Contrat à durée déterminée d’usage : 1 juin 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/02939

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Contrat à durée déterminée d’usage : 1 juin 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/02939
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VC/LD

ARRET N° 306

N° RG 21/02939

N° Portalis DBV5-V-B7F-GMFT

[K]

C/

Association COMPAGNIE ELVIS ALATAC

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 01 JUIN 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 24 septembre 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de POITIERS

APPELANT :

Monsieur [N] [K]

né le 15 Janvier 1965 à [Localité 4] (86)

[Adresse 1]

[Localité 3]

Ayant pour avocat plaidant Me Gildas LESAICHERRE, avocat au barreau de POITIERS

INTIMÉE :

Association COMPAGNIE ELVIS ALATAC

N° SIRET : 788 505 931

[Adresse 2]

[Localité 5]

Ayant pour avocat plaidant Me Sylvie MARTIN, substituée par Me Nola JARRY, toutes deux de la SELARL SYLVIE MARTIN, avocats au barreau de POITIERS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 907 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 04 Avril 2023, en audience publique, devant :

Madame Valérie COLLET, Conseiller

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseiller

GREFFIER, lors des débats : Monsieur Damien LEYMONIS

GREFFIER, lors de la mise à disposition : Monsieur Lionel DUCASSE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– Signé par Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, et par Monsieur Lionel DUCASSE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

L’association Compagnie Elvis Alatac, association déclarée, fondée par M. [W] [C] et présidée par M. [Z] [L] puis M. [T] [P], est une compagnie théâtrale créée en 2012 et spécialisée dans la création et la diffusion de spectacles vivants. Elle relève de la convention collective nationale des entreprises artistiques et culturelles.

M. [N] [K], né en 1965, intermittent du spectacle, a été engagé par l’association Compagnie Elvis Alatac en qualité de technicien plateau ou de régisseur aux termes de contrats à durée déterminée d’usage à compter du 20 mars 2013.

Le 4 novembre 2019 M. [K] a informé M. [C] par sms qu’il ne souhaitait plus poursuivre sa collaboration avec la Compagnie Elvis Alatac et qu’il allait réclamer le paiement de sa ‘prime de feu’.

Par courrier du 14 novembre 2019, réitéré par mise en demeure de son conseil en date du 16 janvier 2020 M. [K] a effectué une demande de paiement des ‘primes de feu’ prévues par la convention collective applicable.

Le 4 février 2020 M. [K] a saisi en référé le conseil de prud’hommes de Poitiers aux fins d’obtenir paiement de la somme de 1 191,05 euros au titre des primes ‘feu de participation au jeu’ et ‘feu habillé’ outre le paiement des frais irrépétibles, prétentions dont il a été débouté par ordonnance de référé en date du 18 juin 2020.

Dans l’intervalle par lettre du 14 janvier 2020 l’association Compagnie Elvis Alatac a proposé à M. [K] de lui payer une somme de 676,91 euros brut au titre de 41 primes de participation au feu non prescrites et selon une valeur unitaire de 16,51 euros brut. La Compagnie Elvis Alatac a ensuite payé à M. [K] par virement du 10 mars 2020 la somme de 556,46 euros net au titre de la régularisation de la prime précitée, un bulletin de salaire visant les 41 primes pour un total de 676,91 euros brut étant remis à M. [K].

Le 14 octobre 2020 M. [K] a saisi le conseil de prud’hommes de Poitiers aux fins notamment d’obtenir la condamnation de l’association Compagnie Elvis Alatac à lui payer la prime de feu habillé (634,59 euros), des indemnités de repas (4 686 euros), les temps de trajet (5 517 euros), l’indemnité pour travail dissimulé (9 599,04 euros) outre des frais irrépétibles.

Par jugement du 24 septembre 2021 le conseil de prud’hommes de Poitiers a notamment :

* déclaré prescrites toutes les demandes de M. [K] afférentes à la période antérieure au 14 novembre 2016,

* débouté M. [K] de l’ensemble de ses autres demandes,

* a condamné M. [K] à payer à l’association Compagnie Elvis Alatac la somme de 350 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à supporter la charge des dépens.

