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ARRÊT N°
N° RG 20/00209 – N° Portalis DBVH-V-B7E-HTWS
MS/EB
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE NIMES
17 décembre 2019
RG :F17/00266
[S]
C/
AGS CGEA IDF OUEST
S.C.P. BTSG
S.A.S.U MEDIAPRO FRANCE
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
5ème chambre sociale PH
ARRÊT DU 14 MARS 2023
APPELANTE :
Madame [Y] [S]
née le 01 Juillet 1990 à [Localité 9]
[Adresse 10]
ALLEMAGNE
Représentée par Me Olivier GOUJON de la SCP GMC AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de NIMES
INTIMÉES :
AGS CGEA IDF OUEST
[Adresse 2]
[Localité 7]
Non comparante, non représentée
S.C.P. BTSG agissant en sa qualité de madataire liquidateur de la SAS MEDIAPRO FRANCE
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Aurélie SCHREIBER de l’AARPI ASW AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
S.A.S.U MEDIAPRO FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Philippe PERICCHI de la SELARL AVOUEPERICCHI, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Aurélie SCHREIBER de l’AARPI ASW AVOCATS, avocat au barreau de PARIS
ORDONNANCE DE CLÔTURE rendue le 21 Décembre 2022
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
M. Michel SORIANO, Conseiller, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président
Madame Leila REMILI, Conseillère
M. Michel SORIANO, Conseiller
GREFFIER :
Madame Delphine OLLMANN, Greffière, lors des débats et Mme Emmanuelle BERGERAS, Greffier, lors du prononcé de la décision
DÉBATS :
A l’audience publique du 05 Janvier 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 Mars 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
ARRÊT :
Arrêt contradictoire, prononcé publiquement et signé par Monsieur Yves ROUQUETTE-DUGARET, Président, le 14 Mars 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES :
Mme [Y] [S] a été engagée par la société Médiapro France au sein de l’établissement de [Localité 6], dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée d’usage, à temps complet, pour la période du 09 décembre 2012 au 08 février 2013, en qualité d’assistante vidéo.
Le 09 février 2013, elle était embauchée dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée, à temps complet, pour le même poste.
Suivant avenant du 1er octobre 2014, Mme [S] a été promue au poste de technicienne d’exploitation AV, catégorie 3, statut non cadre, de la convention collective des entreprises techniques de la création et de l’évènement.
Entre le 13 novembre 2015 et le 22 novembre 2016, Mme [S] a fait l’objet de 5 accidents du travail.
Le 10 janvier 2017, les parties mettaient fin à la relation contractuelle par le biais d’une rupture conventionnelle, en ces termes :
« Les parties décident de rompre le contrat de travail à durée indéterminée qui les lie et conviennent d’un commun accord des conditions de la rupture de ce contrat :
– Droits afférents à la rupture de ce contrat ;
– Versement d’une indemnité de rupture du montant indiqué ci-dessous (3.445,64 €) ;
– Date envisagée de la rupture, sous réserve des délais prévus par la loi, ci-après (14 février
2017, soit un préavis d’un mois) ».
Par lettre du 22 février 2017, Mme [S] mettait en demeure la société Mediapro France de lui payer ses heures de nuit, ses heures des dimanches et jours fériés, ses heures supplémentaire et ses heures minimum de repos quotidien.
Par lettre du 07 mars 2017, la société refusait de faire droit aux demandes de Mme [S].
Par requête du 19 avril 2017, Mme [S] saisissait le conseil de prud’hommes de Nîmes aux fins de voir condamner son ancien employeur à lui verser diverses sommes au titre de différents manquements relatifs à l’exécution de son contrat de travail.
Par jugement contradictoire du 17 décembre 2019, le conseil de prud’hommes de Nîmes a :
– débouté Mme [Y] [S] de toutes ses demandes,
– débouté la SASU Imagina France de sa demande reconventionnelle,
– dit que les dépens seront à la charge de Mme [S].
Par acte du 17 janvier 2020, Mme [Y] [S] a régulièrement interjeté appel de cette décision.
Suivant jugement du 15 septembre 2021, la société Mediapro France a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire.
La société BTSG a été nommée en qualité de mandataire judiciaire à la liquidation.
Par assignation en intervention forcée en date du 27 juillet 2022, Mme [S] a attrait l’UNEDIC Délégation AGS CGEA de [Localité 7] et la société BTSG dans la cause, ès qualité de mandataire judiciaire à la liquidation de la société Mediapro France.
