Contrat à durée déterminée d’usage : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02857

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Contrat à durée déterminée d’usage : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Versailles RG n° 21/02857
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 80C

21e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 07 SEPTEMBRE 2023

N° RG 21/02857 – N° Portalis DBV3-V-B7F-UYIS

AFFAIRE :

[U] [G]

C/

S.A.S. INSTITUT [8]

Décision déférée à la cour : Jugement rendu

le 07 Septembre 2021 par le Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de VERSAILLES

N° Chambre :

N° Section : AD

N° RG : 20/00565

Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :

Me Audrey LEGUAY

Me Ugo LE COEUR

le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE SEPT SEPTEMBRE DEUX MILLE VINGT TROIS,

La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

Monsieur [U] [G]

né le 09 Août 1981 à [Localité 9]

de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 6]

Représenté par : Me Audrey LEGUAY, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE

APPELANT

****************

S.A.S. INSTITUT [8]

N° SIRET : 345 052 229

[Adresse 3]

[Localité 7] / France

Représentant : Me Ugo  LE COEUR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1186

Association [2]

N° SIRET : 428 798 573 00070

[Adresse 4]

[Localité 5] / France

Représentant : Me Ugo  LE COEUR, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1186

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 26 Juin 2023 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Thomas LE-MONNYER Président,

Madame Véronique PITR Conseiller,

Madame Odile CRIQ, Conseiller,

Greffier lors des débats : Madame Isabelle FIORE,

FAITS ET PROCÉDURE

M. [G] a été engagé par contrats de travail à durée déterminée d’usage, à compter du 20 octobre 2014, en qualité d’intervenant vacataire au poste de chargé de cours, par la société Institut [8] ([8]) ou par l’association [2], qui gèrent, chacune, une école technique délivrant des formations dans le domaine du spectacle, de l’image et du son, emploient plus de dix salariés (pour la société) et moins de onze (pour l’association) et relèvent de la convention collective nationale de l’enseignement privé hors contrat.

M. [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Versailles, le 6 août 2020, afin d’obtenir la requalification de ses CDD en un CDI, après avoir constaté sa situation de co-emploi et son repositionnement en statut cadre, outre diverses indemnisations à ce titre.

M. [G] a de nouveau saisi le conseil de prud’hommes de Versailles, le 6 novembre 2020 afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur, outre diverses indemnisations.

La société et l’association se sont opposées aux demandes du requérant et ont sollicité sa condamnation au paiement de diverses sommes, dont la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Par jugement de départage rendu le 7 septembre 2021, notifié le 8 septembre 2021, le conseil a statué comme suit :

Dit que la société [8] et l’association [2] ont été co-employeurs de M. [G] depuis le 20 octobre 2014 et jusqu’au 7 juillet 2020,

Requalifie les contrats à durée déterminée d’usage conclus entre M. [G] d’une part, la société [8] et l’association [2] d’autre part, en un contrat à durée indéterminée avec effet au 20 octobre 2014,

Dit que la rupture en date du 7 juillet 2020 du contrat de travail ainsi requalifié revêt les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Fixe le salaire de référence de M. [G] à la somme de 4 491,48 euros bruts,

Condamne solidairement la société [8] et l’association [2] à verser à M. [G] :

* 4 500 euros au titre de l’indemnité de requalification,

* 6 697,84 euros au titre du rappel de salaire pour les périodes intercalaires, outre 669,78 euros au titre des congés payés,

* 8 982,96 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre 898,29 euros au titre des congés payés

* 6 456,50 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

* 15 000 euros au titre de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision et ordonne la capitalisation de ces intérêts, dès lors qu’ils seront dus pour une année entière,

Condamne solidairement la société [8] et l’association [2] à remettre à M. [G] les bulletins de paie – établis au mois le mois -, un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision,

Déboute les parties de leurs demandes contraires ou plus amples,

Condamne solidairement la société [8] et l’association [2] aux entiers dépens,

Constate la présente décision est exécutoire de droit par provision.

Le 1er octobre 2021, M. [G] a relevé appel de cette décision par voie électronique.

Par ordonnance rendue le 21 juin 2023, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l’instruction et a fixé la date des plaidoiries au 26 juin 2023.

Selon ses dernières conclusions remises au greffe le 19 juin 2023, M. [G] demande à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– Dit que la société [8] et l’association [2] ont été ses co-employeurs de Monsieur [U]

[G] depuis le 20 octobre 2014 ;

– Requalifié les CDDU en un CDI avec effet au 20 octobre 2014 ;

– Fixé son salaire de référence à la somme de 4.491,48 euros bruts ;

– Condamné solidairement la société [8] et l’association [2] à lui verser la somme de 4.500 euros au titre de l’indemnité de requalification ;

Condamné solidairement la société [8] et l’association [2] à lui verser un rappel de salaire pour les périodes intercalaires, une indemnité compensatrice de préavis, une indemnité légale de licenciement et, à titre subsidiaire, une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais en réformer les montants ;

Infirmer le jugement en ce qu’il :

– L’a débouté de sa demande de reconnaissance du statut cadre en sa qualité de référent de la filière journalisme audiovisuel ;

– L’a débouté de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs des co-employeurs et a considéré que le contrat de travail aurait été rompu par un licenciement abusif à la date du 7 juillet 2020 ;

– L’a débouté de sa demande tendant à faire produire à la résiliation judiciaire les effets d’un licenciement nul et conséquemment de sa demande d’indemnité pour licenciement nul ;

– L’a débouté de sa demande de rappel de salaire de juillet 2020 jusqu’à la date de résiliation du contrat de travail ;

– L’a débouté de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

– L’a débouté de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

– A fixé des sommes au titre du rappel de salaire pour les périodes intercalaires, de l’indemnité compensatrice de préavis, de l’indemnité légale de licenciement et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, dont il est demandé la réformation des montants alloués.

En conséquence, statuant à nouveau,

Juger que la société [8] et l’association [2] sont ses co-employeurs ;

Juger qu’il bénéficie du statut cadre à compter de mars 2016 en sa qualité de référent de la filière journalisme audiovisuel ;

Prononcer la requalification de la relation de travail en un CDI à compter du 20 octobre 2014 ;

Fixer sa rémunération moyenne mensuelle de référence à la somme de 4 491,48 euros bruts ;

Prononcer la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs des co-employeurs à la date du 14 août 2022, date à partir de laquelle il n’était plus à la disposition des sociétés intimées ;

Juger que cette résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets, à titre principal, d’un licenciement nul ou, subsidiairement, sans cause réelle et sérieuse ;

Condamner en conséquence conjointement la société [8] et l’association [2] à lui verser les sommes suivantes :

‘ 4 500 euros à titre d’indemnité de requalification, en application de l’article L.1245-2 du

code du travail ;

‘ 19 543,55 euros à titre de rappel de salaire pour les périodes intercalaires (du 7 août au 8 septembre 2017, du 1er juillet au 15 septembre 2018, du 1er juillet au 15 septembre 2019)

‘ 1 954,35 euros à titre de congés payés afférents au rappel de salaire pour les périodes

Intercalaires,

‘ 26 948,88 euros à titre d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

‘ 1 000 euros à titre de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

‘ 114 315,41 euros à titre de rappel de salaire jusqu’à la date de résiliation judiciaire du contrat de travail (de juillet 2020 jusqu’au 14 août 2022),

‘ 11 431,54 euros à titre de congés payés afférents au rappel de salaire,

‘ A titre d’indemnité compensatrice de préavis (article 3.9 de la convention collective) :

– A titre principal : 13 474,44 euros, soit 3 mois de salaire pour les cadres, ainsi que 1347,44 euros à titre de congés payés afférents,

– A titre subsidiaire : 8 982,96 euros, soit 2 mois de salaire pour les non cadres, ainsi que 898,29 euros à titre de congés payés afférents,

‘ 8 702,24 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,

‘ Sur l’indemnisation du licenciement nul ou sans cause réelle et sérieuse :

– A titre principal : 60 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement nul,

– A titre subsidiaire : 35 931,84 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

‘ 2 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, en plus des 2000 euros déjà alloués par les premiers juges,

‘ Intérêts légaux, avec capitalisation, et entiers dépens,

Ordonner la remise au salarié des bulletins de paie établis au mois le mois, du certificat de travail et de l’attestation Pôle Emploi, rectifiés et conformes à la décision à intervenir,

Débouter les sociétés intimées de leur demande de condamnation du salarié à verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe le 20 juin 2023, la société [8] et l’association [2], demandent à la cour de :

Confirmer le jugement en ce qu’il a :

– Débouté M. [G] de sa demande de reconnaissance du statut cadre ;

– Débouté M. [G] de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts exclusifs des co-employeurs ;

– Jugé que le contrat de travail a été rompu le 7 juillet 2020 ;

– Débouté M. [G] de ses demandes indemnitaires fondées sur la résiliation judiciaire de son contrat de travail ;

– Débouté M. [G] de sa demande tendant à faire produire à la rupture du contrat les effets d’un licenciement nul ;

– Débouté M. [G] de ses demandes d’indemnités pour licenciement nul ;

– Débouté M. [G] de sa demande de rappel de salaire de juillet 2020 jusqu’à la date de résiliation du contrat de travail ;

– Débouté M. [G] de sa demande d’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé ;

– Débouté M. [G] de sa demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;

-Fixé le salaire moyen de M. [G] à la somme de 3 135,77 euros et dit que cette somme devait être retenue pour les demandes présentées sur le fondement de l’article L.1235-3 du code du travail ;

Infirmer le jugement en ce qu’il a :

– Dit que la société et l’association [2] ont été les co-employeurs de M. [G] depuis

le 20 octobre 2014 et jusqu’au 7 juillet 2020 ;

– Requalifié les CDD d’usage conclus entre M. [G] , la société et l’association [2] en un CDI avec effet au 20 octobre 2014 ;

– Dit que la rupture en date du 7 juillet 2020 du contrat de travail ainsi requalifié revêt les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– Condamné solidairement la société et l’association [2] à verser à M. [G] :

4 500 euros à titre d’indemnité de requalification ;

6 697,84 euros à titre de rappel de salaire pour les périodes intercalaires ;

669,78 euros à titre de congés payés afférents au rappel de salaire pour les périodes intercalaires ;

8 982,96 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

898,29 euros à titre de congés payés afférents ;

6 456,50 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;

15 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Dit que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du prononcé de la présente décision et ordonné la capitalisation de ces intérêts, dès lors qu’ils seront dus pour une année entière ;

– Condamné solidairement la société et l’association [2] à remettre à M. [G] les bulletins de paie ‘ établis au mois le mois ‘ un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision ;

– Condamné solidairement la société et l’association [2] aux entiers dépens ;

En conséquence, statuant de nouveau :

‘ A titre principal :

– Juger que les contrats de travail à durée déterminée d’usage conclus entre la société et

l’association [2] et M. [G] sont valides ;

– Débouter M. [G] de sa demande de requalification desdits contrats de travail en un contrat à durée indéterminée ;

En conséquence :

– Débouter M. [G] de ses demandes de :

– Indemnité de requalification ;

– Rappel de salaire et congés payés afférents pour les périodes intercalaires entre deux contrats à durée déterminée ;

– Indemnité de congés payés ;

– Indemnité de licenciement ;

– Indemnité compensatrice de préavis (et congés payés afférents) ;

– Débouter M. [G] de ses demandes de réévaluation des condamnations de première instance portant sur :

– Le rappel de salaire et congés payés afférents pour les périodes intercalaires entre deux contrats à durée déterminée ;

– L’indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents ;

– L’indemnité légale de licenciement ;

– L’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse;

Condamner M. [G] à rembourser à la société et à l’association [2] les sommes versées en exécution du jugement du conseil de Prud’hommes de Versailles en date du 7 septembre 2021 avec intérêts légaux, avec capitalisation ;

‘ A titre subsidiaire :

– Fixer le salaire de référence à 3 135,77 euros ;

– Juger que la résiliation judiciaire ne produit pas les effets d’un licenciement nul ;

– Juger que la fin des relations contractuelles est :

– Pour l’association [2], le 15 juin 2020 ;

– Pour la société, le 7 juillet 2020 ;

– Juger que la requalification des CDD en CDI ne peut intervenir avant le 1er septembre 2016 ;

En conséquence, limiter les condamnations solidaires de la société et de l’association [2] à :

– 18 814,62 euros en cas de licenciement nul ;

– 9 407,31 euros en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– 6 271,54 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;

– 627,15 euros à titre de congés payés afférents au préavis ;

‘ En tout état de cause :

– Débouter M. [G] de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile;

– Condamner M. [G] à payer à [8] et [2] la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner M. [G] aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures susvisées.

MOTIFS

Sur le coemploi.

M. [G] expose que l’école est gérée en même temps par la SAS [8] et par l’association [2] selon les niveaux de classe considérés.

Il affirme que dans un premier temps tous les CDD étaient conclus avec la SAS [8] et qu’à compter du mois de janvier 2015, les CDD étaient conclus en alternance soit avec la SAS [8] soit avec l’association [2].

Il ajoute avoir travaillé indistinctement aussi bien pour la SAS [8] que pour l’association [2] et qu’il se trouvait sous la subordination juridique des deux entités parfois au cours d’une même période de travail.

Il fait valoir que le coemploi couvre toute la période contractuelle en ce compris celle du 20 octobre 2014 au 04 janvier 2015, période contestée par les intimées, au motif que le coemployeur devient partie au contrat de travail, même si celui-ci a été signé antérieurement.

À cet égard, il relève une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre la SAS [8] et l’association [2].

La société et l’association [2] reconnaissent être coemployeurs de M. [G] à compter du 5 janvier 2015 seulement, en précisant que ce n’est qu’à compter de cette date que l’association [8] SUP a été employeur du salarié.

Une situation de coemploi nécessite soit la démonstration par le salarié qu’il se trouvait dans l’exécution de son travail sous la subordination directe d’un autre employeur que celui avec lequel il a contracté soit une confusion d’intérêts, d’activités et de direction.

Au cas présent, le salarié établit que :

-les bulletins de salaire de chacune des entités lui étaient adressés par la même personne travaillant au sein de la SAS [8],

– l’association [2] a payé en décembre 2019 les salaires et a émis les bulletins de paye correspondant à trois CDD conclus avec la SAS [8].

Il en résulte l’existence d’une confusion d’intérêts, d’activités et de direction entre les intimées créant une situation de coemploi que ces dernières ne contestent pas s’agissant de la période du 05 janvier 2015 jusqu’à la rupture du contrat.

Le premier contrat conclu avec [2] est daté du 5 janvier 2015, le coemployeur devenant partie au contrat de travail ab initio, il sera jugé que le coemploi couvre toute la période contractuelle soit du mois d’octobre 2014 jusqu’à la rupture du contrat de travail.

Ainsi il sera jugé que la SAS [8] et l’association [2] ont été coemployeurs de M. [G] à compter du mois du 20 octobre 2014 au 7 juillet 2020.

Le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

Sur le statut cadre.

M. [G] affirme s’être vu confier le poste de référent de la filière journalisme audiovisuel à compter du mois de mars 2016 et avoir de ce fait eu un rôle d’encadrement pédagogique en étant disponible pour l’ensemble de la filière, en plus des cours qu’il dispensait lui-même au sein de cette dernière. Il énonce qu’en qualité de référent il avait en charge notamment les missions suivantes :

– organiser et définir le contenu de la spécialisation en fonction des parcours pour permettre l’acquisition progressive et permanente des compétences et savoir-faire,

-coordonner le programme pédagogique et l’ingénierie de la formation,

-Faire valider par la direction des sociétés le budget de la filière,

-Assurer le recrutement des enseignants,

-Être l’intermédiaire entre les intervenants et les ressources humaines pour la signature des contrats et la remise des documents de fin de contrat,

-Assurer la gestion des plannings des intervenants sur la filière,

-Gérer la relation avec les étudiants pendant tout leur parcours,

-Gérer les évaluations des étudiants voire les éventuelles sanctions,

-Représenter la filière Cinéma et Audiovisuel lors des manifestations publiques et internes,

-S’occuper des réinscriptions des étudiants dans la filière,

-Assurer la conformité et la cohérence du parcours d’enseignement avec les exigences réglementaires de la filière.

Il soutient avoir eu des responsabilités aussi bien opérationnelles que budgétaires en ayant en charge notamment le recrutement des intervenants, la coordination des contenus pédagogiques la gestion des plannings, le suivi des réinscriptions et la validation du budget de son cursus.

Il souligne qu’il était le seul référent de sa filière.

La société [8] et l’association [2] qui ne reconnaissent la fonction de référent au salarié qu’à compter du 1er septembre 2016, objectent que les missions de référence ne comportent aucune mission d’encadrement.

Elles affirment que la fonction de référent comprend des activités pédagogiques transversales telles les conseils de classe, les éventuels conseil de discipline, la remise des diplômes, les réunions de rentrée et pré-rentrée ainsi que les activités propres à la gestion d’un groupe de spécialisation comprenant notamment le suivi des élèves et la réception individuelle des parents, la préparation des cours et la mise en place des programmes, la coordination et le choix des intervenants, la rédaction et le suivi de la mise à jour des contenus pédagogiques.

Selon l’article 6.5 de la Convention collective nationale de l’enseignement privé hors contrat :

« Dans l’enseignement secondaire, technique et supérieur tels que définis dans le champ d’application de la présente convention collective, l’enseignant cadre est un salarié qui, par sa formation, ses compétences et son expérience confirmées, exerce des responsabilités réelles.

A cet égard, le statut de cadre est attribué à un enseignant dès lors qu’il satisfait aux 4 critères cumulatifs ci-dessous :

1° La possession d’un diplôme ou d’un titre de niveau minimum bac + 4 ;

2° Une expérience d’enseignement d’au minimum 3 années scolaires complètes dans un ou plusieurs établissements relevant du champ d’application de la présente convention collective ;

3° Une charge de travail dans l’établissement correspondant au minimum à 2/3 de la durée conventionnelle de sa catégorie ;

4° L’initiative et la liberté d’agir et de faire sont ainsi définies :

‘ avoir la possibilité d’adapter le programme des cours soit dans ses grandes lignes par une approche différente, soit d’après le niveau des élèves ou des étudiants ;

‘ avoir la possibilité de choisir les sujets, le rythme des contrôles de connaissances et des examens internes quand la structure le permet.

Cependant, tout enseignant ne disposant pas de la totalité des critères précités peut être reconnu cadre par son employeur. »

Contrairement à ce qui est soutenu par le salarié, il ne résulte pas des pièces produites qu’il ait été chargé des missions de gestion, d’organisation et d’encadrement de la filière journalisme.

En effet, s’agissant notamment de l’organisation et de la définition de contenu de la spécialisation, il ressort de la pièce 46-3 de l’appelant que le salarié était seulement amené à donner sa vision du projet pédagogique de la filière.

S’agissant de la coordination des programmes pédagogiques et de l’ingénierie de la formation, il ressort des pièces produites par le salarié que celui-ci était conduit à faire des suggestions mais n’avait pas de pouvoir décisionnaire.

S’agissant de la validation du budget de la filière par la direction, il résulte encore des pièces produites que M. [G] faisait seulement des propositions ponctuelles.

Il n’est pas justifié que M. [G] assurait le recrutement des enseignants, seul son avis lui était demandé sur des intervenants devant travailler avec lui.

S’agissant du rôle d’intermédiaire que M. [G] revendique avoir eu entre les intervenants et les ressources humaines, pour la signature des contrats et la remise de documents de fin de contrat, il ressort des documents produits qu’il a seulement été demandé à M. [G] de transmettre un nouveau modèle de contrat à un intervenant.

S’agissant des autres missions telle que la gestion des plannings des intervenants, la gestion des relations avec les étudiants et les évaluations, la représentation de la filière cinéma et audiovisuelle il n’est pas justifié que ces tâches qui relèvent de la mission de référent impliquent spécifiquement une mission d’encadrement.

Par ailleurs, le salarié n’établit pas avoir bénéficié d’une autonomie dans son action de référent.

En conséquence, M. [G] sera débouté de sa demande de repositionnement de son poste de travail en application de la Convention Collective de l’enseignement privé hors contrat, et par voie de conséquence de sa demande au titre d’un rappel de salaires.

Le jugement qui n’a pas repris à son dispositif le rejet de cette demande sera complété sur ce point.

Sur la demande de requalification du contrat de travail à durée déterminée dit d’usage en contrat de travail à durée indéterminée et les demandes afférentes :

M. [G] fait valoir qu’à partir de 2016 en raison de la prise de ses fonctions de référent de la filière, en plus de son poste de formateur puis de chargé de cours à compter du mois de février 2019, l’enseignement dispensé et rémunéré par l’école [8] est devenu son activité principale, aussi bien en termes de durée d’emploi que de niveau de rémunération.

Il souligne que le nombre de vacations, c’est-à-dire le nombre de jours travaillés a constamment augmenté chaque année aussi bien s’agissant de vacations de chargé de cours que des vacations en tant que référent de la filière.

M. [G] estime ainsi avoir travaillé à 60 % d’un temps plein et fait valoir que l’augmentation du niveau de sa rémunération correspond directement à l’augmentation de la durée d’emploi.

Il oppose par ailleurs que le fait de ne pas ou ne plus détenir la carte de presse ne signifie pas qu’il aurait perdu sa qualité de journaliste professionnel.

La SAS [8] et l’association [2] soutiennent que M. [G] n’a réalisé qu’un nombre limité de vacations de sorte qu’il pouvait consacrer plus de temps à son activité de journaliste qu’à ses interventions au sein de [8].

Les intimées font valoir que les vacations de référent se réalisent en grande partie à distance et demandent peu de temps, que la préparation des cours et la mise en place des programmes ne changent que de façon très marginale d’une année à l’autre et que la filière journalisme est de taille très modeste pour ne regrouper selon les années, seulement que 10 à 24 étudiants en ajoutant que le salarié n’était pas le seul pour assurer les cours.

Elles affirment que M. [G] leur aurait caché le fait d’avoir perdu sa carte de presse et en conséquence de ne plus être un journaliste professionnel en activité alors qu’il s’agissait d’une condition nécessaire à son embauche au sein de l’école [8].

En observant que le salarié reconnaît que l’essentiel de son activité réside dans les cours dispensés, les intimées soutiennent que le salarié n’avait aucune activité durant l’été en expliquant que [8] et [2] sont des écoles qui sont fermées au mois de juillet et août de chaque année pendant les vacances scolaires et que leur administration est également fermée de façon systématique pendant trois semaines l’été, chaque salarié étant tenu de poser ses congés pendant quatre semaines.

Selon l’article L. 1242-1du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet, ni pour effet, de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

Selon l’article L.1242-2 3° du code du travail, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par voie de convention ou d’accord collectif étendu, certains des emplois en relevant, peuvent être pourvus par des contrats de travail à durée déterminée lorsqu’il est d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée, en raison du caractère par nature temporaire de ces emplois.

En l’espèce il est constant que M. [G] a conclu des contrats à durée déterminée d’usage :

Du 20 octobre 2014 au 31 juillet 2015,

Du 1er octobre 2015 au 24 juin 2016,

Du 04 octobre 2016 au 29 juin 2017,

Du 12 septembre 2017 au 29 juin 2018

Du 18 septembre 2018 au 28 juin 2019

Du 17 septembre 2019 au 07 juillet 2020.

Le fait que l’enseignement figure au nombre des secteurs d’activités énumérés à l’article D 1242-1 du même code, concernés par les contrats à durée déterminée d’usage, ne suffit pas à lui seul à justifier le recours à de tels contrats, pour tous les emplois relevant de ce secteur.

Il convient également de rechercher si, pour l’emploi concerné, une convention collective prévoit qu’il est effectivement d’usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée et si l’emploi en cause était par nature temporaire.

A cet égard, la convention collective de l’enseignement privé hors contrat applicable a expressément prévu en son article 3.3.2.4 la possibilité pour l’employeur de recourir à des contrats de travail à durée déterminée d’usage pour engager des:

– enseignants dispensant des cours qui ne sont pas systématiquement mis en ‘uvre dans l’établissement ;

– enseignants-chercheurs régulièrement inscrits pour la préparation d’un doctorat et dont les travaux sont encadrés ou co-encadrés par un salarié de l’école ;

– intervenants occasionnels dont l’activité principale n’est pas l’enseignement ;

– enseignants dont les cours sont dispensés sous forme d’options (les options sont les composantes d’un cursus pédagogique intégrant un système à la carte et que les étudiants choisissent ou pas d’inclure dans leur formation. La programmation effective par l’école de ces cours dits optionnels est dépendante du choix final effectué chaque année par l’ensemble des étudiants concernés) ;

– correcteurs, membres de jury ;

– surveillants des internats et des externats dès lors qu’ils ont le statut étudiant ;

– chargés d’études et conseillers réalisant des missions ponctuelles (diagnostics, études ou conseils techniques, bilans et audits divers, etc.).

Il est établi que M. [G] a travaillé pour la SAS [8] et l’association [8] à hauteur de :

– 11 vacations en 2014,

– 46 vacations en 2015,

– 90 vacations en 2016

– 118 vacations en 2017,

– 133 vacations en 2018,

– 132 vacations en 2019,

– 98 vacations sur le premier semestre 2020.

L’augmentation significative et constante des vacations effectuées par M. [G] à compter de 2016, année au cours de laquelle il devient référent démontre qu’il occupait au sein de l’entreprise, non pas tel que soutenu par les intimées un emploi d’intervenant occasionnel et de chargée d’études pour lequel un CDD d’usage est légal, mais bien un emploi durable au sein de l’établissement, tel que le justifie également la progression de ses revenus versés par les deux établissements d’enseignement depuis septembre 2016 pour représenter en 2019 le pourcentage de 87 % de ses revenus totaux selon les revenus professionnels déclarés aux impôts.

Étant rappelé que M. [G] a été engagé en tant que journaliste pigiste, sans que la détention par ce dernier d’une carte de presse n’apparaisse sur les contrats à durée déterminée d’usage comme étant une condition aux consentements de la société et de l’association intimées, la perte de cette carte par le salarié, qui tel que soutenu à juste titre par M. [G] au regard des dispositions de l’article L.7111-3 du code du travail, ne lui fait pas perdre le statut de journaliste professionnel, ne saurait être constitutive d’un dol de ce dernier, sur le fondement de l’article 1137 du Code civil, contrairement à ce qui est allégué par ces dernières.

S’il est certes démontré par les intimées que la filière journalisme était en effet de taille relativement modeste pour regrouper, tel qu’en convient lui-même le salarié dans un courriel du 15 septembre 2020, environ 25 étudiants pour les promotions 2020 et 2021 (hors chiffrage de la promotion 2022), il ressort d’un courriel du 1er février 2019 (pièce 46-5 du salarié) adressé par M. [M] [B], au directeur général M. [K] [Z], qu’en sa qualité de référent pour la spécialisation image, ses tâches sont nombreuses et variées et que la fonction de référent prend beaucoup de temps contrairement à ce qui est soutenu par les intimées.

Ainsi, M. [B] décrit ses tâches de référent la façon suivante : « Par exemple, dans les prochaines semaines, je vais assurer mes TD, gérer mes intervenants, les remplacer si besoin au pied levé, ( qui dit nouvel intervenant, dit tout reprendre avec lui), faire le suivi de la pédagogie auprès des intervenants, gérer le planning de ma spécialisation, rentrer les notes et les appréciations pour les bulletins des élèves de troisième année, lire les rapports de stage, les rapports de veille, gérer les syllabus, les compétences, peut-être des réunions concernant l’alternance, recevoir ou téléphoner aux élèves en difficulté ( et il y en a de plus en plus) prendre du temps avec ceux qui voudraient faire de la spécialisation image, répondre aux anciens élèves qui demandent très régulièrement des conseils et de l’aide et j’en oublie sûrement beaucoup. Ma priorité est l’employabilité de mes étudiants. ( ‘) Je pense m’investir et ne pas compter mes heures. Mais comme pour tout être humain, mes journées ne font que 24 heures. ».

Même si le nombre d’élèves suivis par M. [B] n’est pas spécifié par les parties, l’allégation des intimées selon lesquelles les vacations de référent auraient été ponctuelles et ne demandaient que peu de temps, est contredite par ce témoignage.

L’importance des vacations réalisées par le salarié est soulignée par M. [T] [C] Directeur de l’ingénierie pédagogique aux termes d’un mail adressé à M. [G] le 29 juin 2020, selon lequel : « Ton cas individuel est effectivement très significatif car tu effectues actuellement plus d’heures de formation qu’aucun autre référent de filière, permanent compris. Cela éclaire une fois de plus la hauteur de ton engagement dans l’établissement. ».

Le fait que la mission de référent aurait été octroyée à M. [G] sur sa demande expresse sans être assortie d’une demande de CDI, n’est pas établi contrairement à ce que prétendent les intimées au regard de leur pièce n° 27 qui est constituée du projet pédagogique du salarié pour la filière, sans aucune autre mention.

De même, le fait que M. [G] soit devenu référent pédagogique en 2016 de façon progressive tel qu’il résulte d’un mail du salarié adressé à Mme [N] le 29 juin 2020 est sans incidence, ce dernier précisant avoir été référent sur quasiment toute la formation en 2018 et sur toute la formation en 2019.

Il ressort de l’ensemble de ces éléments, que les contrats à durée déterminée successifs conclus par le salarié en tant qu’intervenant vacataire formateur, puis de chargé de cours incluant la qualité de référent pédagogique de la filière avaient pour objet, à compter de septembre 2016 de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.

La requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée est en conséquence justifiée et le jugement entrepris sera confirmé de ce chef.

En revanche, M. [G] ne justifie pas au regard des pièces produites aux débats que la mission de référent lui ait été confiée au mois de mars 2016 tel qu’il le soutient. La requalification du contrat de travail emportera donc effet à compter du 1er septembre 2016 au regard de la fonction de référent reconnue par l’employeur à cette date au salarié et du nombre de vacations confiées au salarié à compter de cette date.

Le jugement déféré sera infirmé sur ce point.

Sur la demande d’indemnité de requalification.

Le salarié sollicite à ce titre l’allocation de la somme de 4 500 euros.

L’article L. 1245-2 du code du travail dispose qu’en cas de requalification du contrat initial en contrat à durée indéterminée, il doit être accordé une indemnité au salarié qui ne peut être inférieure à un mois de salaire. La jurisprudence précise à cet égard qu’elle ne saurait être inférieure au dernier salaire mensuel perçu.

Sans discussion par les intimées du principe de créance ou du quantum sollicité par l’appelant, M. [G] est fondé à obtenir la somme de 4 500 euros bruts au titre de l’indemnité sollicitée, par confirmation du jugement entrepris sur ce point.

Sur les rappels de salaire au titre des périodes interstitielles.

En cas de requalification de plusieurs contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, le salarié ne peut prétendre au paiement de rappels de salaire pour les périodes intermédiaires, séparant deux contrats à durée déterminée, qu’à la condition de justifier qu’il se trouvait à la disposition de l’employeur.

Il appartient au salarié d’établir qu’il s’est tenu à la disposition de son employeur durant cette période afin de justifier sa demande de rappel de salaires.

M. [G] demande le paiement de la somme de 19 543,55 euros bruts au titre des périodes interstitielle suivantes :

Du 7 août au 8 septembre 2017 = 2 798,95 euros,

Du 1er juillet au 15 septembre 2018 = 8 041 euros,

Du 1er juillet au 15 septembre 2019 = 8 703,60 euros.

En l’espèce, M. [G] soutient qu’il s’est tenu à la disposition de la SAS [8] et de l’association [2] durant l’ensemble de la relation contractuelle, que durant cette période il n’a perçu que les salaires correspondant aux vacations, aux allocations de Pôle emploi ou aux piges occasionnelles.

Il ressort des nombreux éléments communiqués par le salarié et notamment de ses échanges avec M [Y], référent pour les classes préparatoires, avec M. [Z] directeur général, avec M.. [X] [L], directeur de production qu’au cours des périodes interstitielles, le salarié était à la disposition de l’employeur en continuant par exemple de répondre aux nombreuses sollicitations et directives de l’école :

Ainsi au cours de l’été 2017, par la production notamment de suggestions de pédagogie inversée, tel qu’il le lui était demandé le 15 juillet 2017, par la préparation de modalités de notation le 14 août 2017, par une demande le 18 juillet 2018 d’établir un plan d’action dans le cadre de l’implication des étudiants dans les cérémonies des Lumières, des Césars et des Lauriers.

Au cours de l’été, le 3 juillet 2018, il était demandé au salarié de communiquer le programme de ses huit cours et les exercices associés pour le 20 août suivant.

Le 29 août 2018, M. [G] était sollicité afin de réfléchir à des évaluations plus individuelles pour les étudiants.

En 2019, le 2 juillet, le directeur de l’école proposait à M. [G] une réunion de présentation des budgets pédagogiques fixée au 17 juillet suivant.

Le 23 juillet 2019, il était demandé au salarié d’actualiser ses cours et d’envoyer son programme avant le 20 août 2019.

Contrairement à ce que soutiennent les employeurs, il résulte de l’ensemble de ces pièces non seulement que le salarié s’est tenu à la disposition des employeurs pendant les périodes estivales en répondant aux nombreux messages et sollicitations, mais qu’il a aussi travaillé en répondant de façon précise aux directives qui lui était données, notamment par la mise en place de la pédagogie inversée, par la gestion d’élèves en difficulté, et par sa présence à une formation.

L’objection des sociétés intimées sur la légitimité de la demande en 2017 de M. [Y] à M. [G], d’une pédagogie inversée au motif que ce dernier venait d’intégrer [8] est inopérante à contester le travail effectué par M. [G] en réponse à cette demande, dont il justifie ( pièce n° 51-1) alors qu’il est établi par ailleurs que M. [Y], référent, avait été directeur des admissions pendant plusieurs années au sein de [8] ( pièce n° 46-1de l’appelant).

Ainsi, il est démontré que le salarié s’est tenu à la disposition de son employeur qui l’a sollicité, ainsi qu’il a été dit précédemment pendant les mois de juillet et août des années 2017, 2018 et 2019.

M. [G] est en conséquence bien fondé en ses demandes de rappels de salaire pour les périodes interstitielles, non discutées dans leur quantum, par la société et l’association intimées.

Ainsi, il sera alloué au salarié la somme totale de 19 543,55 euros bruts au titre des périodes interstitielles, outre la somme de 1 954,35 euros au titre des congés payés afférents. Le jugement sera réformé de ce chef sur le montant de la créance de l’appelant.

Sur le travail dissimulé.

La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L. 8221-5 du code du travail n’est caractérisée que s’il est établi que l’employeur s’est soustrait intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10 relatif à la déclaration préalable d’embauche ou à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2 relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie.

Le caractère intentionnel ne peut se déduire de la requalification des contrats.

En l’absence de tout élément démontrant l’intention frauduleuse, il convient de confirmer le débouté de cette demande d’indemnité pour travail dissimulé.

Sur la demande de dommages-intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail.

M. [G] entend démontrer que son contrat n’a pas été exécuté loyalement en raison de manquements de la société SAS [8] et l’association [2].

En réplique, les intimées contestent les manquements allégués, soutiennent que la proposition d’un nouveau contrat de travail le 11 septembre 2020 ne relève pas de l’exécution d’un contrat de travail existant, mais de la négociation d’un nouveau contrat de travail.

La loi, tant le code civil que le code du travail, prescrit que le contrat est exécuté de bonne foi.

Tel que soutenu à bon droit par les intimées, les faits dénoncés par le salarié ne relèvent pas de l’exécution du contrat de travail mais de la négociation d’un nouveau contrat.

En conséquence, les préjudices invoqués par M. [G] ne sont pas établis et le jugement sera confirmé en ce qu’il a débouté le salarié de sa demande de dommages et intérêts pour violation de l’obligation loyauté dans l’exécution du contrat de travail.

Sur la rupture du contrat de travail :

M. [G] conteste que le contrat de travail ait pris fin à la date du 7 juillet 2020 en faisant valoir que la relation de travail s’est poursuivie au-delà du terme du dernier CDD. Il soutient qu’il lui a été demandé au cours de l’été 2020 de se préparer pour la rentrée de septembre 2020, que lui a été transmis le « Kit intervenant » en août 2020 et qu’il lui a été demandé notamment de proposer une nouvelle grille pédagogique, ainsi que la mise à jour de ses fiches pédagogiques au cours de l’été 2020.

M. [G] qui réclame le paiement de la somme de 114 315,41 euros à titre de rappels de salaire du 1er juillet 2020 au 14 août 2022, de fait, sollicite la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur en reprochant à celui-ci des manquements graves dans l’exécution de ses obligations contractuelles, lesquels rendaient impossible la poursuite du contrat de travail.

Il reproche à ce titre une modification de son contrat de travail proposée par l’employeur par mail du 11 septembre 2020, proposition qu’il estime avoir été faite en représailles à l’action judiciaire intentée à son initiative le 06 août 2020 .

Il fait également grief à l’employeur de n’avoir tiré aucune conséquence de son refus d’une telle modification du contrat de travail et de l’avoir totalement ignoré en cessant de lui fournir du travail et de lui verser un salaire alors qu’il était resté à sa disposition.

Le salarié fait valoir qu’à l’expiration d’un CDD ultérieurement requalifié en CDI l’employeur qui ne fournit plus de travail et ne paye plus les salaires est responsable de la rupture du contrat de travail qui s’analyse en un licenciement ouvrant droit pour le salarié a des indemnités de rupture.

Expliquant être demeuré à la disposition des intimées, comme indiqué dans son mail du 12 octobre 2020, M. [G] sollicite de voir prononcer la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de l’employeur à la date du 14 août 2022.

Le salarié soutient en outre au visa de l’article 1134-4 du code du travail qu’au regard des manquements graves commis par l’employeur à la suite de la saisine de la juridiction prud’homal la résiliation judiciaire du contrat de travail produit les effets d’un licenciement nul.

Les intimées rappellent que la relation de travail s’est terminée le 7 juillet 2020 à l’arrivée du terme du dernier CDD. Elles contestent toute demande à M. [G] en 2020 « de se préparer pour la rentrée ».

Elles s’opposent à tout rappel de salaire en relevant que M. [G] n’invoque pas le fait d’être resté au service de son employeur, mais seulement d’être resté à sa disposition.

La SAS [8] et l’association [2] opposent qu’à la date du 11 septembre 2020, les CDD de M. [G] n’avaient pas encore été requalifiés par le conseil de prud’hommes de Versailles.

Elles concluent au débouté de la demande en nullité du licenciement.

En application de l’article 1184, devenu 1224, du code civil, le salarié peut demander la résiliation de son contrat de travail en cas de manquements de son employeur à ses obligations. Il appartient au salarié de rapporter la preuve des manquements invoqués. Le juge apprécie si la gravité des manquements justifie la résiliation du contrat. Le manquement suffisamment grave est celui qui empêche la poursuite du contrat.

Toutefois, il est de droit que l’employeur qui cesse de fournir du travail et de verser un salaire au salarié à l’expiration du dernier contrat à durée déterminée requalifié, met fin aux relations de travail au seul motif de l’arrivée du terme d’un contrat improprement qualifié par lui de contrat de travail à durée déterminée. Dans l’hypothèse où cette rupture intervient sans qu’un courrier de licenciement faisant état d’une cause réelle et sérieuse de rupture ne soit notifié à la salariée, cette rupture advenue à son initiative, s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse qui ouvre droit au profit du salarié au paiement des indemnités de rupture et de dommages-intérêts.

En l’espèce, il est constant que postérieurement à la saisine par le salarié du conseil de prud’hommes en requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, les employeurs ont proposé au salarié de conclure un contrat à durée indéterminée dont les modalités essentielles étaient les suivantes :

poste d’adjoint au référent de la filière, M. [A] [O], portant sur l’écriture journalistique (formation et ateliers), et analyse média.

Il était offert à M. [G] un CDI ou CDII de 450 heures annuelles avec une répartition de 50 % du temps en travaux dirigés et 50 % du temps en intervention face-à-face. Le salaire proposé était de 16 650 euros bruts annuels. Il était précisé que l’employeur était [8] et le lieu de travail sur le site d'[Localité 7].

M.[D] ajoutait qu’il conviendrait de discuter le type de contrat sous forme d’un CDI ou d’un CDII , un CDII pouvant être davantage compatible avec son emploi de journaliste.

M. [G] a légitimement refusé cette proposition par mail du 15 septembre 2020 compte tenu de la diminution importante de sa rémunération.

Ces échanges n’ont pas eu pour effet de reporter la date de rupture du contrat de travail. Celle-ci étant datée du 7 juillet 2020, terme du dernier CDD, la saisine de la juridiction prud’homale en résiliation judiciaire du contrat de travail est dépourvue de portée, conformément au principe rupture sur rupture ne vaut.

Pour les mêmes motifs, et s’agissant de ses effets, la saisine de la juridiction, postérieure à la rupture, ne saurait emporter la nullité de celle-ci ainsi que le sollicite le salarié.

En l’état de ces éléments, le jugement sera confirmé en ce qu’il a jugé que la rupture de la relation contractuelle produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse au 7 juillet 2020.

Sur les conséquences financières de la rupture.

Selon l’article L. 1245-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, les effets de la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée remontent à la date de la conclusion du premier contrat à durée déterminée irrégulier, soit en l’espèce au 1 er Septembre 2016.

En premier lieu, le salarié a droit à une indemnité compensatrice de préavis.

Conformément à l’article L. 1234-5 du code du travail, l’indemnité compensatrice de préavis doit correspondre à la rémunération brute que le salarié aurait perçue s’il avait travaillé pendant la période de délai congé. En l’espèce au vu des bulletins de paye, il convient de faire droit à sa demande en paiement de la somme de 8 982,96 euros bruts outre 898,29 euros bruts au titre des congés payés afférents par confirmation du jugement entrepris de ce chef.

En second lieu, le salarié a droit à une indemnité de licenciement ; M. [G] sollicite à ce titre la somme de 8 702,24 euros. Le salarié avait une ancienneté de 3 ans et 10 mois.

L’article L. 1234-9 du code du travail dispose que le salarié titulaire d’un contrat de travail à durée indéterminée, licencié alors qu’il compte huit mois d’ancienneté ininterrompus au service du même employeur, a droit, sauf en cas de faute grave, à une indemnité de licenciement.

Selon l’article R. 1234-2 du code du travail l’indemnité de licenciement ne peut être inférieure à un quart de mois de salaire par année d’ancienneté, jusqu’à 10 ans auquel s’ajoutent un tiers de mois de salaire par année à partir de dix ans.

Calculée sur la base d’une ancienneté, de 3 ans et 10 mois du salaire de référence, l’indemnité de licenciement due à M. [G] est égale à 4 304,33 euros.

En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de l’ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017, le salarié peut, prétendre au paiement d’une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse comprise entre un montant minimal de 3 mois de salaire brut et un montant maximal de 4 mois de salaire brut.

Au vu de ces éléments, de l’âge du salarié (39 ans au moment du licenciement), de son ancienneté dans l’association et des justificatifs de sa situation professionnelle actuelle, notamment du fait qu’il bénéficie d’un CDD avec la société B smart TV, il sera alloué à M. [G] la somme de 15 000 euros bruts à titre de dommages intérêts par confirmation du jugement déféré de ce chef .

Sur les autres demandes.

Il n’y a pas lieu de déroger aux dispositions des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil prévoyant que les créances de nature salariale porteront intérêts au taux légal, à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation pour les créances échues à cette date et à compter de chaque échéance devenue exigible, s’agissant des échéances postérieures à cette date,  les créances à caractère indemnitaire produisant intérêts au taux légal à compter de la décision en fixant tout à la fois le principe et le montant.

La capitalisation des intérêts sera ordonnée en application de l’article 1343-2 du code civil.

Il sera ordonné à la société [8] et l’association [2] de délivrer à M. [G] un certificat de travail, un bulletin de paye de régularisation et une attestation Pôle emploi conformes au présent.

Les intimées seront condamnées à payer à M. [G] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles de l’appel.

La société [8] et l’association [2] seront condamnées aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Versailles le 7 septembre 2021 en ce qu’il a :

– requalifié à la date du 20 octobre 2014, les contrats à durée déterminée d’usage conclus entre M. [G] et la société [8] et l’association [2],

– condamné au paiement de la somme de 6 697,84 euros, la société [8] et l’association [2] au titre du rappel de salaire pour les périodes interstitielles,

– condamné au paiement de la somme de 6 456,50 euros, la société [8] et l’association [2] au titre de l’indemnité légale de licenciement,

Statuant de nouveau des chefs infirmés,

Requalifie à la date du 01 septembre 2016, les contrats à durée déterminée d’usage conclus entre M. [G] et la société [8] et l’association [2],

Condamne solidairement la société [8] et l’association [2] à payer à M. [G] la somme de 19 543,55 euros bruts au titre des périodes interstitielles, outre la somme de 1 954,35 euros au titre des congés payés afférents,

Condamne solidairement la société [8] et l’association [2] à payer à M. [G] la somme de 4 304,33 euros au titre de l’indemnité de licenciement,

Confirme le jugement pour le surplus de ses dispositions,

Y ajoutant,

Déboute M. [G] de sa demande du statut de cadre,

Rappelle que les créances de nature salariale porteront intérêt à compter de la réception par l’employeur de la convocation devant le conseil de prud’hommes, pour les créances salariales échues à cette date  et à compter de chaque échéance devenue exigible, s’agissant des échéances postérieures à cette date, alors que les créances indemnitaires porteront intérêt au taux légal à compter de la décision qui les ordonne. 

Ordonne la capitalisation des intérêts.

Ordonne à la société [8] et l’association [2] de délivrer à M. [G] un certificat de travail, un bulletin de paye de régularisation et une attestation Pôle emploi conformes au présent arrêt.

Condamne solidairement la société [8] et l’association [2] à payer à M. [G] la somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles exposés en cause d’appel,

Condamne solidairement la société [8] et l’association [2] aux entiers dépens.

– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Odile CRIQ magistrat, pour le Président légitimement empêché et par Isabelle FIORE, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, P/Le président,

 


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