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REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 21 SEPTEMBRE 2023
(n°2023/ , 10 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/07107 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEFL2
Décision déférée à la Cour : Jugement du 11 Mai 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/08581
APPELANT
Monsieur [C] [J]
[Adresse 1]
[Adresse 1]
Représenté par Me Emmanuel HAIMEZ, avocat au barreau de PARIS, toque : A137
INTIMEE
S.A. MARINA DE BERCY
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
Représentée par Me Antoine PASQUET, avocat au barreau de PARIS, toque : K 117
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 2 juin 2023, en audience publique, les parties ne s’y étant pas opposées, devant Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre,
Madame Marie-Christine HERVIER, Présidente de chambre,
Madame Séverine MOUSSY, Conseillère
Greffier : Madame Philippine QUIL, lors des débats
ARRÊT :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– signé par Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre, et par Madame Joanna FABBY, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
M. [C] [J] a travaillé pour la société Marina de Bercy, ci-après la société, entre les 31 décembre 2015 et 31 décembre 2019 en qualité de maître d’hôtel, puis, à compter du 1er janvier 2017, également en celle de commissaire de bord.
Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale du personnel des entreprises de transport en navigation intérieure.
La société occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la fin des relations contractuelles.
Faisant valoir que la société avait multiplié les contrats de travail à durée déterminée en violation du formalisme requis et de ses droits et sollicitant notamment la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée ainsi que la reconnaissance de l’absence de cause réelle et sérieuse de son licenciement, M. [J] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris qui, par jugement du 11 mai 2021 auquel la cour renvoie pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, a :
– débouté M. [J] de l’ensemble de ses demandes ;
– débouté la société de sa demande reconventionnelle ;
– laissé les dépens à la charge de M. [J].
Par déclaration transmise par voie électronique le 3 août 2021, M. [J] a relevé appel de ce jugement notifié par lettre datée du 12 juillet 2021.
Par conclusions notifiées par le réseau privé virtuel des avocats (RPVA) le 24 avril 2023 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [J] demande à la cour de :
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a débouté de ses demandes :
* visant à voir requalifier la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 31 décembre 2015,
* visant à faire constater son licenciement comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse,
* de fixation de son salaire moyen brut mensuel à la somme de 3 127,24 euros,
* de condamnation de la société à lui verser :
. 15 000 euros à titre d’indemnité de requalification,
. 3 127,24 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
. 6 254,48 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
. 625,44 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés sur préavis,
. 15 636 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
. 12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du temps de pause et du temps de repos,
. 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,
. 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité,
* visant à assortir les condamnations financières au taux d’intérêt légal,
* visant à ordonner la remise par la société d’un bulletin de paie, d’une attestation Pôle emploi et d’un certificat de travail conformes au jugement à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document passé un délai de huit jours à compter de la notification de la décision,
* de condamnation de la société à verser 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
et en ce qu’il a laissé les dépens de l’instance à la charge de M. [J] ;
et statuant à nouveau :
– requalifier la relation de travail ayant existé entre la société et M. [J] en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 31 décembre 2015 ;
– dire le licenciement de M. [J] par la société comme étant dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
– constater que la société a manqué à ses obligations légales en matière de sécurité et de protection de la santé de M. [J] ;
– fixer le salaire moyen brut mensuel de M. [J] à la somme de 3 127,24 euros ;
en conséquence,
– condamner la société à verser à M. [J] les sommes de :
* 15 000 euros à titre d’indemnité de requalification ;
* 3 127,24 euros à titre d’indemnité légale de licenciement ;
* 6 254,48 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis ;
* 625,44 euros à titre de congés payés sur préavis ;
* 15 636 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
* 20 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect de l’obligation de sécurité ;
* 12 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect du temps de pause et du temps de repos ;
* 15 000 euros à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;
– dire que ces sommes seront assorties d’intérêts au taux légal à compter de la saisine du conseil de prud’hommes ;
– ordonner la remise à M. [J] par la société intimée d’un bulletin de paie, d’une attestation Pôle emploi et d’un certificat de travail conformes ‘au jugement’ à intervenir, sous astreinte de 50 euros par jour de retard et par document passé un délai de huit jours à compter de la notification de l’arrêt à intervenir ;
– condamner la société à verser à M. [J] la somme de 4 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouter la société de l’ensemble de ses demandes ;
– condamner la société intimée aux dépens.
