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07 MARS 2023
Arrêt n°
ChR/NB/NS
Dossier N° RG 21/01031 – N° Portalis DBVU-V-B7F-FS7A
[C] [L]
/
S.A.S. SOMMET DE L’ELEVAGE , S.A.S. SELEVENTS , Association ART VERNE PRODUCTIONS
jugement au fond, origine conseil de prud’hommes – formation de départage de clermont-ferrand, décision attaquée en date du 30 avril 2021, enregistrée sous le n° f 19/00331
Arrêt rendu ce SEPT MARS DEUX MILLE VINGT TROIS par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d’Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :
M. Christophe RUIN, Président
Mme Frédérique DALLE, Conseiller
Mme Karine VALLEE, Conseiller
En présence de Mme Nadia BELAROUI greffier lors des débats et du prononcé
ENTRE :
Mme [C] [L]
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Nadjiba HABILES de la SCP HABILES, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/005973 du 18/06/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de CLERMONT-FERRAND)
APPELANTE
ET :
S.A.S. SOMMET DE L’ELEVAGE agissant poursuite et diligence de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
S.A.S. SELEVENTS agissant poursuite et diligence de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
[Localité 5]
les 2 sociétées représentées par Me Sébastien RAHON, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Alexandra BECKER, avocat suppléant Me François GUIGNABERT de la SELARL DARHIUS AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat plaidant
Association ART VERNE PRODUCTIONS prise en la personne de son Président en exercice domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Sophie LACQUIT, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND, avocat constitué, substitué par Me Franck BURRI de la SELARL FRB AVOCATS, avocat au barreau de CLERMONT-FERRAND
INTIMES
Monsieur RUIN, Président et Mme DALLE, Conseiller après avoir entendu, M. RUIN, Président en son rapport, à l’audience publique du 09 janvier 2023, tenue par ces deux magistrats, sans qu’ils ne s’y soient opposés, les représentants des parties en leurs explications, en ont rendu compte à la Cour dans son délibéré après avoir informé les parties que l’arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe conformément aux dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
FAITS ET PROCÉDURE
L’association ART’VERNE PRODUCTIONS intervient dans le domaine du spectacle vivant et de l’événementiel et a pour objet l’insertion professionnelle de ses adhérents.
Madame [C] [L], née le 3 mai 1971, a été embauchée par cette association pendant la période du 18 octobre 2010 au 22 février 2018, selon contrats de travail à durée déterminée, en qualité d’administratrice de productions, statut cadre, pour intervenir sur l’organisation d’événements promus par la SAS SOMMET DE L’ELEVAGE (de 2010 à 2014) puis par la filiale de cette dernière, la SAS SELEVENTS (de 2014 à 2018). Elle a eu, notamment, en charge l’organisation des salons PANORABOIS, Sommet de la forêt et du bois, Forexpo.
La SAS SOMMET DE L’ELEVAGE a, en effet, pour activité l’organisation d’événements ou de manifestations, se rapportant notamment au salon de l’élevage à [Localité 4] et la SAS SELEVENTS s’est vue confier, à compter de février 2014, l’organisation du salon PANORABOIS. Ces deux sociétés ont leur siège social à la même adresse : [Adresse 1].
Par requête réceptionnée au greffe le 13 juin 2019, Madame [C] [L] a saisi le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND aux fins notamment de voir condamner la SAS SOMMET DE L’ELEVAGE et la SAS SELEVENTS à lui verser diverses sommes à titre de rappel de salaires, d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé et au titre de la rupture du contrat de travail. Elle entendait également voir condamner ces deux sociétés, in solidum avec la société ART’VERNES PRODUCTION, à lui payer une somme à titre d’indemnité en réparation du préjudice moral qu’elle prétend avoir subi.
L’audience devant le bureau de conciliation et d’orientation s’est tenue en date du 9 septembre 2019 et, comme suite au constat de l’absence de conciliation, l’affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.
Par jugement de départage rendu le 30 avril 2021 (audience du 26 mars 2021), le conseil de prud’hommes de CLERMONT-FERRAND a :
– dit que les contrats de prestation dans le cadre desquels Madame [C] [L] est intervenue au sein de la SAS SOMMET DE L’ELEVAGE et de la SAS SELEVENTS sont réguliers ;
– débouté en conséquence Madame [C] [L] de sa demande de requalification d’une relation de travail salariée à compter du 18 octobre 2010 avec la SAS SOMMET DE L’ELEVAGE puis à compter du 3 février 2014 avec la SAS SELEVENTS ;
– débouté en conséquence Madame [C] [L] de ses demandes de rappel de salaires, d’indemnité pour travail dissimulé, de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et d’indemnités au titre de la rupture des contrats de travail ;
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire de la décision ;
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné Madame [C] [L] aux dépens.
Le 5 mai 2021, Madame [C] [L] a interjeté appel de ce jugement.
