Contrat à durée déterminée d’usage : 17 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02097

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Contrat à durée déterminée d’usage : 17 mai 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/02097
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 4

ARRET DU 17 MAI 2023

(n° , 10 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/02097 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDILO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 19 Janvier 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/00441

APPELANT

Monsieur [C] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

né le 21 Octobre 1977 à Moldavie

Représenté par Me Florent HENNEQUIN, avocat au barreau de PARIS, toque : R222

INTIMEE

S.A. LE PARADIS LATIN agissant en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Nathalie LESENECHAL, avocat au barreau de PARIS, toque : D2090

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 28 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Jean-François de CHANVILLE, président de chambre

Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère

Mme Florence MARQUES, conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Anne-Gaël BLANC, conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Mme Justine FOURNIER

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Jean-François de CHANVILLE, Président de chambre et par Justine FOURNIER, greffière , présente lors de la mise à disposition.

***

RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

A compter du 2 octobre 2000, suivant plusieurs contrats de travail à durée déterminée successifs, M. [C] [X], né en 1977, a été engagé en qualité de danseur par la S.A. Le Paradis latin.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du secteur privé du spectacle vivant. La société Le Paradis latin occupait à titre habituel plus de dix salariés.

Le 13 janvier 2019, le salarié a été victime d’un accident du travail.

Le 1er avril suivant, terme de son dernier contrat à durée déterminée, la société Le Paradis latin a cessé de lui fournir du travail alors qu’il était toujours en arrêt.

Le 17 janvier 2020, demandant la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée dont la rupture s’analyserait en licenciement nul et la condamnation de son employeur au paiement de diverses sommes de nature indemnitaire et salariale, M. [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris.

Par jugement du 19 janvier 2021, le conseil a fait droit à la demande de requalification en contrat à durée indéterminée, analysé sa rupture en licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la société Le Paradis latin à payer une indemnité de requalification de 2.798,99 euros, une indemnité compensatrice de préavis de 5.597,98 euros, outre 559,80 euros de congés payés sur préavis, une indemnité conventionnelle de licenciement de 13.971,61 euros, une indemnité pour rupture abusive de 11.195,96 euros, 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure et les intérêts ainsi qu’à remettre au salarié des documents sociaux conformes. Le salarié voyait en revanche le surplus de ses demandes rejeté.

Le 21 février 2021, il a fait appel de cette décision qui lui avait été notifiée le 30 janvier précédent.

Dans ses conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 12 novembre 2021, M. [X] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu’il requalifie les contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée, condamne la société Le Paradis latin à lui payer une indemnité de requalification, une indemnité compensatrice de préavis, les congés payés afférents, une indemnité conventionnelle de licenciement, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et les frais irrépétibles mais de l’infirmer pour le surplus et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

– requalifier le contrat à durée indéterminée en temps plein ;

– condamner, à titre principal, la société Le Paradis latin à lui payer 70.715,98 euros de rappel de salaire d’avril 2016 jusqu’au licenciement, outre 7.071,59 euros de congés payés, et, à titre subsidiaire en l’absence de requalification à temps plein, 4.954,30 euros de rappel de salaire, d’avril 2016 jusqu’à son licenciement, ainsi que 495,43 euros de congés payés afférents, compte tenu du temps de présence en qualité de danseur principal et capitaine de ballet ;

– porter le montant de l’indemnité de requalification à 26.013 euros ;

– condamner, à titre principal, la société Le Paradis latin à lui payer 5.594,07 euros de rappel sur complément de salaire, outre 559,40 euros de congés payés afférents, et, à titre subsidiaire en l’absence de requalification à temps plein, 3.600,08 euros de rappel sur complément de salaire, ainsi que 360 euros de congés payés afférents ;

– condamner la société Le Paradis latin à lui payer 4.335,49 euros de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L. 1222-1 du code du travail ;

– condamner la société Le Paradis latin à lui payer 4.335,49 euros de dommages et intérêts pour violation par l’employeur de son obligation de se’curite’ et de prévention ;

– juger principalement son licenciement nul et subsidiairement sans cause réelle et sérieuse;

