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REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 9
ARRÊT DU 17 MAI 2023
(n° , 12 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/09470 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAUDM
Décision déférée à la Cour : Jugement du 5 Juin 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° F18/05120
APPELANTE
Madame [S] [C]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Xavier SAUVIGNET, avocat au barreau de PARIS
INTIMÉE
ASSOCIATION CARAVAGUE
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 8 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant M. Philippe MICHEL, président, chargé du rapport, et M. Fabrice MORILLO, conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Philippe MICHEL, président de chambre
M. Fabrice MORILLO, conseiller
Mme Nelly CHRETIENNOT, conseillère
Greffier : Mme Pauline BOULIN, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire
– mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, prorogé à ce jour.
– signé par Monsieur Philippe MICHEL, président et par Madame Pauline BOULIN, greffier à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
RAPPEL DES FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Selon un contrat de travail à durée déterminée d’usage du 8 février 2018, l’association Caravague a engagé Mme [S] [C] en qualité de comédienne pour 11 représentations de la pièce Un rapport sur la banalité de l’amour de [D] [I] au Festival d'[Localité 5] du 6 au 29 juillet 2018, moyennant un salaire de 53 euros brut par service de répétition du 28 mai au 1er juin 2018 et un cachet de 80 euros brut par représentation.
Le contrat prévoyait également que Mme [C] bénéficierait d’une priorité exclusive pour les tournées 2018/ 2019 obtenues grâce au Festival d'[Localité 5] 2017, et une répartition équitable entre les deux artistes qui auront joué pendant le Festival d'[Localité 5] 2018 pour les tournées 2019/2020 (Mme [C] ayant initialement sollicité une alternance).
Les relations contractuelles de travail entre les parties étaient régies par la convention collective des entreprises artistiques et culturelles du 1er janvier 1984.
L’association emploie habituellement moins de 11 salariés.
Le 6 avril 2018, Mme [C] a informé le metteur en scène de sa grossesse.
Par lettre recommandée en date du 15 juin 2018, après plusieurs échanges de mails entre les parties, l’association a notifié à Mme [C] la rupture de son contrat de travail aux motifs que « de nombreux éléments du texte et de la mise en scène de la pièce Un rapport sur la banalité de l’amour rendent impossible que le rôle principal féminin [P] [H] soit joué par une femme enceinte de cinq mois » et que le spectacle n’est plus assurable en raison des exclusions des garanties des risques liés à l’état de grossesse d’une artiste prévues par les contrats d’assurance.
Invoquant une discrimination en raison de son état de grossesse, Mme [C] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris, le 9 juillet 2018, afin de l’entendre :
– Condamner l’association Caravague à lui verser les sommes suivantes :
° 5 563,2 euros net de CSG-CRDS (6 mois de salaires) à titre de dommages et intérêts,
° 5 000 euros à titre de dommages et intérêts,
° 1 000 euros net de dommage et intérêts pour préjudice de notoriété,
° 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral découlant d’un harcèlement moral discriminatoire,
° 1 289,52 euros bruts à titre de rappel de salaires,
° 400 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
° 927 euros de dommages et intérêts pour remise tardive de documents Pôle Emploi conformes,
– Ordonner la réintégration de l’abattement de 25% dans l’assiette des cotisations en juin 2017, juin et juillet 2018, ainsi que la remise des certificats de congés spectacles,
– Ordonner la remise de l’attestation d’employeur destinée au Pôle Emploi, de bulletins de paie, d’un certificat pour la caisse des congés payés pour toutes les périodes concernées,
le tout sous le bénéfice de l’exécution provisoire.
L’association a conclu au débouté de Mme [C] et à la condamnation de cette dernière à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 5 juin 2019, le Conseil de Prud’hommes de Paris a constaté que l’association s’engageait à verser à Mme [C] la somme de 330 euros au titre des quatre dates de tournées prévues et l’a condamnée au paiement de cette somme en tant que besoin, a débouté Mme [C] du surplus de ses demandes, et a condamné l’association aux dépens.