Vu les conclusions notifiées à la cour le 28 octobre 2021 par l’association ART’VERNE PRODUCTIONS,
Vu les conclusions notifiées à la cour le 1er décembre 2022 par Madame [C] [L],
Vu les conclusions notifiées à la cour le 9 décembre 2022 par la SAS SOMMET DE L’ELEVAGE et la SAS SELEVENTS,
Vu l’ordonnance de clôture rendue le 3 janvier 2023.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Dans ses dernières écritures, Madame [C] [L] conclut à l’infirmation du jugement entrepris et statuant à nouveau, demande à la cour de :
– requalifier la relation de travail du 14 octobre 2010 au 31 octobre 2014 avec la société SOMMET DE L’ELEVAGE en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet au poste de responsable commerciale statut cadre ;
– requalifier la relation de travail du 3 février 2014 au 22 février 2018 avec la société SELEVENTS en contrat de travail à durée indéterminée à temps complet au poste de responsable commerciale statut cadre ;
– déclarer recevable comme non prescrite la demande de rappel de salaire postérieure au 22 février 2015 ;
– condamner la société SELEVENTS à lui payer la somme de 169.760,14 euros à titre de rappel de salaire du 22 février 2015 au 22 février 2018, outre 16.976 euros de congés payés, assortis d’intérêts légaux ;
– dire que les sociétés SOMMET DE L’ELEVAGE et SELEVENTS et l’association ART’VERNE PRODUCTION se sont rendues coupables de prêt illicite de main d’oeuvre et de marchandage de main d’oeuvre à son égard ;
– condamner la société SOMMET DE L’ELEVAGE à lui payer la somme de 18.200,40 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, avec intérêts légaux ;
– condamner la société SELEVENTS à lui payer la somme de 29.623,90 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé, avec intérêts légaux ;
– condamner la société SOMMET DE L’ELEVAGE à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, avec intérêts légaux;
– condamner la société SELEVENTS à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, avec intérêts légaux ;
– dire que son licenciement par la société SOMMET DE L’ELEVAGE n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence la société SOMMET DE L’ELEVAGE à lui payer les sommes suivantes :
* 6.066,80 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 606,68 euros à titre de congés payés, avec intérêts légaux,
* 1.971,71 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, assortis des intérêts légaux,
* 3.033,40 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, avec intérêts légaux ;
– dire que son licenciement par la société SELEVENTS n’est pas fondé sur une cause réelle et sérieuse et condamner en conséquence la société SELEVENTS à lui payer les sommes suivantes :
* 10.313,56 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1.031,35 euros au titre des congés payés, avec intérêts légaux,
* 4.717,85 euros à titre d’indemnité légale de licenciement, assortis des intérêts légaux,
* 25.780 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, assortis des intérêts légaux ;
– condamner la société SOMMET DE L’ELEVAGE à lui remettre, sous astreinte de 20 euros par jour de retard courant 30 jours après la notification du jugement, des bulletins de paie rectifiés en fonction des termes de l’arrêt et portant la mention de l’emploi de responsable commerciale, statut cadre, ainsi que le certificat de travail et une attestation POLE EMPLOI conformes au dispositif du jugement à intervenir ;
– condamner la société SELEVENTS à lui remettre, sous astreinte de 20 euros par jour de retard courant 30 jours après la notification du jugement, des bulletins de paie rectifiés en fonction des termes de l’arrêt portant la mention de l’emploi de responsable commerciale, statut cadre, ainsi qu’un certificat de travail et une attestation POLE EMPLOI conformes au dispositif du jugement à intervenir ;
– assortir toutes les condamnations des intérêts légaux,
– condamner solidairement la SAS SOMMET DE L’ELEVAGE, la SAS SELEVENTS et l’association ART’VERNE PRODUCTIONS à payer à Maître HABILES la somme de 4.000 euros au titre de la procédure d’appel sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, en sachant qu’elle s’engage à renoncer au bénéfice de l’aide juridictionnelle en application de l’article 37 de la Loi du 10 juillet 1991.
Madame [C] [L] soutient n’avoir jamais effectué de prestation de travail pour le compte de l’association ART’VERNE PRODUCTIONS en dépit de la régularisation de plusieurs contrats d’engagement technicien à durée déterminée en qualité d’administratrice de production, fonction qu’elle réfute au demeurant avoir exercé, tant pour le compte de cette association que pour celui des sociétés SOMMET DE L’ELEVAGE et SELEVENTS. Elle considère avoir en réalité été employée uniquement par ces deux dernières entreprises pour la réalisation, sous leur subordination juridique, de prestations de travail consistant en la commercialisation de stands et l’organisation de salons pour leur compte, ainsi que l’entretien des relations commerciales. L’appelante expose qu’elle a été mise à disposition de ces entreprises et se réfère sur ce point à la conclusion de contrats de prestations techniques signés entre l’association ART’VERNE PRODUCTIONS et ces deux entreprises.
Madame [C] [L] prétend que ce montage juridique correspond à un prêt de main d’oeuvre illicite et un marchandage lui ayant occasionné différents préjudices dont elle réclame la réparation. Elle soutient plus spécialement que ledit montage était destiné à faire échec à l’application de la législation contraignante afférente au contrat de travail salarié et qu’elle a de la sorte été placée dans une situation de précarité et de fragilité professionnelle durant 7 ans et 4 mois, ce qui l’a empêchée de bénéficier des primes et autres avantages institués en faveur des salariés de ces deux entreprises, ne lui a pas permis de bénéficier d’une rémunération conforme aux minima conventionnels applicables à l’emploi de responsable commercial, alors qu’elle n’a pu bénéficier du paiement des congés payés durant cette période et a été privée de garantie contre le licenciement.
