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12/05/2023
ARRÊT N° 2023/208
N° RG 21/01233 – N° Portalis DBVI-V-B7F-OBKD
MD/CD
Décision déférée du 25 Février 2021 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( 18/01976)
F.COSTA
Section commerce chambre 2
S.A.S. REMINISCENCE BOUTIQUES
C/
[G] [N]
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le 12/5/23
à Me DENJEAN, Me JOURQUIN
Ccc Pôle Emploi
Le 12/5/23
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 1
***
ARRÊT DU DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT TROIS
***
APPELANTE
S.A.S. REMINISCENCE BOUTIQUES
[Adresse 3]
[Adresse 3]
Représentée par Me Stéphanie JOURQUIN, avocat au barreau de NICE
INTIM”E
Madame [G] [N]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Jean-marc DENJEAN de la SCP CABINET DENJEAN ET ASSOCIES, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 07 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant , S.BLUM”, présidente et M. DARIES, conseillère chargés du rapport. Ces magistrat ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
S. BLUM”, présidente
M. DARIES, conseillère
N. BERGOUNIOU, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridicitionnelles
Greffier, lors des débats : C. DELVER
ARRET :
– CONTRADICTOIRE
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par S. BLUM”, présidente, et par C. DELVER, greffière de chambre
FAITS ET PROCÉDURE:
Mme [N] [G] a été embauchée le 2 décembre 2000 par la sas Réminiscence boutiques, exerçant une activité de commerce de détail d’articles de parfumerie et de bijouterie, suivant contrat de travail à durée indéterminée régi par la convention collective nationale de la bijouterie, joaillerie, orfèvrerie.
Le 31 mars 2014, par avenant, la salariée a été nommée responsable adjointe de boutique, niveau IV, échelon 2, statut agent de maîtrise, sur la boutique [Adresse 1].
Le 22 décembre 2015, la société Réminiscence boutiques, filiale de la société Réminiscence holding, a fait l’objet d’une mesure de sauvegarde de justice.
Un plan de sauvegarde avec fermeture et vente de boutiques a été homologué par le tribunal de commerce de Paris le 25 avril 2017 et le 30 juin 2017, M. [U] est devenu Président de la société.
Une sortie du plan de sauvegarde est intervenue le 12 mars 2018.
Mme [N] a été placée en arrêt de travail du 07 au 23 juin 2018 et du 01 août au 31 août 2018.
Après avoir été convoquée par courrier du 17 septembre 2018 à un entretien préalable au licenciement fixé au 29 septembre 2018, elle a été licenciée par courrier du 8 octobre 2018 pour motif économique.
Mme [N] a adhéré au contrat de sécurisation professionnelle le 08 octobre 2018.
La salariée a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse le 26 novembre 2018 pour contester son licenciement et demander le versement de diverses sommes.
Le conseil de prud’hommes de Toulouse, section commerce chambre 2, par jugement du 25 février 2021, a :
-rejeté les deux nouvelles pièces 19 bis et 23 bis de la sas Reminiscence boutiques,
– jugé que le licenciement de Mme [N] est dénué de cause réelle et sérieuse, la procédure de reclassement ayant été déloyale,
-dit que le salaire brut mensuel moyen pris comme référence est d’un montant de 2 416,55 euros,
-condamné la sas Réminiscence boutiques à verser à Mme [N] les sommes suivantes:
.20 000 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement dénué de cause réelle et sérieuse,
.1 462 euros au titre du paiement des primes,
.1 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
-dit n’y avoir lieu à exécution provisoire autre que de droit,
-débouté Mme [N] du surplus de ses demandes,
-débouté la sas Réminiscence boutiques de l’ensemble de ses demandes,
-condamné la sas Réminiscence boutiques aux entiers dépens.
Par déclaration du 16 mars 2021, la Sasu Réminiscence boutiques a interjeté appel de ce jugement qui lui avait été notifié le 9 mars 2021, dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas contestées.
