du code civil, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Il appartient au débiteur qui sollicite un tel délai d’effectuer une offre sérieuse et précise de règlement et d’apporter des éléments de preuve concernant sa situation financière, à savoir notamment ses revenus et ses charges prévisibles, éléments permettant de penser raisonnablement qu’il est en capacité de régler l’intégralité de sa dette dans le délai proposé.

M. [D], qui a déjà bénéficié de délais dans le cadre de la présente procédure, ne produit aucun élément quant à sa situation financière.

Il ne justifie par ailleurs d’aucun règlement survenu depuis la déchéance du terme ni d’aucune tentative de rapprochement auprès de l’huissier qui serait resté vaine comme il l’indique.

Il y a donc lieu de rejeter sa demande de délais.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

M. [D], partie perdante, est condamné aux dépens d’appel, les dispositions du jugement déféré relatives aux dépens de première instance étant par ailleurs confirmées.

La somme qui doit être mise à la charge de M. [D] au titre des frais irrépétibles exposés en première instance et en cause d’appel par la société Sogéfinancement peut être équitablement fixée à la somme de 800 euros, les dispositions relatives au jugement critiqué relatives aux frais irrépétibles étant infirmées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant par arrêt contradictoire et par mise à disposition au greffe,

Confirme le jugement déféré ;

Y ajoutant,

Déboute M. [D] de sa demande visant à ordonner la déchéance du droit aux intérêts ;

Déboute M. [D] de sa demande visant à enjoindre la société Sogéfinancement à produire un historique de compte complet ;

Déboute M. [D] de sa demande de délai de paiement ;

Condamne M. [U] [D] à payer à la société Sogéfinancement la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne M. [U] [D] aux dépens de première instance et d’appel qui pourront être recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile par Me Stéphanie Cartier qui en fait la demande.

– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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