Elle en conclut qu’elle est bien fondée à solliciter la requalification de ses contrats en deux contrats de travail à durée indéterminée à temps plein respectivement avec la SAS SOMMET DE L’ELEVAGE et de la SAS SELEVENTS.
Madame [C] [L] soutient ensuite avoir été embauchée par les sociétés intimées dans le cadre de contrats de travail sans que celles-ci ne procèdent aux déclarations préalables d’embauche, sans qu’elle se soit vue remettre des bulletins de salaire et sans réalisation des déclarations afférentes aux salaires et aux cotisations sociales auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales. Elle estime ainsi établir le caractère intentionnel de la dissimulation de ses emplois et sollicite leur condamnation, in solidum avec l’association ART’VERNE PRODUCTIONS, dont elle prétend qu’elle a participé à l’opération illicite en toute connaissance de cause, à lui verser une somme correspondant à l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé par dissimulation d’emploi et équivalente à six mois de salaire minimum.
Elle réclame ensuite l’indemnisation du préjudice moral subi à raison des agissements frauduleux de ces trois entités qu’elle chiffre à la somme de 10.000 euros.
Madame [C] [L] déduit enfin de l’existence d’une relation salariale à durée indéterminée avec les deux sociétés intimées le non-respect des règles procédurales afférentes au licenciement et conclut ainsi à l’absence de cause réelle et sérieuse de ses licenciements respectivement intervenus les 31 janvier 2014 s’agissant de la SAS SOMMET DE L’ELEVAGE et 28 février 2018 s’agissant de la SAS SELEVENTS. Elle réclame l’indemnisation afférente.
Dans ses dernières écritures, l’association ART’VERNE PRODUCTIONS conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et au rejet de toutes les demandes de Madame [C] [L]. Elle demande à la cour, y ajoutant, de condamner Madame [C] [L] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Elle conteste avoir dissimulé l’emploi de Madame [C] [L] et indique avoir systématiquement, pour chaque emploi, régularisé un contrat de travail dont un exemplaire a été remis à la salariée, avoir délivré le bulletin de salaire afférent à ses interventions, avoir remis à Pôle emploi l’attestation employeur à chaque fin de contrat et déclaré la salariée auprès des organismes sociaux. Elle conclut ainsi au débouté de Madame [C] [L] s’agissant de la demande d’indemnité pour travail dissimulé qu’elle formule à son encontre.
Elle réfute par ailleurs avoir exécuté déloyalement le contrat de travail de Madame [C] [L] et relève l’absence de toute contestation ou alerte qui aurait été émise par la salariée antérieurement à la présente instance prud’homale. Elle fait valoir que Madame [C] [L] a bénéficié des missions qui lui ont été confiées par l’association ainsi que du régime de l’assurance chômage particulièrement favorable des intermittents du spectacle sur l’ensemble de la période considérée. Elle conclut ainsi au débouté de Madame [C] [L] s’agissant de la demande indemnitaire qu’elle formule de ce chef et souligne, en tout état de cause, l’absence d’étaiement d’un quelconque préjudice subi par l’appelante.
Dans leurs dernières écritures, les sociétés LE SOMMET DE L’ELEVAGE et SELEVENTS, demandent à la cour de :
A titre principal :
– constater la régularité des contrats de prestation dans le cadre desquels Madame [L] est intervenue au sein des sociétés SOMMET DE L’ELEVAGE et SELEVENTS ;
– constater l’absence de démonstration d’une relation de travail salarié entre Madame [L] et les sociétés concluantes ;
– en conséquence, confirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de CLERMONT FERRAND en ce qu’il a débouté Madame [L] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire :
– constater le mal fondé des demandes de rappels de salaire formulées par Madame [L] ;
– en tout état de cause, juger que la période antérieure au 22 février 2015 est couverte par la prescription et prendre acte des revenus perçus par Madame [L] sur la période non prescrite, soit 103 039 euros brut ;
– en conséquence, débouter Madame [L] de ses demandes formulées à titre de rappels de salaire mal fondées et pour partie irrecevables et, en tout état de cause, réduire ses demandes pour tenir compte tant de la réalité de la période travaillée que des revenus perçus par Madame [L] ;
– constater le caractère infondé des demandes relatives à une prétendue déloyauté qui serait imputable aux sociétés SOMMET DE L’ELEVAGE et SELEVENTS, à la caractérisation d’un délit de travail dissimulé, et à la caractérisation d’un prêt de main d”uvre illicite et d’un délit de marchandage dont aurait été victime Madame [L] ;
– constater tant le caractère irrecevable en ce qu’elles sont prescrites, que mal fondé, des demandes formulées au titre d’une rupture de contrat prétendument abusive avec la société LE SOMMET DE L’ELEVAGE ;
– constater en toutes hypothèses le caractère mal fondé des demandes formulées au titre d’une rupture de contrat prétendument abusive avec la société SELEVENTS ;
– en conséquence, débouter Madame [L] de l’intégralité de ses demandes indemnitaires au titre de l’ensemble de ces chefs de prétention ;
En toutes hypothèses :
– débouter Madame [L] de ses demandes formulées au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
A titre reconventionnel :
– condamner Madame [L] au titre de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3 000 euros, ainsi qu’aux entiers dépens d’instance dont distraction au profit de Maître RAHON.