PRÉTENTIONS DES PARTIES:
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 15 novembre 2021, la sas Réminiscence boutiques demande à la cour de:
* la déclarer recevable en ses conclusions et bien fondée en ses demandes,
* infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions, sauf en ce qu’il a rejeté la
demande de harcèlement moral formulée par Mme [N],
statuant à nouveau,
*juger que le licenciement de Mme [N] est régulier et légitime, en tout point,
*juger que la société n’a commis aucun manquement à l’égard de Mme [N], y compris au titre de l’obligation de recherche de reclassement,
*juger que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse,
*juger que Mme [N] ne justifie pas de ses prétentions ni des préjudices qu’elle estime avoir subis, la rendant infondée quant au quantum de ses demandes,
en conséquence,
*débouter Mme [N] de l’ensemble de ses demandes,
*à titre subsidiaire, si la cour d’appel entrait en voie de condamnation, réduire le quantum des demandes à de plus justes proportions compte tenu de l’absence de justification des préjudices prétendument subis,
*condamner Mme [N] à lui payer les sommes de :
.2 500 euros à titre de dommage et intérêts pour procédure abusive,
.3 500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, avec intérêts au taux légal à compter de la décision à intervenir pour les demandes à caractère indemnitaire, et capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
*condamner Mme [N] aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions communiquées au greffe par voie électronique le 9 février 2023, Mme [G] [N] demande à la cour de :
*confirmer le jugement en ce qu’il a dit le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,
*infirmer le jugement pour le surplus,
et statuant à nouveau :
-condamner la sas Réminiscence boutiques à lui payer les sommes de:
.34195,60 euros à titre de dommages et intérêts, nette de CSG-CRDS, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 25000 euros à titre de dommages et intérêts, nette de CSG-CRDS, en réparation du préjudice résultant du harcèlement moral subi,
-condamner également la société à lui verser avec intérêts de droit à compter du jour de la demande :
la somme de 4 644 euros au titre de l’indemnité de préavis,
.celle de 464,40 euros à titre de complément d’indemnité de congés payés,
.celle de 6 750 euros à titre de rappel de salaire sur les primes dues au titre de l’année 2018, outre la somme de 675 euros au titre des congés payés afférents,
-condamner la sas Réminiscence boutiques à lui remettre un certificat de travail portant les dates suivantes 2 décembre 2000 / 8 décembre 2018 ainsi qu’une attestation Pôle emploi conforme, sous astreinte de 40 euros par jour de retard à compter du prononcé de la décision,
en tout état de cause :
-condamner la société Réminiscence boutiques à lui verser la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
La clôture de l’instruction a été prononcée par ordonnance en date du 24 février 2023.
Il est fait renvoi aux écritures pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION:
I/ Sur le licenciement économique:
me [N] sollicite la requalification du licenciement en licenciement sans cause réelle et sérieuse au motif que la société n’établit pas la réalité du motif économique et n’a pas respecté son obligation de reclassement.
L’adhésion à un contrat de sécurisation professionnelle n’exclut pas la possibilité pour la salariée de contester le licenciement pour motif économique.
Sur le reclassement:
L’article L.1233-4 du code du travail applicable à la date du litige dispose:
« Le licenciement pour motif économique d’un salarié ne peut intervenir que lorsque tous les efforts de formation et d’adaptation ont été réalisés et que le reclassement de l’intéressé ne peut être opéré sur les emplois disponibles, situés sur le territoire national dans l’entreprise ou les autres entreprises du groupe dont l’entreprise fait partie et dont l’organisation, les activités ou le lieu d’exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.
Pour l’application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu’elle contrôle dans les conditions définies à l’article L. 233-1, aux I et II de l’article L. 233-3 et à l’article L. 233-16 du code de commerce.
Le reclassement du salarié s’effectue sur un emploi relevant de la même catégorie que celui qu’il occupe ou sur un emploi équivalent assorti d’une rémunération équivalente. A défaut, et sous réserve de l’accord exprès du salarié, le reclassement s’effectue sur un emploi d’une catégorie inférieure.
L’employeur adresse de manière personnalisée les offres de reclassement à chaque salarié ou diffuse par tout moyen une liste des postes disponibles à l’ensemble des salariés, dans des conditions précisées par décret.
Les offres de reclassement proposées au salarié sont écrites et précises. »
S’agissant du reclassement, la lettre de licenciement stipule:
‘ Nous avons recherché toutes les possibilités de reclassement dans le groupe conformément aux dispositions de l’article L 12334 du code du travail.
Nous vous proposons les postes vacants au sein du groupe Réminiscence en date des présentes:
poste 1: vendeuse de boutique à [Localité 7] – contrat à durée déterminée de 6 mois à partir du 1er novembre 2018 – salaire brut: 2000€ – classification employée niv II ech 2 durée du travail: 151,67 h mensuel – fiche de poste jointe pour le descriptif du poste.
Vous disposez d’un délai de 15 jours calendaire à compter de ce jour pour nous faire savoir si ce poste est susceptible de vous intéresser (..)’
La procédure de licenciement a débuté le 17 septembre 2018 par la convocation de la salariée à un entretien préalable et le licenciement ‘à titre conservatoire’ a été notifié le 8 octobre 2018. Mme [N] est sortie des effectifs le 20 octobre 2018.
Mme [N] dénonce que la société Réminiscence boutiques n’a pas respecté ses obligations de recherche sérieuse et loyale de reclassement, contrairement aux affirmations de l’appelante, au motif qu’elle n’a proposé, alors que d’autres possibilités de reclassement existaient dans d’autres villes, qu’un poste de vendeuse en contrat à durée déterminée à [Localité 7] et ce seulement lors de la notification du licenciement, proposition identique à celle adressée à Mme [I] (responsable boutique de
[Localité 13]) et Mme [BJ] [T] (responsable de la boutique de [Localité 8]) dont les lettres de licenciement sont similaires.
Elle ajoute qu’il n’est pas établi la réalité des effectifs présents en octobre 2018 au sein des autres entités du groupe.
Sur ce:
Si l’employeur a l’obligation de proposer aux salariés concernés par un licenciement économique tous les postes disponibles, il peut proposer le même poste à plusieurs salariés.
Mais il ne peut prononcer le licenciement économique d’un salarié que s’il n’a pu le reclasser dans l’entreprise ou le groupe auquel l’entreprise appartient. Ainsi il doit préalablement rechercher et proposer au salarié tous les postes disponibles avec sa qualification.
En l’espèce, il ressort de la lettre de licenciement du 08 octobre 2018 qu’un entretien préalable a eu lieu à la date du 29 septembre 2018, lors duquel il a été remis à Mme [N] une proposition d’adhésion au contrat de sécurisation professionnelle assorti d’un délai de réflexion jusqu’au 20 octobre 2018.
Mais il n’est pas démontré que la société a fait part à la salariée des recherches préalables de reclassement à cette date, puisqu’elle ne propose un poste de reclassement qu’à la date de notification du licenciement alors que le délai pour adhérer au contrat de sécurisation professionnelle a commencé à courir et que l’intéressée a accepté le même jour, soit le 08 octobre 2018, date d’envoi de la lettre de licenciement, de bénéficier de ce processus.
L’employeur, de fait, n’a pas mis en mesure la salariée de choisir en toute connaissance de cause, entre l’acceptation à un poste de reclassement et le bénéfice du processus de sécurisation professionnelle.
Par ailleurs, alors que l’employeur évoque des recherches dans le ‘groupe Réminiscence’, il indique dans ses conclusions que les recherches n’ont en réalité été réalisées qu’en interne, car la société Réminiscence boutiques ne faisait plus partie du groupe Réminiscence depuis le 31 juillet 2018.
A cet effet, il verse en pièce n°4 un extrait KBIS du registre du commerce et des sociétés de Nice ( la société étant précédemment immatriculée auprès du greffe de Paris) en date du 12 mars 2020.
Y figure, une immatriculation de la Sasu (société par actions simplifiée à associé unique) Réminiscence Boutiques avec comme président M. [V] dit [U] [O], en date du 18 septembre 2018 ( et non du 31 juillet 2018) soit à une date que la cour relève comme contemporaine de l’engagement de la procédure de licenciement.
L’appelante précise que:
. le siège de la société n’a aucun effectif, s’agissant d’une simple boîte aux lettres et sur la structure Réminiscence Holding, il n’y a jamais eu de salariés, . sur la structure Réminiscence Management Co, tous les salariés sont sortis en septembre 2017 (pièce 5: registre du personnel),
. sur la structure Réminiscence Diffusion Internationale, la majorité des salariés sont sortis en septembre 2018 et aucun recrutement n’a été effectué ensuite (pièce n°6 : registre du personnel).