Vu l’appel régulièrement interjeté par M. [K] ;

Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 7 janvier 2022 aux termes desquelles M. [K] demande notamment à la cour d’infirmer la décision déférée et de condamner l’association Compagnie Elvis Alatac à lui payer les sommes de :

* 679,91 euros au titre de l’indemnité ‘feu habillé’,

* 4 686 euros au titre des indemnités de repas,

* 5 517 euros au titre des temps de trajet,

* 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Vu les dernières conclusions transmises au greffe de la cour le 29 mars 2022 aux termes desquelles l’association Compagnie Elvis Alatac demande notamment à la cour de confirmer la décision déférée en toutes ses dispositions et d’y ajouter en condamnant M. [K] à lui payer une somme complémentaire de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des frais irrépétibles d’appel ;

Vu l’ordonnance de clôture en date du 7 mars 2023 ;

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, de moyens et de l’argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

SUR CE

Sur la prescription :

Nonobstant les énonciations de sa déclaration d’appel M. [K] ne critique pas la décision déférée en ce qu’elle a déclaré prescrites ses demandes afférentes à la période antérieure au 14 novembre 2016.

En conséquence la cour confirme la décision déférée de ce chef.

Sur la prime de ‘feu habillé’ :

Les premiers juges ont exactement, et d’ailleurs sans être contredits en cause d’appel, rappelé les dispositions de l’article VII-4 de la convention collective applicable et concernant l’indemnité de ‘feu habillé’.

Ils ont ensuite retenu que le bénéfice de cette prime suppose la réunion de deux conditions, d’une part, que le producteur du spectacle impose au salarié le port d’une tenue spécifique pendant le spectacle et dans le cadre de ses fonctions, et d’autre part, que le producteur ne fournisse pas et n’entretienne pas cette tenue spécifique. Ils ont considéré que pour la première partie du spectacle aucune tenue spécifique n’était imposée à M. [K] et que pour la seconde partie M. [K] devait porter une tenue spécifique qui était fournie et entretenue par la Compagnie Elvis Alatac laquelle justifiait de l’achat des tenues concernées alors que M. [K] ne démontrait pas que les vêtements utilisés étaient les siens et qu’il devait les utiliser.

M. [K] conteste cette appréciation en relevant exactement que la convention collective applicable énonce que si le salarié doit fournir lui- même cette tenue particulière ou assurer l’entretien de la tenue fournie par l’employeur il recevra une indemnité dite de ‘feu habillé’. Toutefois l’appelant omet que la première condition exigée reste le port d’une tenue imposée par l’employeur dans le cadre des fonctions lorsque le salarié est amené à intervenir sur le plateau pour effectuer tout ou partie de son travail à la vue du public.

M. [K] ajoute qu’il a été incorporé dans le spectacle intitulé Il y a quelque chose de pourri, variation hamlétique, sans que la qualité de comédien lui soit reconnue, qu’il portait en première partie ses propres vêtements, à savoir bottes, jean et tee shirt, qu’à l’issue de la première partie son tee shirt était maculé de sang, qu’il devait ensuite se changer, les nouveaux vêtements portés étant fournis par la Compagnie Elvis Alatac.

Les attestations de M. [A], Mme [H] et de M. [R] énoncent seulement que M. [K] portait ses bottes personnelles et un tee shirt personnel en début de spectacle et n’évoquent pas des vêtements ensuite tachés de sang. En outre M. [K] n’établit pas que le port de ses propres vêtements en première partie de spectacle correspondait à une tenue spécifique imposée par l’employeur, condition nécessaire au paiement de l’indemnité discutée.

Par ailleurs la Compagnie Elvis Alatac objecte que c’est au cours de la deuxième partie que M. [K] devait porter une chemise blanche, et non un tee shirt, qui finissait maculée de sang, cette chemise faisant partie de la tenue spécifique imposée à M. [K] et fournie par l’employeur. Les photographies du spectacle communiquées par la Compagnie Elvis Alatac comme la photographie pièce 11 de M. [K] révèlent le port d’une chemise blanche par le salarié, chemise ensuite tachée de rouge. La Compagnie Elvis Alatac établit, comme retenu par les premiers juges, avoir acheté les chemises et pantalons concernées. Si la Compagnie Elvis Alatac ne démontre pas avoir entretenu cette tenue elle a régularisé la situation de M. [K] puisqu’elle lui a versé par virement du 10 mars 2020 la somme de 556,46 euros net au titre de la régularisation de la prime précitée et qu’elle lui a remis un bulletin de salaire visant 41 primes non prescrites pour un total de 676,91 euros brut .

En conséquence M. [K] a été rempli de ses droits et la cour confirme la décision déférée sur le débouté prononcé.

Sur les indemnités de repas :

Les premiers juges ont exactement rappelé les dispositions de l’article VIII-2 de la convention collective applicable aux termes desquelles l’indemnité de déplacement représente le remboursement forfaitaire des frais supplémentaires de nourriture et d’hébergement réellement engagés par les membres du personnel artistique, technique et administratif à l’occasion des déplacements imposés par l’exercice de leur profession.

Ils ont ensuite retenu que M. [K] prétendait n’avoir perçu aucune indemnité, qu’il produisait un cahier décrivant ses déplacements et les indemnités lui étant dues, que ce document avait été rédigé pour les besoins de la cause sans prendre en compte les évolutions du taux unitaire d’indemnité entre 2013 et 2019, qu’il comportait des inexactitudes dans les dates des spectacles et qu’enfin dans la grande majorité des spectacles le contrat de production prévoyait la prise en charge des frais de nourriture et d’hébergement

par l’organisateur, qu’ainsi M. [K] ne démontrait pas avoir supporté des frais supplémentaires de nourriture et d’hébergement sur ses fonds personnels. En conséquence ils ont débouté M. [K] de sa demande de paiement de la somme de 4 686 euros.

M. [K], en reprenant sa prétention initiale, objecte avoir effectué de nombreux déplacements pour exercer ses activités professionnelles et en se rendant sur les lieux de spectacles à partir du siège social de la Compagnie Elvis Alatac et qu’à ce titre il avait droit à l’indemnité de repas prévue à l’article VIII.2.3 alinéa 2 de la convention collective applicable. Il soutient que le cahier produit a toute force probante, que les inexactitudes alléguées par le conseil de prud’hommes ne sont pas identifiées, que le fait qu’un tiers ait pris en charge des indemnités dues par l’employeur en application de la convention collective applicable ne peut réduire ses droits, d’autant plus que la réalité de cette prise en charge n’est pas démontrée et que la Compagnie Elvis Alatac ne justifie pas avoir respecté ses obligations.

La Compagnie Elvis Alatac demande à la cour de valider les motifs des premiers juges et de confirmer la décision déférée. Elle relève exactement que l’indemnité repas mentionnée par M. [K] sur le cahier produit aux débats est celle fixée par accord du 31 janvier 2019 et entrée en vigueur le 1er février 2019 soit 18,80 euros, son montant ayant varié quatre fois entre 2013 et 2017. En outre la Compagnie Elvis Alatac précise la nature de certaines des erreurs figurant sur le cahier produit par M. [K] ce qui permet de vérifier leur réalité. Plus particulièrement la cour observe que le document précité comporte de nombreuses inexactitudes s’agissant des dates ou des lieux de représentation ce qui altère sa sincérité et son effet. Surtout la Compagnie Elvis Alatac souligne à juste titre que M. [K] n’établit pas avoir réellement engagé des frais supplémentaires sur ses fonds personnels et conditionnant le versement d’une indemnité de repas destinée à ‘rembourser’ le salarié alors même qu’elle justifie des frais de repas pris en charge soit par l’organisateur du spectacle soit par elle-même.

En conséquence la cour confirme la décision déférée sur le débouté prononcé.

Sur les temps de déplacement :

Les premiers juges ont exactement rappelé les dispositions de l’article VIII-1 de la convention collective applicable aux termes desquelles le trajet entre l’entreprise et le lieu de déplacement du salarié est considéré comme du temps de travail effectif. La Compagnie Elvis Alatac ne conteste pas ce point.

Les premiers juges ont ensuite retenu que M. [K] prétendait ne pas avoir perçu de rémunération au titre de ses déplacements professionnels, qu’il produisait le cahier précité dont la valeur probante avait déjà été discutée, que ce document recensait les kilomètres effectués mais pas les temps consacrés à ces trajets, qu’enfin M. [K] ne pouvait soutenir avoir effectué 30 551 kms représentant 225 heures travaillées sans fournir de précision sur le mode de conversion appliqué alors que le raisonnement du salarié suggérait une vitesse moyenne de 136 kms/h.

Ils ont en conséquence débouté M. [K] de cette prétention.

M. [K], reprenant sa prétention initiale chiffrée à 5 517 euros sur la base d’un taux horaire non contesté de 24,52 euros, rappelle qu’il partait de son domicile pour récupérer une camionnette louée par la Compagnie Elvis

Alatac à une société de location de [Localité 5], qu’ensuite il se rendait au siège social de la Compagnie Elvis Alatac afin de charger les matériels nécessaires et les transporter jusqu’au lieu de spectacle, qu’arrivé sur place il les déchargeait, montait le décor et effectuait les réglages, qu’il notait les distances des trajets sur un cahier.

La Compagnie Elvis Alatac demande à la cour de valider les motifs des premiers juges et de confirmer le débouté prononcé. Elle ajoute avoir payé à M. [K] les temps de déplacement comme du temps de travail effectif, conformément à la convention collective applicable, ainsi que mentionné sur les bulletins de salaire.

La cour se réfère aux motifs déjà développés sur les inexactitudes du cahier produit par M. [K] et qui altèrent sa force probante. Par ailleurs les premiers juges ont exactement retenu qu’aucune mention ne permettait d’apprécier le temps de trajet, M. [K] n’ayant pas noté les heures de départ et d’arrivée mais seulement le kilométrage parcouru. De même la Compagnie Elvis Alatac communique les contrats de location des véhicules utilisés, M. [C] étant désigné comme conducteur. Celui-ci atteste avoir conduit le camion avec M. [K], avoir participé avec l’intéressé au montage et démontage des décors, M. [K] n’étant donc pas seul pour assumer ces tâches.

Enfin les contrats de travail signés ont visé un emploi durant 8 heures, ce qui correspond à du temps de travail effectif incluant, ainsi que détaillé par la Compagnie Elvis Alatac, les représentations mais aussi les répétitions et les déplacements, le tout à hauteur de 4 heures par jour sur deux jours. Ainsi M. [K] a été rémunéré pour les temps de trajet.

En conséquence de ces motifs la cour confirme la décision déférée sur le débouté.

Sur le travail dissimulé :

Nonobstant les termes de sa déclaration d’appel M. [K] ne forme aucune critique sur la décision déférée en ce qu’elle l’a débouté de sa demande au titre du travail dissimulé.

En conséquence la cour confirme la décision déférée de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles :

M. [K] qui succombe sera condamné aux entiers dépens.

La Compagnie Elvis Alatac rappelle exactement qu’elle avait réglé la prime de feu avant la saisine du conseil de prud’hommes au fond, les autres demandes de M. [K] s’avérant mal fondées.

L’issue de l’appel, l’équité et les circonstances économiques commandent de faire droit à l’indemnité prévue par l’article 700 du code de procédure civile au profit de la Compagnie Elvis Alatac mais de manière modérée à hauteur de la somme de 500 euros.

PAR CES MOTIFS

Confirme la décision déférée ;

Y ajoutant :

Condamne M. [K] à payer à l’association Compagnie Elvis Alatac une somme complémentaire de 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs prétentions ;

Condamne M. [K] aux dépens d’appel.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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