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ARRÊT DU
24 Novembre 2023
N° 1747/23
N° RG 21/01558 – N° Portalis DBVT-V-B7F-T4XF
MLB/VM
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de DOUAI
en date du
01 Octobre 2021
(RG 20/00094 -section 3 )
GROSSE :
aux avocats
le 24 Novembre 2023
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANTE :
S.A.S. [5]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Me Samuel VANACKER, avocat au barreau de LILLE
INTIMÉ :
M. [X] [J]
[Adresse 2]
[Localité 1]
représenté par Me Jean-Yves PIERLOT, avocat au barreau de LAON
DÉBATS : à l’audience publique du 04 Octobre 2023
Tenue par Muriel LE BELLEC
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Angélique AZZOLINI
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Muriel LE BELLEC
: CONSEILLER FAISANT FONCTION DE PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Gilles GUTIERREZ
: CONSEILLER
Nathalie RICHEZ-SAULE
: CONSEILLER
ARRÊT : Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Novembre 2023,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Muriel LE BELLEC, conseiller désigné pour exercer les fonctions de président et par Serge LAWECKI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 13 Septembre 2023
EXPOSÉ DES FAITS
M. [X] [J], né le 26 mai 1959, a été embauché par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 4 mars 2019 en qualité de formateur par la SAS [5], qui applique la convention collective des organismes de formation et emploie de façon habituelle moins de onze salariés, moyennant le salaire mensuel brut de 2 350 euros pour 35 heures de travail par semaine.
Par lettre recommandée en date du 1er juin 2020, M. [J] a pris acte de la rupture de son contrat de travail en en imputant la responsabilité à son employeur.
Par requête reçue le 29 juin 2020, il a saisi le conseil de prud’hommes de Douai pour obtenir un rappel de salaire et d’indemnité compensatrice de congés payés et faire constater que la prise d’acte de rupture produisait les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par jugement en date du 1er octobre 2021 le conseil de prud’hommes a dit que la prise d’acte s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, condamné la SAS [5] à payer à M. [J]’:
-15 365,20 euros brut au titre de rappel de salaires déduction faite de deux semaines de travail refusées par M. [J]
-1 536,52 euros brut euros au titre des congés payés y afférents
-4 700 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis
-470 euros brut au titre des congés payés y afférents
-832,29 euros brut à titre d’indemnité de licenciement
-2 350 euros brut à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif.
Il a également ordonné à la SAS [5] de remettre à M. [J] les bulletins de salaire de novembre 2019 à juin 2020 rectifiés, ainsi que l’attestation Pôle Emploi et le solde de tout compte sous astreinte de 10 euros par jour de retard à compter du 8ème jour de la notification du jugement pour l’ensemble des documents, dit que les condamnations prononcées emportent intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2020, date de réception par la SAS [5] de la convocation devant le bureau de jugement, pour toutes les sommes de nature salariale et à compter de la décision pour toutes les autres sommes, débouté M. [J] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la SAS [5] aux dépens.
Le 13 octobre 2021, la SAS [5] a interjeté appel de ce jugement.
Par ses conclusions reçues le 12 janvier 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, la SAS [5] sollicite de la cour qu’elle infirme en toutes ses dispositions le jugement et, statuant de nouveau sur les chefs de jugement critiqués, déboute M. [J] de l’ensemble de ses demandes et le condamne à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ses conclusions reçues le 11 avril 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé des prétentions et moyens, M. [J] sollicite de la cour qu’elle confirme le jugement, sauf sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement abusif et sur l’indemnité compensatrice de congés payés, pour laquelle le conseil de prud’hommes a omis de statuer. Il demande à la cour, statuant à nouveau, de condamner la SAS [5] à lui payer les sommes de’:
-7 050 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif
-2 530,32 euros au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés.
Il demande également à la cour de dire en tout état de cause la SAS [5] mal fondée en son appel, de la débouter de l’ensemble de ses demandes et de la condamner à lui payer la somme de 2 400 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La clôture de la procédure a été ordonnée le 13 septembre 2023.
MOTIFS DE L’ARRÊT
Sur la demande de rappel de salaire
Au soutien de son appel, la SAS [5] fait valoir qu’indépendamment du contenu du contrat, la commune volonté des parties était l’exercice de missions de formation à la carte permettant au salarié de compléter sa pension de retraite et/ou d’autres revenus et de préserver une grande souplesse dans l’organisation de son planning personnel, que M. [J] était rémunéré sur la base des feuilles de pointage récapitulant les heures de formation réalisées, qu’il n’a émis aucune revendication sur son salaire avant le 10 mars 2020, dans le contexte de tensions apparues en février sur les frais de repas, qu’il est courant d’avoir recours à des vacataires dans le domaine de la formation, que l’erreur commise d’avoir eu recours à un CDI à temps complet ne peut être créatrice de droit. Elle ajoute que le salarié choisissait ses périodes de prestation et que le conseil de prud’hommes n’a pas tiré les conséquences de cette situation d’absences qui s’est répétée sur l’ensemble de la période considérée et non simplement sur les deux semaines évoquées dans le jugement prud’homal.
M. [J] répond que la prétendue erreur de qualification du contrat de travail ne saurait convaincre la cour, que la requalification d’un contrat de travail à durée indéterminée en contrat de prestation de service ou de mission remettrait gravement en cause la sécurité juridique des relations de travail, que la SAS [5] lui avait déjà remis des bulletins de salaire et non pas des factures, ce qui démontre qu’elle souhaitait bien une relation employeur-salarié. En outre, elle a proposé une rupture conventionnelle le 9 avril 2020.
La SAS [5] ne conteste pas que les parties étaient liées par un contrat de travail. Elle n’a pas embauché M. [J] en qualité de formateur occasionnel dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage pour dispenser un enseignement temporaire. Elle ne l’a pas non plus embauché dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel.
Elle ne peut se prévaloir d’une erreur sur la nature du contrat de travail et la durée du travail mentionnée au contrat de travail alors que les bulletins de salaire montrent qu’elle a bien rémunéré M. [J] sur la base d’un temps complet, sans déduction d’aucune heure d’absence, depuis la date de son embauche, le 4 mars 2019, jusqu’en mai 2019 inclus.
Elle ne peut non plus se prévaloir des feuilles de pointage mensuel de M. [J], qui reflètent certes le temps de travail effectué mais pas la durée du travail convenue. La souplesse accordée au salarié, qu’elle interrogeait sur ses disponibilités et qui lui a annoncé le 18 septembre 2019 qu’il serait indisponible en semaines 40 et 41 et qu’il n’était pas intéressé par des prestations à [Localité 6] en semaines 43 et 44, est sans portée quant à la nature du contrat de travail et la durée du travail.
La SAS [5] est donc tenue par les termes du contrat de travail, qui lui imposait de rémunérer le salarié à hauteur de 151,69 heures par mois, sous réserve des absences imputables au salarié, quand bien même elle n’était pas en mesure de lui fournir du travail à temps complet.
Il ressort de ce qui précède que les absences de M. [J] lui sont imputables les semaines 40, 41, 43 et 44 et non pas seulement au cours de deux semaines, comme retenu par les premiers juges. En revanche, la SAS [5] ne démontre pas qu’elle a fourni du travail à M. [J] au cours des autres périodes pour lesquelles les bulletins de salaire mentionnent des heures d’absences non rémunérées et que ces absences sont imputables au salarié, ce qu’il conteste. Au contraire, dans le contexte d’un désaccord avec le salarié sur les frais de repas, la SAS [5] lui a annoncé qu’elle ne lui fournirait plus de travail, par mails des 19 février et 21 février 2020.
Le jugement est donc infirmé et le rappel de salaire octroyé au salarié limité à la somme de 14 280,62 euros. S’y ajoutent les congés payés afférents pour 1 428,06 euros.
Sur la prise d’acte de rupture du contrat de travail
En application de l’article L.1231-1 du code du travail, au soutien de sa demande tendant à ce que sa prise d’acte produise les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, M. [J] reproche à son employeur le non paiement des salaires depuis novembre 2019 et la non fourniture de travail alors qu’il était embauché en contrat de travail à durée indéterminée.
Il résulte de ce qui précède que le grief relatif au paiement du salaire contractuel est fondé et que la SAS [5] a délibérément cessé de fournir du travail à son salarié dans le contexte de leur désaccord sur les frais de repas.
L’intimé justifie qu’il a adressé à son employeur le 10 mars 2020 une lettre recommandée concernant le non paiement intégral des salaires et l’absence de fourniture de travail. La SAS [5] a répondu un mois plus tard, le 9 avril 2020, qu’elle était dans l’impossibilité de lui fournir du travail compte tenu de la crise sanitaire. Elle n’a apporté aucune réponse à la demande de rappel de salaire, reçue plus de deux mois avant la prise d’acte de la rupture le 1er juin 2020. Dans ces conditions, l’absence de paiement du salaire contractuel, s’ajoutant à l’absence de fourniture de travail avant la crise sanitaire et perdurant malgré la réclamation du salarié, constituait un manquement grave qui rendait impossible la poursuite du contrat de travail. De ce fait, la prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce qui justifie de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la SAS [5] à payer à M. [J] une indemnité de licenciement et une indemnité compensatrice de préavis et les congés payés afférents sur la base du salaire contractuel de 2 350 euros, en application des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail.
Par la perte de son emploi, M. [J] a subi un préjudice qui au regard de son âge, de son ancienneté et de l’absence d’éléments sur sa situation professionnelle postérieure à la rupture du contrat de travail a été exactement évalué par le conseil de prud’hommes en application de l’article L.1235-3 du code du travail.
Sur l’indemnité compensatrice de congés payés
M. [J] fait justement observer que le conseil de prud’hommes a omis de statuer sur cette demande.
Au soutien de sa demande, il expose que les congés payés ne sont plus comptabilisés depuis le mois de novembre 2019. Le nombre de jours de congés payés acquis est effectivement resté fixé à 5,83 jours depuis le mois de novembre 2019 sur les bulletins de salaire.
La SAS [5] ne formule aucune observation sur cette demande. Il convient de compléter le jugement et, la société s’étant acquittée de la somme de 450,23 euros à titre d’indemnité compensatrice de congés payés selon le bulletin de salaire de juin 2020 et les documents de rupture, de la condamner à payer à l’intimé la somme de 2 080,09 euros au titre du reliquat d”indemnité compensatrice des congés payés acquis et non pris.
Sur les demandes accessoires
Il convient d’ordonner à la SAS [5] de remettre à M. [J] un bulletin de salaire récapitulatif et une attestation Pôle Emploi conformes à l’arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette obligation d’une astreinte. La remise d’un reçu pour solde de tout compte rectifié est inutile.
L’issue du litige justifie de condamner la SAS [5] à payer à M. [J] la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles.
Les sommes allouées portent intérêts de retard au taux légal à compter de la date de réception par l’employeur de sa convocation devant le bureau de conciliation et d’orientation pour les sommes de nature salariale et à compter et dans la proportion de la décision qui les a accordées pour les condamnations aux sommes à caractère indemnitaire.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant après débats en audience publique par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe,
Confirme le jugement en ce qu’il a dit que la prise d’acte s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse et en ses dispositions relatives à l’indemnité compensatrice de préavis, au congés payés y afférents, à l’indemnité de licenciement, au dommages et intérêts pour licenciement abusif et aux dépens.
Infirme le jugement pour le surplus, statuant à nouveau, réparant l’omission de statuer des premiers juges et y ajoutant :
Condamne la SAS [5] à verser à M. [X] [J]’:
-14 280,62 euros à titre de rappel de salaire
-1 428,06 euros au titre des congés payés y afférents
-2 080,09 euros au titre du reliquat d”indemnité compensatrice des congés payés
-2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Dit que les sommes à caractère salarial portent intérêts au taux légal à compter du jour où l’employeur a eu connaissance de leur demande et les condamnations aux sommes à caractère indemnitaire à compter et dans la proportion de la décision qui les a prononcées.
Ordonne à la SAS [5] de remettre à M. [X] [J] un bulletin de salaire récapitulatif et une attestation Pôle Emploi conformes à l’arrêt.
Condamne la SAS [5] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER
Serge LAWECKI
LE CONSEILLER DÉSIGNÉ POUR EXERCER LES FONCTIONS DE PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Muriel LE BELLEC