La cour constate que si le registre du personnel de la société Réminiscence management Co ne permet pas d’établir la sortie de tous les salariés en septembre 2017, il n’y a pas eu d’embauche après cette date et il n’y a pas de postes compatibles disponibles.
S’agissant des boutiques, la société produit en pièce n°9 le registre des boutiques de [Localité 6], [Localité 5], [Localité 11], [Localité 4], [Localité 8], [Localité 13], [Localité 7], [Localité 9], [Localité 12] et [Localité 10].
La salariée allègue d’opportunités de reclassement dans la période contemporaine du licenciement dans les boutiques de:
– [Localité 5] :
‘ 12 juin 2018 : embauche de Monsieur [P], responsable adjoint de boutique CDI
‘ 1er octobre 2018 : embauche de Madame [X], responsable adjoint de boutique CDI
– [Localité 11] :
‘ 7 mai 2018 : embauche de Madame [B], responsable de boutique CDI
– [Localité 4] :
‘ 12 octobre 2018 : embauche de Madame [M], vendeuse, CDD 3 mois
– [Localité 7] :
‘ 15 octobre 2018 : embauche de Madame [J], responsable boutique, CDI
‘ 18 octobre 2018 : embauche de Madame [RF], vendeuse CDD 3 mois
– S’agissant de [Localité 7], comme précédemment indiqué par la cour, Mme [N] n’a pu se positionner sur le poste de vendeuse, seulement offert lors de la notification du licenciement et il a été occupé par Mme [A] [RF] du 18 octobre 2018 au 19 janvier 2019.
La société explique que le poste de Responsable de boutique n’était pas disponible car occupé par [D] [S] depuis le 26 avril 2018 puis par Mme [W] [J], à compter du 15 octobre 2018 pour faire une passation avec Mme [S] dont le départ avait été annoncé quelques jours avant et était intervenu le 30 octobre 2018.
Mais la société ne produit aucun élément concernant un départ précipité dont il n’aurait pu être donné connaissance à Mme [N] à la date de notification du licenciement le 08 octobre 2018 comme pour le poste de vendeuse.
– S’agissant de la boutique de [Localité 5], une embauche de M. [P] a eu lieu le 20 juin 2018 de responsable adjoint, a priori en CDI .
L’employeur expose que le poste de Responsable adjoint n’était pas disponible, étant occupé par [L] [X] depuis le 1er octobre 2018, laquelle avait reçu une promesse d’embauche avant que le licenciement de l’intimée ne soit envisagé.
Or il n’est pas justifié d’un départ de M. [P] ( aucune date de licenciement n’étant portée sur le registre) ni si Mme [X] l’a remplacé ou s’il s’agit d’une création de poste et encore moins d’une embauche antérieure à la procédure de licenciement.
– A [Localité 11], il n’y avait pas de poste disponible, l’embauche étant intervenue le 7 mai 2018 en contrat à durée déterminée soit avant la procédure de licenciement et de reclassement.
– A [Localité 4], un poste de vendeuse en CDD de 3 mois a été pourvu par [Y] [M] depuis le 12 octobre 2018, dont l’employeur affirme, sans le démontrer, qu’elle avait reçu une promesse d’embauche avant que le licenciement de Mme [N] ne soit envisagé.
Il ressort donc des éléments développés que l’employeur n’a pas procédé à une recherche loyale et sérieuse de reclassement.
Aussi il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse, sans qu’il y ait lieu à examiner le bien fondé de la cause économique.
Sur l’indemnisation:
Mme [N] disposait d’une ancienneté de près de 18 ans dans une entreprise de plus de 10 salariés et percevait un salaire moyen mensuel brut de 2416,65 euros.
En recherche d’emploi, elle a effectué le 25 septembre 2019 une formation de « RPIF » (responsable projet et ingénierie en formation) jusqu’au 19 juin 2020, laquelle a été validée le 20 juillet 2020.
Elle a travaillé dans le cadre d’un contrat à durée déterminée de formatrice de 6 mois de janvier à juillet 2020 pour Instep Occitane pour un salaire mensuel brut de 1790,29 euros.
Elle bénéficiait d’une ouverture de droit à l’allocation solidarité spécifique à compter du 21 octobre 2020 et produit une attestation de versement du 01 novembre 2020 au 31 janvier 2021.
Elle explique qu’au 9 février 2022, elle est toujours formatrice au sein de l’Instep dans le cadre des contrats à durée déterminée d’usage.
Mme [N] n’a pas justifié des allocations perçues à la suite de la signature du contrat de sécurisation professionnelle, ni de sa situation depuis juin 2020.
En application de l’article L 1235-3 du code du travail (modifié par ordonnance du 27 septembre 2017), en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse et de non réintégration du salarié dans l’entreprise, le juge octroie au salarié une indemnité comprise entre un minimum et un maximum, à savoir en l’espèce compte tenu de l’ancienneté entre 3 et 13,5 mois de salaire brut.
Au regard des éléments sus-visés, il y a lieu de confirmer la condamnation de l’employeur à paiement de la somme de 20000,00 euros d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse prononcée par le jugement déféré.
Le licenciement économique n’étant pas fondé, le contrat de sécurisation professionnelle n’a pas de cause et la société sera condamnée à payer 4644,00 euros d’indemnité compensatrice de préavis outre 464,40 euros de congés payés afférents.
La cour fera application d’office, s’agissant d’un salarié de plus de deux ans d’ancienneté et d’une entreprise d’au moins onze salariés, de l’article L 1235-4 du code du travail dans les conditions fixées au dispositif.
II/ Sur le harcèlement moral:
En application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
L’article L. 1154-1 du même code prévoit que lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.
Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Mme [N] argue que ses conditions de travail se sont dégradées avec l’arrivée d’un nouveau dirigeant de la société au printemps 2017 pour avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral, de par une mise à l’écart pendant plusieurs mois avant le licenciement et la suppression du paiement de primes, ce qui a eu une incidence sur son état de santé.
* Elle reproche à l’employeur un isolement, du fait d’une quasi absence de communication et d’information de la direction, située à [Localité 10], à la suite de son rachat par M. [U], sur le devenir de l’entreprise, et notamment celui de la boutique toulousaine.
Elle n’a pas été informée officiellement par la direction du rachat de l’entreprise et de la nomination du nouveau président mais l’a été par un courriel de la délégation unique du personnel du 22 juin 2017:
‘Nous venons d’avoir confirmation que M. [U] est désormais Président Directeur Général de l’ensemble des sociétés. Celui-ci sera présent
sur le site de [Localité 6] à partir de la fin de la semaine prochaine , il commencera les entretiens individuels’.
C’est seulement le 20 octobre 2017, soit six mois après le changement de présidence, qu’un membre de la direction est venu pour leur présenter la situation.
L’absence d’information a engendré du stress et de l’angoisse du fait de l’incertitude quant aux conditions de travail et à l’avenir de l’emploi.
Espérant un développement de l’activité, par avenant du 13 novembre 2017, elle a accepté une mission complémentaire de déléguée commerciale multi-marques pour le sud-ouest sur la période du 20 novembre 2017 au 31 mars 2018. Mais le départ de cette mission a été reporté de plusieurs semaines faute d’avoir bénéficié d’une formation à cet effet.
Aucun objectif mensuel n’a été fixé à compter de décembre 2017, malgré les relances de Mme [I], responsable de la boutique, pas plus un entretien individuel d’évaluation.
Au mois de janvier 2018, la boutique de [Localité 13] a été fermée, sans précision de durée ni de motif.
A la ré-ouverture, le 7 février 2018, de nouvelles conditions de travail ont été, sans information, imposées avec suppression d’outils de travail:
. L’ordinateur était remplacé par une caisse enregistreuse,
. Elles n’avaient ainsi plus accès au fichier clients,
. Il n’y avait plus de téléphone fixe en boutique, ni caméra de sécurité,
. Elles n’avaient plus de visibilité sur le stock de la boutique ainsi que les autres magasins, plus de service après-vente,
. Les règlements par chèques étaient refusés et la vente à distance supprimée.