– condamner la société Le Paradis latin à lui payer 8.670,97 euros d’indemnité compensatrice de préavis, outre 867,10 euros au titre de congés payés afférents ;

– condamner la société Le Paradis latin à lui payer 23.412 euros d’indemnité de licenciement ;

– condamner la société Le Paradis latin à lui payer 78.039 euros d’indemnité pour licenciement nul ou, subsidiairement, d’indemnité sur le fondement de l’article L. 1235-3 du code du travail après avoir écarté le plafond du barème comme contraire à l’article 10 de la convention 158 de l’OIT ratifié par la France le 16 mars 1989 et à l’article 24 de la Charte sociale européenne du 3 mai 1996 ;

– condamner la société Le Paradis latin à lui payer 5.000 euros de dommages et intérêts pour contenu diffamatoire de ses écritures ;

– condamner la société Le Paradis latin à lui remettre des bulletins de paie conformes à la décision à intervenir, sous astreinte de 250 euros par jour de retard et par document, astreinte dont la cour se réserva la liquidation ;

– dire que les condamnations prononcées seront assorties des intérêts au taux légal et de l’anatocisme ;

– condamner la société Le Paradis latin à lui payer 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Le Paradis latin aux entiers dépens, ainsi qu’aux éventuels frais d’exécution.

Dans ses dernières conclusions remises au greffe par le réseau privé virtuel des avocats le 7 janvier 2022, la société Le Paradis latin demande à la cour de d’infirmer le jugement en ce qu’il ordonne la requalification des contrats en contrat à durée indéterminé et, statuant à nouveau et y ajoutant, de :

– principalement, débouter M. [X] de l’ensemble de ses demandes ;

– subsidiairement, limiter l’indemnité de requalification à 2.798,99 euros brut, l’indemnité de licenciement à 13.971,61 euros, l’indemnité compensatrice de préavis à 5.597,98 euros, l’indemnité pour licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse au plancher du barème légal et débouter M. [X] du surplus de ses demandes ;

– à titre infiniment subsidiaire, limiter le rappel de salaires au titre de la requalification en temps plein à 36.166,15 euros brut, le rappel de salaire compte tenu du temps de présence en qualité de danseur principal et capitaine de ballet demandé subsidiairement à 990,86 euros brut et le rappel de salaire relatif à la rémunération lors de l’arrêt de travail à 2.040,28 euros bruts ;

– en tout état de cause, condamner M. [X] au paiement de 3.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 décembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 28 février 2023.

Pour un plus ample exposé des moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions écrites conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1 : Sur la requalification des contrats à durée déterminée successifs en contrat à durée indéterminée

Par application de l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à une activité normale et permanente de l’entreprise.

L’article L.1242-2 du même code dispose que, sous réserve des dispositions de l’article L.1243-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et notamment en cas d’emploi pour lequel, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminé en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.

La preuve du caractère temporaire de l’emploi, objet du contrat à durée déterminée d’usage, incombe à l’employeur. L’employeur n’est pas dispensé d’apporter cette preuve en cas de contrat à durée déterminée d’usage.

Par ailleurs, la convention collective des entreprises du secteur privé du spectacle vivant prévoit la possibilité de recourir à des contrats à durée déterminée pour l’emploi de danseur.

En l’espèce, l’emploi de l’appelant pouvait donc effectivement être pourvu par un contrat à durée déterminée d’usage mais sous la stricte réserve que l’employeur démontre le caractère par nature temporaire de l’emploi concerné.

Or, à cet égard, la société Le Paradis latin se contente d’indiquer, d’une part, de manière inopérante, que le salarié pouvait exercer d’autres activités sans être contraint de rester de manière permanente à sa disposition et qu’un contrat à durée indéterminée lui a été proposé et, d’autre part, d’affirmer, sans le démontrer par la production de pièces, que l’emploi était par nature temporaire car lié à des spectacles spécifiques dont le nombre était variable et aléatoire, et ce alors qu’il ressort de l’examen de ses fiches de paie que M. [X] a occupé le même poste de danseur durant plus de 18 ans dans des spectacles différents et ce sans véritable discontinuité, les contrats s’enchaînant pour les représentations successives.

Dès lors, la société intimée n’ayant pas rapporté la preuve de la nature temporaire de l’emploi de danseur confié à M [X], celui-ci a pourvu un emploi permanent de l’entreprise de sorte qu’il convient de confirmer les dispositions du jugement ayant requalifié les contrats de travail à durée déterminée d’usage successifs en un contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 octobre 2000.

2 : Sur la requalification du temps partiel en temps plein

Aux termes de l’article L.3123-14 du code du travail dans sa version alors en vigueur, le contrat de travail du salarié à temps partiel est un contrat écrit qui doit mentionner notamment la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévu et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois, ainsi que les cas dans lesquels une modification éventuelle de cette répartition peut intervenir et la nature de cette modification. Par ailleurs, le contrat de travail doit énoncer les modalités selon lesquelles les horaires de travail pour chaque journée travaillée sont communiqués par écrit au salarié et les limites dans lesquelles peuvent être accomplies des heures complémentaires au-delà de la durée de travail fixée par le contrat de travail.

L’absence d’écrit mentionnant la durée hebdomadaire ou, le cas échéant, mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois fait présumer que l’emploi est à temps complet. Pour renverser cette présomption simple de travail à temps complet, concernant les périodes travaillées, l’employeur doit apporter une double preuve celle de la durée exacte, hebdomadaire ou mensuelle, de travail qui était convenue et celle que le salarié n’était pas dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à sa disposition. Les juges du fond apprécient souverainement si les éléments que l’employeur apporte démontrent que le salarié connaissait exactement la durée d’emploi convenue et ne se trouvait pas placé dans l’impossibilité de prévoir son rythme de travail ni dans l’obligation de se tenir constamment à la disposition de son employeur.

En l’espèce, le salarié a travaillé de manière quasi-continue pour son employeur, les courtes interruptions entre ces contrats correspondant à des périodes de week-end ou de vacances.

Par ailleurs, il était rémunéré au cachet pour un temps de travail effectif hebdomadaire inférieur à la durée légale du travail.

Or, aucun contrat de travail écrit n’est produit. Force est dès lors de constater que la durée hebdomadaire ou mensuelle de travail prévue n’est pas mentionnée au contrat et que la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les semaines du mois n’y est pas davantage précisée.

Cette situation fait présumer que l’emploi est à temps complet.

Dès lors et peu important que le salarié n’ait pas effectivement travaillé à temps complet, ce qui n’est pas contesté, il appartient à la société Le Paradis latin de prouver que son salarié connaissait exactement la durée d’emploi convenue et qu’il ne se trouvait pas placé dans l’impossibilité de prévoir son rythme de travail ni dans l’obligation de se tenir constamment à sa disposition.

Or, il ressort de l’examen des fiches de paie que la durée travaillée n’était pas constante puisque, pour une même période de temps, le salarié était amené à travailler un nombre d’heures différents et à bénéficier en conséquent d’un nombre variable de cachets. Dans ce contexte, la société Le Paradis latin, qui se contente d’affirmer sans le démontrer que les services de répétition étaient connus à l’avance par le biais de plannings affichés au tableau de service et que le salarié a créé sa propre société pendant l’exécution du contrat n’établit pas suffisamment, ce faisant, que son salarié connaissait exactement la durée d’emploi convenue et qu’il ne se trouvait pas placé dans l’impossibilité de prévoir son rythme de travail, ni dans l’obligation de se tenir constamment à sa disposition.

Au regard du nombre d’heures non payées (613,36 heures d’avril à décembre 2016, 571 en 2017, 778 en 2018 et 15 heures du 1er au 13 janvier 2019) et des taux horaire appliqués, qui diffèrent de celui retenu dans les calculs présentés à titre subsidiaire par la société Le Paradis latin, l’employeur sera condamné à payer la somme, rapportée à hauteur de demande, de 70.715,98 euros de rappel de salaire, outre 7.071,59 euros de congés payés.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il rejette la demande à ce titre.

Dans la mesure où il est fait droit à la demande principale de rappel de salaire au titre de la requalification, il n’y a pas lieu d’examiner la demande formée uniquement à titre subsidiaire de rappel de salaire en raison de la qualification du salarié.