Par conclusions transmises et notifiées par le RPVA le 19 janvier 2022 auxquelles la cour se réfère pour plus ample exposé des moyens et prétentions en application de l’article 455 du code de procédure civile, la société demande à la cour de :
– confirmer le jugement ;
– en conséquence, débouter M. [J] de l’ensemble de ses demandes ;
– le condamner à la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
L’ordonnance de clôture est intervenue le 10 mai 2023.
A l’audience, la magistrate chargée du rapport a laissé aux parties un délai de 15 jours pour transmettre une note en délibéré portant sur les points suivants :
– l’absence de reprise au dispositif des conclusions de la société de la fin de non-recevoir tirée la prescription de l’action en requalification pour les contrats antérieurs au 17 novembre 2018 et ses conséquences au regard de l’article 954 du code de procédure civile ;
– une éventuelle médiation.
Les conseils des parties ont chacun transmis une note par le RPVA le 16 juin 2023.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription
Dans le corps de ses conclusions, la société invoque que le délai de prescription de l’action en requalification d’un contrat de travail à durée déterminée est de deux ans et commence àcourir à compter du terme ou de la conclusion du contrat, ce point de départ étant en l’espèce identique. Elle en déduit que M. [J] ayant saisi la juridiction prud’homale le 17 novembre 2020, seuls les contrats de travail à durée déterminée conclus à compter du 17 novembre 2018 ‘intéressent’ l’instance.
Dans sa note du 16 juin 2023, la société fait valoir que dans la partie discussion de ses écritures, elle ne soulève qu’un moyen consistant à soutenir que l’appelant ne peut se fonder sur des contrats de travail à durée déterminée antérieurs de deux ans à sa saisine pour obtenir la requalification en contrat à durée indéterminée mais ne prétend pas que l’action est prescrite. Elle invoque un arrêt du 11 mai 2023 de la Cour de cassation
n°20-22472.
M. [J] répond dans ses conclusions que l’action se prescrit par deux ans mais que si elle est engagée dans ce délai, le salarié est en droit de se prévaloir d’une requalification au premier contrat irrégulier même si celui-ci remonte à plus de deux ans.
Dans sa note du 16 juin 2023, M. [J] relève que le dispositif des écritures de l’appelante ne contient pas ‘la moindre demande relative à une prescription même qui ne concernerait que certains contrats antérieurs à deux ans’ et que la cour n’a pas à se prononcer sur ce point. Il soutient que la cour doit écarter la référence à l’arrêt susvisé qui ne figure pas dans les conclusions de la société.
En application de l’article 954 du code de procédure civile, les prétentions des parties formulées dans les conclusions d’appel sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour d’appel ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif
La fin de non-recevoir doit être énoncée au dispositif des écritures s’agissant d’une prétention puisqu’elle vise à faire déclarer l’adversaire irrecevable en sa demande.
Au cas présent, comme indiqué ci-dessus, la société invoque dans la partie discussion de ses écritures que le délai de prescription de l’action en requalification d’un contrat de travail à durée déterminée est de deux ans et en déduit que M. [J] ayant saisi la juridiction prud’homale le 17 novembre 2020, seuls les contrats de travail à durée déterminée conclus à compter du 17 novembre 2018 ‘intéressent l’instance’. Il en résulte sans ambiguïté que la société soutient que la demande est en partie atteinte par la prescription en ce qu’elle porte sur les contrats de travail à durée déterminée conclus avant le 17 novembre 2018.
Or le dispositif des conclusions de la société est rédigé comme suit :
– confirmer le jugement ;
– en conséquence, débouter M. [J] de l’ensemble de ses demandes ;
– le condamner à la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de l’instance.
Ce dispositif ne tend pas à voir déclarer partiellement irrecevable la demande de requalification de M. [J], étant souligné que le conseil de prud’hommes a lui-même, dans le dispositif du jugement, débouté M. [J] de ses demandes et n’a pas statué sur une prescription, les premiers juges ayant motivé leur décision par le fait que le recours aux contrats de travail à durée déterminée était justifié et légal.
Il s’ensuit que la cour n’a pas à statuer sur la prescription soulevée par la société dans le corps de ses conclusions.
Sur la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée
M. [J] soutient que la requalification s’impose pour les motifs suivants :
– le non-respect par la société de ses obligations en matière de rédaction de contrats de travail à durée déterminée, M. [J] relevant notamment qu’aucun contrat de travail n’est produit pour la période de décembre 2015 au 14 février 2017, ni non plus pour celle de mai 2017 à mai 2019 ;
– son emploi était lié à l’activité durable et permanente de l’entreprise en ce qu’il a occupé les fonctions de maître d’hôtel pendant quatre années sur les bateaux de la société qui a pour seule activité la restauration et qu’il n’existe pas d’usage constant de recourir au contrat de travail à durée déterminée pour cet emploi, M. [J] affirmant que d’autres maîtres d’hôtel étaient engagés en contrat à durée indéterminée.
La société s’oppose à la requalification demandée en faisant valoir que :
– pendant presque quatre ans, M. [J] n’a jamais contesté les contrats à durée déterminée ;
– conformément à l’article L. 1242-2 du code du travail, la convention collective applicable prévoit le recours au contrat de travail à durée déterminée d’usage pour les emplois liés à la restauration et la réception des passagers très dépendants notamment de l’activité touristique, ce qui était le cas des postes de maître d’hôtel et commissaire de bord de M. [J], lequel travaillait aussi pour d’autres employeurs ;
– les contrats de travail à durée déterminée étaient bien établis par écrit, un exemplaire étant ‘évidemment’ remis à M. [J] dans les délais requis, et les contrats étaient signés des deux parties.
Aux termes de l’article L. 1242-1 du code du travail, un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’entreprise.
L’article L. 1242-2 du même code dans sa version antérieure à celle issue du la loi du 10 août 2018 énonce :
Sous réserve des dispositions de l’article L. 1242-3, un contrat de travail à durée déterminée ne peut être conclu que pour l’exécution d’une tâche précise et temporaire, et seulement dans les cas suivants :
(…)
3° Emplois à caractère saisonnier, dont les tâches sont appelées à se répéter chaque année selon une périodicité à peu près fixe, en fonction du rythme des saisons ou des modes de vie collectifs ou emplois pour lesquels, dans certains secteurs d’activité définis par décret ou par convention ou accord collectif de travail étendu, il est d’usage constant de ne pas recourir au contrat de travail à durée indéterminée en raison de la nature de l’activité exercée et du caractère par nature temporaire de ces emplois.
(…).
L’article L. 1242-12 alinéa premier du code du travail dispose :
Le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif. A défaut, il est réputé conclu pour une durée indéterminée.
L’article L. 1242-13 du même code énonce :
Le contrat de travail est transmis au salarié, au plus tard, dans les deux jours ouvrables suivant l’embauche.
L’article L. 1245-1 dans sa version en vigueur jusqu’au 24 septembre 2017 dispose qu’est réputé à durée indéterminée tout contrat de travail conclu en méconnaissance des dispositions des articles L. 1242-1 à L. 1242-4, L. 1242-6 à L. 1242-8, L. 1242-12, alinéa premier, L. 1243-11, alinéa premier, L. 1243-13, L. 1244-3 et L. 1244-4.
Au cas d’espèce, il résulte des bulletins de paie versés aux débats que M. [J] a commencé à travailler pour la société le 31 décembre 2015 et qu’il a travaillé quasiment tous les mois, sauf quelques mois de 2018, pour celle-ci jusqu’au 31 décembre 2019.
Or sont seulement versés aux débats par la société des contrats de travail à durée déterminée écrits signés des deux parties en date du 14 février 2017, du 27 avril 2017, du 2 mai 2019 et du mois de décembre 2019 (des 3, 6, 11, 12, 13, 14, 15, 17, 18, 19, 20, 24, 25, 30 et 31 décembre 2019).
Abstraction faites des remarques de M. [J] qui relève que les exemplaires de certains de ces contrats en sa possession ne sont pas signés des deux parties et que les signatures figurant sur les contrats produits par la société sont souvent différentes pour le salarié et l’employeur, il reste en tout état de cause qu’aucun contrat de travail à durée déterminée écrit n’est communiqué pour la période du 31 décembre 2015 au 14 février 2017, ni non plus pour celle de mai 2017 à avril 2019 durant lesquelles M. [J] a travaillé.
En application de l’article L. 1245-1 précité, à défaut d’écrit, le contrat étant présumé conclu à durée indéterminée sans possibilité pour l’employeur d’écarter cette présomption légale, M. [J] est réputé avoir occupé un emploi à durée indéterminée depuis le jour de son engagement par un contrat à durée déterminée irrégulier, soit dès le 31 décembre 2015, même si ultérieurement, de nombreux mois après, quelques contrats à durée déterminée ont pu être signés des deux parties.
En conséquence, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres moyens invoqués au soutien de la demande de requalification, il convient de qualifier la relation de travail ayant existé entre la société et M. [J] de contrat de travail à durée indéterminée à compter du 31 décembre 2015, le jugement étant infirmé en ce sens.
Sur la rupture du contrat de travail’
Il résulte des bulletins de paie que M. [J] n’a plus travaillé pour le compte de la société au delà du 31 décembre 2019.
La cessation des relations contractuelles au terme du dernier contrat de travail à durée déterminée sans énonciation des motifs de la rupture dans une lettre de licenciement et sans justification de ceux-ci, en violation notamment de l’article L. 1232-6 du code du travail, constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur les demandes financières
Sur l’indemnité de requalification
M. [J] qui invoque un salaire mensuel moyen sur les douze derniers mois de 3 127,24 euros réclame une indemnité de requalification de 15 000 euros.
La société réplique que le salaire moyen allégué est erroné, car incluant à tort l’indemnité de fin de contrat et l’indemnité de congés payés, et qu’il s’élève en réalité à 2 607,20 euros. Elle demande à la cour de limiter l’indemnité de requalification à ce montant.
Aux termes de l’article L. 1245-2 du code du travail, lorsque le conseil de prud’hommes fait droit à la demande de requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée, il doit accorder au salarié une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.
L’indemnité de requalification tient compte des accessoires du salaire mais non de l’indemnité de fin de contrat.
Eu égard à l’ancienneté du salarié dans l’entreprise et à la durée de son maintien en situation précaire, la société est condamnée à lui payer la somme de 5’000 euros à titre d’indemnité de requalification.
Sur les conséquences du licenciement sans cause réelle et sérieuse
Sur l’indemnité légale de licenciement
M. [J] sollicite la somme de 3 127,24 euros à ce titre tandis que la société prétend que l’indemnité s’élève à 2 607,20 euros.
M. [J] avait une ancienneté, préavis inclus, de 4 ans et 2 mois.
L’indemnité de fin de contrat est destinée à compenser la précarité du salarié sous contrat à durée déterminée, ce qui exclut son intégration dans le calcul des salaires moyens versés en raison de l’emploi de l’intéressé.
L’assiette de calcul est égale au tiers des 3 derniers mois de travail, formule en l’espèce la plus avantageuse pour le salarié, soit 2 607,21 euros.
L’indemnité de licenciement due est de 2 715,84 euros.
Sur l’indemnité compensatrice de préavis et l’indemnité compensatrice des congés payés afférents
Conformément à la convention collective applicable, M. [J] avait droit à un préavis de deux mois. Son montant correspond aux salaires et avantages qu’il aurait perçus s’il avait travaillé pendant cette période. Il sera alloué à M. [J] la somme de 5 214,42 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et celle de 521,44 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents.
Sur l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse’
M. [J] réclame la somme de 15 636 euros, arguant d’une ancienneté de 4 ans, de ce qu’il perçoit des allocations de Pôle emploi et du préjudice moral qu’il a subi.
La société demande de limiter l’indemnité à 7 821,60 euros au motif qu’à la date de la rupture du contrat, M. [J] avait une ancienneté de 4 ans.
En application de l’article L. 1235-3 du code du travail, l’ancienneté à prendre en compte est celle lors du licenciement. M. [J] ayant 4 années complètes d’ancienneté, l’indemnité à laquelle il a droit est comprise entre 3 et 5 mois de salaire.
Eu égard aux circonstances de la rupture, au montant de sa rémunération, à ce que M. [J] justifie de sa situation postérieure au licenciement (perception de l’allocation d’aide au retour à l’emploi du mois d’avril au mois de septembre 2020 et du mois d’avril au mois de juin 2021) et à son âge (né en 1980), la cour condamne la société à lui verser la somme de 12 000 euros en réparation de son entier préjudice. Le jugement est infirmé de ce chef.
Sur les dommages et intérêts pour non respect des temps de pause
M. [J] soutient que ses temps de pause tels que prévus par l’article 32 de la convention collective et le code du travail n’étaient pas respectés et réclame à ce titre une indemnisation de 12 000 euros. La société s’y oppose au motif de l’absence de preuve des allégations de M. [J] qui ne justifie pas davantage de son préjudice.
En application des articles L. 3121-16 et L. 3121-17 du code du travail, dès que le temps de travail quotidien atteint six heures, le salarié bénéficie d’un temps de pause d’une durée minimale de 20 minutes consécutives, la négociation collective pouvant fixer un temps supérieur.
La preuve du respect des temps de pause incombe à l’employeur.
Or, en l’espèce, la société ne produit aucune pièce à cet effet alors qu’il n’est pas contesté que M. [J] a travaillé de manière régulière plus de 6 heures par jour, ce qu’établissent au demeurant ses bulletins de salaire qui font état de son temps de travail, notamment d’heures supplémentaires. Les temps de pause étant destinés à préserver la santé et la sécurité du travailleur, leur non-respect de manière réitérée est à l’origine d’un préjudice pour M. [J] qui sera réparé par l’octroi de la somme de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail
M. [J] réclame à ce titre une indemnisation à hauteur de 15 000 euros au motif que la société l’a laissé dans une incertitude injustifiée, sans régulariser sa situation.
La société conclut au rejet de la demande, faisant valoir que son recours aux contrats de travail à durée déterminée est conforme à la loi et à la convention collective et qu’aucun préjudice n’est prouvé.
En application de l’article L. 1222-1 du code du travail, le contrat de travail doit être exécuté de bonne foi.
L’absence de réponse de la société à la lettre de M. [J] du 15 septembre 2020 ne constitue pas une exécution déloyale du contrat de travail puisque celui-ci avait déjà pris fin à cette date. En outre, le préjudice lié à la situation précaire dans laquelle s’est trouvé M. [J] par le fait de la société a déjà été réparé par l’allocation de l’indemnité de requalification et l’appelant ne justifie pas avoir subi un préjudice distinct. Il sera débouté de sa demande, le jugement étant à ce titre confirmé.
Sur les dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité
M. [J] soutient qu’informée de ses problèmes de santé du fait des tâches confiées, la société n’a accompli aucune action pour prévenir ses problèmes qui au contraire se sont aggravés. Il prétend que son emploi de maître d’hôtel l’obligeait à de nombreux ports de charges lourdes et répétés et que ses conditions de travail ont eu des répercussions sur son état, notamment une discopathie L4-L5 et L5-S1. Il avance que son dommage aurait été évité si la société avait respecté son obligation de sécurité. Il réclame la somme de 20 000 euros pour violation de celle-ci.
La société s’oppose à la demande en faisant notamment valoir que la discopathie alléguée est en premier lieu liée au vieillissement, que rien ne prouve sa causalité directe avec le travail, que le manquement invoqué n’est pas démontré et qu’elle n’a pas été informée des problèmes de dos de M. [J].
En application de l’article L. 4121-1 du code du travail, l’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, ces mesures comprenant des actions de prévention des risques professionnels, des actions d’information et de formation, la mise en place d’une organisation et de moyens adaptés, l’employeur devant veiller à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.
Il résulte de l’article L. 4121-2 du même code que l’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :
1° Eviter les risques ;
2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ;
3° Combattre les risques à la source ;
4° Adapter le travail à l’homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ;
5° Tenir compte de l’état d’évolution de la technique ;
6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n’est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ;
7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l’organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l’influence des facteurs ambiants ;
8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ;
9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.
En l’espèce, au soutien de sa demande, M. [J] produit un compte rendu de scanner du 24 mai 2018 faisant état de discopathies L4-L5 et L5-S1, un certificat médical du 8 septembre 2020 indiquant qu’il s’agit d’une lésion compatible avec un port de charges lourdes prolongées et répétées et un autre certificat médical daté du 7 septembre 2020 d’un médecin généraliste précisant qu’elle est en rapport avec l’activité professionnelle de M. [J] à cette date.
La société ne justifie pas de la mise en place ab initio de mesures préventives en matière de port de charges. Cependant, M. [J] ne communique aucun élément portant sur ses conditions de travail lorsqu’il exerçait une activité professionnelle pour la société. En outre, il ne produit aucune pièce justifiant qu’il a alerté son employeur sur celles-ci et sur son état de santé de sorte qu’il ne saurait lui reprocher son absence de réaction. Par ailleurs, les seuls certificats médicaux produits, postérieurs de plus de deux ans au scanner réalisé et de plus de six mois à la fin du travail accompli par M. [J] pour le compte de la société, sont insuffisants à établir un lien entre les discopathies dont il souffre et son activité professionnelle au sein de celle-ci. Le jugement qui a débouté M. [J] de ce chef est confirmé.
Sur les autres demandes
Les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature indemnitaire sont dus à compter de la décision qui les prononce et ceux portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes.
Compte tenu de la solution du litige, il est fait d’office application de l’article L. 1235-4 du code du travail et la société est condamnée à rembourser à l’organisme concerné les indemnités de chômage servies au salarié du jour de son licenciement au jour du présent arrêt à hauteur de six mois.
Il est ordonné à la société de délivrer à M. [J] une attestation Pôle emploi, un bulletin de paie récapitulatif et un certificat de travail conformes au présent arrêt dans le mois de sa notification. Une astreinte n’apparaît pas nécessaire.
La société, partie perdante, est condamnée aux dépens et doit indemniser M. [J] des frais non compris dans les dépens à hauteur de la somme de 3 000 euros, la société étant déboutée de sa demande faite en application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté M. [J] de ses demandes de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ainsi que manquement à l’obligation de sécurité et la société Marina de Bercy de sa demande fondée sur l’article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés et ajoutant :
Requalifie la relation de travail ayant existé entre la société Marina de Bercy et M. [J] de contrat de travail à durée indéterminée à compter du 31 décembre 2015 ;
Dit que la cessation des relations contractuelles au terme du dernier contrat de travail à durée déterminée constitue un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
Condamne la société Marina de Bercy à payer à M. [J] les sommes de :
– 5’000 euros à titre d’indemnité de requalification,
– 2 715,84 euros à titre d’indemnité légale de licenciement,
– 5 214,42 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
– 521,44 euros au titre de l’indemnité compensatrice des congés payés afférents,
– 12 000 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– 1 000 euros à titre de dommages et intérêts pour non-respect des temps de pause ;
– 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Dit que les intérêts au taux légal portant sur les condamnations de nature salariale sont dus à compter de la réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de jugement du conseil de prud’hommes et que les intérêts au taux légal portant sur les condamnation de nature indemnitaire sont dus à compter du présent arrêt ;
Condamne la société Marina de Bercy à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage servies au salarié du jour de son licenciement au jour du présent arrêt à hauteur de six mois ;
Ordonne à la société Marina de Bercy de délivrer à M. [J] une attestation Pôle emploi, un bulletin de paie récapitulatif et un certificat de travail conformes au présent arrêt dans le mois de sa notification ;
Déboute les parties de toute autre demande ;
Condamne la société Marina de Bercy aux dépens de première instance et d’appel.
LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE