Contrat à durée déterminée d’usage : 30 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01019

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Contrat à durée déterminée d’usage : 30 juin 2023 Cour d’appel de Douai RG n° 21/01019
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ARRÊT DU

30 Juin 2023

N° 930/23

N° RG 21/01019 – N° Portalis DBVT-V-B7F-TVRS

LB/LF

Jugement du

Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de VALENCIENNES

en date du

17 Mai 2021

(RG 20/00013 -section )

GROSSE :

aux avocats

le 30 Juin 2023

République Française

Au nom du Peuple Français

COUR D’APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

– Prud’Hommes-

APPELANT :

S.A.S. ROYAL BEIGNET

[Adresse 4],

[Adresse 4]

[Localité 1]

représentée par Me Pauline WOICIECHOWSKI, avocat au barreau de LILLE, assisté de Me Stéphanie RIOU-SARKIS, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMÉE :

Mme [W] [X]

[Adresse 2]

[Localité 3]

représentée par Me Manuel DE ABREU, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me Geoffrey BAJARD, avocat au barreau de VALENCIENNES

DÉBATS : à l’audience publique du 06 Avril 2023

Tenue par Laure BERNARD

magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.

GREFFIER : Annie LESIEUR

COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ

Pierre NOUBEL

: PRÉSIDENT DE CHAMBRE

Virginie CLAVERT

: CONSEILLER

Laure BERNARD

: CONSEILLER

ARRÊT : Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 30 Juin 2023,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Valérie DOIZE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 16 février 2023

EXPOSE DU LITIGE

La société Royal Beignet exerce une activité de régie publicitaire de médias à travers la mise en place d’animations ponctuelles au sein de diverses grandes surfaces de distribution.

Mme [X] a été engagée en qualité d’animatrice commerciale, statut non cadre coefficient 120 niveau 1, par la société Royal Beignet suivant contrats d’intervention à durée déterminée successifs pour la période comprise entre le 6’mars’2018 et le 5’octobre’2019.

Le 4’octobre’2019, Mme [X] a été placée en arrêt pour accident de travail.

Par requête du 10 janvier 2020, Mme [X] a saisi le conseil de prud’hommes de Valenciennes aux fins principalement d’obtenir la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ainsi que sa résiliation judiciaire aux torts de la société Royal Beignet.

Par jugement rendu le 17’mai’2021, la juridiction prud’homale a’:

‘ requalifié les contrats de travail d’intervention à durée déterminée à compter du 23 avril 2019 en contrat d’intervention à durée indéterminée,

‘ prononcé la résiliation judiciaire du contrat de travail de Mme [X] aux torts de l’employeur à la date du 22 janvier 2020,

‘ condamné la société Royal Beignet à payer à Mme [X]’:

– 772,31’euros à titre de rappel de salaire pour la période d’attente entre le 8 avril 2018 et le 16 septembre 2019, outre 77,23’euros au titre des congés payés y afférents,

– 1’521,25’euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 152,12’euros au titre des congés payés y afférents,

– 285’euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 1’521,25’euros au titre de l’indemnité de requalification du contrat de travail,

– 9’125,50’euros pour illicéité du licenciement,

– 4’563’euros au titre du préjudice moral distinct,

– 1’500’euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ débouté la société Royal Beignet de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamné la société Royal Beignet aux dépens.

La société Royal Beignet a régulièrement interjeté appel contre ce jugement par déclaration du 15’juin’2021.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 8’mars’2022, la société Royal Beignet demande à la cour de’:

‘ infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

‘ débouter Mme [X] de l’ensemble de ses demandes,

‘ ordonner la résiliation de plein droit du contrat d’intervention à durée déterminée arrivé à son terme le 5’octobre’2019,

‘ condamner Mme [X] à lui payer 6’000’euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

‘ condamner Mme [X] aux dépens.