3 : Sur le montant de l’indemnité de requalification

Aux termes de l’article L. 1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande de requalification d’un contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, il accorde au salarié une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire.

L’indemnité de requalification sanctionne exclusivement la conclusion d’un contrat à durée déterminée en méconnaissance des exigences légales, de sorte que le salarié ne saurait obtenir par cette indemnité réparation d’autres chefs de préjudice telle que la précarité ou l’inégalité de traitement avec les salariés sous contrat à durée indéterminée.

Au cas présent, il convient de retenir, comme le soutient M. [X], que son salaire après requalification en temps plein s’établissait à 4.335,49 euros.

Le montant de l’indemnité de requalification sera fixée à cette somme en l’absence de démonstration d’un préjudice supplémentaire indemnisable sur ce fondement.

Le jugement sera confirmé sur le principe de cette indemnité mais infirmé sur le montant alloué à ce titre.

4 : Sur le rappel de salaire pendant l’arrêt de travail consécutif à un accident du travail

La convention collective nationale du secteur privé du spectacle vivant prévoit en son article 11.4 que les salariés bénéficient, en cas d’absence pour accident du travail, d’une indemnité complémentaire aux indemnités journalières versées par la sécurité sociale calculée pour permettre au salarié de percevoir 100% de sa rémunération nette pendant 30 jours et 90 % de celle-ci pendant les 30 jours suivants, et ce sans délai de carence.

Or, entre le 13 janvier et le 1er avril 2019, alors que le salarié était arrêté à la suite d’un accident du travail, l’employeur qui en a la charge ne démontre pas avoir versé la totalité du différentiel entre le salaire à temps plein dû au salarié (100% puis 90 %) et les indemnités journalières qui lui ont été effectivement réglées.

Il sera donc condamné au paiement de 5.344,52 euros, outre 534,45 euros de congés payés, étant souligné que l’employeur produit un décompte effectué sur la base d’un maintien du salaire à 100% et non à 90% à partir du 31ème jour qu’il convient donc d’écarter partiellement

Le jugement qui a rejeté la demande à ce titre sera infirmé.

5 : Sur l’obligation de sécurité

En vertu de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur est tenu d’une obligation de sécurité en matière de protection de la santé physique et mentale de ses préposés. Il doit mettre en oeuvre des mesures nécessaires pour garantir la sécurité et protéger la santé physique et mentale des salariés, à savoir tant des actions de prévention que l’organisation de moyens adaptés et l’améliorations des situations existantes. Il doit assurer l’effectivité des mesures tendant à identifier, prévenir et gérer les situations pouvant avoir un impact négatif sur la santé du salarié.

En application de l’article L.4121-2 du même code, l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :

1° Eviter les risques ;

2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;

3° Combattre les risques à la source ;

4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;

5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;

6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;

7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu’ils sont définis aux articles L. 1152-1 et L. 1153-1, ainsi que ceux liés aux agissements sexistes définis à l’article L. 1142-2-1 ;

8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;

9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.

En application des articles R.4121-1 et suivants du même code, les risques identifiés doivent être répertoriés dans un document unique d’évaluation des risques professionnels.

Au cas présent, alors que l’employeur ne pouvait ignorer que les activités exercées par ses salariés présentaient des risques particuliers liés à leur caractère physique s’agissant de danseurs et que, malgré la sommation qui lui a été adressée, il ne produit pas le document unique de prévention des risques professionnels ni d’ailleurs aucune autre pièce attestant qu’il a pris des mesures de prévention, il convient de considérer que ce dernier a manqué à son obligation de sécurité.

Au regard du préjudice subi par le salarié qui a été victime d’un accident du travail ayant entraîné une période d’arrêt de travail conséquente, une somme de 500 euros lui sera allouée à titre de dommages et intérêts de ce chef.

Le jugement qui a rejeté la demande à ce titre sera infirmé sur ce point.

6 : Sur l’exécution déloyale du contrat de travail

Au visa des articles L.1222-1 et L.1121-1 du code du travail qui disposent, d’une part, que le contrat de travail est exécuté de bonne foi et, d’autre part, que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché, le salarié se prévaut d’une exécution déloyale du contrat.