Les employées ont dû assumer les critiques quotidiennes des clients.
Mme [N] sollicitait le 19 avril comme Mme [I] un bilan de compétence ( via le financeur Fongecif ), demande demeurée sans réponse .
Mme [I], sa collègue de travail, a alerté l’Inspection du Travail sur les difficultés vécues et a été reçue en entretien le 27 mars 2018. Par courrier du 17 avril 2018, Mme [Z], Inspecteur du Travail, sollicitait une attestation précise décrivant les faits auxquels elle avait assisté ou qu’elle avait constatés.
* Mme [N] dénonce en outre que malgré les réclamations des employées de la boutique par courriel du 11 décembre 2017, l’employeur n’a plus fixé d’objectifs mensuels ce qui a entrainé la suppression des primes en découlant et prévues au contrat, dont elle revendique le paiement. Cette perte financière s’est aggravée par la suppression ensuite de la prime de fonction allouée pour l’exercice de la mission complémentaire, sans délai de prévenance ni courrier.
* Mme [N] a été placée en arrêt de travail du 7 juin 2018 au 23 juin 2018, puis du 16 août au 31 août 2018. Elle fait valoir qu’elle a le 12 juin 2018 rencontré le médecin du travail pour faire part des répercussions psychologiques et morales des difficultés vécues au travail et non pas seulement pour le fait d’être affectée d’une tendinite à l’ischio jambier.
Les éléments invoqués par la salariée, pris dans leur ensemble, laissent supposer l’existence d’une situation de harcèlement moral.
Il appartient à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
La société Réminiscence boutiques conteste tout harcèlement et oppose l’absence de preuve de la salariée.
Sur ce:
– Sur la mise à l’écart:
La société conteste tout manque d’information et de communication, objectant que la direction a dû, à son arrivée, s’occuper de toutes les boutiques et que du fait d’un emploi du temps surchargé, elle a été contrainte de devoir reporter le rendez-vous fixé le 17 octobre 2017 avec Mme [I], responsable de la boutique de [Localité 13], ce qui ne concernait pas Mme [N] et elle ne pouvait apporter de réponses immédiates aux courriels des différents salariés mais elle avait répondu. Ainsi, le 8 août 2018 à 22h40, [E] [H], Directrice administrative et financière a répondu aux demandes des salariées sur la prime de fonction formulées à 18h30.
S’il n’est pas contestable que la prise en charge de la direction d’une société, laquelle fait face à des difficultés financières, demande de la part d’un nouveau dirigeant un fort investissement, la cour constate que, outre le fait que la nouvelle direction n’a pas informé personnellement les employés de la nomination d’un nouveau président, elle a laissé la salariée et l’équipe de la boutique de [Localité 13], pendant plusieurs mois de juin à octobre 2017, dans l’expectative de leur avenir et l’ignorance des projets de réorganisation, ce qui ne pouvait qu’entraîner questionnement et angoisse.
Ce n’est que le 20 octobre 2017 que Mme [N] a pu s’entretenir avec [E] [H], sur la stratégie envisagée par la nouvelle Direction, laquelle lui a proposé d’assurer du 20 novembre 2017 au 31 mars 2018, une activité complémentaire de déléguée commerciale multi-marques à ses fonctions de Responsable adjointe de boutique, moyennant une prime mensuelle de 273 euros brut, ce que la salariée a accepté.
Or, il n’est pas contesté que le début de cette mission a été reporté en janvier 2018, à une date où est intervenue la fermeture du magasin, en raison selon la société qui n’en justifie pas, d’un rapatriement du stock pour un inventaire généralisé.
Cette mission partielle impliquait selon l’avenant un déplacement sur le terrain, à temps partagé, sur plusieurs départements.
Il n’est pas démontré par l’employeur, au regard des fonctions exercées depuis plusieurs années sur site dans un magasin, que Mme [N] ne nécessitait pas une formation à l’exercice de la nouvelle mission, alors même que par courriel du 14 décembre 2017, Mme [I] écrivait à Mme [R] ( de la société) : ‘ Nous n’avons aucune réponse à nos demandes et questions depuis plusieurs jours. Comment faire pour traiter les commandes de nos clients multi-marques’ ‘.