Le 25 septembre 2019, Mme [C] a interjeté appel de ce jugement notifié le 30 août 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 décembre 2022, Mme [C] demande à la cour de :
– Dire que le salaire brut mensuel de référence est égal à 927 euros,
– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a constaté que l’association s’engage à lui verser la somme de 330 euros au titre des quatre dates de tournées prévues et a condamné, en tant que besoin, celle-ci au paiement de cette somme ainsi qu’aux dépens,
– Infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée du surplus de ses demandes,
– Condamner l’association Caravague à lui verser la somme de 20 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral découlant du harcèlement discriminatoire,
– Juger que la rupture anticipée du contrat de travail est discriminatoire,
en conséquence,
– Prononcer l’annulation de cette rupture,
– Condamner la société à lui verser les sommes suivantes :
° 22 252,08 euros net de CSG-CRDS de dommages et intérêt au titre du caractère discriminatoire de la rupture (deux ans de salaire de référence),
En tout état de cause,
° 8 000 euros nets de CSG-CRDS de dommages et intérêts au titre de la rupture anticipée du contrat de travail (article L.1243-4 du Code du travail),
° 3 000 euros au titre de son préjudice lié à l’utilisation de son image par l’employeur après la rupture,
° 5 000 euros au titre de son préjudice de notoriété ;
° 265 euros bruts au titre de rappel de salaires,
° 1 041,02 euros nets au titre de dommages et intérêts pour remise tardive de documents Pôle emploi conformes et pour négligence délibérée,
° 3 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile.
– Ordonner la remise de bulletins de paie et de tous documents sociaux rectifiés, notamment l’attestation destinée à Pôle emploi et la remise des certificats de congés spectacles pour toutes les périodes concernées,
– Débouter l’association de toutes ses fins, prétentions et demandes reconventionnelles.
Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 23 mars 2020, l’association Caravague demande à la cour de confirmer le jugement en toutes ses dispositions, et en conséquence, de débouter Mme [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions et de la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
A titre subsidiaire, au cas où le licenciement serait considéré comme nul, l’association demande d’octroyer à Mme [C] une indemnité égale à la somme de 1 589,40 euros.
L’instruction a été clôturée le 24 janvier 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 8 février 2023.
MOTIFS
Sur le complément de salaire
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a constaté que l’association s’engageait à verser à Mme [C] la somme de 330 euros au titre des quatre dates de tournées prévues et qu’il a, en tant que de besoin, condamné celle-ci au paiement de cette somme, les parties s’accordant sur ce point.
Sur la discrimination
Aux termes de l’article L.1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut être écartée d’une procédure de recrutement ou de l’accès à un stage ou à une période de formation, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire, directe ou indirecte, telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, notamment en matière de rémunération, au sens de l’article L.3221-3, de mesures d’intéressement ou de distribution d’actions, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat en raison de son origine, de son sexe, de ses m’urs, de son orientation sexuelle, de son âge, de sa situation de famille ou de sa grossesse, de ses caractéristiques génétiques, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation ou une race, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales ou mutualistes, de ses convictions religieuses, de son apparence physique, de son nom de famille ou en raison de son état de santé ou de son handicap.
L’article L.1134-1 du code du travail prévoit qu’en cas de litige relatif à l’application de ce texte, le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe ou indirecte telle que définie par l’article 1er de la loi n° 2008-496 du 27 mai 2008, au vu desquels il incombe à l’employeur de prouver que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.
Mme [C] invoque deux éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination, à savoir, en premier lieu, un harcèlement discriminatoire en vue de la forcer à la rupture du contrat de travail et, en second lieu, la rupture anticipée du contrat de travail liée à l’état de grossesse.
Sur le harcèlement discriminatoire, Mme [C] fait valoir que M. [A] n’a pas hésité à informer les producteurs et comédiens de sa grossesse, sans la consulter auparavant, en violation du respect de sa vie privée, qu’il n’a eu de cesse de lui expliquer les prétendues raisons pour lesquelles son maintien dans l’emploi n’aurait plus été possible, tout en prétendant avoir le plus grand souci de sa santé, la déstabilisant ainsi, qu’il a maintenu un climat anxiogène et intimidant en voyant qu’elle n’acceptait pas de rompre le contrat, et qu’il est monté d’un cran dans les pressions exercées sans se cacher de son souhait de la voir partir, dans son mail du 9 mai 2018. Elle relève également qu’elle a été progressivement mise à l’écart de l’association et de la pièce, comme le montre le choix unilatéral de l’employeur de lui retirer son statut « d’administrateur » de la page Facebook de la pièce Un rapport sur la banalité de l’amour dans laquelle elle a un rôle essentiel.
Elle produit :
– des échanges de SMS du 8 avril 2018 dans lesquels elle reproche à M. [A] d’avoir annoncé sa grossesse à des tiers sans la consulter alors qu’une telle annonce est prématurée à ce stade de la grossesse et surtout lui incombe à titre personnel,
– un mail du 15 avril 2018 émanant du service de sécurité du réseau social Facebook l’informant qu’elle n’est plus administrateur de la pièce Un rapport sur la banalité de l’amour,
– un mail de M. [A] du 16 avril 2018 libellé comme suit (extraits) :
« Bonjour [S],
Suite à mon message je voudrais préciser un certain nombre de choses.