Cependant, alors qu’il n’explicite pas le manquement qu’il impute à son employeur de ce chef et ne justifie ni de la réalité ni de l’étendue du préjudice pouvant en résulter, l’appelant verra sa demande à ce titre rejetée.

Le jugement sera confirmé de ce chef.

7 : Sur la rupture de la relation de travail et ses conséquences financières

7.1 : Sur la qualification de la rupture

Au regard de la cessation de la relation de travail le 1er avril 2019, la requalification des contrats à durée déterminée d’usage en contrat à durée indéterminée ouvre droit pour le salarié, faute d’existence d’une lettre de rupture énonçant les motifs de celle-ci, à une indemnité compensatrice de préavis, aux congés payés afférents, à une indemnité de licenciement ainsi qu’à une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ou nul, le cas échéant.

Par ailleurs, il ressort des articles L.1226-7 à L.1226-9 et L1226-13 du code du travail que la rupture du contrat qui intervient à l’initiative de l’employeur pendant la période de suspension pour accident du travail est nulle si elle ne repose pas sur l’un des deux motifs prévus par la loi, à savoir une faute grave du salarié ou l’impossibilité, établie par l’employeur, de maintenir le contrat pour un motif non lié à cet accident.

Au cas présent, l’employeur a cessé de fournir du travail à M. [X] le 1er avril 2019 alors que le contrat de travail de celui-ci se trouvait suspendu en raison de son arrêt consécutif à l’accident du travail subi le 13 janvier précédent. Or, aucune faute grave ou impossibilité de maintenir le contrat pour un motif non lié à cet accident n’est établie.

Dès lors, la rupture de la relation de travail s’analyse en licenciement nul.

Le jugement, qui a considéré que la rupture de la relation de travail s’analysait en licenciement sans cause réelle et sérieuse, sera infirmé de ce chef.

7. 2 : Sur les conséquences financières de la rupture

7.2.1 : Sur l’indemnité de préavis et les congés payés afférents

Au regard du salaire à temps complet que M. [X] aurait dû percevoir s’il avait continué de travailler, la somme de 8.670,97 euros lui sera accordée au titre de son indemnité de préavis de deux mois, outre 867,10 euros de congés payés afférents.

Le jugement sera confirmé sur le principe de cette indemnité mais infirmé sur son montant.

7.2.2 : Sur l’indemnité de licenciement

L’article 4.6 de la convention collective applicable prévoit que, à partir d’un an d’ancienneté, compte tenu des particularités de leur carrière, les artistes percevront, en cas de licenciement pour motif personnel et, en particulier, en cas de licenciement tel qu’il est prévu aux points 4.5.1, 4.5.2, sauf faute grave ou lourde, une indemnité de licenciement, qui remplacera toute autre indemnité, notamment légale, calculée comme suit :

-pour une ancienneté supérieure ou égale à 1 an et inférieure à 7 ans : 1/4 de mois par année ;

-à partir de 7 ans d’ancienneté : 1/4 + 1/15 de mois par année d’ancienneté.

Sur la base d’un salaire de référence de 4.335,49 euros, la somme de 23.372,04 euros sera allouée au salarié de ce chef.

Le jugement sera confirmé sur le principe de cette indemnité mais infirmé sur son montant.

7.2.3 : Sur les dommages et intérêts pour licenciement nul

En l’absence de démonstration par le salarié d’un préjudice justifiant l’allocation d’un montant supérieur au minimum de six mois, la somme de 26.013 euros lui sera allouée à titre d’indemnité pour licenciement nul.

Le jugement sera infirmé en ce qu’il alloue une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et complété par l’allocation d’une indemnité pour licenciement nul.

8 : Sur la diffamation

Aux termes de l’article 41 alinéa 4 de la loi du 29 juillet 1881 ne donneront lieu à aucune action en diffamation, injure ou outrage, ni le compte rendu fidèle fait de bonne foi des débats judiciaires, ni les discours prononcés ou les écrits produits devant les tribunaux. Pourront néanmoins les juges, saisis de la cause et statuant sur le fond, prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires, et condamner qui il appartiendra à des dommages-intérêts.

Le salarié fait valoir que, dans les conclusions de son contradicteur, il est accusé à tort d’attouchements sexuels, faits susceptibles de relever d’une qualification pénale.

Cependant, alors que les faits reprochés, que le salarié ne conteste pas réellement et qu’il a lui-même introduits dans le débat judiciaire en évoquant la sanction disciplinaire consécutive à ceux-ci peuvent parfaitement s’analyser en attouchements sexuels, la demande indemnitaire à ce titre ne pourra qu’être rejetée.

Le jugement du conseil qui n’était pas saisi de cette demande sera complété en ce sens.

9 : Sur les intérêts

Conformément aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil, les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation, du jugement pour les créances indemnitaires confirmées et du présent arrêt pour le surplus.

La capitalisation, qui est de droit, sera ordonnée.

10 : Sur la remise des documents de fin de contrat

Il convient de condamner la société Le Paradis latin à remettre à M. [X] des bulletins de paie conformes à la présente décision dans les quinze jours de la signification du présent arrêt, cette remise étant de droit.

La demande d’astreinte sera en revanche rejetée.

11 : Sur les demandes accessoires

Le jugement sera confirmé sur les dépens et les frais irrépétibles.

L’employeur, partie essentiellement perdante en appel, supportera également les éventuels dépens engagés dans ce cadre ainsi qu’une somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

La cour :

– Confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Paris du 19 janvier 2021 sauf en ce qu’il rejette la demande de requalification en temps plein et de rappel de salaire subséquente, de complément de salaire pendant l’arrêt de travail, de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, de nullité du licenciement et d’indemnité subséquente, qu’il alloue une demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ainsi que sur le montant de l’indemnité de requalification, de préavis, les congés payés afférents et de l’indemnité de licenciement et l’infirme de ces chefs ;

Statuant à nouveau et y ajoutant :

– Ordonne la requalification du contrat de travail à durée indéterminée du 2 octobre 2000 en temps plein ;

– Condamne la SA Le Paradis latin à payer à M. [C] [X] la somme de 70.715,98 euros à titre de rappel de salaire du fait de cette requalification, outre 7.071,59 euros de congés payés ;

– Condamne la SA Le Paradis latin à payer à M. [C] [X] la somme de 4.335,49 euros à titre d’indemnité de requalification ;

– Condamne la SA Le Paradis latin à payer à M. [C] [X] la somme de 5.344,52 euros, outre 534,45 euros de congés payés à titre de rappel de salaire pendant l’arrêt consécutif à un accident du travail ;

– Condamne la SA Le Paradis latin à payer à M. [C] [X] la somme de 500 euros de dommages et intérêts pour manquement de l’employeur à son obligation de sécurité ;

– Juge que la rupture de la relation de travail s’analyse en licenciement nul ;

– Condamne la SA Le Paradis latin à payer à M. [C] [X] la somme de 8.670,97 euros sera accordée au titre de son indemnité de préavis de deux mois, outre 867,10 euros de congés payés afférents ;

– Condamne la SA Le Paradis latin à payer à M. [C] [X] la somme de 23.372,04 euros d’indemnité conventionnelle de licenciement ;

– Condamne la SA Le Paradis latin à payer à M. [C] [X] la somme de 26.013 euros d’indemnité pour licenciement nul ;

– Rejette la demande de dommages et intérêts pour conclusions diffamatoires ;

– Rappelle que les intérêts au taux légal courent sur les créances salariales à compter de l’accusé de réception de la convocation de l’employeur devant le bureau de conciliation, du jugement pour les créances indemnitaires confirmées et du présent arrêt pour le surplus;

– Ordonne la capitalisation des intérêts ;

– Condamne la SA Le Paradis latin à remettre à M. [C] [X] des bulletins de paie conformes à la présente décision dans les quinze jours de sa signification ;

– Rejette la demande d’astreinte ;

– Condamne la SA Le Paradis latin à payer à M. [C] [X] la somme de 1.500 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamne la SA Le Paradis latin aux dépens.

La greffière Le président

 


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