Les intimées exposent que l’appelante est intervenue pour leur compte respectif dans le cadre de différents contrats de prestations régulièrement établis entre elles et l’association ART’VERNE PRODUCTIONS dont Madame [C] [L] est à la fois salariée et adhérente eu égard à son statut d’intermittent du spectacle.
Elles indiquent ensuite que les prestations réalisées par Madame [C] [L] ne s’inscrivent pas dans le cadre d’un prêt de main d’oeuvre dès lors qu’il s’agit de simples prestations commerciales. Elles expliquent plus spécialement que l’appelante est intervenue pour elles dès lors qu’elles ne disposaient pas des compétences ou moyens utiles à l’organisation des manifestations litigieuses et prétendent qu’elle échoue à établir l’existence d’une relation de travail salariée dès lors qu’elle ne démontre pas avoir exercé ses fonctions sous leur subordination juridique.
Elles font valoir qu’en l’absence de bien fondé de la contestation de la régularité des contrats de prestation ainsi conclus, Madame [C] [L] doit être déboutée des demandes qu’elle formule au titre de l’illicéité du prêt de main d’oeuvre, du marchandage et de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.
A titre subsidiaire, elles relèvent le caractère exagéré du quantum sollicité par l’appelante et excipent de l’absence de tout étaiement de sa demande de rappel de salaire dont elles prétendent qu’il ne saurait en tout état de cause être calculé sur la base d’un temps plein dès lors qu’elle avait connaissance à l’avance de ses horaires de travail et des plannings d’intervention. Elles prétendent par ailleurs que les demandes de Madame [L] sont prescrites.
Elles contestent avoir agi déloyalement à l’égard de l’appelante et argue de l’absence de démonstration de l’existence d’une quelconque déloyauté de leur part et en tout état de cause, de l’absence de démonstration d’un éventuel préjudice.
Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.
MOTIFS
– Sur la nature de la relation entre Madame [L] et les sociétés LE SOMMET DE L’ELEVAGE et SELEVENTS –
L’association ART’VERNE PRODUCTIONS qui se présente comme une association à but non lucratif intervenant dans le domaine du spectacle vivant et de ‘l’événementiel’ et qui explique avoir pour objet l’insertion professionnelle de ses adhérents, justifie de l’adhésion de Madame [L] à la date du 21 septembre 2010. Pendant la période du 18 octobre 2010 au 22 février 2018, elle a conclu avec celle-ci une multiplicité de contrats de travail à durée déterminée, le plus souvent pour une durée de quelques jours.
Aux termes de ces contrats de travail qualifiés de ‘contrat d’engagement technicien’, conclus dans le cadre de la législation sur le recours aux contrats de travail à durée déterminée d’usage dans le spectacle, Madame [L] a été embauchée pour exercer les fonctions d’ ‘administratrice de production’. Il est constant que, dans ce cadre, la salariée a été appelée à assurer de nombreuses missions au sein de la société LE SOMMET DE L’ELEVAGE de 2010 à 2014 et de la société SELEVENTS de 2014 à 2018 et ce, en exécution de contrats dits de ‘prestation technique’ conclus entre l’association et ces sociétés, l’objet de ces contrats étant d’assister ces dernières, qualifiées de ‘prestataire’, dans la réalisation de la prestation intitulée ‘attaché de production’.
De fait, Madame [L] a exercé sa prestation de travail, pendant une grande partie de chaque année, au sein de la société LE SOMMET DE L’ELEVAGE puis de la société SELEVENTS.
Madame [L] soutient que, dès son embauche, elle a été mise à la disposition de ces sociétés pour remplir, sous la subordination juridique de ces dernières, des fonctions de responsable commerciale en charge de la commercialisation de salons organisés par elles et que cette mise à disposition constituait en réalité une opération de marchandage et un prêt de main d’oeuvre illicite au sens des articles L 8241-1 et L 8231-1 du code du travail.
Aux termes de l’article L. 8241-1 du code du travail, toute opération à but lucratif ayant pour objet exclusif le prêt de main-d’oeuvre est interdite. Est également interdit, en application de l’article L. 8231-1 du même code, le marchandage, défini comme toute opération à but lucratif de fourniture de main-d’oeuvre qui a pour effet de causer un préjudice au salarié qu’elle concerne ou d’éluder l’application de dispositions légales ou de stipulations d’une convention ou d’un accord collectif de travail.
En application de ces textes, si une entreprise peut valablement convenir avec une autre, dans le cadre d’un contrat de prestation de service, de mettre à sa disposition des salariés pour exécuter une tâche précisément définie, l’opération est, en revanche, illicite si le contrat n’a pour objet qu’un simple prêt de personnel. La mise à disposition de personnel n’est autorisée par le code du travail que s’il s’agit d’une opération à but non lucratif. Elle se distingue du marchandage ou du prêt de main d”uvre illicite en ce que l’entreprise prêteuse ne s’engage qu’à l’exécution d’une tâche objective, définie avec précision par l’entreprise donneuse d’ordre que celle-ci ne peut pas l’accomplir elle-même avec son propre personnel, pour des raisons d’opportunité technique ou de spécificité technique. L’entreprise prêteuse doit assumer la responsabilité de l’exécution des travaux et encadrer le personnel qui y est affecté et elle doit percevoir une rémunération forfaitaire pour l’accomplissement de la tâche sans pouvoir facturer à son client autre chose que les salaires versés au salarié, les charges sociales afférentes et les frais professionnels remboursés au salarié, sans aucune facturation supplémentaire, même pour des frais de gestion. En outre, l’existence d’une opération de marchandage prohibé ou d’un prêt de main d’oeuvre illicite sera caractérisée si un lien de subordination s’est créé entre le salarié et l’entreprise d’accueil. Le salarié mis à disposition ne doit, en effet, pas être intégré de fait dans l’entreprise utilisatrice, le prestataire devant conserver l’autorité sur son personnel et exercer un contrôle sur la réalisation du travail.
Il s’ensuit, ainsi que l’a relevé à juste titre le premier juge, que l’existence d’une situation de marchandage ou de prêt illicite de main-d’oeuvre doit s’apprécier au regard du caractère lucratif ou non de la convention en cause, de la nature de la tâche à accomplir, du caractère forfaitaire ou non de la convention, du degré d’autonomie du salarié au sein de l’entreprise utilisatrice et de l’existence d’un préjudice subi par celui-ci.
En l’espèce, Madame [L] souligne qu’il n’y a aucun lien entre l’activité de l’association et celle des deux sociétés, la première intervenant dans le domaine du spectacle vivant tandis que les secondes organisent des événements ou des manifestations dans le domaine de l’élevage ou du bois. Il n’est, cependant, pas contesté que l’association a pour objet de donner à ses clients les moyens d’organiser des événements et, plus spécialement, de leur fournir des services personnalisés. S’il est vrai que l’association affirme avoir une activité dans le domaine de ‘l’événementiel’ de manière générale alors que les pièces produites tendent à démontrer que son objet était, au moins à l’origine, limité au domaine du spectacle vivant, le seul fait qu’elle ait étendu son champ d’action au-delà de son objet initial n’est pas de nature en lui-même à démontrer l’existence d’un marchandage ou d’un prêt de main-d’oeuvre illicite.
Madame [L] fait valoir qu’elle n’a adhéré à l’association que pour une année en 2010 et non pas chaque année et que les contrats de travail intervenus avec l’association étaient uniquement destinés à justifier sa mise à disposition auprès des deux sociétés, l’association n’ayant jamais eu l’intention de l’employer pour son propre compte. Il est, certes, de fait qu’en pratique Madame [L] n’a jamais exécuté sa prestation de travail au sein de l’association ART’VERNE PRODUCTIONS et qu’elle a toujours travaillé au sein des sociétés LE SOMMET DE L’ELEVAGE et SELEVENTS mais dans la mesure où l’association fait valoir, sans être contestée sur ce point, qu’elle a pour objet l’insertion professionnelle de ses adhérents, cette circonstance ne peut permettre, en elle-même, de caractériser l’existence d’une opération illicite.
Si Madame [L] a été mise à la disposition de la société LE SOMMET DE L’ELEVAGE dès son embauche, il ne s’ensuit pas que cette opération ait eu pour objet exclusif le prêt de main d”uvre, une telle qualification ne pouvant être retenue qu’en présence d’un prêt de personnel à visée lucrative et en l’absence de convention conclue pour la réalisation d’une tâche technique précise.
Or, la mise à disposition de Madame [L] s’est faite, pour chaque intervention, à la suite d’une embauche de la salariée en contrat de travail à durée déterminée par l’association en qualité d’administratrice de production suivie d’un contrat dit de ‘prestation technique’ par lequel Madame [L] était mise à la disposition de l’entreprise utilisatrice afin d’assurer une mission d’ ‘attachée de production’. Cette opération était conclue moyennant le paiement d’une somme fixée forfaitairement dans chaque contrat.
Il ne ressort pas de la comparaison entre les bulletins de salaire de Madame [L] et les factures émises par l’association que le prix facturé aurait excédé le coût représenté par les salaires, les charges sociales afférentes et les frais professionnels exposés. La référence faite par Madame [L] à son bulletin de salaire de janvier 2016 ne permet nullement de confirmer son affirmation quant au gain qu’aurait réalisé l’association. La comparaison faite par la salariée entre les sommes mentionnées sur son bulletin de salaire relatif aux journées travaillées des 11 au 15 janvier 2016 et la facture établie au titre de ces mêmes journées est dépourvue de valeur probante en l’absence de prise en compte de l’ensemble des charges et frais supportés par l’association, même s’il est justifié que quelques frais ont pu être pris en charge par les sociétés utilisatrices. Les éléments versés aux débats ne permettent pas de mettre en évidence que l’opération aurait pu avoir un quelconque but lucratif pour l’une ou l’autre des parties contractantes.
Madame [L] conteste avoir été employée pour occuper un emploi d’attachée ou d’administratrice de production consistant à organiser des événements, notamment des salons ou des manifestations dans le domaine du bois. Elle se réfère aux dispositions de la convention collective régissant les entreprises intervenant dans le domaine du spectacle vivant pour soutenir qu’en application de ces dispositions, le métier d’administrateur de production consiste à mettre en oeuvre et à contrôler la réalisation de production de spectacles et non pas tous types d’événements ou de projets. Cependant, si cette convention collective décrit les fonctions de l’administrateur de production en ce qu’il intervient dans le domaine du spectacle, il n’est nullement démontré qu’un administrateur de production ne pourrait pas intervenir dans d’autres domaines, les entreprises utilisatrices faisant valoir que l’administrateur de production a pour fonction d’assurer la responsabilité d’un projet et la supervision d’un événement ainsi que la gestion humaine du projet.
Il apparaît que les contrats de mise à disposition font référence à des situations relevant du domaine du spectacle en prévoyant que le client fournira le lieu de la ‘représentation’ en ordre de marche avec la ‘sonorisation et les éclairages’, qu’il devra mettre ‘la salle’ à la disposition du prestataire pour effectuer ‘les montages, les réglages et les éventuels raccords’, et qu’il devra avoir souscrit une assurance couvrant les risques liés aux ‘représentations de spectacles’. Toutefois, s’il n’est pas contestable que Madame [L] n’a pas été embauchée pour organiser des spectacles, il n’en reste pas moins qu’elle a été mise à la disposition des deux sociétés en qualité d’administratrice de production pour effectuer une prestation de travail précisément déterminée consistant dans l’organisation des salons de ces sociétés. Le seul fait que la réalité de sa prestation ne corresponde pas à la définition de l’administrateur de production telle que prévue par la convention collective du spectacle vivant ne peut constituer la preuve du caractère fictif de la prestation.
Madame [L] ne conteste pas qu’au jour de la signature du premier contrat de travail à durée déterminée, elle avait une formation de commerciale et qu’elle disposait d’une expérience professionnelle en qualité de chef de projet dans ‘l’événementiel’. Elle reconnaît qu’elle a été employée pour réaliser des prestations de travail consistant à commercialiser les stands et organiser les salons des deux sociétés en faisant référence aux salons PANORABOIS et SOMMET DE LA FORET ET DU BOIS en 2014 et en 2017, FOREXPO en 2016 et en versant aux débats des courriels par lesquels elle a échangé avec des entreprises au sujet de demandes d’admission au salon, de demandes de tarifs des stands, etc.
Il ressort des pièces produites qu’avant son adhésion à l’association, Madame [L] était salariée de la société EGEXPO qui avait organisé la première édition du salon PANORABOIS, qu’à la suite de la liquidation judiciaire de cette société, il a été souhaité qu’elle continue à suivre le dossier et la préparation de la seconde édition, étant donné son expérience et que c’est dans ces conditions que l’opération litigieuse a été mise en oeuvre.
Il n’est pas contesté que la société LE SOMMET DE L’ELEVAGE qui ne compte que quelques salariés, ne dispose d’aucune compétence ni d’aucun savoir-faire en matière d’organisation de salons et qu’il en va de même de la société SELEVENTS. Dans ces conditions, dans la mesure où Madame [L] disposait d’un savoir-faire en matière d’organisation de salons dans le domaine du bois et de la forêt, même si cette expérience était limitée, il est suffisamment établi que son embauche effectuée pour accomplir auprès de ces sociétés une tâche précisément définie que celles-ci ne pouvaient pas accomplir elles-mêmes avec leur propre personnel, pour des raisons de spécificité technique, constitue une cause licite de mise à disposition.
Madame [L] n’est pas fondée à soutenir que sa mission aurait été limitée à des opérations de commercialisation. Le fait qu’elle soit présentée en qualité de ‘responsable commercial’sur des documents de présentation de salons organisés par son ancien employeur, la société EGEXPO, n’exclut en rien que sa participation à l’organisation des salons des sociétés utilisatrices ait excédé le seul aspect commercial. Les entreprises utilisatrices font valoir, à juste titre, en se référant à la définition de la fonction, que l’administrateur de production participe à la réflexion sur les caractéristiques de l’événement à créer, organise les conditions de la production et l’évaluation financière de celle-ci, établit et suit le budget de production, organise le montage financier des projets et prospecte leur financement, met en ‘uvre la relation contractuelle avec partenaires impliqués, etc. De fait, les sociétés utilisatrices justifient que Madame [L] prenait en charge les aspects budgétaire et technique (relation avec les entreprises chargées d’aménager les stands des salons, relation avec les médias, organisation et aménagement des emplacements, demande de devis d’impression de documents, etc.). Il n’est donc pas contestable que les fonctions confiées à Mme [L] ne se limitaient pas à l’aspect strictement commercial.
Il s’ensuit que Madame [L] a été embauchée pour réaliser une tâche technique précisément définie compatible avec une mise à disposition licite, s’agissant d’une tâche spécifique confiée à l’entreprise prestataire par l’entreprise d’accueil même s’il s’agit d’une prestation de nature principalement intellectuelle, correspondant à une compétence dont elle disposait, non disponible chez le client.
Par ailleurs, Madame [L], qui bénéficiait du statut d’intermittent du spectacle, ne justifie aucunement que l’opération aurait eu pour effet de lui causer un préjudice en éludant l’application de dispositions légales ou conventionnelles. Aucune des pièces produites ne permet de faire ressortir que la mise à disposition l’aurait privée de quelconques avantages dont auraient bénéficié les salariés des deux sociétés. Eu égard au statut du personnel des chambres d’agriculture versé aux débats par les sociétés utilisatrices et applicable à leurs salariés, rien ne permet de vérifier l’existence d’un préjudice que Madame [L] se borne à affirmer.
Madame [L] soutient encore, s’agissant du critère d’autonomie nécessaire pour écarter l’existence d’une opération illicite, qu’elle aurait, en réalité, exercé sa prestation de travail sous la seule subordination des sociétés clientes et que, par conséquent, elle aurait été liée à ces dernières par un contrat de travail.
En droit, pour qu’il y ait contrat de travail, il faut qu’il existe entre les parties un lien de subordination caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné. Ce lien de subordination peut se révéler par l’exercice d’un travail au sein d’un service organisé lorsque l’employeur détermine unilatéralement les conditions d’exécution du travail, par la fourniture du matériel et des outils nécessaires à l’accomplissement du travail. Elle peut aussi résulter des contraintes imposées par l’employeur quant au lieu de travail, l’horaire de travail et plus généralement de tous éléments par lesquels l’employeur manifeste son pouvoir de direction. En tout état de cause, si l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention, elle ne peut se révéler que par les conditions concrètes dans lesquelles est exercée l’activité de l’intéressé.
En l’espèce, il est constant que Madame [L] travaillait dans les locaux des entreprises utilisatrices et qu’elle disposait, pour exécuter sa prestation de travail, des moyens matériels mis à sa disposition par ces sociétés (bureau, carte de visite, ligne téléphonique, etc.) et non par l’association. Elle fait valoir qu’outre ses fonctions relatives à l’organisation de salons, il lui a été demandé, en octobre 2013, de fixer la date de l’assemblée générale constitutive du GIE FOREXPO et qu’il lui a été délégué, entre décembre 2013 et juin 2015, la gestion d’un litige d’assurance décennale les opposant à une entreprise et portant sur le toit du bâtiment.
Il convient, cependant, de relever que Madame [L] n’a jamais été présentée comme salariée de la société LE SOMMET DE L’ELEVAGE ou de la société SELEVENTS. Le fait que celles-ci aient mis à sa disposition des moyens matériels leur appartenant pour lui permettre d’exercer son activité n’est pas incompatible avec une activité exercée dans le cadre d’une mise à disposition licite dès lors que l’allocation de tels moyens était justifiée par les besoins nécessaires à l’accomplissement de la mission confiée. Seules les conditions concrètes d’exécution de l’activité professionnelle sont susceptibles de déterminer l’existence ou non d’un lien de subordination entre les parties.
Le fait que Madame [L] apparaisse en tant que ‘contact’ sur des plaquettes publicitaires ou sur des courriels concernant le salon PANORABOIS est à l’évidence en rapport direct avec les missions confiées et n’est en rien révélateur d’un lien de subordination avec les sociétés utilisatrices. De même, le fait que Madame [L] soit désignée sur des devis émis par des prestataires pour les besoins de la ‘société PANORABOIS’ en qualité de ‘responsable commerciale’, est dépourvu de toute valeur probante, s’agissant d’une simple désignation émanant de personnes extérieures aux entreprises, dont rien ne permet de vérifier leur connaissance du statut réel de leur interlocutrice.
De même encore, si Madame [L] a été destinataire de courriers de sociétés extérieures adressés à PANORABOIS et SELEVENTS, relatifs, dans un cas, à un bon de commande concernant des lignes téléphoniques et, dans l’autre, le renouvellement d’un abonnement à une revue, cette circonstance, en elle-même, ne démontre en rien qu’elle aurait eu ‘en charge’ la gestion des abonnements des sociétés utilisatrices.
Il ne saurait être tiré de ce que l’organisation des salons conduisait Madame [L] à communiquer aux éventuels participants les conditions de leur participation et notamment les tarifs applicables, la déduction qu’elle aurait ‘travaillé sur la base de grilles tarifaires imposées’ par les sociétés utilisatrices, pour conclure à son absence d’autonomie vis-à-vis de celles-ci, son autonomie n’excluant pas qu’elle communique aux partenaires extérieurs les conditions posées à ceux-ci par les sociétés utilisatrices.
Pour soutenir qu’elle ne fixait pas elle-même ses horaires de travail ni le montant de sa rémunération, Madame [L] se prévaut de ce que les entreprises utilisatrices communiquaient chaque mois ‘le planning de ses horaires’ à l’association ART’VERNE PRODUCTIONS ainsi que le tarif horaire à appliquer, mais ces transmissions (qui sont manifestement effectuées à titre prévisionnel puisqu’elles portent sur les mois suivant la date d’envoi), ne peuvent nullement démontrer, en l’absence de tout autre élément, que les sociétés utilisatrices lui imposaient de quelconques contraintes quant à ses horaires de travail. D’ailleurs, le fait que Madame [L] ait demandé, selon courriel du 18 octobre 2016, à la société LE SOMMET DE L’ELEVAGE de ne pas prévoir trop d’heures pour le mois suivant tend à démontrer l’autonomie dont elle disposait et son pouvoir de négocier ses conditions de travail. Quant au tarif horaire, il s’agit du prix prévu par les contrats liant les sociétés utilisatrices à l’association sans qu’il puisse en être déduit que le salaire de Madame [L] était fixé par les sociétés utilisatrices.
Madame [L] verse aux débats de nombreux courriels échangés avec des clients des sociétés LE SOMMET DE L’ELEVAGE et SELEVENTS mais il apparaît qu’il s’agit de démarches tendant à l’organisation matérielle des salons, l’inscription des participants ainsi que la gestion des emplacements, les factures et les formalités correspondantes. Il convient de relever que, dans ces courriels, Madame [L] apparaît intervenir en toute autonomie des sociétés utilisatrices. L’intervention de ces dernières dans les opérations effectuées par la salariée n’apparaît en aucune manière.
Il ne ressort pas des pièces produites que les sociétés utilisatrices auraient donné à Madame [L] des instructions ou directives sur la manière d’organiser et de gérer son activité professionnelle, lui auraient imposé des contraintes d’horaires, qu’elles auraient contrôlé l’exécution de son travail. Madame [L] ne soutient d’ailleurs pas avoir dû rendre compte de ses horaires ou de ses activités quotidiennes. Il n’est nullement démontré que Madame [L] n’aurait pas exercé son activité ainsi qu’il était prévu aux contrats de mission.
Madame [L] a, certes, participé à la gestion d’un sinistre concernant la société LE SOMMET DE L’ELEVAGE. Elle a aussi participé à une formation destinée au personnel de la société SELEVENTS et bénéficié, à plusieurs reprises, du remboursement de frais de déplacement par cette dernière. Elle a également signé un devis avec la mention ‘bon pour’ relatif à des prestations web destinées à cette société. Toutefois, ces éléments ponctuels et non corroborés par des manifestations de volonté expresses des sociétés utilisatrices sont insuffisants pour caractériser l’existence d’un pouvoir de contrôle et de direction exercé par ces sociétés.
Par ailleurs, il ne peut être tiré aucune conséquence de ce que Madame [L] ait été destinataire, le 14 octobre 2010, c’est-à-dire avant son embauche par l’association ART’VERNE PRODUCTIONS, d’une demande de réservation d’un stand du salon à laquelle elle a répondu, via l’adresse mail de PANORABOIS, en transmettant la grille des tarifs et des stands. Compte tenu qu’elle participait antérieurement, en qualité de salariée de la société EGEXPO, à l’organisation de la première édition du salon PANORABOIS lorsque cette société a été placée en liquidation judiciaire, cette intervention prouve seulement que Madame [L] a continué à s’occuper de l’organisation du salon pendant la procédure comme elle le faisait jusqu’alors mais ne démontre nullement qu’à cette date, elle agissait en tant que salariée de la société LE SOMMET DE L’ELEVAGE, laquelle n’a repris l’organisation du salon, dans le cadre des opérations de liquidation judiciaire, que dans le courant du mois d’octobre 2010.
En définitive, il ne ressort pas des pièces produites que Madame [L] aurait été soumise aux ordres et directives de l’une ou l’autre des sociétés utilisatrices pour exercer son activité professionnelle. S’il apparaît qu’elle a travaillé exclusivement pour les besoins de ces deux sociétés qui lui fournissaient son matériel de travail ainsi que son bureau au sein de leurs locaux, c’est-à-dire les moyens utiles à l’accomplissement de sa tâche, les conditions d’exercice de la mission confiée ne permettent pas de caractériser un lien de subordination constitutif d’un contrat de travail.
Il semble, ainsi que le souligne Madame [L], que son lien avec l’association ART’VERNE PRODUCTION ait été lui-même relativement lâche, mais cette situation ne peut suffire à conférer la qualité d’employeur aux sociétés utilisatrices.
Ainsi que le conseil de prud’hommes l’a jugé, la circonstance, non contestée, que la fin des contrats de prestation technique en 2018 coïncide avec l’arrêt de l’organisation du salon PANORABOIS en raison de son caractère déficitaire, confirme que le recours aux contrats de prestation technique n’avait pour but que d’organiser des manifestations ou salons autour du bois et non de pourvoir un poste de responsable commerciale.
Vu l’absence de preuve de l’existence d’un lien de subordination ou de l’existence d’une situation de marchandage ou de prêt de main-d’oeuvre illicite, le jugement sera confirmé en ce que le conseil de prud’hommes, qui a fait une exacte appréciation des circonstances de la cause ainsi que des droits et obligations des parties par des motifs pertinents, a débouté Madame [L] de toutes ses demandes.
– Sur les dépens et frais irrépétibles –
Le jugement déféré sera confirmé en ses dispositions sur les dépens et frais irrépétibles de première instance.
Madame [L] devra supporter les entiers dépens de première instance et d’appel ce qui exclut quelle puisse prétendre bénéficier des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Il n’est pas inéquitable de laisser à l’association ART’VERNE PRODUCTION et aux sociétés LE SOMMET DE L’ELEVAGE et SELEVENTS la charge de leurs frais non compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, contradictoirement, après en avoir délibéré conformément à la loi,
– Confirme le jugement ;
– Condamne Madame [C] [L] aux dépens d’appel;
– Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.
Le greffier, Le Président,
N. BELAROUI C. RUIN