Comme je te l’ai dit mon message, je comprends et respecte ta volonté de ne pas parler de ta grossesse sur un plan amical et privé (même si ce n’est quand même pas une maladie honteuse mais une bonne nouvelle). Mais il se trouve que j’ai une échéance avec la reprise de la pièce au festival et que cette année encore j’investis énormément. C’est une gigantesque prise de risque personnel ainsi que pour la compagnie. Mais je ne suis pas seul dans cette aventure, [J] est toujours coproducteur de la pièce, très impliqué dans cette reprise à [Localité 5], il est tout à fait normal que je partage avec lui toutes les informations liées à cette reprise. Lorsque tu m’as annoncé que tu étais enceinte, comme tu as pu le sentir, j’étais très heureux pour toi car tu l’espérais et l’attendais. J’ai en revanche été très surpris que tu envisages malgré tout de jouer à [Localité 5], apparemment sans te poser la question, ni pour toi et ta santé, mais aussi concernant la viabilité du spectacle. Tu sais aussi bien que moi qu’il s’agit d’une première grossesse tardive. Tu sais aussi – et Dieu sait que tu me l’as souvent dit – à quel point le rôle d'[P] [H] est un rôle extrêmement lourd et prenant intérieurement et aussi physiquement’ j’avoue d’ailleurs que j’avais été très surpris que tu acceptes de jouer en parallèle de ce rôle, un rôle tout aussi lourd dans la même journée (d’ailleurs tu m’avais pas consulté et tu m’avais mis devant le fait accompli). Tu connais bien les conditions d'[Localité 5]’ la chaleur, l’exiguïté du plateau et des coulisses, la rapidité de changement entre les scènes’ tu sais que c’est déjà une épreuve quand tout va bien… donc enceinte de quatre mois passés”’
Il y a bien sûr un autre problème’ chaque femme est différente et très probable que physiquement ça se voit (en tout cas, c’est un risque imprévisible) et c’est bien sûr inimaginable qu’il y ait la moindre ambiguïté avec le personnage d'[P] (et les tenues de 1930 n’aident pas). Enfin, il est totalement impossible de refaire garde-robe pour des raisons financières évidentes !…
(…)
Il me semblerait vraiment déraisonnable que tu joues au Festival d'[Localité 5] cette année – en premier lieu pour toi ! et aussi pour les risques ce que cela implique pour le spectacle (compte-tenu de l’équilibre financier précaire et du respect du public, on ne peut pas se permettre d’annuler une représentation au dernier moment parce que tu as un malaise et surtout tu ne peux absolument pas savoir comment tu te sentiras début juillet). Enfin c’est une énorme responsabilité pour moi si tu avais le moindre problème en jouant cette pièce.
(…) »
-son mail de réponse du 27 avril 2018 rédigé comme suit (extraits) :
« Après réflexion je pense maintenir mon contrat signé en février 2018 pour le festival d'[Localité 5]. Je souhaite assurer mon rôle de [P] [H] dans le spectacle Un rapport sur la banalité de l’amour. Tu comprendras très bien, j’imagine, que ne pas jouer me priverait d’un nombre significatif de cachets et des droits l’intermittence d’autant plus importants compte tenu de ma grossesse.
– le mail de M. [A] du 9 mai 2018 libellé comme suit (extraits) :
« j’ai bien reçu ton mail. Suite à mon message personnel et amical, tu me fais une réponse d’employée à employeur. Je dois dire avoir été assez surpris que ta préoccupation principale soit l’assurance d’avoir un certain nombre de cachets et non pas l’intérêt artistique du rôle. Et vu la manière dont tu abordes la situation, je vais te répondre sur le même plan et de revenir sur certains points précis, y compris ce contrat que tu as signé.
D’abord si le contrat ne te convient pas, tu as droit de le rompre. Mais c’est un contrat que tu as signé en toute liberté et en connaissance de cause en acceptant tout son contenu.(…)
Concernant ce même contrat, il y a plusieurs points importants dans l’article 8 dont il faut que tu sois bien consciente :
L’artiste s’engage en outre à ne porter une modification de son apparence physique son accord exprès du metteur en scène et du producteur.
L’artiste s’engage à participer, si les besoins de la mise en scène le nécessitent, à la manipulation du décor et des accessoires sans qu’il ne puisse prétendre à une rémunération supplémentaire.
Les costumes seront fournis par le producteur et resteront sa propriété. L’artiste devra en aucun cas modifier les costumes bijoux ou accessoires qui lui seront confiées.
