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ARRET
N°
[T]
C/
Société SOCIETE NATIONALE DE RADIO DIFFIUSION RADIO FRANCE
copie exécutoire
le 25 mai 2023
à
Me Cointe
Me Riou
CB/MR/SF
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
ARRET DU 25 MAI 2023
*************************************************************
N° RG 22/00090 – N° Portalis DBV4-V-B7G-IJ6V
JUGEMENT DU CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE D’AMIENS DU 19 OCTOBRE 2021 (référence dossier N° RG F 20/00257)
PARTIES EN CAUSE :
APPELANT
Monsieur [H] [T]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représenté par Me Marion COINTE, avocat au barreau d’AMIENS substituée par Me Agathe AVISSE, avocat au barreau D’AMIENS
ET :
INTIMEE
SOCIETE NATIONALE DE RADIO DIFFUSION RADIO FRANCE agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 1]
[Localité 3]
représentée par Me Jérôme LE ROY de la SELARL LEXAVOUE AMIENS-DOUAI, avocat au barreau d’AMIENS substitué par Me Alexis DAVID, avocat au barreau D’AMIENS, avocat postulant
concluant par Me Martine RIOU de la SCP COBLENCE AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant
DEBATS :
A l’audience publique du 30 mars 2023, devant Madame Corinne BOULOGNE, siégeant en vertu des articles 786 et 945-1 du code de procédure civile et sans opposition des parties, l’affaire a été appelée.
Madame Corinne BOULOGNE indique que l’arrêt sera prononcé le 25 mai 2023 par mise à disposition au greffe de la copie, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
GREFFIERE LORS DES DEBATS : Mme Malika RABHI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Madame Corinne BOULOGNE en a rendu compte à la formation de la 5ème chambre sociale, composée de :
Mme Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Mme Caroline PACHTER-WALD, présidente de chambre,
Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
qui en a délibéré conformément à la Loi.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 25 mai 2023, l’arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Mme Corinne BOULOGNE , Présidente de Chambre et Mme Malika RABHI, Greffière.
*
* *
DECISION :
M.[T] a été embauché par la société nationale de radio diffusion de Radio France le 28 février 2009 par contrat à durée déterminée à temps partiel pour une durée de 13 heures par semaine jusqu’au 1er mars 2009, en qualité d’opérateur de son.
Son contrat est régi par la convention collective de la communication et de la production audiovisuelle.
La société emploie plus de 10 salariés.
Puis à compter du 2 juin 2012 il a de nouveau été recruté à ce poste pour 6 jours, contrat qui s’est renouvelé jusqu’au 6 janvier 2014 pour 53 contrats successifs.
Il a été de nouveau embauché en contrat à durée déterminée le 2 septembre 2015 en qualité de technicien supérieur d’exploitation et de maintenance. S’en sont suivi 80 contrats à durée déterminée jusqu’au 2 juin 2019.
Sollicitant la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée et considérant qu’il avait été licencié sans cause réelle et sérieuse M. [T] a saisi le conseil de prud’hommes d’Amiens par requête du 27 juillet 2020.
Le conseil de prud’hommes d’Amiens par jugement du 19 octobre 2021, a :
– Dit que la demande de M. [T] au titre de la requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée n’est pas prescrite.
– Dit et jugé M. [T] recevable mais mal fondé en ses demandes
– Dit et jugé que les contrats à durée déterminée de M. [T] sont motivés et relèvent des cas de recours légaux de l’article L 1242-2 du code du travail
– Débouté M. [T] de sa demande de requalification de l’ensemble de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée.
– Dit et jugé que la rupture du contrat de travail de M. [T] est liée à l’échéance du terme du dernier contrat de travail à durée déterminée
En conséquence,
– Débouté M. [T] de toutes ses demandes indemnitaires
– Débouté les parties de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile
– Laissé les dépens de la présente instance à la charge de M. [T].
Le jugement a été notifié par le greffe à M. [T] le 22 octobre 2021 qui en a relevé appel le 6 janvier 2022.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 23 décembre 2022, M. [T] demande à la cour de :
Le dire recevable et bien-fondé en son appel
En conséquence,
Infirmer le jugement rendu par le conseil de prud’hommes d’Amiens en date du 19 octobre 2021 en ce qu’il a :
– Dit que sa demande au titre de la requalification des contrats de travail en contrat à durée indéterminée n’est pas prescrite,
– Dit et jugé recevable mais mal fondé en ses demandes,
– Dit et jugé que les contrats à durée déterminée sont motivés et relèvent des cas de recours légaux de l’article L.1242-2 du code du travail,
– Débouté de sa demande de requalification de l’ensemble de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée déterminée,
– Dit et juge que la rupture du contrat de travail est liée à l’échéance du terme du dernier contrat de travail à durée déterminée,
– Débouté de toutes ses demandes indemnitaires afférentes,
– Débouté les parties de leurs demandes respectives au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– Laissé les dépens de la présente instance à sa charge.
En conséquence,
II est demandé à la Cour de céans de :
Requalifier l’ensemble des contrats de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée pour non-respect de l’article L1242-1 du code du travail,
Condamner la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France à lui verser les sommes suivantes:
‘ A titre d’indemnité pour non-respect de la procédure: 2 361,16 euros
‘ A titre d’indemnité de licenciement: 4 132,03 euros
‘ A titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 28 333,92 euros
‘ A titre d’indemnité compensatrice de préavis: 4 722,32 euros
‘ A titre de congés payés sur préavis: 472,23 euros
En tout état de cause,
Condamner la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par conclusions communiquées par voie électronique le 20 décembre 2022 la Société Nationale de Radiodiffusion Radio France demande à la cour de :
Infirmer le jugement du conseil de prud’hommes en ce qu’il a écarté la prescription de la demande de requalification,
Par conséquent, déclarer prescrites la demande de requalification portant sur la période antérieure au 27 juillet 2018,
Confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions,
Par conséquent, débouter M. [T] de l’intégralité de ses demandes,
Subsidiairement,
En cas de requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, ordonner celle-ci à compter du 27 août 2018 si la prescription de I’ action en requalification est retenue et à compter du 2 septembre 2015 dans les autres hypothèses,
Déclarer prescrites les demandes de M. [T] afférentes à la rupture des relations contractuelles,
Par conséquent, le débouter de ses demandes relatives aux indemnités de rupture (indemnité de licenciement et indemnité de préavis, outre les congés payés afférents), à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à l’indemnité pour non-respect de la procédure,
A titre plus subsidiaire:
Le débouter de ses demandes au titre des indemnités de rupture (indemnité de licenciement et indemnité de préavis, outre les congés payés afférents), à l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et à l’indemnité pour non-respect de la procédure, M. [T] étant seul à l’origine de la rupture,
A titre encore plus subsidiaire:
– limiter l’indemnité de préavis à la somme de 3 895,20 euros bruts, outre 389,52 euros bruts de congés payés afférents,
– limiter l’indemnité pour non-respect de la procédure à la somme de 1 947,60 euros, cette indemnité ne pouvant, en tout état de cause, pas se cumuler avec l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– limiter l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de :
* 1 947,60 euros si l’ancienneté est fixée au 27 août 2018,
* 5 842,80 euros si l’ancienneté est fixée au 2 septembre 2015,
* 5 842,80 euros si l’ancienneté est fixée au 2 juin 2012,
En tout état de cause:
Condamner M. [T] à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
L’affaire a été plaidée à l’audience du 5 janvier 2023 et l’arrêt mis en délibéré pour au 2 mars 2023 par lise à disposition du greffe en application des dispositions de l’article 450 du code de procédure civile.
Par arrêt du 2 mars 2023 la cour a invité les parties à conclure sur le moyen de droit soulevé d’office en ce que l’appel avait été régularisé au-delà du délai d’un mois à compter de la notification du jugement.
M. [T] a communiqué des conclusions par voie électronique le 15 mars 2023.
La société n’a pas conclu à nouveau.
MOTIFS
Sur la recevabilité de l’appel
M. [T] rapporte que son appel est recevable car il avait régularisé une demande d’aide juridictionnelle le 9 novembre 2021 qui lui a été refusée par décision du 6 janvier 2022 ; qu’il a donc régularisé immédiatement un appel le jour même.
Il précise qu’en application de l’article 38 du décret du 27 décembre 2016 le point de départ du délai d’appel pour le demandeur à l’aide juridictionnelle est reporté au jour auquel le bureau d’aide juridictionnelle a rendu sa décision si bien que son appel est recevable.
La société n’a pas répliqué sur ce point.