Aux termes de ses dernières conclusions en date du 02 novembre 2022, Mme [Y] [S] demande à la cour de :
Sur la recevabilité de l’appel :
– la déclarer recevable en son appel,
– réformer le jugement du 17 décembre 2019 en ce que le conseil de prud’hommes l’a déboutée
de l’ensemble de ses demandes,
– confirmer ledit jugement en ce qu’il a rejeté la demande de la SAS Mediapro France tendant à la condamner à payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– prendre acte que l’UNEDIC Délégation AGS CGEA a été régulièrement mise en cause afin que les dispositions de la décision à intervenir lui soient rendues communes et opposables,
Sur ses demandes :
– constater que la SASU Mediapro France n’avait pas la faculté de recourir au contrat à durée déterminée d’usage afin d’embaucher la salariée,
– constater qu’elle n’a pas été payée de la totalité de ses heures supplémentaires effectuées sur les années 2014, 2015 et 2016, ni de l’indemnité compensatrice de congés payés y afférente,
– constater qu’elle n’a pu bénéficier des heures de repos quotidien imposées par les dispositions conventionnelles, et qu’elle n’a pas été indemnisée à cet effet concernant les années 2014 et 2015,
– constater qu’elle a fait l’objet de travail dissimulé,
– constater que le contrat de travail a été exécuté de façon déloyale par l’employeur,
Et en conséquence,
– fixer au passif de la SASU Mediapro France, représentée par Me [E] [F] son mandataire liquidateur, ses créances salariales suivantes :
* 2.600 euros nets à titre d’indemnité de requalification du contrat de travail à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée,
* 4.500,73 euros bruts correspondant à ses heures supplémentaires non payées sur les
années 2014, 2015 et 2016,
* 450,07 euros nets au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents aux heures supplémentaires,
* 3.932,49 euros nets au titre de l’indemnité compensatrice des heures de repos quotidien non prises pendant les années 2014 et 2015,
* 15.600 euros nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé,
* 11.700 euros nets à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
* 2.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
* les dépens.
Elle soutient que :
– Sur le recours au CDD d’usage
– l’article 2 du contrat de travail prévoit que « l’objet du contrat est l’exécution des fonctions visées à l’article 1er [assistante vidéo, statut employé, catégorie 2] dans le cadre de la mise en place ponctuelle des émissions de « Be In Sport » ».
– l’objet du contrat vise la mise en place ponctuelle des émissions de la chaîne télévisée Be
In Sport. Or, cette chaîne télévisée diffuse en continu des évènements sportifs, qui ne sont donc pas seulement des mises en place ponctuelles.
– il s’agissait bel et bien de l’exécution de fonctions liées à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
– la convention collective admet le recours au CDD d’usage par les entreprises audiovisuelles à condition que celles-ci détiennent une certification sociale. Cette certification sociale, ainsi que sa date de validité, doivent figurer sur le contrat de travail conformément à l’article 4.3.2 de
la convention collective.
Or, en l’espèce, la mention de cette certification sociale n’apparaît pas sur le CDD d’usage conclu par les parties, et l’employeur ne démontre pas disposer effectivement de cette certification.
– le contrat de travail mentionne la durée de travail hebdomadaire mais n’indique pas le fait que ce contrat ne doit pas avoir pour effet de porter cette durée de travail au-delà des temps de travail prévus par la convention collective.
– le CDD d’usage prévoit une clause de « non-renouvellement » dont la rédaction est équivoque.
– Sur les heures supplémentaires
– l’article 5.6.2, c) de la convention collective applicable prévoit la possibilité pour l’employeur d’une annualisation du temps de travail.
– l’employeur n’a jamais démontré avoir consulté les représentants du personnel au début de chaque période annuelle, à propos de la programmation des horaires en fonction des besoins estimés.
– l’employeur n’a pas plus établi la programmation indicative de ses horaires de travail et elle se voyait délivrer des récapitulatifs mensuels uniquement en fin de mois pour le mois précédent.
– la SASU Mediapro France n’a pas respecté les dispositions conventionnelles relatives à
l’annualisation du temps de travail des salariés. Elle ne peut donc valablement se prévaloir desdites dispositions.
– elle produit au débat des décomptes auto déclaratifs de son temps de travail, démontrant le nombre d’heures supplémentaires qu’elle a effectuées sur les années 2014, 2015 et 2016.
– ce sont ces mêmes décomptes d’heures de travail qu’elle a transmis à l’employeur afin que celui-ci établisse ses bulletins de paie.
– ses bulletins de paie ne correspondent pas à la réalité des heures travaillées.
– Sur l’indemnité compensatrice pour les heures de repos quotidien non prises sur les années 2014 et 2015
– l’employeur a régularisé la situation au titre des heures de repos non prises sur l’année 2016.
Pour autant, à ce jour, il n’a pas régularisé les heures de repos non prises au titre des années 2014 et 2015.
– L’indemnité pour travail dissimulé
– l’employeur a volontairement considéré que les trajets effectués constituaient des trajets isolés, non susceptibles de constituer du temps de travail effectif, en contravention avec l’article 5.2.3 de la convention collective applicable.
– elle démontre que l’employeur s’est intentionnellement soustrait à ses obligations de déclarer ce temps de travail comme du travail effectif.
– Les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
– l’employeur s’est abstenu de lui régler ses heures supplémentaires et les congés payés afférents.
– des notes de frais ne lui ont pas été remboursées.
– elle s’est vue imposer une modification de son contrat de travail alors qu’elle n’a pas donné son consentement.
Suite à ses multiples accidents du travail, la société a modifié unilatéralement son contrat de travail puisque :
– Elle s’est vue affectée au hangar de [Localité 6],
– Ses tâches consistaient pour l’essentiel en de la maintenance et de la manutention, et ne
correspondaient plus à sa qualification professionnelle.