Comme je te l’ai dit, il est impossible que [P] [H], personnage historique, puisse de quelque manière que ce soit paraître enceinte dans cette pièce. Je te rappelle que, dans la première scène, elle est censée avoir 18 ans. À presque cinq mois de grossesse, cela commence à se voir et même parfois beaucoup et c’est une inconnue jusqu’au dernier moment or tu sais très bien que c’est impossible d’attendre le 1er juillet pour prendre une décision. Compte tenu de la ligne de la ligne des vêtements 1930, cela ne peut absolument pas se camoufler (et bien évidemment d’autant plus à la scène 2, en nuisette courte et nudité partielle en sortant du lit). La compagnie ne peut pas assumer financièrement de refaire les costumes ou même de les adapter étant donné que vous êtes 2 comédiennes sur ce rôle (la 2ème ayant été choisie en fonction de la taille des costumes).
Il y a aussi l’aspect physique de la pièce beaucoup d’étreinte passionnée je pense que cela sera difficile si nous devons faire attention à chaque mouvement, chaque contact, de garder l’intensité du propos et la crédibilité de la relation.
Enfin, quant aux manipulations des décors et accessoires, elles sont incontournables compte tenu du rythme du festival et de l’enchaînement des spectacles. Il faut donc être certain que tu puisses participer au montage démontage, porter des éléments de décor, accessoires et ranger les costumes, et ce dans le temps imparti (15 minutes avant, 10 minutes) après afin de ne pas retarder les spectacles qui suivent. L’année dernière à quatre personnes c’était déjà très juste et très intense. Donc nous ne pouvons absolument pas se passer de ta participation cette année.
Compte tenu de tous ces éléments, il semble évident que ta grossesse empêche d’assurer ce rôle matière optimal, tant au niveau de l’apparence physique, du jeu qu’au niveau des contraintes techniques du spectacle.
Tous ces éléments, s’ils venaient à être modifiés, touchent à l’intégrité du spectacle, la mise en scène et au sujet même de la pièce.
Enfin que se passe-t-il si tu as un malaise qui t’empêches de jouer et que soyons obligés d’annuler une voire plusieurs représentations. Je me suis renseigné auprès de l’assurance garantie annulation spectacle de la compagnie et la grossesse est un cas d’exclusion. Que compte tu proposer à la compagnie pour éviter ce risque ‘
De plus, c’est une responsabilité vis-à-vis de la Luna, des professionnels qui viennent voir ce spectacle et même du public.
Dans l’intérêt de tout le monde, le tien, ta grossesse, le spectacle, son avenir, il semblerait vraiment raisonnable que tu renonces à [Localité 5] et que tu reprennes la tournée dès que tu as fini ton congé maternité et que tu le souhaites. Je suis bien évidemment ouvert pour discuter des modalités de la suite ».
Sur la rupture anticipée du contrat de travail lié à l’état de grossesse, elle se réfère à la lettre du 15 juin 2018 rédigée dans les termes suivants :
« De nombreux éléments essentiels du texte et de la mise en scène de la pièce « Un rapport sur la banalité de l’amour » rendent impossible que le rôle principal féminin [P] [H] soit joué par une femme enceinte de cinq mois. [P] [H] est un personnage historique qui n’a jamais été enceinte et qui était d’un physique très filiforme dans sa jeunesse Dans la 1ère scène, la comédienne est censée être une toute jeune fille de 17 ans. Dans la 2ème scène la comédienne sort nue d’un lit et traverse la scène avec le buste totalement dénudé.
Les quatre premières scènes (sur cinq) se passent entre 1925 et 1933 (soit un personnage qui a entre 17 et 25 ans) avec des costumes d’époque qui ont une ligne extrêmement droite et ajustée. Il est impossible que ce type de costume dissimule quoi que ce soit de la grossesse de la comédienne et il n’est pas envisageable de les modifier dans leur aspect général de par leur véracité historique. Il y a de nombreux rapports physiques très intenses, sensuels et amoureux entre les deux personnages. La crédibilité de ce lien n’est pas possible si ce rôle est joué par une comédienne enceinte de 5 mois. Enfin l’intégrité du texte, de la mise en scène, le propos historique et les questionnements de la pièce sont totalement incompatibles avec le fait que le personnage principal féminin puisse avoir de quelque manière que ce soit une apparence de femme enceinte ou même que le spectateur puisse s’interroger à ce propos. Enfin, d’un point de vue administratif, dans la garantie annulation spectacle que la compagnie souscrit pour le festival d'[Localité 5], la grossesse, pathologique ou non, est un cas d’exclusion des garanties. Cela veut dire qu’avec une femme enceinte sur le plateau, le spectacle n’est plus assurable et le risque est à 100% à la charge de la compagnie, ce que la compagnie ne peut assumer. »
Elle soutient, en premier lieu, que les motifs avancés par l’association Caravague ne sont pas des éléments objectifs étrangers à une discrimination car ils sont tous liés à son état de grossesse, et rappelle, en second lieu, qu’en cas de désaccord entre l’employeur et la salariée ou lorsque le changement intervient à l’initiative de l’employeur, seul le médecin du travail peut établir la nécessité médicale du changement d’emploi et l’aptitude de la salariée à occuper le nouvel emploi envisagé, en vertu de l’article L.1257-7 du Code du travail
Ainsi, Mme [C] présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’une discrimination directe liée à son état de grossesse.
L’association Caravague réplique que la teneur des mails échangés entre le 16 avril et le 14 juin 2018 ne peut caractériser un harcèlement discriminatoire.
Cela étant, l’article L. 1133-1 du code du travail dispose : « L’article L. 1132-1 ne fait pas obstacle aux différences de traitement lorsqu’elles répondent à une exigence professionnelle essentielle et déterminante et pour autant que l’objectif soit légitime et l’exigence proportionnée ».
Les métiers du spectacle fondés sur l’apparence physique des artistes font assurément partie des secteurs d’activité pour laquelle cette disposition a vocation à s’appliquer.
En l’espèce, la pièce Un rapport sur la banalité de l’amour met en scène les relations amoureuses entre les philosophes Martin Heidegger et celle qui fut son étudiante, [P] [H].
Ainsi, en raison de l’argument de la pièce et de la célébrité des personnages représentés, le metteur en scène, M. [E] [A], était légitime à vouloir préserver, dans le cadre d’une ‘uvre de fiction inspirée d’une situation réelle, la fidélité historique du propos par, d’une part, la conformité de l’apparence physique de la comédienne – apparaissant au surplus partiellement dénudée dans une scène – à celle du personnage féminin connue pour avoir été filiforme et pour ne pas avoir eu d’enfant, et d’autre part, le respect de la mode vestimentaire de l’époque à laquelle l’intrigue de la pièce est censée se dérouler.
L’exigence professionnelle du metteur en scène était ainsi essentielle et déterminante car destinée à garantir la vraisemblance historique et la crédibilité de la pièce, comme cela est confirmé par la clause du contrat de travail, librement acceptée par Mme [C], aux termes de laquelle la comédienne s’engageait à ne porter aucune modification physique à son apparence. Elle est proportionnée à l’objectif légitime poursuivi, à savoir garantir l’intégrité de la pièce telle que montée et précédemment présentée au public, d’autant que la participation au festival off d'[Localité 5] avait pour but de montrer le spectacle à des professionnels susceptibles de le commander et qui devaient s’attendre à ce que la pièce jouée dans le cadre des tournées soit conforme à celle qui leur avait été montrée, dans l’intégralité de ses scènes comme dans le choix des costumes.
L’exigence du metteur en scène résultait d’un seul concours de circonstances entre le stade de la grossesse de la comédienne et les dates du Festival d'[Localité 5] et ne portait que sur les représentations prévues pour ce festival sans remettre en cause, d’après les mails échangés entre les parties, la priorité accordée contractuellement à la comédienne pour les tournées 2019/2020 obtenues grâce au festival, préservant ainsi l’apport de celle-ci au personnage d'[P] [H] tel qu’elle l’avait précédemment joué.
Les modifications de costume et du déroulé de la scène de dénudé sollicitées par Mme [C] ne peuvent pas être considérées comme des mesures destinées à adapter le poste de travail à la salariée enceinte. En effet, elles ne changeaient pas les conditions d’emploi de la comédienne puisque les exigences professionnelles liées à l’interprétation d’un des deux seuls personnages de la pièce au cours de plusieurs représentations en public restaient identiques. Elles touchaient uniquement des choix de mise en scène qui appartenaient à la liberté artistique du seul metteur en scène.
L’argument avancé par Mme [C] sur la différence entre l’âge des comédiens et celui des personnages interprétés qui rendrait injustifié, selon elle, l’argument de la discordance entre l’apparence physique d’une femme enceinte et celle d'[P] [H] opposé par l’association Caravague touche, là encore, aux choix artistiques du metteur en scène.
Par ailleurs, les échanges de mails entre Mme [C] et M. [A] ne caractérisent, ni par leur contenu, ni par leurs fréquences, un harcèlement discriminatoire de la part du metteur en scène, ce dernier tentant simplement d’expliquer à la comédienne en quoi la transformation de son apparence physique en lien avec son état de grossesse rendait, selon lui, impossible la tenue du rôle par celle-ci et de la convaincre de la pertinence de sa position au regard de ses choix artistiques.
Ainsi, au vu de l’ensemble des éléments ci-dessus, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [C] de ses demandes relatives à la discrimination.
Sur la rupture du contrat de travail
Selon l’article L. 1225-4 du code du travail, aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes. Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement.
Aux termes de l’article L.1243-1 du code du travail, sauf accord des parties, le contrat de travail à durée déterminée ne peut être rompu avant l’échéance du terme qu’en cas de faute grave, de force majeure ou d’inaptitude constatée par le médecin du travail.
Sur le fondement de ces deux textes, Mme [C] soutient que son licenciement est nul en ce que le motif invoqué est uniquement lié à son état de grossesse, en contradiction avec la prohibition de l’article L.1225-4, et qu’un tel événement ne peut être considéré comme un cas de force majeure au sens des articles L.1243-1 du code du travail et 1218 du code civil, d’abord, parce qu’il n’était pas énuméré dans la liste des cas de force majeure figurant au contrat de travail, ensuite, parce qu’il n’était pas imprévisible en raison de son âge (39 ans) mais au contraire attendu, comme l’a reconnu M. [A] dans un message du 16 avril 2018 (« J’étais très heureux pour toi car je sais que tu l’attendais et l’espérais ») encore ensuite, parce qu’il n’avait pas de caractère irrésistible comme tente de le faire croire l’association Caravague en invoquant l’exclusion de garantie d’annulation du spectacle en raison de la grossesse d’une des comédiennes prévue au contrat d’assurance alors, au surplus, que le risque financier d’une telle annulation pouvait être supporté par l’employeur et enfin, parce qu’il n’était pas extérieur au contrat.
Elle ajoute que la clause contractuelle selon laquelle la comédienne s’engage à ne porter aucune modification à son apparence physique ne s’applique qu’à des modifications volontaires d’aspect de la personne, comme la coupe et la couleur des cheveux, mais ne peut s’étendre à l’état de grossesse.
L’association Caravague réplique que la rupture du contrat de travail de Mme [C] repose sur un cas de force majeure, à savoir l’impossibilité d’assurer son spectacle en raison des exclusions de garanties imposées par les assurances en cas de grossesse d’une artiste.
Cela étant, dans le cadre d’un contrat de travail à durée déterminée d’usage conclu pour un nombre limité de représentations théâtrales reposant, comme tout spectacle vivant, sur l’apparence physique des artistes et s’inscrivant dans un événement artistique ponctuel à dates fixes ne pouvant être reportées, en l’espèce le Festival d'[Localité 5] auquel l’employeur avait décidé de participer, l’état avancé de la grossesse de la comédienne tenant un des deux seuls rôles de la pièce qui emportait une modification de l’apparence physique de l’intéressée à ces dates doit être considéré comme un événement imprévisible.
La discordance de morphologie entre la comédienne enceinte et le personnage féminin historique qui devait être interprété lors du festival ainsi que l’impossibilité pour l’employeur de s’assurer contre l’ensemble des risques d’annulation des représentations en raison de l’exclusion de garantie imposée par les assureurs pour « les conséquences directes ou indirectes d’une grossesse qu’elle soit normale ou pathologique » caractérisent des circonstances insurmontables d’autant que, contrairement aux affirmations de Mme [C], l’association Caravague établit que les dépenses engagées pour sa participation au Festival off d'[Localité 5] se sont élevées à la somme de 31 756 euros, que le résultat financier de cette participation a été déficitaire de 9 941 euros, que l’annulation des spectacles aurait généré une perte de recettes de 14 794 euros s’ajoutant à ce déficit et qu’ainsi, elle ne pouvait supporter les conséquences d’annulations liées à des circonstances non couvertes par un contrat d’assurance.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [C] de ses demandes liées à une rupture anticipée du contrat de travail nulle.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice de notoriété
Mme [C] fait valoir qu’ayant été très remarquée comme en témoignent les critiques versées aux débats, son absence aura été difficilement compréhensible aux yeux du public comme aux yeux des professionnels, qui plus est sur un festival aussi connu que celui d'[Localité 5] qui est le festival de théâtre le plus important en France et qui permet à une artiste de renouveler sa visibilité et son réseau, de trouver de nouvelles occasions mais durant lequel elle s’est trouvée dans l’impossibilité de présenter son talent et ses compétences.
Toutefois, au delà de ses seules affirmations, Mme [C] ne rapporte pas la preuve d’un impact négatif sur sa carrière du fait de son absence aux onze représentations prévues pour le festival d'[Localité 5] alors que, comme remarqué par l’association Caravague, elle avait débuté sa carrière de comédienne depuis plusieurs années, et que comme affirmé par l’intéressée elle-même, elle avait déjà été saluée par la critique pour son rôle d'[P] [H] dans la pièce en question qu’elle avait joué durant cent cinquante représentations en 2013 et 2017.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [C] de sa demande en dommages et intérêts pour préjudice de notoriété.
Sur les dommages et intérêts pour préjudice lié à l’utilisation de l’image de l’appelante par l’employeur après la rupture
Mme [C] rappelle que, dans son contrat de travail, elle avait signé une cession de son droit à l’image sans contrepartie dès lors qu’elle pensait évidemment pouvoir jouer dans le spectacle, que le visuel de la communication de la pièce, décliné en affiches, flyers papier mais aussi diffusé sur des supports numériques (site de la Compagnie, site du festival [Localité 5]), était axé autour de son visage, très reconnaissable, et que ce n’est qu’à la suite de l’intervention de sa défenseure syndicale que l’employeur a accédé à sa demande de retirer son image de cette communication.
Elle soutient qu’elle a subi un préjudice spécifique en raison de la persistance de l’exposition de son visage alors qu’il lui était dit dans le même temps qu’elle ne jouerait plus ce spectacle au motif que son apparence physique menaçait « l’intégrité » de la pièce. Elle reproche au conseil de prud’hommes de ne pas avoir statué sur ce point, se contentant d’un débouté générique.
Mais, là encore, au delà de simples affirmations de principe, Mme [C] ne rapporte pas la preuve de l’existence d’un préjudice que lui aurait causé la poursuite de l’exploitation de son image le temps que l’association Caravague retire celle-ci de la communication de la pièce. Elle ne démontre pas davantage que la persistance de l’exposition de son visage contre sa volonté ait été déterminante dans des commandes des tournées de la pièce obtenues au cours de Festival d'[Localité 5] et qu’ainsi, l’association Caravague aurait tiré un bénéfice commercial de son image sans contre partie financière pour elle.
Le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [C] de sa demande en dommages et intérêts pour utilisation de son image.
Sur le rappel de salaire
Rappelant que l’article L. 3123-6 du Code du travail prévoit une obligation de détailler les horaires de travail en cas de temps partiel et qu’à défaut, le contrat est présumé être à temps plein, Mme [C] fait valoir que le contrat se contente de prévoir cinq jours de répétitions, du 28 mai au 1er juin 2018 inclus, sans remise de planning ni précision d’aucun horaire de sorte qu’elle est présumée avoir été embauchée à temps plein sur cette période de 5 jours, soit 2 services par jour.
L’association Caravague réplique que Mme [C] ne démontre pas avoir répété la pièce à hauteur de deux services par jour, soit 8 heures par jour, alors le spectacle était déjà rodé pour avoir été joué plus de 150 fois et que, dans son mail du 25 janvier 2018, le metteur en scène a indiqué très logiquement qu’il y aurait peu de répétitions.
Cela étant, il ressort des écritures des parties que, malgré la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée qui, de ce fait, n’a pas reçu exécution, l’association Caravague a rémunéré Mme [C] selon les dispositions contractuelles, à hauteur d’un cachet brut de 1 324,40 euros pour 11 représentations de la pièce (sujet non contesté par les parties) et pour cinq services de répétitions, à hauteur de 265 euros (53 € X 5).
Toutefois, si le contrat de travail précise le nombre de représentations (11 au total), il n’indique pas le nombre de répétitions se contentant d’indiquer « répétitions à prévoir sur la période du 28 mai au 1er juin 2018 ».
Ainsi, au delà de ses seules affirmations sur l’expérience de Mme [C] dans le rôle de la pièce, l’association Caravague ne rapporte pas la preuve du nombre de répétitions convenues entre les parties et donc de la durée exacte de travail de Mme [C] sur la période concernée.
Selon l’article XIII-2.3 de la convention collective des entreprises artistiques et culturelles, un service de répétition est d’une durée de 4 heures indivisible.
Dès lors, l’association Caravague s’étant engagée à rémunérer la comédienne selon les dispositions contractuelles indépendamment de la rupture du contrat de travail et faute d’indication du nombre de répétitions dans ce dernier, Mme [C] est légitime à réclamer un complément de rémunération sur la base d’un temps plein sur la période du 28 mai au 1er juin 2018.
L’association Caravague sera donc condamnée, par infirmation du jugement entrepris, à verser à Mme [C] un complément de rémunération de 265 euros brut correspondant à cinq répétitions supplémentaires conformes à un temps plein.
Sur les dommages et intérêts pour retard de remise d’une attestation Pôle Emploi conforme
Faisant valoir que l’article R. 1234-9 du Code du travail prévoit une remise « sans délai » de l’attestation Pôle Emploi à l’issue du contrat de travail et affirmant que la remise tardive (attestation pôle emploi, AEM, certificat de travail’) ou la remise de document non conformes cause généralement un préjudice au salarié que les juges doivent apprécier, Mme [C] fait valoir que, malgré la régularisation financière opérée par l’association Caravague, elle a reçu très tardivement, en 2019, des attestations Pôle Emploi non conformes, l’employeur ayant multiplié les erreurs malgré relances, ce qui bloquait ses droits et que ce n’est que le 7 mars 2019 que Pôle emploi a confirmé à l’employeur que le passé professionnel de sa salariée était à jour et que l’étude de ses droits a été rouverte au 9 mars 2019, soit trois semaines après la fin de son congé maternité.
Elle réclame donc la somme de 1 041,2 euros net à titre de dommages et intérêts, correspondant au différé d’indemnisation entre le 18 février 2019, date de fin de son congé maternité, et le 8 mars 2019, sur la base du taux journalier calculé par Pôle Emploi pour le mois de mars (19 jours à 54,81 euros bruts).
L’association Caravague réplique que la lecture des relevés de situation Pôle Emploi démontre bien que Mme [C] a perçu en temps et en heure ses allocations chômage sur la base de 54,81 euros par jour, à savoir :
– 2 jours en février 2019,
– 22 jours en mars 2019 car elle a travaillé 7 jours,
– 23 jours en avril 2019 car elle a travaillé 6 jours.
Cela étant, il résulte du relevé de situation daté du 29 mai 2019 produit par Mme [C] elle-même, que contrairement à ses affirmations, cette dernière a bien été prise en charge par Pôle emploi à compter du 18 février 2019 à l’issue de son congé de maternité. En effet, en page 2/2 du document, figure une rubrique sous la forme d’un encadré informant la salariée sur ses droits au 30/04/2019 dans laquelle il est écrit en première ligne :
« Indemnisation à l’Allocation d’Aide au Retour à l’Emploi depuis le 18/02/2019 : 47 allocations »).
Il apparaît de ce même relevé que Mme [C] a été indemnisée pour tout le mois de mars 2019, et non à compter du 9 comme elle le prétend, et que l’indemnisation de 22 jours sur les 31 que compte le mois qui lui a été versée s’explique par la prise en considération de 7 jours travaillés et de 2 jours de franchise de congés payés (22 + 7 + 2 = 31).
Les 47 jours d’indemnisation mentionnés en page 2/2 du document correspondent aux 22 jours indemnisés en mars 2019 et aux 23 jours en avril 2019, ce qui établit que Mme [C] a été indemnisée en février 2019 pour 2 jours de travail.
Toutefois, aucun élément ne permet de relier l’indemnisation partielle de Mme [C] pour février 2019 à un manquement de l’association Caravague dans la remise en temps et en heure d’une attestation Pôle emploi conforme, le relevé de situation de Pôle emploi de la salariée mentionnant bien une ouverture des droits à compter du 18 février 2019, comme déjà évoqué ci-dessus.
Il s’ensuit que Mme [C] ne peut se prévaloir d’aucun différé d’indemnisation de trois semaines du fait de la carence de l’association Caravague dans la remise en temps et en heure d’une attestation Pôle emploi conforme.
Elle pourrait simplement invoquer un préjudice causé par le retard de trois semaines pris dans son rétablissement dans l’intégralité de ses droits.
Or, elle ne rapporte pas la preuve du préjudice que lui aurait causé ce retard se contentant d’une pétition de principe en affirmant que la remise tardive d’une attestation destinée à Pôle emploi cause généralement un préjudice au salarié.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a débouté Mme [C] de sa demande en dommages et intérêts pour remise tardive des documents sociaux de fin de contrat.
Sur la remise des documents sociaux de fin de contrat
Compte-tenu des éléments ci-dessus, l’association Caravague sera condamnée à remettre à Mme [C] un bulletin de paie complémentaire portant sur le rappel de salaire pour répétitions.
Sur les frais non compris dans les dépens
Conformément aux dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, l’association Caravague sera condamnée à verser à Mme [C], accueillie sur un chef de demande, la somme de 1 200 euros au titre des frais exposés par l’appelante qui ne sont pas compris dans les dépens.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
CONFIRME le jugement entrepris, sauf en ce qu’il a débouté Mme [C] de ses demandes en rappel de salaire pour les répétitions du 28 mai au 1er juin 2018 et de remise de bulletin de paie conforme,
Statuant à nouveau sur ces seuls chefs de demandes,
DIT que le salaire mensuel brut de référence de Mme [C] dans le cadre du contrat de travail à durée déterminée du 8 février 2018 conclu avec l’association Caravague est de 927 euros,
CONDAMNE l’association Caravague à verser à Mme [C] un rappel de salaire brut de 265 euros pour la période du 28 mai au 1er juin 2018 incluse dans le contrat de travail à durée déterminée,
CONDAMNE l’association Caravague à remettre à Mme [C] un bulletin de paie complémentaire,
Y ajoutant,
CONDAMNE l’association Caravague à verser à Mme [C] la somme de 1 200 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE l’association Caravague aux dépens d’appel.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT