Contrat à durée déterminée d’usage : 26 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00894

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Contrat à durée déterminée d’usage : 26 mai 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/00894
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ARRÊT DU

26 Mai 2023

N° 789/23

N° RG 21/00894 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TUEP

LB/AL

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

19 Avril 2021

(RG 20/00015 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 26 Mai 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANTE :

S.A.S.U. JOMA

[Adresse 4]

[Localité 2]

représentée par Me Fabien ROUMEAS, avocat au barreau de LYON

INTIMÉE :

Mme [N] [T]

[Adresse 1]

[Localité 3]

représentée par Me Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS : à l’audience publique du 09 Mars 2023

Tenue par Laure BERNARD

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Nadine BERLY

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 26 Mai 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Cindy LEPERRE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 16 Février 2023

EXPOSE DU LITIGE

La SASU JOMA exerce une activité spécialisée dans l’animation des ventes auprès des magasins de la grande distribution. La convention collective applicable est celle du personnel de prestation de services.

Mme [N] [T] a été engagée en qualité d’agent de promotion, catégorie employée, par la société JOMA, suivant contrats de travail à durée déterminée le 8 et 9 décembre 2017, puis le 21 décembre 2017, puis du 9 au 10 février 2018, du 13 au 14 avril 2018, du 23 au 28 avril 2018, du 4 au 5 mai 2018, du 11 au 12 mai 2018 et du 21 au 22 décembre 2018 et courant mars 2019.

Le 10 janvier 2020, Mme [N] [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Valenciennes aux fins principalement de voir requalifier la relation de travail en contrat à durée indéterminée.

Par jugement rendu le 19’avril’2021, la juridiction prud’homale a’:

– requalifié les contrats de travail à durée déterminée de Mme [N] [T] en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2019,

– condamné la société JOMA à payer à Mme [N] [T] les sommes suivantes’:

– 872,70’euros à titre d’indemnité de requalification,

– 148,20’euros à titre de rappel de salaires, outre 14,82’euros au titre des congés payés afférents,

– 509,49’euros à titre de dommage et intérêts pour rupture abusive,

– 1’000’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté Mme [N] [T] du surplus de ses demandes,

– condamné la société JOMA aux entiers dépens.

La société JOMA a régulièrement interjeté appel contre ce jugement par déclaration du 20’mai’2021.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 8’février’2022, Mme [N] [T] demande à la cour’:

– infirmer le jugement entrepris sauf en ce qu’il a débouté Mme [N] [T] de sa demande en rappel de salaire pour la période du 10 décembre 2017 au 20 décembre 2019 et de sa demande de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral distinct,

– débouter Mme [N] [T] de l’intégralité de ses demandes,

– condamner Mme [N] [T] à lui payer’:

– 3’000’euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,

– 1’500’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– à titre subsidiaire, limiter le montant de l’indemnité de requalification à hauteur de 143,26’euros et celui des dommages et intérêts à hauteur de 143,26’euros.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 10’novembre’2021, Mme [N] [T] demande à la cour de’:

– confirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a limité la requalification de la relation salariale en CDI à compter du 1er mars 2019 et en ce qu’il a limité son indemnisation au titre de la rupture du contrat de travail,

– condamner la société JOMA à lui payer’:

– 872,70’euros au titre de l’indemnité de requalification,

– 9’628,80’euros au titre du rappel de salaire pendant les périodes d’attente entre les contrats à durée déterminée du 10 décembre 2017 au 20 décembre 2018 outre 962,88’euros au titre des congés payés afférents,

– 3’500’euros à titre de dommages intérêts pour rupture abusive,

– 5’000’euros au titre du préjudice moral distinct,

– 2’000’euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

– subsidiairement, confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a requalifié la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 1er mars 2019 ainsi que les condamnations pécuniaires prononcées,

– débouter la société JOMA de l’ensemble de ses demandes,

– condamner la société JOMA aux entiers dépens.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16’février’2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la requalification

Selon l’article L1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

L’article L1242-2 du même code, précise que sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : (…)

2º Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;

3º Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (…).

L’article L.1245-1 prévoit qu’est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13,

L. 1244-3 et L. 1244-4.

Conformément à l’article L.1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Si le recours au contrat à durée déterminée d’usage est possible dans les domaines visés par l’article L.1242-2-3º, le renouvellement ou la succession de ces contrats à durée déterminée sont soumis au caractère temporaire de l’emploi. Ceci implique de vérifier que le recours à un ou plusieurs contrats à durée déterminée est justifié par l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

En l’espèce, Mme [N] [T] a été employée par la société JOMA dans le cadre de 7 contrats d’intervention à durée déterminée écrits (outre un contrat non écrit pour lequel une fiche de paie a été délivrée en mars 2019) pour la réalisation de prestations événementielles de vente-animation en grande surface.

L’avenant du 13 février 2006 relatif à l’animation commerciale prévoit la possibilité de contracter un contrat d’intervention à durée déterminée d’animation commerciale.

Cependant, l’appartenance d’une activité au secteur concerné par l’usage de recourir au contrat à durée déterminée, ne dispense pas le juge d’effectuer la vérification du caractère par nature temporaire de l’emploi occupé.

Il est relevé à cet égard que la prestation de travail a toujours eu lieu, (à l’exception de celle du 21 décembre 2017) au sein du magasin Leclerc de [Localité 5].

En outre la société JOMA dont l’activité est précisément l’animation des ventes auprès des magasins de la grande distribution, ne justifie pas avoir fait face à un accroissement temporaire de son activité ayant justifié l’embauche temporaire de Mme [N] [T] au moyen de contrats à durée déterminée successifs.

Il y a lieu de déduire de ces éléments que ces contrats à durée déterminée avaient pour objet de pourvoir à un emploi lié à l’activité normale et permanente de la société JOMA.

Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de requalification, sauf à préciser que celle -ci doit intervenir à compter de la signature du premier contrat, soit le 8 décembre 2017.

Le jugement déféré sera néanmoins infirmé en ce qui concerne le montant alloué à titre d’indemnité de requalification qui sera fixé à la somme de 338 euros.

Sur la demande de rappel de salaire

Mme [N] [T] sollicite un rappel de salaire pour les périodes interstitielles entre le 10 décembre 2017 et le 20 décembre 2018.

La société JOMA s’y oppose, faisant valoir que la salariée ne justifie pas être restée à sa disposition sur les périodes séparant les différents contrats à durée déterminée, sachant qu’elle a travaillé pour d’autres sociétés et notamment la société Royal Beignet, pour laquelle elle a également saisi la juridiction prud’homale d’une demande de requalification des contrat de travail à durée déterminée.

Sur ce,

Lorsque le salarié engagé dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs a dû se tenir et s’est effectivement tenu à la disposition de l’entreprise entre ses différents contrats de travail à durée déterminée, il peut prétendre à des rappels de salaires pour ces périodes intermédiaires, à charge pour lui de prouver qu’il est resté à la disposition de l’employeur pendant ces périodes.

En l’espèce, Mme [N] [T] n’apporte aucun élément permettant d’établir qu’elle est restée à disposition de son employeur pendant ces périodes intermédiaires.

Par ailleurs, c’est à tort que le conseil de prud’hommes a retenu une perte de rémunération pour Mme [N] [T] liée à la prestation de 15 heures réalisée pour le client Royal beignet en mars 2019, puisque la salariée a bien été rémunérée pour cette prestation.

Aucun rappel de salaire n’est donc dû, le jugement de première instance devant être infirmé en ce sens.

Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

La relation de travail a pris fin au mois de mars 2019. Faute de procédure de licenciement mise en oeuvre par la société JOMA, et partant, de motif de licenciement énoncé dans un courrier, la rupture s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Au regard de l’ancienneté de Mme [N] [T] (une année complète), de son salaire (169 euros brut), de son âge lors de la rupture du contrat de travail (51 ans) de ses possibilités de retour à l’emploi, il y a lieu de fixer le montant de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 338 euros, en application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige.

Le jugement de première instance sera infirmé en ce sens.

Sur la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct

Il n’est versé aux débats aucune pièce de nature à établir que Mme [N] [T] a subi un préjudice autre que celui de la perte injustifiée de son emploi déjà réparé par l’allocation d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par confirmation du jugement entrepris, la salariée sera donc déboutée de sa demande d’indemnisation à ce titre.

Sur les dommages et intérêts pour procédure abusive

Il n’est caractérisé aucun abus de Mme [N] [T] dans l’exercice de son droit d’agir en justice, c’est donc à juste titre que le conseil de prud’hommes a débouté la société JOMA de sa demande de dommages et intérêts présentée sur ce fondement.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

Le jugement de première instance sera confirmé concernant le sort des dépens et l’indemnité de procéduren mise à la charge de la société JOMA.

La société JOMA sera condamnée aux dépens d’appel conformément à l’article 696 du code de procédure civile ainsi qu’à payer à Mme [N] [T] une indemnité complémentaire de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,

CONFIRME le jugement rendu le 19’avril’2021 par le conseil de prud’hommes de Valenciennes sauf en ce qu’il a dit que la requalification devait intervenir à compter du mois de mars 2019, et en ce qu’il a alloué à Mme [N] [T] la somme de 872,70 euros à titre d’indemnité de requalification, 148,20’euros à titre de rappel de salaires, outre 14,82’euros au titre des congés payés afférents et 509,49’euros à titre de dommage et intérêts pour rupture abusive ;

Statuant à nouveau,

REQUALIFIE la relation de travail en contrat à durée indéterminée à compter du 8 décembre 2017 ;

CONDAMNE la société JOMA à payer à Mme [N] [T] :

– 338 euros à titre d’indemnité de requalification,

– 338 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

DEBOUTE Mme [N] [T] de sa demande de rappel de salaire ;

CONDAMNE la société JOMA aux dépens ;

CONDAMNE la société JOMA à payer à Mme [N] [T] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Cindy LEPERRE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL

 


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