– l’employeur n’a pas respecté les durées de repos quotidien de 9h imposées par l’article 5.1 de la convention collective applicable.
– la lecture des décomptes de présence produits montre qu’elle a travaillé bien au-delà de la durée maximale hebdomadaire légale.
– l’employeur ne lui fournissait pas les moyens nécessaires pour accomplir sa prestation de travail dans des conditions optimales de sécurité.
– ces comportements d’abstention et de mauvaise foi de la société ont entraîné un important préjudice, tant au niveau physique qu’au niveau moral.
En l’état de ses dernières écritures en date du 13 octobre 2022, contenant appel incident, la SCP BTSG en sa qualité de liquidateur judiciaire de la SASU Mediapro France demande à la cour de :
– confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, et, par conséquent :
– débouter Mme [Y] [S] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,
– à titre subsidiaire, si par extraordinaire la cour entrait en voie de condamnation, réduire à de plus justes proportions le montant des dommages et intérêts alloués, en fonction du préjudice subi et prouvé ;
– à titre reconventionnel, condamner Mme [Y] [S] à lui verser la somme de 2.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Elle fait valoir que :
– Sur la requalification du contrat à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée
– la vérification du caractère par nature temporaire de l’emploi ne s’impose que dans le cadre de CDD successifs, ce qui n’est aucunement le cas en l’espèce.
– la convention collective applicable indique que les sociétés souhaitant recourir aux contrats à durée déterminée d’usage doivent disposer d’une certification sociale (article 4.3.2).
La société Mediapro a bien reçu cette certification à compter du 20 novembre 2013, renouvelée par la suite tous les deux ans conformément aux règles en la matière.
– Mme [S] a conclu un CDD d’usage le 9 décembre 2012, pour une durée de deux mois, avec pour objet précis « la mise en place ponctuelle des émissions de « Be In Sport » .
Cet emploi était donc lié à un contrat de production temporaire et une activité non pérenne,
pour des prestations ponctuelles liées au calendrier des évènements sportifs.
– la salariée a par la suite été embauchée en contrat à durée indéterminée le 9 février 2013, en qualité d’assistante vidéo, dans le cadre d’une création de poste à la suite d’une montée en charge
de l’activité de production audiovisuelle.
– la Commission de certification disposait d’un délai de 24 mois, courant à compter de la
publication de l’arrêté d’extension, soit du 18 février 2011, pour accorder ladite certification.
Ce délai expirait donc le 18 février 2013.
Jusqu’à cette date, et conformément aux dispositions de l’article 2 du titre 6 de l’accord du 18
juin 2010, les sociétés disposaient de la faculté de recourir aux CDDU en l’absence de cette
certification.
En l’occurrence, le contrat à durée déterminée d’usage conclu avec la salariée date du 9
décembre 2012, et se situe donc à l’intérieur du délai de 24 mois susmentionné.
– concernant l’absence de certaines mentions dans le contrat, la demande de la salariée est prescrite en application de l’article L 1471-1 du code du travail.
– en tout état de cause, l’absence des mentions dont la salariée se prévaut ne saurait aucunement
entraîner la requalification automatique du contrat, dès lors que ces dernières n’apparaissent
aucunement essentielles.
– Sur les heures supplémentaires
– compte-tenu de l’organisation de son activité, la société Mediapro a adopté le régime
d’annualisation du temps de travail, conformément à l’article 5.6.2 c) de la convention
collective applicable.
– s’agissant des heures de voyage (mentionnées en tant que « voyage isolé » sur les
récapitulatifs mensuels d’agenda de la salariée), celles-ci n’étaient pas décomptées comme temps de travail effectif, conformément aux dispositions de l’article 5.2.3 de la convention collective applicable.
– si ces heures sont prises en compte dans le calcul de la durée annuelle du travail, elles ne donnent lieu à aucune majoration au titre des heures supplémentaires, et viennent donc en déduction des heures ouvrant droit à ces dernières.
– le décompte de la salariée est erroné dans la mesure où elle ne fait aucune distinction entre les heures supplémentaires en tant que telles et les heures majorées au titre d’un travail de nuit ou d’un dimanche ou jour férié, ou encore avec les heures de voyage isolé.
– la confrontation entre les horaires journaliers établis par la salariée et ceux conservés par la société dans le système de planification, révèle très peu de différences notables.
– la procédure de contrôle des horaires est basée sur un système auto déclaratif. La validation par la hiérarchie intervient donc postérieurement aux déclarations effectuées par les salariés, et peut effectivement donner lieu à rectification. En l’espèce, seules des rectifications à la marge sont intervenues.
– les écarts d’heures supplémentaires entre celles payées et celles que l’appelante croit pouvoir réclamer proviennent de sa mauvaise compréhension du système de majoration des heures et de décompte des heures de travail effectif,
– concernant les heures de voyage isolé, il n’y a pas à distinguer selon le moyen de transport utilisé conformément à la convention collective applicable, qui n’opère aucune distinction sur ce point.
– lorsque dans une même journée, il existe du temps de voyage et du temps de travail effectif, l’intégralité des heures est comptabilisée en temps de travail effectif ; ce n’est que dans l’hypothèse d’une journée ne comprenant que du temps de trajet que les heures sont comptabilisées en voyage isolée.
– même si les chiffres communiqués au titre des heures de voyage isolé par Mme [S] devaient être retenus, ces derniers ne pourraient donner lieu au règlement des heures supplémentaires qu’elle sollicite.
– elle produit quant à elle des éléments objectifs et contradictoires (récapitulatifs mensuels d’agendas et bulletins de salaire), jamais contestés précédemment, qui permettent de déterminer précisément le volume et la qualification des heures effectuées.
– Sur la demande au titre du non-respect du repos quotidien
– sur la base d’un repos quotidien de 9 heures, les chiffres retenus par la société sont strictement identiques à ceux déclarés par la salariée.
– la seule différence survient sur le nombre d’heures manquantes retenues, Mme [S] se basant sur un repos de 11 heures et la société, conformément aux dispositions conventionnelles, sur un repos de 9 heures.
– Sur l’indemnité pour travail dissimulé
– elle n’est redevable d’aucune heure supplémentaire impayée, de sorte que la demande relative au délit de travail dissimulé est sans objet.
– Sur la prétendue exécution déloyale du contrat de travail
– les demandes de la salariée à ce titre sont infondées.
– le changement dans les conditions de travail de la salariée a été opéré après échange entre les parties sur les problèmes de santé rencontrés par l’appelante (problèmes lombaires).
Dans ces conditions, elle n’avait d’autre choix que d’affecter la salariée à un poste sédentaire au hangar.
– ce changement n’a entraîné aucune modification du contrat de travail de l’appelante, sa
qualification, son temps de travail et sa rémunération étant maintenus.
– la salariée ne produit aucun élément quant à un prétendu manquement à son obligation de sécurité.
Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures.
Par ordonnance en date du 18 novembre 2022, le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de la procédure à effet au 21 décembre 2022. L’affaire a été fixée à l’audience du 05 janvier 2023.
MOTIFS
Sur la requalification du contrat à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée
L’article 1242-2 du code du travail autorise le recours à des contrats de travail à durée déterminée, pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, pour des emplois pour lesquel il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
Il convient donc de rechercher :
– si l’emploi fait partie de ceux pour lesquels il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat à durée indéterminée,
– si l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifiée par l’existence d’éléments concrets et précis établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
Les dispositions de l’article D. 1242-1 du code du travail prévoient que des contrats à durée déterminée peuvent être conclus notamment dans le secteur d’activité de l’audiovisuel.
La convention collective en son article 4.3.1 dispose que ‘les employeurs s’engagent à ne pas recourir au contrat à durée déterminée d’usage afin :
– de pourvoir à des emplois sans lien avec la conception, la fabrication de contenus, l’apparition à l’image et, ou au son d’oeuvres ou de programmes ;
– pourvoir durablement à des emplois permanents au sens de l’article L. 1242-1 du code du travail;
– de remplacer un salarié en grève lors d’un conflit du travail.’
En l’espèce, les parties conviennent que l’emploi d’assistante vidéo permettait le recours au contrat d’usage, lequel n’était pas proscrit par la convention collective pour cet emploi.
S’il résulte de la combinaison des articles L. 1242-1, L. 1242-2 et D. 1242-1 du même code, que dans les secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant peuvent être pourvus par des contrats à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois, et que des contrats à durée déterminée successifs peuvent, en ce cas, être conclus avec le même salarié, l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée conclu le 18 mars 1999, mis en oeuvre par la directive n° 1999/70/CE du 28 juin 1999, en ses clauses 1 et 5, qui a pour objet de prévenir les abus résultant de l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs, impose de vérifier que le recours à l’utilisation de contrats à durée déterminée successifs est justifié par des raisons objectives qui s’entendent de l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.
En l’espèce, il n’est pas contestable que les parties n’ont été liées que par un seul contrat à durée déterminée.
La Cour de cassation considère ainsi que, dans le cadre du droit de l’Union et de la directive susvisée, lorsque le litige ne concerne qu’un seul contrat à durée déterminée, la cour d’appel n’a pas ‘à se livrer à une recherche, attachée au recours de contrats à durée déterminée successifs, que ses constatations rendait inopérante’.
Mme [S] soutient encore que la société employeur ne disposait pas de la certification sociale prévue par l’article 4.3.3 de la convention collective applicable, aux termes desquels :
‘Lorsqu’une entreprise détentrice d’une des certifications prévues à l’article 4.3.1 engage un salarié pour un emploi technique éligible au CDDU listé dans les grilles de fonctions conventionnelles, en contrat de travail à durée déterminée de droit commun ou d’usage (l’entreprise doit être certifiée au premier jour du contrat conclu), il est expressément précisé sur le contrat de travail que les heures effectuées sur toute sa durée seront prises en compte au titre du régime dérogatoire de l’annexe VIII de l’assurance chômage.’
La certification a été mise en oeuvre par un accord du 18 juin 2010, lequel prévoit les dispositions transitoires suivantes (article 2 Titre 6) :
‘La présente certification sociale sera mise en ‘uvre à compter de la date d’extension de
l’accord. A cette date, la commission appellera les entreprises selon une procédure d’ordre.
Dans un délai de 24 mois, l’intégralité des entreprises éligibles du champ aura dû être
examinées par la commission de certification.
Dans l’intervalle et avant que l’examen de l’entreprise n’ait eu lieu effectivement, cette
dernière conserva la faculté de conclure des CDD d’usage’.
L’arrêté d’extension de l’accord étant intervenu le 18 février 2011, la société Médiapro France disposait d’un délai expirant le 18 février 2013 pour obtenir la certification litigieuse.
Le contrat de travail à durée déterminée d’usage ayant été conclu le 7 décembre 2012, pour une durée de deux mois à compter du 9 décembre 2012, la société Mediapro France avait la possibilité de recourir à des contrats d’usage en application du dernier alinéa de l’article 2 du titre 6 de l’accord du 18 juin 2010.
La salariée indique encore que le contrat de travail ne comporte pas toutes les mentions prévues par la convention collective applicable.
L’employeur soulève la prescription biennale de l’action en requalification fondée sur l’absence de certaines mentions.
En application des dispostions de l’article L 1471-1 du code du travail, toute action portant sur l’exécution du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Le point de départ du délai de prescription de deux ans diffère selon le fondement de l’action en requalification.
Lorsque le salarié invoque l’absence d’une mention au contrat, le point de départ de l’action est la date de conclusion du contrat à durée déterminée.
Le contrat ayant été conclu le 7 septembre 2012, Mme [S] disposait d’un délai expirant le 7 septembre 2014 pour saisir le conseil de prud’hommes à cette fin.
Ayant engagé son action le 19 avril 2017, les demandes de l’appelante à ce titre sont irrecevables pour cause de prescription.
La demande de requalification en contrat à durée indéterminée présentée par la salariée ne saurait dans ces circonstances prospérer, justifiant la confirmation du jugement querellé sur ce point.
Sur les heures supplémentaires
La convention collective applicable, en son article 5.6.2 c) Annualisation prévoit la possibilité pour l’employeur d’une annualisation du temps de travail, précisant à ce titre que ‘au début de chaque période annuelle, et après consultation des représentants du personnel lorsqu’il en existe, l’employeur établit la programmation indicative des horaires, qui est la répartition prévisionnelle du volume annuel, semaine par semaine ou mois par mois, selon les besoins estimés. Il en informe individuellement chacun des salariés concernés’.
L’intimée soutient sur ce point que :
‘Concernant les dispositions relatives à la détermination d’un programme indicatif, il convient de préciser que la loi Travail du 8 août 2016 a prévu que lesdites dispositions cessaient d’être applicables aux accords collectifs conclus antérieurement à la publication de la loi (Article 12 ‘ IV).
Les dispositions conventionnelles visées ici sont donc concernées.’
Or, il convient de préciser que la loi du 8 août 2016 a supprimé l’application des dispositions relatives à la programmation indicative des horaires à compter de sa publication, soit le 9 août 2016.
Les heures supplémentaires revendiquées par la salariée étant antérieures au 9 août 2016, l’employeur se devait de respecter les prescriptions prévues par la convention collective à ce titre.
L’employeur n’atteste pas s’être conformé aux prescriptions de la convention collective pour la mise en oeuvre et l’application de l’aménagement du temps de travail, notamment quant à la consultation des représentants du personnel en début de période de modulation sur la programmation indicative des horaires, ce qui amène à considérer que la salariée n’a pas été régulièrement informée sur le sujet.
Dans ces conditions, la question des heures supplémentaires que la salariée prétend avoir accomplies devra être examinée au regard de la durée légale hebdomadaire du travail.
Aux termes de l’article L3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail effectuées, l’employeur doit fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié ; le juge forme sa conviction au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.
En cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.
À défaut d’éléments probants fournis par l’employeur, les juges se détermineront au vu des seules pièces fournies par le salarié
Après analyses des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.
Il appartient à la juridiction de vérifier si les heures supplémentaires revendiquées ont été rendues nécessaires par le travail confié au salarié, l’opposition à l’exécution de celle-ci de l’employeur se trouvant alors indifférente.
Le salarié peut revendiquer le paiement d’heures supplémentaires à raison de l’accord tacite de l’employeur.
Cet accord tacite peut résulter de la connaissance par l’employeur de la réalisation d’heures supplémentaires par le biais de fiche de pointage et l’absence d’opposition de l’employeur à la réalisation de ces heures.
Il a été jugé que constituent des éléments suffisamment précis des tableaux mentionnant le décompte journalier des heures travaillées, peu important qu’ils aient été établis par le salarié lui-même pour les besoins de la procédure.
En l’espèce, Mme [S] produit les éléments suivants :
– un décompte faisant apparaître pour chaque jour, les heures de début et de fin de travail, pour les années 2014 à 2016,
– ses bulletins de salaire sur la période considérée.
La salariée produit ainsi des éléments suffisamment précis permettant à l’employeur d’y répondre utilement.
En défense, l’employeur conteste la demande de la salariée aux motifs que :
– la salariée ne déduit pas les temps de voyages isolés, lesquels ne constituent pas du temps de travail.
– il produit à ce titre un décompte des heures correspondant aux voyages isolés.
L’article 5.2.3 de la convention collective définit le temps de voyage de la manière suivante :
‘Correspond à du temps de voyage tout déplacement à l’initiative de l’employeur, préalable et postérieur à la période de travail objet du voyage, lorsque le salarié ne rentre pas à son domicile.
Le temps de voyage n’est pas du temps de travail effectif, mais est indemnisé comme tel dès la deuxième heure, dans la limite de 8 heures par période de 24 heures, sans pouvoir entraîner de perte de rémunération par rapport à l’horaire de travail.
Dans l’hypothèse d’exécution d’une prestation de travail durant ledit voyage, le temps de ce dernier est requalifié en temps de travail effectif.
Lorsque le voyage se déroule en transport en commun, le billet fait foi pour décompter la durée du voyage, durée à laquelle il est ajouté forfaitairement 1 heure pour tenir compte des éventuels temps d’attente ou d’approche.’
Dans sa version en vigueur du 01 mai 2008 au 10 août 2016, l’article L 3121-4 du code du travail prévoit :
‘Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.
Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit financière. Cette contrepartie est déterminée par convention ou accord collectif de travail ou, à défaut, par décision unilatérale de l’employeur prise après consultation du comité d’entreprise ou des délégués du personnel, s’il en existe. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire.’
Dans sa version en vigueur depuis le 10 août 2016, il prévoit :
‘Le temps de déplacement professionnel pour se rendre sur le lieu d’exécution du contrat de travail n’est pas un temps de travail effectif.
Toutefois, s’il dépasse le temps normal de trajet entre le domicile et le lieu habituel de travail, il fait l’objet d’une contrepartie soit sous forme de repos, soit sous forme financière. La part de ce temps de déplacement professionnel coïncidant avec l’horaire de travail n’entraîne aucune perte de salaire.’
Il résulte de ces dispositions que ces temps de déplacement sont en principe exclus du temps de travail effectif, qu’ils se situent à l’intérieur ou en dehors de l’horaire de travail ou qu’ils excèdent ou non le temps habituel de trajet domicile-travail.
Ce temps de déplacement ne peut être pris en compte dans le calcul des durées quotidiennes et hebdomadaires maximales, ni au titre des heures supplémentaires.
Partant, les calculs opérés par l’appelante qui additionnent les temps de déplacement au temps de travail effectif ne peuvent être retenus pour fonder sa demande indemnitaire.
L’employeur verse au débat pour les années sur lesquelles porte la réclamation :
– les décomptes des horaires enregistrés par la société,
– les tableaux de modulation pour la même période faisant apparaître le récapitulatif des heures supplémentaires payées,
– les plannings de la salariée,
– les ‘récapitulatifs mensuels agenda’,
– les décomptes des heures de voyages isolés.
Il y a lieu de retenir les heures supplémentaires réalisées par la salariée au delà de la 35ème heures, tout en tenant compte des heures de voyages isolés devant venir en déduction.
Il résulte ainsi de la comparaison entre les bulletins de salaire produits et les réclamations de la salariée montre que cette dernière a été remplie de ses droits, eu égard aux observations sur la déduction des heures de voyages isolés.
De plus, les bulletins de paie comportent des régularisations d’heures supplémentaires en cours d’année, avec mention des semaines concernées.
Mme [S] a ainsi été remplie de ses droits, justifiant le rejet de toute prétention de ce chef et la confirmation du jugement critiqué.
Sur les heures de repos quotidien
L’article 5.1.2 de la convention collective applicable prévoit :
‘Tout salarié bénéficie d’un repos quotidien d’une durée minimale de 11 heures
consécutives.
Par exception, la nécessité d’assurer la continuité de l’activité peut conduire, pour les
personnels définis à l’article 5.5, à déroger au repos quotidien de 11 heures, sous réserve du
respect d’un repos minimum de 9 heures.
Cette réduction à 9 heures du temps de repos quotidien ne peut intervenir plus de 2
fois par semaine civile ou 3 fois par période de 7 jours consécutifs pour un même
salarié.
A défaut du respect des 11 heures consécutives de repos, chaque heure manquante est
traitée en heure de récupération pour, au minimum, sa durée équivalente. Lorsque l’octroi
de ce repos n’est pas possible, ces heures de repos manquante font l’objet d’une
contrepartie équivalente’.
La preuve du respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires incombe à l’employeur.
La salariée détaille précisément les jours concernés à ce titre.
L’employeur produit quant à lui les récapitulatifs d’agenda mensuel pour les années 2014 et 2015 sur lesquels apparaissent des jours de récupération et de repos modulation, sur lesquels la salariée ne donne aucune explication, ces jours correspondant au dernier alinéa de l’article
5.1.2 de la convention collective repris ci-dessus.
Dans ces circonstances, la demande de la salariée sera rejetée par confirmation du jugement querellé.
Sur les dommages et intérêts pour travail dissimulé
Il résulte de l’article L8223-1 du Code du travail que le salarié dont le travail a été dissimulé par l’employeur a droit en cas de rupture de la relation de travail à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
Le travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié est notamment caractérisé par le fait pour l’employeur de mentionner intentionnellement sur les bulletins de paie, un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli.
Mme [S] ayant été déboutée de sa demande en paiement d’heures supplémentaires ne saurait prétendre à l’indemnité forfaitaire prévue ci-dessus, le jugement critiqué méritant confirmation de ce chef.
Sur l’exécution déloyale du contrat de travail
Aux termes de l’article L. 1222-1 du contrat de travail, le contrat de travail est exécuté de bonne foi.
Mme [S] fait valoir que la SAS Mediapro France a manqué de loyauté dans l’exécution du contrat de travail en ce que :
– elle n’a pas été réglé de ses heures supplémentaires et des congés payés afférents :
La cour a débouté Mme [S] de ses prétentions de ce chef.
– l’employeur n’a pas procédé à la déclaration de tous ses salaires auprès de l’administration fiscale, engendrant un contrôle fiscal et une majoration de 49 euros :
Il n’est pas contestable qu’il appartient à chaque contribuable de déclarer l’ensemble de ses revenus imposables comprenant toutes les sommes mises à la disposition du salarié durant l’année d’imposition.
Dans le cas d’espèce, il apparaît que Mme [S] n’a pas déclaré la somme de 2704 euros de salaires de IMAGINA GROUP FRANCE à [Localité 8], celle-ci ne pouvant l’ignorer, de sorte qu’elle ne saurait en rejeter la responsabilité sur l’employeur.
– elle n’a pas été remboursée de ses notes de frais :
La Cour de cassation pose, en forme de principe, que les frais professionnels exposés par le salarié pour les besoins de son activité et dans l’intérêt de l’entreprise doivent lui être remboursés par l’employeur.
La charge des frais professionnels nécessaires à l’exécution du contrat de travail ou de rembourser les dépenses engagées par le salarié pour le compte de l’entreprise est un prolongement de l’obligation de paiement du salaire.
Les dépenses exposées doivent l’être “pour les besoins de l’activité professionnelle du salarié” et “dans l’intérêt de l’employeur “.
C’est au salarié de prouver la réalité des frais exposés.
Les pièces produites par Mme [S] ne démontrent aucunement que les sommes prétendument avancées l’ont été pour les besoins de son activité professionnelle.
En effet, les extraits de compte tiers de la société montrent les sommes versées à ce titre par l’employeur, l’appelante ne produisant aucun justificatif sur les frais non remboursés pour les années 2013 et 2014, soit respectivement de 623,85 euros et de 549,89 euros, un talon ou une copie de chèque étant insuffisant en l’absence de toute facture mentionnant l’objet de la dépense.
En l’absence de justification, la demande présentée ne peut qu’être rejetée, le jugement étant confirmé de ce chef.
– elle s’est vue imposer une modification de son contrat de travail :
L’employeur ne conteste pas le changement d’affectation de la salariée à [Localité 6] rendu nécessaire suite aux problèmes lombaires de cette dernière.
Mme [S] indique que ses attributions ont été modifiées, aucune pièce produite démontrant la réalité de cette affirmation.
Suivant avenant du 1er octobre 2014, signé des deux parties, Mme [S] a occupé, à compter de cette même date, les fonctions de technicien d’exploitation AV, catégorie 3, statut non cadre de la convention collective applicable, lequel ‘assure la mise en ‘uvre et le fonctionnement de tout matériel et support servant à l’exploitation audiovisuelle. Diagnostique les anomalies et effectue une maintenance de 1er niveau’.
Mme [S] soutient que ses tâches consistaient dès lors pour l’essentiel en de la maintenance et de la manutention, et ne correspondaient plus à sa qualification professionnelle, alors que ces tâches sont de la compétence du technicien d’exploitation AV tel que reprises ci-dessus.
La salariée a accepté la modification de ses fonctions, laquelle s’est accompagnée d’une augmentation de salaire de 200 euros bruts par mois.
Aucun grief ne peut dès lors être retenu à l’encontre de l’employeur sur ce point.
– l’employeur n’a pas respecté les durées de repos quotidien, ni les durées maximales de travail hebdomadaire :
Aucun grief n’a été retenu à l’encontre de l’employeur au titre de la durée de repos quotidien.
Concernant la durée maximal de travail hebdomadaire, l’article 5.1.4 de la convention collective applicable prévoit :
‘La semaine civile débute le lundi à 0 heure et se termine le dimanche à 24 heures.
La durée légale du travail effectif est fixée à 35 heures par semaine.
La durée hebdomadaire maximale de travail effectif est fixée à 48 heures’.
L’employeur reconnaît que Mme [S], durant toute l’exécution de la relation
contractuelle, a dépassé à 8 reprises le seuil de 48 heures hebdomadaires.
S’agissant du dépassement de la durée maximale hebdomadaire, la Cour de cassation précise que le seul fait de constater le dépassement de la durée maximale de travail ouvre droit à réparation, c’est-à-dire au versement de dommages-intérêts, sans que le salarié ait besoin de rapporter la preuve d’un préjudice (Cass. soc., 26 janv. 2022, no 20-21.636) dans la mesure où ce dépassement porte atteinte à sa santé et sa sécurité.
Le manquement de l’employeur est dès lors avéré.
– l’employeur n’a pas respecté son obligation de sécurité :
Aux termes de l’article L 4121-1 du code du travail, « L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.
Ces mesures comprennent :
· Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l’article L. 4161-1 ;
· Des actions d’information et de formation ;
· La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.
L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes »
Pour la mise en ‘uvre des mesures ci-dessus prévues, l’employeur doit s’appuyer sur les principes généraux suivants visés à l’article L.4121-23 du code du travail:
· Eviter les risques
· Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
· Combattre les risques à la source ;
· Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
· Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
· Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
· Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis par l’article L. 1142-2-1 ;
· Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
· Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
La réparation d’un préjudice résultant d’un manquement de l’employeur suppose que le salarié qui s’en prétend victime produise en justice les éléments de nature à établir d’une part la réalité du manquement et d’autre part l’existence et l’étendue du préjudice en résultant.
Enfin, l’employeur peut s’exonérer de sa responsabilité en démontrant qu’il a pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail pour assurer la sécurité des salariés.
Les manquements répétés de l’employeur dans le respect de la durée maximale de travail procèdent d’une violation de l’obligation de sécurité et de prévention au sens de l’article L4121-1 du code du travail.
Mme [S] soutient que l’entreprise ne lui fournissait pas les moyens nécessaires pour accomplir sa prestation de travail dans des conditions optimales de sécurité et produit pour en justifier :
– un compte-rendu DUP du 06 juin 2016
– un compte-rendu de la réunion des délégués du personnel du 8 février 2016
– un compte-rendu DUP du 8 mars 2016
– un compte-rendu DUP du 7 novembre 2016
desquels il résulte que les conditions de travail à [Localité 6] n’étaient pas optimum en matière de sécurité : absence de rambarde sur les escaliers de cars rendus glissants par la pluie, température à l’intérieur des hangars inférieure à 10 degrés, presence d’une tranchée/rigole traversant le hangar, port de charges lourdes sans formation aux gestes et postures spécifiques.
La première obligation de l’employeur en matière de risque professionnel n’est pas de faire cesser le risque qui s’est déjà manifesté mais d’agir afin de prévenir le risque, faire en sorte qu’il ne se réalise pas.
Il résulte en effet des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail que les actions que l’employeur doit mettre en oeuvre pour protéger la santé physique et mentale des salariés concernent la prévention des risques professionnels et l’évaluation de ceux qui ne peuvent être évités.
La lecture des différents documents produits par la salariée montre que l’employeur n’a pas agi immédiatement suite aux reunions DUP.
L’employeur a ainsi manqué à son obligation de sécurité telle que prévue par les articles L 4121-1 et suivants du code du travail.
Il appartient à Mme [S] de caractériser le préjudice qu’elle a personnellement subi en lien avec les carences relevées à l’encontre de l’employeur.
La salariée a été victime de 5 accidents du travail entre le 13 novembre 2015 et le 22 novembre 2016 et d’arrêts de travail pour lumbago aigu, douleur au genou alors qu’il n’est pas contesté qu’elle devait porter des charges plus ou moins lourdes.
– ses conditions de travail au sein du hangar de [Localité 6] étaient déplorables :
La salariée produit des photographies non datées, et qui ne permettent pas de les rattacher à Mme [S] et/ou une quelconque activité de cette dernière. Elles sont ainsi dénuées de caractère probant.
En définitive, les seuls manquements dans l’exécution du contrat de travail pouvant être retenus à l’encontre de l’employeur résident dans le non respect de l’obligation de sécurité et le dépassement de la durée maximale hebdomadaire de travail pour lesquels Mme [S] sera correctement indemnisée par l’allocation d’une somme de 5000 euros de dommages et intérêts.
Le jugement querellé sera réformé sur ce point.
Sur les demandes accessoires
L’équité commande de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au profit de l’appelante.
Les dépens de première instance et d’appel seront laissés à la charge de la SCP BTSG en sa qualité de liquidateur judiciaire.
PAR CES MOTIFS
LA COUR,
Par arrêt réputé contradictoire, rendu publiquement en dernier ressort,
Confirme le jugement rendu le 17 décembre 2019 par le conseil de prud’hommes de Nîmes sauf en ce qu’il a débouté Mme [Y] [S] de sa demande au titre de l’exécution déloyale du contrat de travail et l’a condamnée aux dépens,
Et statuant à nouveau des chefs infirmés,
Fixe au passif de la liquidation judiciaire de la SASU Mediapro France la créance de Mme [Y] [S] aux sommes suivantes :
– 5000 euros de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
-1800 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que ces sommes seront inscrites par le mandataire liquidateur sur l’état des créances de la procédure collective ouverte à l’encontre de la société,
Déclare opposable à l’AGS CGEA de Lavallois Perret dans les limites de la garantie légale et des plafonds applicables selon les dispositions des articles L 143-11-1 et suivants et D 143-2 devenus L 3253-6 et 8 et D 3253-5 et suivants du code du travail
Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective,
Arrêt signé par le président et par la greffiere.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,