Il existe ainsi une contradiction entre l’affectation à une nouvelle mission tendant à participer d’une volonté de développement ( laquelle a cessé rapidement au 31 janvier 2018) et un défaut de mise en oeuvre des moyens nécessaires à son exécution outre l’absence de fixation d’objectifs depuis décembre 2017 tels que prévus au contrat de travail et concernant la boutique.
S’agissant de la suppression de la prime afférente à la mission complémentaire, comme l’a répondu Mme [H] le 16 février 2018 à une interrogation de l’intimée et de Mme [I], son attribution n’était que temporaire en lien avec la durée de celle-ci.
La société explique les modifications relatives aux conditions matérielles de travail à la réouverture de la boutique en février 2018 pour des motifs de réduction de coût (changement des logiciels ERP, matériel informatique, au niveau du groupe et non uniquement au niveau des boutiques) et de compétitivité, dépendant de son pouvoir de direction et elle réfute avoir privé les salariées de leurs outils de travail, lesquels ont été remplacés par d’autres plus performants.
Mais elle ne démontre pas avoir informé les salariés des raisons de ce changement avec suppression de certains services ni des nouvelles modalités d’exécution de l’activité, ce qui a mis en difficulté les employés.
Ce manque d’information et de communication de l’employeur a été souligné également par Mme [K] [F] de la boutique de [Localité 5] dans un courriel en février 2018, où elle fait état d’un manque de considération à l’égard des salariés, s’interrogeant sur leur avenir, sans réponse, ce qui est source d’angoisse et quant aux choix de stratégies ayant mis les salariés dans des situations inconfortables face aux clients.
Il y a lieu par ailleurs de relever qu’en août 2018, le ‘sort’ des salariées était scellé puisque dans son courriel, Mme [H] ajoutait: ‘la boutique de [Localité 13] sera vendue sous 2 mois donc je vais commencer à préparer votre licenciement économique si la cession se passe bien’.
– Sur le non paiement des primes pour défaut de fixation d’objectifs:
Selon document de fixation rémunération variable de septembre 2011, une rémunération variable sur objectifs de chiffres d’affaires TTC sur le point de vente a été mise en place, calculée selon 6 paliers, avec un montant minimum mensuel de 150 € et maximum de 750€.
Le contrat de travail de 2014 stipule:
“En contrepartie de son travail, Melle [G] [N] percevra une rémunération brute mensuelle de 2022 €. (‘) En sus de cette rémunération, il pourra lui être attribué une part variable dont le versement sera lié à la réalisation des objectifs de chiffre d’affaires. La détermination de cette part variable fera l’objet d’une annexe signée entre les parties. Il est précisé que la société se réserve le droit de modifier le principe de la rémunération variable sur décision unilatérale comme l’autorise le pouvoir de direction. Toute modification fera l’objet d’un nouveau document annexe signé entre les parties”.
Après une demande en décembre 2017, par courriel du 16 février 2018, Mme [C] [I] rappelait l’absence d’objectifs commerciaux depuis les ‘derniers changements stratégiques’ ayant eu pour conséquence une perte financière mensuelle pour elle et Mme [N].
L’appelante réplique qu’elle a supprimé, en décembre 2017 avec prise d’effet pour l’année 2018, le principe de la rémunération variable dans une note de service diffusée aux salariés de toutes les boutiques, ce que dénie l’intimée.
Non seulement, la société qui invoque des difficultés économiques, ne communique pas en cause d’appel la dite note de service qu’elle a produite en première instance, mais comme l’objecte la salariée, l’employeur ne peut modifier de façon unilatérale cet élément contractuel. L’accord du salarié est nécessaire pour modifier la structure de la rémunération, ce qui n’a pas été sollicité en l’espèce.
Aussi à défaut de fixation d’objectifs, Mme [N] peut réclamer paiement d’une prime.
Elle prétend au versement, sur le fondement de l’avenant de 2011, de 750 euros brut par mois, pour la période de janvier 2018 à septembre 2018 soit un total de 6750 € au titre des primes mensuelles, outre celle de 675 euros au titre des congés payés afférents.
La société précise que Mme [N] a perçu pour 2017, la somme de 4.000 euros au titre des primes (selon pièce n°7 – journal de paie 2017) pour un chiffre d’affaires réalisé sur la boutique de [Localité 13] de 130.011 euros et que le chiffre d’affaires pour 2018 a été de 47.503 euros.
Elle considère que tout au plus, l’intimée pourrait prétendre au versement de de 1462 € (soit 4000 x 47503/130011).
En l’absence de notification des objectifs pour 2018, il convient d’allouer à Mme [N] la somme de 4000,00 euros comme précédemment perçue en 2017 outre 400,00 euros de congés payés afférents et de condamner la société au paiement.
– Sur l’état de santé:
A l’occasion d’une visite sollicitée par Mme [N] auprès du médecin du travail le 12 juin 2018, suite à un arrêt maladie pour tendinite de l’ischio jambier droit, elle a fait part de ‘difficultés professionnelles liées au changement d’organisation dans un contexte de rachat de l’entreprise en juin 2017, notamment de ne plus avoir de tâches de gestion, ni d’ordinateur, ni de téléphone fixe à la boutique et d’un refus de bilan de compétences.
Le médecin note une inquiétude envers l’avenir professionnel, une perte de confiance et propose de rencontrer la psychologue du travail.
Au vu des développements précédents établissant un manquement répété de l’employeur à ses obligations d’information, de communication et d’accompagnement quant à l’exercice des missions de la salariée et de son avenir professionnel, qui a induit une dégradation des conditions de travail et a eu une incidence sur l’état de santé, la cour considère que Mme [N] a fait l’objet de harcèlement moral.
La société sera condamnée à lui payer une somme de 4000,00 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral.
En conséquence l’appelante sera déboutée de sa demande de dommages et intérêts au titre du caractère abusif de la prétention de l’intimée.
Sur les demandes annexes:
Les intérêts au taux légal dus en application de l’article 1231-6 du code civil sur les sommes sus-visées seront dus dans les conditions précisées au dispositif.
La Sasu Réminiscence boutiques devra remettre à Mme [N] un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes au présent arrêt, sans qu’il y ait lieu à astreinte.
La Sasu Réminiscence boutiques, partie perdante, sera condamnée aux dépens d’appel.
Madame [N] est en droit de réclamer l’indemnisation des frais non compris dans les dépens exposés à l’occasion de cette procédure.
La Sasu Reminiscence boutiques sera condamnée à lui verser une somme de 2000,00 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel. La Sasu Réminiscence boutiques sera déboutée de sa demande à ce titre.
PAR CES MOTIFS:
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,
Infirme le jugement déféré quant au quantum des primes sur objectifs et en ce qu’il a débouté Mme [N] de ses demandes au titre du harcèlement moral,
Le confirme pour le surplus,
Statuant sur les chefs infirmés et y ajoutant:
Condamne la Sasu Réminiscence boutiques à payer à Madame [G] [N]:
-4644,00 euros d’indemnité compensatrice de préavis outre 464,40 euros de congés payés afférents,
– 4000,00 euros de primes sur objectifs outre 400,00 euros de congés payés afférents,
– 4000,00 euros de dommages et intérêts pour harcèlement moral,
Dit que les intérêts au taux légal sont dus sur la créance salariale ( rappel de salaires, indemnités de préavis) à compter de la date de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation et à compter du présent arrêt pour les autres sommes.
Ordonne à la Sasu Réminiscence boutiques de remettre à Mme [N] un certificat de travail et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt,
sans qu’il y ait lieu à astreinte,
Ordonne le remboursement par la Sasu Réminiscence boutiques aux organismes sociaux concernés des indemnités de chômage éventuellement payées à Mme [N] dans la limite de quatre mois.
Dit que conformément aux dispositions des articles L 1235-4 et R 1235-2 du code du travail, une copie du présent arrêt sera adressée par le greffe au Pôle Emploi du lieu où demeure la salariée.
Condamne la Sasu Réminiscence boutiques aux dépens d’appel et à payer à Madame [G] [N] la somme de 2000,00 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel,
Déboute la Sasu Réminiscence boutiques de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par S. BLUM”, présidente et C. DELVER, greffière.
LA GREFFI’RE LA Pr”SIDENTE
C. DELVER S. BLUM”
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