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délivrées le
à
COUR D’APPEL DE MONTPELLIER
2e chambre sociale
ARRET DU 19 AVRIL 2023
Numéro d’inscription au répertoire général :
N° RG 21/00816 – N° Portalis DBVK-V-B7F-O3TM
ARRÊT n°
Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 JANVIER 2021
CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE MONTPELLIER – N° RG F 19/01219
APPELANT :
Monsieur [I] [D]
né le 23 Juillet 1996 à [Localité 5] (34)
de nationalité Française
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Yannick MAMODABASSE, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMEE :
S.A.S. N’ASSIST Venant aux droits de la SARL N’HOSPITALITE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Pascal ADDE de la SCP GRAPPIN – ADDE – SOUBRA, avocat au barreau de MONTPELLIER, substitué par Me Vanessa MENDEZ, avocat au barreau de MONTPELLIER
Ordonnance de clôture du 24 Janvier 2023
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 14 FEVRIER 2023,en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique DUCHARNE, Conseiller, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Véronique DUCHARNE, Conseiller, faisant fonction de président
Monsieur Jacques FOURNIE, Conseiller
Madame Isabelle MARTINEZ, Conseiller
Greffier lors des débats : Madame Marie-Lydia VIGINIER
ARRET :
– contradictoire ;
– prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile ;
– signé par Mme Véronique DUCHARNE, Conseiller, en remplacement du président, empêché et par Mme Marie-Lydia VIGINIER, greffier.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE
Entre le 9 septembre 2017 et le 10 mars 2019, M. [I] [D] a travaillé pour la SARL N’events, devenue la SARL N’Hospitalité, aux droits de laquelle vient la SAS N’Assist, dans le cadre de 19 contrats à durée déterminée à temps partiel conclus pour la demi-journée, en qualité de contrôleur (Niveau I coefficient 120) à l’occasion de matches de football professionnel organisés au stade de [4] à [Localité 5], moyennant une rémunération brut de 39,04 € correspondant à 4 heures de travail effectif.
La convention collective nationale du personnel des prestataires de services dans le domaine tertiaire est applicable.
Par requête enregistrée le 5 novembre 2019, estimant que la relation de travail devait être requalifiée en contrat à durée indéterminée et à temps complet, que la rupture s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et qu’il était en droit d’obtenir le paiement d’un rappel de salaire au titre des périodes interstitielles, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Montpellier.
Par jugement du 29 janvier 2021, le conseil de prud’hommes a :
– débouté M. [D] de l’intégralité de ses demandes,
– débouté la SARL N’Hospitalité de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné M. [D] aux entiers dépens.
Par déclaration enregistrée au RPVA le 9 février 2021, le salarié a régulièrement interjeté appel de ce jugement.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 19 janvier 2023, M. [I] [D] demande à la Cour :
– d’infirmer le jugement querellé ;
– de requalifier les contrats de travail à durée déterminée en un contrat de travail à durée indéterminée ;
– de juger que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– de juger que l’article 2 de l’ordonnance « Macron » n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 s’avère contraire aux normes conventionnelles et plus particulièrement à la charte sociale européenne de sorte que ces dispositions doivent être écartées de la présente instance ;
– de condamner la SAS N’Assist venant aux droits de la SARL N’Hospitalité de lui payer les sommes suivantes :
*1.498,50 € net à titre d’indemnité de requalification,
*12.000 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
*1.498,50 € brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
*149,85 € brut à titre de congés payés y afférents,
*561,93 € net à titre d’indemnité légale de licenciement,
*1.498,50 € net à titre de dommages et intérêts pour défaut de procédure de licenciement ;
Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps complet et l’indemnisation des périodes interstitielles, de :
– condamner la SAS N’Assist venant aux droits de la SARL N’Hospitalité de lui payer les sommes suivantes :
* 26.099,08 € brut à titre de rappel de salaires afférent à la période du 9 septembre 2017 au 10 mars 2019,
* 2.609,91 € brut à titre de congés payés y afférents ;
– d’ordonner à la SAS N’Assist venant aux droits de la SARL N’Hospitalité de lui délivrer des bulletins de paie, un certificat de travail, ainsi qu’une attestation Pôle Emploi conformes sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ; la Cour se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte ;
– de lui ordonner de régulariser sa situation des organismes sociaux compétents sous astreinte de 150 € par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ; la Cour se réservant expressément le droit de liquider ladite astreinte ;
– de la condamner à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile ;
– de la condamner aux entiers dépens.