Sur ce
L’article 43 du décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 relatif à l’application de la loi sur l’aide juridictionnelle dispose que « Sans préjudice de l’application de l’article 9-4 de la loi du 10 juillet 1991 susvisée et du II de l’article 44 du présent décret, lorsqu’une action en justice ou un recours doit être intenté avant l’expiration d’un délai devant les juridictions de première instance ou d’appel, l’action ou le recours est réputé avoir été intenté dans le délai si la demande d’aide juridictionnelle s’y rapportant est adressée ou déposée au bureau d’aide juridictionnelle avant l’expiration dudit délai et si la demande en justice ou le recours est introduit dans un nouveau délai de même durée à compter :
1° De la notification de la décision d’admission provisoire ;
2° De la notification de la décision constatant la caducité de la demande ;
3° De la date à laquelle le demandeur de l’aide juridictionnelle ne peut plus contester la décision d’admission ou de rejet de sa demande en application du premier alinéa de l’article 69 et de l’article 70 ou, en cas de recours de ce demandeur, de la date à laquelle la décision relative à ce recours lui a été notifiée;
4° Ou, en cas d’admission, de la date, si elle est plus tardive, à laquelle un auxiliaire de justice a été désigné.
Lorsque la demande d’aide juridictionnelle est présentée au cours des délais impartis pour conclure ou former appel ou recours incident, mentionnés aux articles 905-2, 909 et 910 du code de procédure civile et aux articles R. 411-30 et R. 411-32 du code de la propriété intellectuelle, ces délais courent dans les conditions prévues aux 2° à 4° du présent article.
Par dérogation aux premier et sixième alinéas du présent article, les délais mentionnés ci-dessus ne sont pas interrompus lorsque, à la suite du rejet de sa demande d’aide juridictionnelle, le demandeur présente une nouvelle demande ayant le même objet que la précédente. «
En l’espèce M. [T] a reçu signification du jugement le 22 octobre 2021, le délai pour régulariser appel expirait donc le 22 novembre 2021. Il avait toutefois déposé une demande d’aide juridictionnelle le 9 novembre 2021, pendant le délai d’appel. Le bureau a rejeté sa demande par décision du 6 janvier 2022 ce qui a fait courir le délai d’un mois à nouveau.
Sur l’exécution du contrat de travail
Sur la demande relative à la prescription de l’action en requalification du contrat de travail
La société Radio France soulève la prescription de l’action du salarié en son action en requalification soutenant qu’en vertu de l’article L 1471-1 du code du travail, que le délai pour engager cette action est de deux ans à compter du jour où celui qui a connu au aurait dû connaître les faits qui lui permettaient d’exercer son droit, que le salarié prétend que le premier contrat irrégulier était celui du 2 juin 2012, que l’ancienneté doit s’apprécier au jour de la conclusion du premier contrat, qu’en l’espèce les demandes pour la période antérieure au 27 juillet 2018 sont prescrites car le salarié a saisi le conseil de prud’hommes le 27 juillet 2020.
M. [T] ne réplique pas sur ce moyen.
Sur ce
L’article L1471-1 du code du travail édicte « Toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Le premier alinéa n’est toutefois pas applicable aux actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7 et L. 1237-14, ni à l’application du dernier alinéa de l’article L. 1134-5. »
Si l’action est fondée sur le motif de recours énoncé au contrat, le délai de prescription a pour point de départ le terme du contrat à durée déterminée ou, en cas de contrats à durée déterminée successifs, le terme du dernier contrat.
En l’espèce M. [T] sollicite la requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée fondée sur le fait que le motif invoqué pour l’embauche sous cette forme n’est pas justifié puisqu’il pourvoit à un besoin structurel de l’entreprise lié à une activité permanente et normale.
Le délai de prescription étant de deux ans l’action en requalification du contrat de travail débute en conséquence au dernier jour du dernier contrat à durée déterminée soit le 2 juin 2019 (contrat du 13 mai 2019).
Le salarié ayant saisi le conseil de prudhommes par requête du 27 juillet 2020, la demande n’est donc pas prescrite.
Sur la demande relative à la requalification du contrat de travail
M. [T] expose que le rapport de l’Igas sur lequel le conseil de prud’hommes s’est fondé pour le débouter démontre que Radio France a un besoin structurel de main d”uvre du fait de l’absentéisme et des congés, que la société a conclu 132 contrats à durée déterminée sur les mêmes fonctions et la même rémunération, que le premier contrat pour remplacer un opérateur son du 28 février au 1er mars 2009 a ensuite été suivi par un autre à compter du 2 juin 2009 puis par 53 contrats à compter du 3 janvier 2014 au 2 juin 2019.
Il rapporte que s’il a pris une année sabbatique en 2014, il a enchaîné 80 contrats à durée déterminée du 2 septembre 2015 jusqu’au 2 septembre 2019 toujours avec la même fonction et la même rémunération, l’évolution de la classification ne résultant que de la mise en place d’une convention collective de la communication et de la production audio-visuelle, qu’il est passé en 2017 de la fonction de technicien supérieur son à celui de technicien supérieur, qu’il était devenu un instrument de gestion du personnel pour pourvoir un emploi durable quand bien même la succession de contrats à durée déterminée était légale car il existe un besoin structurel d’opérateur son, qu’à son départ un autre salarié en contrats à durée déterminée a pris le relais.
Il argue que 97 contrats à durée déterminée ont été conclus avec l’antenne de France bleue Picardie et le reste avec la région Hauts de France, que pour autant il s’agit d’une même société qui est Radio France, que l’essentiel des contrats ont été conclus pour remplacer un salarié absent, que les arrêts maladie sont prévisibles, il n’en demeure pas moins qu’il existe un besoin structurel de salariés pour pourvoir au remplacement des salariés absents.
La société Radio France réplique que les contrats conclus avec M. [T] ont été justifiés pour absence de salariés absents dont elle justifie la réalité de l’absence, que ces remplacements ont été nécessaires sur tout le territoire français ce qui démontre l’absence de permanence de poste, que si le dernier contrat concernait l’absence de M. [B] qui a été absent plus longtemps, elle précise que M. [T] avait refusé de continuer de travailler avec elle et que le terme d’un contrat peut être imprécis, que la jurisprudence invoquée par le salarié est inopérante s’agissant d’un contrat d’usage.
La société précise que du fait de leur statut les salariés bénéficient de droits d’absence qu’elle ne peut refuser si bien qu’il est impossible de programmer à l’avance les remplacements, qu’il convient de tenir compte de l’importance de l’entreprise et du taux d’absentéisme alors que la gestion des absences s’effectue par radios locales et non au plan national et qu’en tant que radio elle émet en permanence ; que M. [T] pouvait postuler pour un poste en contrat à durée indéterminée ce qu’il n’a fait qu’une fois alors que les recrutements se font sur les candidatures de personnes ayant déjà été en contrat à durée indéterminée.
Concernant les contrats à durée déterminée pour surcroît temporaire d’activité, la société rétorque que le salarié a effectué 5 contrats entre 2012 et 2018 à chaque fois pour des événements précis et mentionnés aux dits contrats.
Sur ce
L’article L 1242-1 du code du travail énonce qu’un contrat de travail à durée déterminée quel que soit son motif ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
Conformément aux dispositions de l’article L.1242-2, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire et seulement dans les cas limitativement énumérés par la loi, dont l’accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise (article L 1242-2 2°).
Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve de l’absence ou la suspension du contrat de travail d’un salarié justifiant le recours à un contrat de travail à durée déterminée ; à défaut il encourt la requalification en contrat de travail à durée indéterminée.
Le motif du recours au contrat à durée déterminée s’apprécie à la date de conclusion du contrat.
La clause 5, point 1, sous a), de l’accord-cadre sur le travail à durée déterminée, conclu le 18 mars 1999 figurant en annexe de la directive 1999/70/CE du Conseil du 28 juin 1999 prévoit que le seul fait qu’un employeur soit obligé de recourir à des remplacements temporaires de manière récurrente, voire permanente, et que ces remplacements puissent également être couverts par l’embauche de salariés en vertu de contrats de travail à durée indéterminée n’implique pas l’existence d’un abus.
Le besoin temporaire en personnel même fréquent qui est nécessaire en raison, notamment, de l’indisponibilité d’employés bénéficiant de congés maladie, de congés de maternité ou de congés parentaux ou autres, est susceptible de constituer une raison objective de recours au contrat à durée déterminée au sens de la clause 5 de l’accord-cadre européen.
La possibilité ainsi donnée à l’employeur de conclure avec le même salarié des contrats à durée déterminée successifs ne peut en revanche avoir pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité permanente de l’entreprise.
