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ARRET
N°
[N]
C/
S.A.R.L. AIMV
Copie exécutoire
le 07 novembre 2023
à
Me Wabant
Me Villalard
LDS/MR/BG
COUR D’APPEL D’AMIENS
5EME CHAMBRE PRUD’HOMALE
PRUD’HOMMES APRES CASSATION
ARRET DU 07 NOVEMBRE 2023
*************************************************************
N° RG 23/02070 – N° Portalis DBV4-V-B7H-IYHC
CONSEIL DE PRUD HOMMES DE Lille du 12 octobre 2018
COUR D’APPEL DE Douai du 24 septembre 2021
RENVOI CASSATION DU 12 avril 2023
La Cour, composée ainsi qu’il est dit ci-dessous, statuant sur l’appel formé contre le jugement du Conseil de Prud’hommes de Lille du 12 octobre 2018, après en avoir débattu et délibéré conformément à la Loi, a rendu entre les parties en cause la présente décision le 07 novembre 2023 par mise à disposition de la copie au greffe de la cour.
PARTIES EN CAUSE
DEMANDERESSE A LA SAISINE
Madame [E] [N] épouse [V]
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée, concluant et plaidant par Me Jean-Luc Wabant de la SARL AAGW – AVOCATS ASSOCIES GIRAUD WABANT, avocat au barreau de Lille
ET :
DEFENDERESSE A LA SAISINE
S.A.R.L. AIMV agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège :
[Adresse 1]
[Localité 3]
représenté par Me Jérôme Le Roy de LEXAVOUE AMIENS DOUAI, avocat au barreau d’Amiens substitué par Me Alexis David, avocat au barreau d’amiens, postulant
concluant et plaidant par Me Zora Villalard de la SCP FROMONT BRIENS, avocat au barreau de Paris
ACTE INITIAL : déclaration de renvoi après cassation du 05 mai 2023
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :
Madame Corinne BOULOGNE, présidente de chambre,
Madame Laurence de SURIREY, présidente de chambre et Mme Eva GIUDICELLI, conseillère,
GREFFIER LORS DES DEBATS : Madame Malika RABHI, Greffière
PROCEDURE DEVANT LA COUR :
Les parties et leurs conseils ont été régulièrement avisés pour le 26 septembre 2023, dans les formes et délais prévus par la loi.
Le jour dit, l’affaire a été appelée en audience publique devant la formation chargée des renvois après cassation en matière sociale.
Après avoir successivement entendu le conseiller rapporteur en son rapport, les avocats des parties en leurs demandes, fins et conclusions, la Cour a mis l’affaire en délibéré et indiqué aux parties que l’arrêt serait prononcé le 07 novembre 2023 par sa mise à disposition au greffe, dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile.
PRONONCE PAR MISE A DISPOSITION :
Le 07 novembre 2023, l’arrêt a été prononcé par sa mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Madame Corinne BOULOGNE, Présidente de chambre, et Madame Malika RABHI, Greffière.
*
* *
DECISION :
Mme [N] épouse [V] a été embauchée en qualité de journaliste reporter d’images par la société AIMV (la société ou l’employeur) à compter du 21 septembre 2012, par contrats à durée déterminée d’usage. Elle intervenait dans le cadre d’un contrat de prestation de services conclu avec la société BFM TV.
La convention collective applicable est celle des journalistes professionnels.
Le 30 mai 2016, Mme [N] a saisi le conseil de prud’hommes de Lille notamment d’une demande de résiliation de son contrat de travail, dirigée contre la société AIMV et la société BFM TV.
Le 3 février 2017, elle a pris acte de la rupture de son contrat.
Par jugement du 12 octobre 2018, le conseil de prud’hommes a notamment débouté la salariée de l’ensemble de ses demandes.
Par arrêt du 24 septembre 2021, la cour d’appel de Douai a confirmé le jugement déféré en ce qu’il a déclaré Mme [N] recevable en ses demandes et en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de différentiel de salaire brut, de congés payés afférents, d’indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour absence de cofinancement de la mutuelle santé, l’a infirmé pour le surplus et statuant à nouveau, notamment, :
– a condamné in solidum la société AIMV et la société BFM TV à payer à Mme [N] 10 000 euros de dommages et intérêts pour délit de marchandage ;
– dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de la société AIMV produisait les effets d’un licenciement dénué de cause réelle et sérieuse ;
– condamné la société AIMV à payer à Mme [N] les sommes suivantes :
– indemnité de requalification : 3 297,75 euros ;
– indemnité pour astreintes non rémunérées : 46 837,08 euros ;
– congés payés afférents : 4 683,71 euros ;
– rappel de salaire pour heures supplémentaires : 24 684,84 euros ;
– indemnité de congés payés afférente : 2 468,48 euros ;
– dommages et intérêts pour non-respect des temps maximaux de travail : 3 000 euros ;
– indemnité de licenciement : 14 944 euros ;
– indemnité compensatrice de préavis : 6 595,50 euros ;
– indemnité de congés payés afférente: 659,55 euros ;
– dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 000 euros.
– indemnité pour frais de procédure,
– condamné in solidum les sociétés AIMV et BFM TV aux dépens de première instance et d’appel.
Sur pourvoi de la société AIMV, la Cour de cassation, par arrêt du 12 avril 2023, a cassé et annulé l’arrêt de la cour d’appel de Douai mais seulement en ce qu’il condamne la société AIMV à verser à Mme [N] les sommes de 3 297,75 euros au titre de l’indemnité de requalification, 24 684,84 euros au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires, outre congés payés afférents, 3 000 euros de dommages-intérêts pour non-respect des temps maximaux de travail, 14 944 euros au titre de l’indemnité de licenciement, 6 595,50 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre congés payés afférents, 20 000 euros de dommages-intérêts au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, l’arrêt rendu le 24 septembre 2021, entre les parties, par la cour d’appel de Douai et remis sur ces points, l’affaire et les parties dans l’état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les a renvoyées devant la cour d’appel d’Amiens.
L’arrêt est ainsi motivé : « Pour déterminer le montant du salaire de base et calculer le montant des sommes allouées à la salariée, l’arrêt retient que la demande de requalification à temps plein étant rejetée, le salaire de base doit être calculé proportionnellement au temps de travail habituel, sur la base du salaire correspondant au poste de reporter cameraman, tel qu’il apparaît dans la grille NAO de la société BFM TV. En se déterminant ainsi, sans préciser le fondement de sa décision et les raisons pour lesquelles elle a retenu la grille de salaire de la société BFM TV alors que l’intéressée était salariée de la société AIMV, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
La salariée a saisi la cour de renvoi le 5 mai 2023.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 10 juillet 2023, Mme [N] demande à la cour de condamner la société AIMV à lui payer les sommes de :
– 3 297,75 euros à titre d’indemnité de requalification,
– 24 684,84 euros au titre des heures supplémentaires non payées, non majorées (base tarif horaire de 28,99 euros, soit taux majoré à 25% de 36,24 euros et à 50% de 43,49 euros) outre 2 468,48 euros au titre des congés payés,
– 3 000 euros à titre de dommages-intérêts pour non respect des temps maximaux de travail,
– 14 944 euros à titre d’indemnité de licenciement,
– 6 595,50 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis outre 659,55 euros au titre des congés payés,
– 20 000 euros à titre de dommages-intérêts sur le fondement de l’article L.1235-1 du code du travail,
– 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées le 25 septembre 2023, la société AIMV demande à la cour de :
– débouter Mme [N] de toutes ses demandes, fins et prétentions,
– confirmer le jugement prud’homal du 12 octobre 2018 en ce qu’il a :
– débouté Mme [N] de sa demande en requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée à temps plein ;
– débouté en conséquence Mme [N] de l’ensemble de ses demandes ;
– condamné Mme [N] à payer à la SARL AIMV la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et aux éventuels dépens de l’instance ;
A titre subsidiaire,
– juger que Mme [N] ne peut se prévaloir du salaire applicable au sein de BFM TV et que la situation de marchandage a déjà été indemnisée ;
En conséquence,
– Fixer le salaire mensuel brut de Mme [N] à 1 393 euros brut ;
– Condamner Mme [N] au remboursement de la somme de 46 008,65 euros brut ;
En tout état de cause,
– débouter Mme [N] de sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile et du surplus de ses demandes ;
– condamner Mme [N] à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et celle de 500 euros au titre de la première instance ainsi qu’aux entiers dépens.
Il est renvoyé aux conclusions des parties pour le détail de leur argumentation.
EXPOSE DES MOTIFS :
1/ Sur l’étendue de la saisine :
En application des articles 624, 625 et 638 du code de procédure civile, la cassation qui atteint un chef de dispositif n’en laisse rien subsister, quel que soit le moyen qui a déterminé la cassation. Par l’effet de la cassation partielle intervenue, aucun des motifs de fait ou de droit ayant justifié la disposition annulée ne subsiste, de sorte que la cause et les parties sont remises de ce chef dans le même état où elles se trouvaient avant l’arrêt précédemment déféré et qu’elles peuvent devant la cour de renvoi invoquer de nouveaux moyens ou former des prétentions nouvelles qui sont soumises aux règles qui s’appliquent devant la juridiction dont la décision a été annulée.
En l’espèce, c’est à juste titre, au vu des textes précités, que la société fait valoir que la cassation de l’arrêt de la cour d’appel de Douai saisit la cour de renvoi des demandes relatives à l’indemnité de requalification, au rappel de salaire pour heures supplémentaires outre les congés payés afférents, aux dommages-intérêts pour non-respect des temps maximaux de travail, à l’indemnité de licenciement, à l’indemnité compensatrice de préavis outre les congés payés afférents et aux dommages-intérêts au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, en ce qui concerne non seulement leur mode de calcul mais également leur bien fondé.
En revanche, les questions du différentiel de salaire brut, de congés payés afférents, d’indemnité pour travail dissimulé, du cofinancement de la mutuelle santé, du marchandage et de son indemnisation ainsi que de la requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse ont été définitivement tranchées par la cour d’appel de Douai.
2/ Sur les demandes au titre de la requalification des contrats :
La société soulève à titre liminaire, à juste titre, l’irrecevabilité de la demande de rappel de salaire à temps plein au motif que la cassation n’ayant pas atteint le chef de dispositif de l’arrêt de la cour d’appel suivant « confirme le jugement déféré en ce qu’il (‘) l’a débouté(e) de [sa] demande de différentiel de salaire brut », la cour n’en est pas saisie.
Au surplus, si Mme [N] sollicite le paiement d’une somme de 114 425 euros de ce chef dans les motifs de ses conclusions, cette demande ne figure pas dans son dispositif de sorte qu’en tout état de cause la cour n’en est pas saisie.
2-1/ Sur la demande d’indemnité de requalification des CDD en CDI :
Mme [N] fait valoir que l’indemnité de requalification consécutive à la requalification des CDD en CDI doit être calculée par référence au classement indiciaire de la NAO 2015 en vigueur au sein de BFM TV.
La société répond, notamment, qu’à défaut pour la salariée d’avoir développé de moyens d’infirmation du jugement qui a rejeté sa demande de requalification, la cour ne peut que confirmer le jugement.
Aux termes de l’article 562 du code de procédure civile, l’appel défère à la cour la connaissance des chefs du jugement qu’il critique expressément et de ceux qui en dépendent.
En application de l’article 954 alinéa 5 du code de procédure civile, la partie qui conclut à l’infirmation du jugement doit expressément énoncer les moyens qu’elle invoque sans pouvoir procéder par voie de référence à ses conclusions de première instance.
En l’espèce, Mme [N] ne présente aucun moyen au soutien de l’infirmation du jugement du conseil de prud’hommes qui a rejeté sa demande de requalification de la relation contractuelle et, en conséquence, sa demande d’indemnité de requalification.
Il en résulte que la cour ne peut que confirmer le jugement de ce chef et donc rejeter la demande.
La demande de remboursement de la somme versée à ce titre par la société en exécution de l’arrêt de la cour d’appel de Douai est sans objet dès lors que l’obligation de restituer les condamnations prononcées en exécution de la décision cassée existe dès la signification du présent arrêt qui vaut titre exécutoire de restitution.
2-2/ Sur la demande au titre des heures supplémentaires, des dépassements du temps maximal de travail et du non respect des temps de repos :
– Sur la recevabilité des demandes pour la période antérieure au 30 mai 2013 :
L’employeur soulève l’irrecevabilité des demandes pour cette période au motif que Mme [N] a eu connaissance dès la délivrance de son bulletin de paie de mai 2013 des faits lui permettant d’agir.
La salariée ne répond pas sur ce point.
L’article L. 3245-1 du code du travail issu de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013 dispose que l’action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l’exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.
Ces dispositions du code du travail s’appliquent aux prescriptions en cours à compter de la date de promulgation de la présente loi, sans que la durée totale de la prescription puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.
En l’espèce, Mme [N] a eu connaissance des faits lui permettant d’exercer son action à réception des bulletins de paie mentionnant une durée du travail qu’elle estimait anormale.
C’est donc à bon droit que l’employeur invoque l’irrecevabilité des demandes pour la période antérieure au 30 mai 2013, le conseil de prud’hommes ayant été saisi le 30 mai 2016.
– Sur le bien fondé des demandes pour la période postérieure au 30 mai 2013 :
Mme [N] soutient que la preuve des heures effectuées est rapportée et que trois des quatre contestations de ses calculs émises par l’employeur sont infondées.
La société répond qu’en sa qualité de pigiste, Mme [N] n’est pas soumise à la durée ou à des horaires de travail et qu’en tout état de cause, elle ne démontre pas avoir accompli les heures supplémentaires qu’elle réclame.
Il est définitivement acquis que Mme [N] avait le statut de pigiste en contrat à durée déterminée d’usage.
Il en résulte qu’elle était rémunérée, conformément à l’accord du 7 novembre 2008 relatif aux journalistes rémunérés à la page et à ses contrats de travail, de manière forfaitaire à la pige et n’était pas soumise aux règles sur la durée du travail de sorte qu’elle n’est pas fondée à réclamer le paiement d’heures supplémentaires, ni des dépassements du temps maximal de travail et du non-respect des temps de repos, le jugement devant également être confirmé de ce chef.
3/ Sur les demandes indemnitaires au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse :
La requalification de la prise d’acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse ne pouvant être remise en cause au regard de l’étendue de la saisine malgré la disparition de la plupart des motifs invoqués par Mme [N] au soutien de sa rupture du contrat, il reste à en déterminer les conséquences financières.
Le licenciement étant injustifié, la salariée peut prétendre, non seulement aux indemnités de rupture (préavis et indemnité de licenciement) mais également à des dommages et intérêts à raison de l’absence de cause réelle et sérieuse de licenciement.
3-1/ Sur le salaire de référence applicable :
La détermination du salaire de référence étant susceptible d’avoir une incidence sur l’ensemble des demandes présentées par Mme [N] au titre des conséquences du licenciement illégitime, il y a lieu d’y procéder préalablement.
Mme [N] soutient, en substance, que dès lors qu’elle travaillait exclusivement pour BFM TV, dans le cadre d’un prêt illicite de main d”uvre, elle devait être rémunérée de la même manière que les salariés de cette entreprise et que, par conséquent, elle est fondée à déterminer la rémunération qu’elle aurait dû percevoir, à situation comparable, si elle avait été salariée directement par BFM TV. Elle en déduit que le salaire devant servir de base au calcul de ses droits est le salaire brut moyen pour les femmes occupant le poste de reporter cameraman selon la grille indiciaire NAO 2015 de BFM TV, soit une catégorie 5, soit 4 397 euros brut.
La société conteste l’application de ce salaire de base aux motifs qu’elle n’a pas été condamnée pour prêt illicite de main d”uvre, ni au titre du coemploi, la cour d’appel de Douai n’ayant retenu qu’une situation de marchandage qui a déjà donné lieu à une indemnisation intégrale au titre de l’inégalité de traitement ; que la pièce produite par la salariée n’est pas une grille de référence mais un bilan ; qu’elle ne peut rétroagir aux années 2013 et 2014 et correspond à des salariés ayant plus de 7 ans d’ancienneté ce qui n’est pas le cas de Mme [N] et que la situation dénoncée par celle-ci ne peut ouvrir droit qu’à dommages-intérêts et non à un rappel de salaire.
Elle affirme que le salaire de référence pour le calcul de l’indemnité de licenciement, de l’indemnité compensatrice et des congés afférents, de l’indemnité prévue à l’article L.1235-3, des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse est, au vu des bulletins de paie de 2012 à octobre 2016, de 1 393 euros brut.
La cour rappelle que le principe de la réparation intégrale du préjudice suppose qu’elle n’implique ni perte ni profit pour aucune des parties.
En l’espèce, Mme [N] ne s’est pas vu reconnaître la qualité de salariée de la société BFM TV sur quelque fondement que ce soit de sorte qu’elle ne peut prétendre, en tant que tel, à l’application de la grille salariale en vigueur au sein de celle-ci, étant observé que le document dont elle se prévaut, qui n’est pas une grille salariale mais « une étude comparative sur la base des effectifs sous CDI présents au 01/09/2014 », ne serait pas applicable à sa situation en ce qu’elle ne concerne que les rémunérations de 2014.
Elle a obtenu l’indemnisation du préjudice causé par la situation de marchandage dont elle a été victime par l’octroi d’une indemnité de 10 000 euros dont la cour d’appel de Douai a précisé qu’elle réparait le fait qu’elle était désavantagée par rapport aux salariés de la société BFM TV notamment par un salaire très inférieur.
Dans ces conditions, faire droit à sa demande reviendrait à indemniser deux fois le préjudice né de la situation de marchandage.
Le salaire de référence à retenir est donc celui figurant sur les bulletins de paie de Mme [N] délivrés par la société AIMV.
3-2/ Sur les sommes dues :
Mme [N] se prévaut, pour le calcul de l’indemnité de licenciement des dispositions de l’article L.7112-3 du code du travail toutefois ces dispositions ne sont applicables qu’à la rupture d’un contrat de travail à durée indéterminée des journalistes professionnels, or, ainsi qu’il a été dit précédemment, à défaut de requalification de la relation de travail, Mme [N] a conservé son statut de pigiste et ne justifie pas de ce qu’elle remplissait les conditions pour se voir néanmoins reconnaître la qualité de journaliste professionnel tel que défini par l’article L.7111-3.
Au vu des bulletins de paie versés aux débats, il y a lieu de retenir les sommes avancées par l’employeur au titre de l’indemnité de licenciement et de l’indemnité compensatrice de préavis, non spécifiquement contestées par la salariée la question du salaire de référence une fois tranchée.
Il convient donc d’allouer à Mme [N] les sommes de 6 965 euros au titre de l’indemnité de licenciement et de 2 786 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 278,60 euros au titre des congés payés afférents.
Mme [N] fait valoir qu’elle est bien fondée à demander un dédommagement ne pouvant pas être inférieur à six mois de salaire par application de l’article L.1235-3 du code du travail ; que compte tenu de l’ancienneté qu’elle avait acquise au moment du licenciement, et de la perte de chance que constitue son départ de l’entreprise, il va de soi que son préjudice est supérieur ; qu’elle est au chômage, en fin de droits à Pôle emploi ; que son préjudice est particulièrement net dans la mesure où ses droits ont été calculés par Pôle emploi sur la base de ses salaires de pigiste, ce qui a donné une indemnisation d’un an à peine, alors que si elle avait été en CDI sur la durée des 5 années, elle aurait eu droit à 2 ans d’indemnités avec un montant d’allocation plus élevé ; qu’elle a subi un préjudice moral et qu’il y a donc lieu de confirmer l’arrêt de la cour d’appel de Douai qui lui a octroyé 20 000 euros.
Elle justifie avoir été au chômage indemnisé au titre de l’allocation de retour à l’emploi jusqu’au 31 août 2018.
L’employeur affirme que, si l’article L.1235-3 du code du travail prévoit une indemnité égale aux salaires des six derniers mois, la salariée ne justifiant d’aucun préjudice ne peut prétendre à aucune indemnisation. Il démontre qu’elle était chargée de communication d’un office du tourisme en mars 2019.
Les parties s’entendent sur l’application de l’article L.1235-3 dans sa version applicable à la date de la prise d’acte.
Il convient de relever que la salariée ne peut solliciter la confirmation de l’arrêt de la cour d’appel de Douai mis à néant de ce chef par l’arrêt de la Cour de cassation.
Compte tenu des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération versée à la salariée, de son âge, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et de l’effectif de l’entreprise, la cour fixe à 20 000 euros les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
3-3/ Sur les demandes reconventionnelles de l’employeur :
Ainsi qu’il a été dit précédemment, la demande de remboursement des sommes versées à tort par la société est sans objet dès lors que le présent arrêt vaut titre exécutoire de restitution des sommes payées en application de la décision cassée.
4/ Sur les frais du procès :
En application des articles 696 et 700 du code de procédure civile, la partie perdante est, sauf décision contraire motivée par l’équité ou la situation économique de la partie succombante, condamnée aux dépens, et à payer à l’autre partie la somme que le tribunal détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
En vertu de l’article 639 du même code, la juridiction de renvoi statue sur la charge de tous les dépens exposés devant les juridictions du fond y compris sur ceux afférents à la décision cassée.
En application des dispositions de l’article 624 du code de procédure civile, les effets de la cassation partielle prononcée s’étendent nécessairement aux condamnations prononcées par la décision cassée au titre des dépens et de l’article 700 du code de procédure civile.
En l’espèce, le sens de la présente décision commande d’infirmer le jugement déféré en ses dispositions sur les dépens et de dire que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens engagés tant devant le conseil de prud’hommes que devant la cour d’appel de Douai et la cour d’appel de renvoi.
L’équité et la disparité entre les situations respectives des parties conduit à laisser à chacune des parties la charge de ses frais irrépétibles engagés devant chacune des juridictions.
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant sur renvoi après cassation, dans les limites de sa saisine,
confirme le jugement du conseil de prud’hommes de Lille sauf en ce qu’il a rejeté les demandes de Mme [N] aux titres des heures supplémentaires pour la période antérieure au 30 mai 2013, de l’indemnité compensatrice de préavis et des congés payés afférents, de l’indemnité de licenciement et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,
déclare irrecevables les demandes au titre des heures supplémentaires et des dommages-intérêts pour non-respect des temps maximaux de travail pour la période antérieure au 30 mai 2013,
fixe le salaire brut mensuel de Mme [N] à la somme de 1 393 euros brut,
condamne la société AIMV à payer à Mme [E] [N] les sommes de :
– 6 965 euros au titre de l’indemnité de licenciement,
– 2 786 euros au titre de l’indemnité compensatrice de préavis outre 278,60 euros au titre des congés payés afférents,
– 20 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
rejette toute autre demande,
rejette les demandes présentées sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
dit que chacune des parties conservera ses dépens engagés devant le conseil de prud’hommes, la cour d’appel de Douai et la cour d’appel de céans.
LA GREFFIERE, LA PRÉSIDENTE,