Aux termes de ses dernières conclusions enregistrées au RPVA le 19 janvier 2023, la SAS N’Assist demande à la Cour :
A titre principal, de confirmer le jugement ;
A titre subsidiaire, si la Cour, statuant de nouveau, est amenée à infirmer le jugement et requalifier la relation de travail en un contrat de travail à durée indéterminée, de :
– débouter M. [D] de ses demandes et fixer les sommes suivantes :
* 98,96 € au titre de l’indemnité de requalification,
* 98,96 € au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 98,96 € brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
* 9,90 € brut relatif aux congés payés afférents,
* 37,11 € au titre de l’indemnité légale de licenciement ;
En tout état de cause, de :
* débouter M. [D] de ses demandes au titre du non-respect de la procédure de licenciement, du rappel de salaire et des congés payés y afférents ainsi que du surplus de ses demandes ;
A titre reconventionnel, de condamner M. [D] au paiement de 1.500 € en application de l’article 700 du Code de procédure civile et le condamner aux dépens.
Pour l’exposé des prétentions des parties et leurs moyens, il est renvoyé, conformément à l’article 455 du Code de procédure civile, à leurs conclusions ci-dessus mentionnées et datées.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 24 janvier 2023.
MOTIFS
Sur la requalification en contrat à durée indéterminée et la rupture.
L’article L1242-1 du Code du travail dispose qu’un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
L’article L 1242-2 du Code du travail, dans sa rédaction applicable au présent litige, dispose qu”un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :
1° Remplacement d’un salarié en cas :
(…)
2° Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;
(…)’.
L’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise est caractérisé lorsque l’activité pérenne et constante tout au long de l’année connaît ponctuellement des pics de production soumis à un aléa, à une imprévisibilité. Faute pour l’employeur de démontrer l’existence d’un tel accroissement temporaire de l’activité, le contrat doit être requalifié à durée indéterminée.
En l’espèce, alors que le salarié estime qu’en faisant appel à ses services au moyen de contrats à durée déterminée successifs sur une période de 18 mois pour accroissement temporaire d’activité, l’employeur a pourvu à un emploi permanent et normal, celui-ci rétorque que la commande était exceptionnelle et que le secteur professionnel concerné autorise les contrats à durée déterminée d’usage.
Les 19 contrats à durée déterminée, conclus entre le 9 septembre 2017 et le 10 mars 2019 pour une demi-journée à chaque fois, visent le même motif de recours, à savoir :
« Accroissement temporaire de l’activité habituelle de l’entreprise s’expliquant par l’accroissement temporaire de l’activité habituelle de l’entreprise caractérisée par la commande exceptionnelle d’un client : le M.H.S.C. en vue d’une rencontre sportive professionnelle au stade de [4] à [Localité 5] ».
L’activité habituelle et permanente de l’entreprise est d’assurer notamment le contrôle de rencontres sportives. Il appartient à l’employeur de prouver que l’utilisation de contrats de travail à durée déterminée successifs était justifiée par des raisons objectives, constituées par des éléments concrets établissant l’accroissement temporaire de son activité habituelle.
Or, les seuls éléments concrets versés aux débats par l’employeur sont des factures établies par ses services au cours de la période concernée, au nom du club de football [Localité 5] Hérault Sport Club (MHSC), lesquelles sont insuffisantes pour établir l’accroissement temporaire de l’activité par rapport à son activité habituelle et normale.
Dès lors, le premier contrat de travail à durée déterminée du 9 septembre 2017 doit être requalifié en contrat à durée indéterminée, une indemnité de requalification est due au salarié et la rupture intervenue le 10 mars 2019, date du dernier contrat, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le jugement sera infirmé en ce qu’il a débouté le salarié de ses demandes de requalification en contrat à durée indéterminée, de paiement de l’indemnité de requalification et des indemnités de rupture.
Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet et la demande au titre du rappel de salaire pour les périodes interstitielles.
En vertu de l’article L 3123-6 du Code du travail, le contrat de travail à temps partiel est un contrat écrit, lequel mentionne :
1° La qualification du salarié, les éléments de la rémunération, la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et, sauf pour les salariés des associations et entreprises d’aide à domicile et les salariés relevant d’un accord collectif conclu en application de l’article L. 3121-44, la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois ;
2° Les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir ainsi que la nature de cette modification ;
3° Les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié, chaque mois au salarié ; (…)
4° Les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au delà de la durée de travail fixée par le contrat.
En l’espèce, le salarié expose que la requalification du contrat de travail en contrat à temps complet est justifiée par la fréquence et le nombre de contrats signés, qu’il s’est tenu en permanence à la disposition de l’employeur pendant toute la durée de la relation de travail, qu’aucun planning écrit ne lui était communiqué puisqu’il signait ses contrats le jour même de l’embauche, qu’il finissait sa journée de travail fréquemment plus tard que ce qui était prévu et qu’il ne pouvait pas trouver un autre emploi.
Toutefois, l’employeur produit aux débats des échanges de SMS établissant que le salarié était prévenu suffisamment à l’avance et qu’il répondait régulièrement ne pas être disponible.
La succession de contrats de travail à durée déterminée ne suffit pas à établir que le salarié se tenait à la disposition permanente de l’employeur et ne pouvait pas prévoir son rythme de travail à l’avance.
Dès lors, les demandes de requalification en temps complet et de rappel de salaire pour les périodes interstitielles doivent être rejetées.
Le jugement sera confirmé de ces chefs.
Sur les conséquences pécuniaires de la rupture.
Le salarié fait valoir que la barémisation des indemnités prud’homales résultant des ordonnances dites Macron est irrégulière et injustifiée par référence à l’article 24 de la Charte sociale européenne révisée. Il ajoute que le Comité européen des droits sociaux (CEDS), chargé de faire respecter ladite Charte révisée et d’en sanctionner les manquements, considère que les dispositions de l’article L 1235-3 modifié par l’article 2 de l’ordonnance dite Macron violent les dispositions de l’article 24.b de la charte et que les juges du fond apprécient souverainement le préjudice du salarié qui doit bénéficier « d’une indemnité adéquate ou toute autre forme de réparation considérée comme appropriée ».
Selon l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-217 du 29 mars 2018, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre des montants minimaux et maximaux.
L’article 24 de la Charte sociale européenne révisée, selon la partie II de ce dernier texte stipule que :
« Les Parties s’engagent à se considérer comme liées, ainsi que prévu à la partie III, par les obligations résultant des articles et des paragraphes ci-après.
[…]
Article 24 ‘ Droit à la protection en cas de licenciement
En vue d’assurer l’exercice effectif du droit à la protection en cas de licenciement, les Parties s’engagent à reconnaître :
a) le droit des travailleurs à ne pas être licenciés sans motif valable lié à leur aptitude ou conduite, ou fondé sur les nécessités de fonctionnement de l’entreprise, de l’établissement ou du service ;
b) le droit des travailleurs licenciés sans motif valable à une indemnité adéquate ou à une autre réparation appropriée.
A cette fin les Parties s’engagent à assurer qu’un travailleur qui estime avoir fait l’objet d’une mesure de licenciement sans motif valable ait un droit de recours contre cette mesure devant un organe impartial ».
Eu égard à l’importance de la marge d’appréciation laissée aux parties contractantes par les termes précités de la Charte sociale européenne révisée, rapprochés de ceux des parties I et III du même texte, les dispositions de l’article 24 de ladite Charte ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
Dès lors, le moyen tiré de l’irrégularité du barème doit être rejeté.
L’article L 1235-3 du Code du travail, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er avril 2018, applicable au cas d’espèce, prévoit que l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un salarié totalisant 1 année d’ancienneté dans une entreprise employant habituellement au moins onze salariés, doit être comprise entre 1 et 2 mois de salaire brut.
Compte tenu de l’âge du salarié (né le 23/07/1996), de son ancienneté à la date du licenciement (1 an et 6 mois), du nombre de salariés habituellement employés (au moins 11 salariés), de sa rémunération mensuelle moyenne brut pour un temps partiel (98,96€) et de l’absence de tout justificatif relatif à sa situation actuelle, il convient de fixer les sommes suivantes à son profit :
– 98,96 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 98,96 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (1 mois),
– 9,90 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents,
– 37,11 € au titre de l’indemnité de licenciement.
L’indemnité de requalification s’élève à 98,96 €.
Sur les demandes accessoires.
L’employeur devra délivrer au salarié un bulletin de paie, le certificat de travail et l’attestation Pôle Emploi, rectifiés conformément au présent arrêt et procéder à la régularisation de la situation du salarié auprès des organismes sociaux compétents, sans qu’il soit besoin de prononcer une astreinte.
L’employeur sera tenu aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Il est équitable de le condamner à payer au salarié la somme de
1 200 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile pour les frais exposés en première instance et en cause d’appel.
PAR CES MOTIFS :
La Cour, après en avoir délibéré, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe ;
CONFIRME le jugement du 29 janvier 2021 du conseil de prud’hommes de Montpellier en ce qu’il a débouté M. [I] [D] de ses demandes en requalification en temps complet et en rappel de salaire pour les périodes interstitielles ;
L’INFIRME pour le surplus ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,
REQUALIFIE le contrat de travail à durée déterminée du 9 septembre 2017 en contrat de travail à durée indéterminée ;
DIT que la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la SAS N’Assist, venant aux droits de la SARL N’Hospitalité, à payer à M. [I] [D] les sommes suivantes :
– 98,96 € au titre de l’indemnité de requalification,
– 98,96 € au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 98,96 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,
– 9,90 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférents,
– 37,11 € au titre de l’indemnité de licenciement ;
ORDONNE à la SAS N’Assist de délivrer à M. [I] [D] un bulletin de paie, le certificat de travail et l’attestation Pôle Emploi, rectifiés conformément au présent arrêt et de procéder à la régularisation de la situation du salarié auprès des organismes sociaux compétents ;
DIT n’y avoir lieu de prononcer une astreinte ;
CONDAMNE la SARL N’hospitalité à payer à M. [I] [D] la somme de 1 200 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE la SARL N’hospitalité aux entiers dépens de l’instance ;
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT
Pour le président empêché
V. DUCHARNE