Aux termes de ses conclusions transmises par RPVA le 3’août’2022, Mme [X] demande à la cour de’:

‘ confirmer le jugement déféré sauf’en ce qu’il a fixé les effets de la requalification des contrats à durée déterminée au 23’avril’2019, et en ce qu’il a limité les sommes allouées à titre de rappel de salaire, d’indemnité de licenciement, d’indemnité pour nullité du licenciement et de dommages intérêts pour préjudice distinct,

‘ fixer la date des effets de la requalification au 6 mars 2018,

‘ condamner la société Royal Beignet à lui payer :

– 6 845,62 euros à titre de rappel de salaire outre 685,56 euros au titre des congés payés afférents,

– 693 euros à titre d’indemnité de licenciement,

– 18 255 euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L.1235-3-1 du code du travail, à défaut 3 042,50 euros pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 15 000 euros de dommages et intérêts pour préjudice moral distinct

‘ ordonner à la société Royal Beignet la délivrance des documents de sortie rectifiés au regard de la décision à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document,

‘ condamner la société Royal Beignet aux dépens de l’appel et à lui payer la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles.

Pour un exposé complet des faits, de la procédure, des moyens et des prétentions des parties, la cour se réfère aux conclusions écrites transmises par RPVA en application de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 16’février’2023.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande de requalification

Mme [X] sollicite la requalification de son contrat de travail ; elle fait valoir que les nombreux contrats d’intervention à durée déterminée signés avec la société Royal Beignet avaient en réalité pour objet de pourvoir à un emploi durable et lié à l’activité normale et permanente de cette société ; que par ailleurs cette dernière n’a respecté ni les conditions conventionnelles relatives au délai de prévenance (10 jours), ni celles relatives au délai de carence (en cas d’embauche pour une durée au moins égale à 4 mois).

La société Royal Beignet répond que les contrats de travail litigieux concernaient une activité d’animation commerciale, qui peut fait l’objet de contrat à durée déterminée spécifiques en vertu de l’avenant du 13 février 2006 et que l’emploi d’animateur commercial est par nature temporaire. Elle conteste ne pas avoir respecté de délai de prévenance (manquement dont la preuve incombe selon elle à la salariée) et ne pas avoir respecté le délai de carence entre les deux dernières périodes de contrat, Mme [X] ne pouvant de prévaloir d’une relation de travail de 4 mois, en raison de la suspension de son contrat de travail.

Sur ce,

Selon l’article L1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

L’article L1242-2 du même code, précise que sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants : (…)

2º Accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise ;

3º Emplois à caractère saisonnier ou pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois (…).

L’article L.1245-1 prévoit qu’est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13, L.1244-3 et L. 1244-4.

Conformément à l’article L.1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande du salarié, il lui accorde une indemnité, à la charge de l’employeur, ne pouvant être inférieure à un mois de salaire. Cette disposition s’applique sans préjudice de l’application des dispositions du titre III du présent livre relatives aux règles de rupture du contrat de travail à durée indéterminée.

Si le recours au contrat à durée déterminée d’usage est possible dans les domaines visés par l’article L.1242-2-3º, le renouvellement ou la succession de ces contrats à durée déterminée sont soumis au caractère temporaire de l’emploi. Ceci implique de vérifier que le recours à un ou plusieurs contrats à durée déterminée est justifié par l’existence d’éléments concrets établissant le caractère par nature temporaire de l’emploi.

En l’espèce, Mme [X] a été engagée par la société Royal Beignet en qualité d’animatrice commerciale dans le cadre de 11 contrats d’intervention à durée déterminée conclus entre le 6 mars 2018 et le 5 octobre 2019.

L’avenant du 13 février 2006 relatif à l’animation commerciale prévoit la possibilité de contracter un contrat d’intervention à durée déterminée d’animation commerciale.

Cependant, l’appartenance d’une activité au secteur concerné par l’usage de recourir au contrat à durée déterminée, ne dispense pas le juge d’effectuer la vérification du caractère par nature temporaire de l’emploi occupé.

Or, tous les contrats litigieux conclus étaient destinés à des opérations de commercialisation de beignets par des actions d’animation de vente au sein de grandes surfaces, sachant que la société Royal Beignet se décrit elle-même dans ses écritures comme exerçant une activité de ‘commercialisation sous forme d’animation de beignets cuits sur place’.

En outre, si les contrats litigieux ne se sont pas tous succédés de manière continue, Mme [X] a été engagée pendant certaines périodes interstititielles (le 6 mai 2019 et le 9 mai 2019) par une société tierce (la société Unanime), pour exécuter des prestations en grande surface pour le compte de la société Royal Beignet.

Il se déduit de ces éléments que ces contrats à durée déterminée avaient en réalité pour objet de pourvoir durablement à un emploi lié à l’activité normale et permanente de la société Royal Beignet.

Le jugement de première instance sera en conséquence confirmé en ce qu’il a fait droit à la demande de requalification, sauf à préciser que celle-ci doit intervenir à compter de la signature du premier contrat, soit le 6 mars 2018.

Le jugement déféré sera également confirmé en ce qu’il a alloué à Mme [X] la somme de 1’521,25’euros euros à titre d’indemnité de requalification.

Sur le rappel de salaire

Lorsque le salarié engagé dans le cadre de contrats à durée déterminée successifs a dû se tenir et s’est effectivement tenu à la disposition de l’entreprise entre ses différents contrats de travail à durée déterminée, il peut prétendre à des rappels de salaires pour ces périodes intermédiaires, à charge pour lui de prouver qu’il est resté à la disposition de l’employeur pendant ces périodes.

En l’espèce, Mme [X] n’apporte aucun élément pour démontrer qu’elle est restée à disposition de la société Royal Beignet pendant les périodes interstielles séparant ses différents contrats d’intervention.

Elle sera donc déboutée de ses demandes de rappel de salaire, le jugement déféré étant infirmé sur ce point.

Sur le harcèlement moral

Mme [X] reproche à son employeur des agissements de harcèlement moral ; elle fait notamment valoir que son supérieur direct, M. [A] avait recours à un management inadapté, lui faisant subir une pression insupportable, et s’adressant à elle de façon irrespectueuse, parfois en public ; elle relate que le 4 octobre 2019, elle a été accusée par celui-ci, à tort, de vol de marchandises et qu’elle a dû consentir à une fouille de son coffre de véhicule alors qu’elle a toujours adopté une attitude irréprochable à l’égard de son employeur ; elle affirme avoir vécu cet événement comme une humiliation inacceptable, et qu’elle n’a pu reprendre son poste et a été placée en arrêt de travail dès le lendemain, avec demande de déclaration d’accident du travail.

La société Royal Beignet conteste tout agissement de harcèlement moral ; elle fait valoir que M [A] est un responsable de secteur au comportement exemplaire, avec lequel Mme [X] entretenait en réalité de très bonnes relations ; que les attestations produites par la salariée ne font que relater des propos émanant de cette dernière, ou alors font état de faits imprécis et non circonstanciés ; que s’agissant des faits 4 octobre 2019, Mme [X] n’a fait l’objet d’aucune accusation de vol, et que le comportement de son supérieur entrait dans le cadre normal de son pouvoir de direction, puisqu’il avait été constaté une surconsommation des produits de nappage et que des bidons au nom de la société Royal Beignet se trouvaient visibles dans le véhicule de Mme [X] ; qu’il a agi en outre avec la plus grande discrétion.

Sur ce,

Aux termes de l’article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou

mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Aux termes de l’article L.1154-1 du code du travail dans sa rédaction applicable au présent litige, lorsque survient un litige relatif à l’application des articles L. 1152-1 à L.1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement.

Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles.

Lorsque le salarié établit la matérialité de faits précis et concordants constituant selon lui un harcèlement, il appartient au juge d’apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble permettent de supposer l’existence d’un harcèlement moral et, dans l’affirmative, il incombe à l’employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En l’espèce, Mme [X], animatrice commerciale au sein de grandes surfaces pour le compte de la société Royal Beignet, impute des agissements de harcèlement moral à M. [A], son supérieur direct.

S’agissant du comportement général de M. [A] à l’égard de Mme [X], celle-ci verse aux débats une attestation de M.[D], Mme [F] et plusieurs attestations d’anciens collègues (M. [H], Mme [Y]) qui relatent avoir été personnellement témoin du comportement irrespectueux de M. [A] à l’égard de Mme [X] indiquant qu’il ‘lui parlait mal’, lui faisait des reproches en public, ou lui parlait sèchement ; les auteurs de ces attestations ne donnent pas d’exemple précis de propos irrespectueux ni de date, mais elles évoquent tous de manière concordante un ton irrespectueux, et les répercussions des agissements de M. [A] sur Mme [X] (mal-être),dont M.[H] indique qu’elle a pu venir se réfugier en pleurs dans l’atelier suite à l’attitude de son supérieur.

Concernant plus précisément les faits du 4 octobre 2019, il ressort de l’attestation de M.[I] et de la lettre de contestation d’accident du travail adressée par l’employeur à la caisse primaire d’assurance maladie que M. [A] a souhaité procéder à la fouille du véhicule de Mme [X] après avoir vu que 4 bidons de fourrage chocolat au nom de la société Royal Beignet s’y trouvaient ; Mme [L], employée à Auchan, atteste de l’état de Mme [X] après la fouille de son véhicule (en pleurs et tremblante) et avoir craint qu’elle ne fasse un malaise ; M.[D], témoin (par téléphone) de la la scène de fouille, relate avoir entendu M. [A] dire à haute voix à Mme [X] qu’elle était une voleuse et l’avoir entendu la rabaisser et l’humilier.

Mme [X] produit en outre un certificat médical de prolongation de son arrêt de travail (en accident du travail) daté du 20 novembre 2019 mentionnant une ‘agression verbale de la part de son supérieur hiérarchique considérée comme harcèlement au travail’.

Ainsi, il est bien rapporté la matérialité de faits répétés qui, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l’existence d’une situation de harcèlement moral.

Il appartient dès lors à la société Royal Beignet de démontrer que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Concernant l’attitude générale de M [A] à l’égard de Mme [X], l’existence d’échanges cordiaux entre ces derniers durant des vacances ne permet pas d’exclure l’existence d’une situation de harcèlement moral.

De la même manière, le fait que d’autres salariés n’aient pas subi le même comportement que Mme [X] de la part de M. [A] ne permet pas de démontrer que les agissement de celui-ci à l’égard de cette salariée n’étaient pas constitutifs de harcèlement moral.

L’employeur ne peut pas non plus valablement invoquer la liberté de Mme [X] ne de pas conclure de nouveau contrat de travail à durée déterminée pour considérer qu’aucune situation de harcèlement moral n’est susceptible d’être caractérisée.

Le comportement adopté par M. [A] l’égard de Mme [X], qui avait pour effet de dégrader les conditions de travail de celle-ci (mal-être, pleurs), dépassait l’exercice normal de son pouvoir de direction, sans que la société Royal Beignet n’apporte d’explication objective.

Par ailleurs concernant les faits du 4 octobre 2019, la société Royal Beignet se contente d’indiquer que M [A], qui avait des suspicions de vol, disposait du droit de vérifier le véhicule de sa subordonnée et qu’il l’a fait dans la plus grande discrétion ; elle n’apporte toutefois pas d’élément concernant la surconsommation de produit de nappage alléguée, qui aurait conduit M. [A] à opérer un premier contrôle visuel du véhicule de cette dernière, avant de lui demander d’ouvrir son coffre ; elle n’apporte pas davantage d’explication quant au comportement du responsable de secteur qui a adopté lors de ce contrôle des propos calomnieux et humiliants.

Il résulte de ces éléments que la société Royal Beignet ne démontre pas que ses agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Il est donc caractérisé une situation de harcèlement moral.

Sur la rupture

Sur la demande de résiliation du contrat de travail

La rupture du contrat de travail étant intervenue le 5 octobre 2019, soit antérieurement à la saisine du conseil de prud’hommes par Mme [X], aucune demande de résiliation judiciaire ne saurait prospérer, de sorte que le jugement déféré doit être infirmé sur ce point.

Cependant, Mme [X] demande dans le dispositif de ses conclusions de ‘Confirmer le jugement du conseil de prud’hommes en date du 17 mai 2021 en ce qu’il a imputé la rupture du contrat requalifié à la société Royal Beignet et lui a fait produire les effets d’un licenciement nul’ et sollicite notamment des dommages et intérêts sur le fondement de l’article L.1235-3-1 du code du travail.

Il y a lieu de déduire de ces éléments que la cour est bien saisie d’une demande de nullité de la rupture, fondée sur les agissements de harcèlement moral reprochés à l’employeur.

Sur la nullité de la rupture

Toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.

En l’espèce, le contrat de travail a pris fin le 5 octobre 2019 à l’échéance du terme du dernier contrat d’intervention à durée déterminée signé.

Cependant, la relation de travail a été requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée.

Or, il est caratérisé une situation de harcèlement moral dont le dernier acte est la fouille du véhicule de Mme [X] le 4 octobre 2019, en raison de suspicions infondées de vol, et dans des conditions vexatoires pour la salariée.

Il existe donc un lien entre cette situation de harcèlement moral et la rupture intervenue le lendemain de ces faits. Celle-ci doit dès lors être déclarée nulle en application du texte susvisé.

Sur les conséquences de la rupture

La rupture étant nulle c’est de manière justifiée que le conseil de prud’hommes a alloué à Mme [X] la somme de 1’521,25’euros au titre de l’indemnité de préavis, outre 152,12’euros au titre des congés payés afférents.

Le montant alloué à titre d’indemnité de licenciement sera portée à la somme de 613,90 euros au regard de l’ancienneté de la salariée, le jugement entrepris étant infirmé sur ce point.

Concernant les dommages et intérêts pour nullité du licenciement, au regard de l’ancienneté de Mme [X] (18 mois), de son âge (52 ans) et de ses possibilités de retour à l’emploi, il y a lieu de fixer leur montant à 7 500 euros, en application de l’article L.1235-3-1 du code du travail.

Sur les dommages et intérêts pour préjudice distinct

Mme [X] a été évincée de la société Royal Beignet dans des conditions vexatoires, après avoir été accusée à tort de vol. Il en est résulté pour elle un préjudice distinct de celle de la perte injustifiée de son emploi qui a été justement réparé par l’allocation de la somme de 4’563’euros par le conseil de prud’hommes.

Sur la communication des documents de fin de contrat

Il sera ordonné à la société Royal Beignet de communiquer à Mme [X] ses documents de sortie rectifiés, sans qu’il soit nécessaire, en l’état d’assortir cette obligation d’une astreinte.

Sur les dépens et l’indemnité de procédure

Le jugement entrepris sera confirmé concernant le sort des dépens et l’indemnité de procédure.

La société Royal Beignet sera condamnée aux dépens de l’appel conformément à l’article 696 du code de procédure civile ainsi qu’à payer à Mme [X] une somme complémentaire de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour,

CONFIRME le jugement rendu le 17’mai’2021 par le conseil de prud’hommes de Valenciennes sauf en ce qu’il a :

‘ fixé les effets de la requalification du contrat de travail au 23 avril 2019,

‘ prononcé la résiliation du contrat de travail,

‘ alloué à Mme [X] 772,31’euros à titre de rappel de salaire pour la période d’attente entre le 8 avril 2018 et le 16 septembre 2019, outre 77,23’euros au titre des congés payés y afférents, 285’euros au titre de l’indemnité légale de licenciement, et 9’125,50’euros à titre de dommages et intérêts sur le fondement de l’article L.1235-3-1 du code du travail ;

Statuant à nouveau,

FIXE les effets de la requalification en contrat à durée indéterminée au 6 mars 2018,

DEBOUTE Mme [X] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail ;

PRONONCE la nullité de la rupture intervenue le 5 octobre 2019, qui produit les effets d’un licenciement nul ;

CONDAMNE la société Royal Beignet à payer à Mme [X] :

‘ 613,90 euros à titre d’indemnité de licenciement,

‘ 7 500 euros pour licenciement nul,

DEBOUTE Mme [X] de sa demande de rappel de salaire ;

CONDAMNE la société Royal Beignet à communiquer à Mme [X] ses documents de sortie rectifiés ;

CONDAMNE la société Royal Beignet aux dépens de l’appel ;

CONDAMNE la société Royal Beignet à payer à Mme [X] la somme complémentaire de 2 000 sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER

Valérie DOIZE

LE PRESIDENT

Pierre NOUBEL

 


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