Est réputé à durée indéterminée, tout contrat conclu en méconnaissance des dispositions des articles L.1242-1 et L.1242-2 ci-dessus rappelées.
En l’espèce, M. [T] a été embauché au poste d’opérateur son dans le cadre de très nombreux contrats à durée déterminée en 10 années consécutives, retenant un total 132 contrats, nombre non contesté par l’employeur.
La cour relève qu’il s’agit de contrats à durée déterminée classiques et non de contrats à durée déterminée d’usage.
Après le premier contrat en 2009, M. [T] a été de nouveau embauché :
– le 2 juin 2012 avec des renouvellements jusqu’au 5 décembre 2012
– puis à compter du 18 mars renouvelé jusqu’au 28 octobre 2013-
– puis le 20 décembre 2013 jusqu’au 6 janvier 2014
– le 2 septembre renouvelé jusqu’au 7 octobre 2015 et du 16 novembre 2105 au 31 janvier 2016
– du 21 mars 2016 au 17 avril puis du 23 mai au 9 juin 2016, du 18 au 31 juillet puis 2 contrats en août et septembre 2016
– puis du 16 octobre 2016 au 1er mars 2018 par de multiples contrats quasi ininterrompus
– puis du 16 avril au 14 juin 2018 ensuite du 27 août au 30 septembre 2018, puis à compter du 10 octobre jusqu’au 2 juin 2019 dernier contrat à durée déterminée avec peu de rupture dans la succession des contrats.
La plupart des contrats sont conclus pour remplacer des salariés absents dénommés pour maladie ou formation et 5 pour surcroît exceptionnelle d’activité.
La cour rappelle que la succession de ces contrats n’implique pas en elle-même l’absence d’une raison objective ou l’existence d’un abus.
Concernant les contrats conclus pour remplacement la cour observe comme les premiers juges qu’ils ont été conclu avec la mention à la fois de l’identité du salarié remplacé et le motif de son absence, à savoir maladie, formation, congés payés, mobilité interne, inaptitude temporaire’) avec un lieu d’exécution du contrat de remplacement changeant ([Localité 7] [Localité 5], [Localité 11], [Localité 9], [Localité 8]).
Toutefois l’employeur qui supporte la charge de la preuve de la nécessité de pourvoir au remplacement de salariés absents ne verse pas de pièce sur la réalité de ces absences.
Le rapport de l’IGA indique que deux entreprises en réseau coexistent France télévision et Radio France avec radio France bleue qui travaille dans un réseau de 44 antennes régionales. Il précise qu’au regard du régime spécifique des salariés bénéficiant de nombreuses possibilités de suspension du contrat de travail et du taux d’absentéisme en résultant le besoin de remplacement est caractérisé.
Les contrats se sont succédés avec des périodes de non renouvellement, alors que M. [T] a décidé ne plus accepter de renouvellement à compter de fin mai 2019.
Il résulte de l’ensemble de ces éléments que l’employeur ne rapporte pas la preuve de l’absence ou la suspension du contrat de travail d’un salarié justifiant le recours à un contrat de travail à durée déterminée.
L’article L 1242-2, 2° du code du travail, un employeur peut embaucher un salarié sous contrat à durée déterminée pour faire face à un accroissement temporaire d’activité, c’est-à-dire à une augmentation temporaire de l’activité habituelle de l’entreprise.
M. [T] a aussi été embauché pour 5 contrats à durée déterminée pour pourvoir à un surcroît temporaire d’activité. Ces contrats spécifient le motif de cet accroissement temporaire d’activité à savoir des interventions à l’occasion d’événements désignés, à savoir le congrès national des sapeurs-pompiers, le 30eme anniversaire de France bleue [Localité 6], l’opération transbaie de [Localité 10]. Or l’employeur qui supporte la charge de la preuve ne produit aucune pièce établissant la réalité et les dates de ces événements qui pouvait justifier le surcroît exceptionnel d’activité.
Au regard de l’ensemble de ces éléments, la cour, infirmera le jugement en ce qu’il a débouté M. [T] de sa demande en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée déterminée.
La requalification prononcée par le juge, dans le cadre d’une rupture ou de la survenance du terme du contrat prétendument à durée déterminée, entraîne nécessairement la requalification de la rupture elle-même en licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Sur les demandes indemnitaires du salarié
La société soutient que l’action de salarié en contestation de la rupture du contrat de travail est prescrite car introduite en violation de l’article L 1471-1 du code du travail au-delà du délai d’un an prescrit et non de deux ans comme l’affirme le salarié car le délai de prescription applicable est déterminé par la nature de la créance invoquée, que s’agissant d’une demande au titre de la rupture par application d’une requalification de contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée .
Elle ajoute que le point de départ du délai est celui de la date à laquelle le titulaire connaît l’ensemble des faits lui permettant de l’exercer soit le terme du dernier contrat à durée déterminée soit le 2 juin 2019 alors qu’il a saisi le conseil de prud’hommes le 27 juin 2020.
M. [T] rétorque que son action vise à la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée déterminée, qu’il s’agit donc d’une action en exécution du contrat de travail pour laquelle le délai de prescription de deux ans, qu’il n’a eu connaissance de l’étendue de ses droits que lors d’un rendez-vous avec un conseil.
Sur ce
L’article L1471-1 du code du travail édicte « Toute action portant sur l’exécution ou la rupture du contrat de travail se prescrit par deux ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d’exercer son droit.
Toute action portant sur la rupture du contrat de travail se prescrit par douze mois à compter de la notification de la rupture.
Le premier alinéa n’est toutefois pas applicable aux actions en réparation d’un dommage corporel causé à l’occasion de l’exécution du contrat de travail, aux actions en paiement ou en répétition du salaire et aux actions exercées en application des articles L. 1132-1, L. 1152-1 et L. 1153-1. Elles ne font obstacle ni aux délais de prescription plus courts prévus par le présent code et notamment ceux prévus aux articles L. 1233-67, L. 1234-20, L. 1235-7 et L. 1237-14, ni à l’application du dernier alinéa de l’article L. 1134-5. »
Le salarié sollicite l’indemnisation du licenciement qu’il estime comme sans cause réelle et sérieuse suite à la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée déterminée.
Le délai de prescription applicable est celui d’un an puisqu’il est sollicité l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse donc de la rupture du contrat de travail.
Le terme du dernier contrat prétendument à durée déterminée est fixé au 2 juin 2019 et il appartenait donc au salarié de saisir le conseil des prud’hommes avant le 2 juin 2020.
Le salarié a eu connaissance de l’étendue de ses droits au jour du dernier contrat prétendument à durée déterminée et conseil ne prouve pas qu’il n’en a eu connaissance qu’au jour auquel il a consulté un conseil. Or il a saisi la juridiction par requête du 27 juillet 2020 soit au-delà du délai pour agir ; son action aux fins d’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse est donc prescrite.
La cour, jugera que les demandes de M. [T] au titre de l’indemnité de requalification, titre du non-respect de la procédure de licenciement, l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse seront jugées irrecevables.
Sur les frais irrépétibles et les dépens
Les dispositions de première instance seront confirmées sur les dépens et les dispositions relatives à l’article 700 du code de procédure civile.
Succombant en cause d’appel, M. [T] sera condamné aux dépens de procédure d’appel.
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société Radio France les frais qu’elle a exposé pour la présente procédure d’appel. Elle est déboutée de sa demande en application de l’article 700 du code de procédure civile.
Partie perdante, M. [T] sera débouté de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort
Confirme le jugement rendu le 19 octobre 2021 par le conseil de prud’hommes d’Amiens sauf en qu’il a :
– dit M. [H] [T] recevable mais mal fondé en ses demandes
– débouté M. [H] [T] de sa demande en requalification de l’ensemble de ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée
Statuant à nouveau du chef infirmé et y ajoutant
Requalifie M. [H] [T] l’ensemble de ses contrats de travail à durée déterminée de M. [H] en contrat de travail à durée indéterminée
Dit prescrites et irrecevables les demandes de M. [H] [T] au titre de l’indemnisation du licenciement sans cause réelle et sérieuse à savoir l’indemnité de requalification, titre du non-respect de la procédure de licenciement, l’indemnité de licenciement, l’indemnité compensatrice de préavis et de congés payés y afférents et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
Déboute la société Radio France de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel
Déboute M. [H] [T] de sa demande sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel
Rejette les demandes plus amples ou contraires
Condamne M. [H] [T] aux dépens de la procédure d’appel.
LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE.