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AFFAIRE : N° RG 21/01964 – N° Portalis DBWB-V-B7F-FUIE
Code Aff. :
ARRÊT N° CJ
ORIGINE :JUGEMENT du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de SAINT DENIS en date du 13 Octobre 2021, rg n° 20/00101
COUR D’APPEL DE SAINT-DENIS
DE LA RÉUNION
CHAMBRE SOCIALE
ARRÊT DU 14 DECEMBRE 2023
APPELANTE :
Madame [F] [V]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représentant : Me Natalia SANDBERG de l’AARPI AFFEJEE SANDBERG & ASSOCIES, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/008115 du 01/12/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Saint-Denis)
INTIMÉES :
S.A.R.L. AGENCE BOURBONNAISE DE NETTOYAGE
[Adresse 3]
[Localité 4]
Représentant : Me Isabelle CLOTAGATIDE KARIM de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
S.A.R.L. ESPACE INTERIM INSERTION Société à responsabilité limitée, en abrégé E2I, immatriculée au RCS de Saint-Denis sous le n° 494 415 052, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège ;
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Marie françoise LAW YEN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION
Clôture : 3 avril 2023
DÉBATS : En application des dispositions des articles 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Octobre 2023 en audience publique, devant Corinne Jacquemin, présidente de chambre chargée d’instruire l’affaire, assistée de Monique Lebrun, greffière, les parties ne s’y étant pas opposées.
Ce magistrat a indiqué à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 14 Décembre 2023 ;
Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Président : Corinne Jacquemin
Conseiller : Agathe Aliamus
Conseiller : Aurélie Police
Qui en ont délibéré
ARRÊT : mis à disposition des parties le 14 Décembre 2023
Greffier lors des débats : Mme Monique Lebrun
Greffier lors du prononcé par mise à disposition : Mme Delphine Grondin
* *
*
LA COUR :
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 23 octobre 2018, Mme [F] [S] [V] a conclu un contrat d’engagement dans un parcours d’insertion professionnelle avec la société Espace Interim Insertion (E2I) pour une durée d’un mois qui été prolongée le 26 octobre 2018, par une extension de l’agrément qui a été délivrée par Pôle emploi pour 24 mois à compter du 10 avril 2018.
Dans ce cadre, vingt deux contrats de travail à durée déterminée d’usage, en qualité d’agent d’entretien de locaux, ont été conclus entre Mme [V] avec l’entreprise utilisatrice Agence Bourbonnaise de Nettoyage (ABN).
Faisant valoir que 1er octobre 2019, la société ABN a refusé la poursuite de la relation contractuelle et que le 15 avril 2020, la société E2I mettait fin à son contrat, Mme [V] a, le 22 mai 2020, saisi le conseil de prudhommes de Saint-Denis de la Réunion afin d’obtenir notamment
– à titre principal, la requalification de contrats de travail à durée déterminée (CDD)en contrat à durée indéterminée (CDI) avec la société ABN et le versement par cette société de diverses indemnités pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, outre des dommages et intérêts de la part de la société E2I,
– à titre subsidiaire, la requalification de la relation de travail en contrat de travail à durée indéterminée avec la société E2I et sa condamnation à lui verser les différentes indemnités liées pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Le conseil de prudhommes de Saint-Denis de la Réunion par jugement du 13 octobre 2021 a :
– débouté Mme [V] de l’intégralité de ses demandes ;
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– rejeté toute autre demande ;
– condamné Mme [V] au paiement des dépens, lesquels recouvrés conformément à la loi sur l’aide juridictionnelle ;
– dit n’y avoir pas lieu au prononcé de l’exécution provisoire.
Mme [V] a interjeté appel de cette décision le 15 novembre 2021.
Par ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 1er février 2023, l’appelante requiert de la cour d’infirmer la décision rendue par le conseil de prud’hommes en l’ensemble de ses dispositions et, statuant à nouveau :
– à titre principal : requalifier les contrats de travail à durée déterminée de Mme [V] en un unique contrat de travail à durée indéterminée avec la société ABN ;
– à titre subsidiaire, requalifier les contrats de travail à durée déterminée de Mme [V] en un unique contrat de travail à durée indéterminée avec la société E2I ;
– à titre principal, condamner solidairement la société Agence Bourbonnaise de Nettoyage (ABN) et la société E2I à verser à Mme [V] la somme de 553,62 euros au titre de l’indemnité de requalification ;
– à titre subsidiaire, condamner la société ABN à verser la somme de 553,62 euros à la requérante au titre de l’indemnité de requalification ;
– juger la procédure de licenciement irrégulière ;
– juger le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ;
à titre principal, condamner solidairement la société ABN et la société E2I à verser à Mme [V] les sommes de :
553,62 euros au titre de l’indemnité de requalification,
1.500 euros au titre du préjudice résultant de la perte de son emploi,
1.500 euros au titre du préjudice résultant du licenciement irrégulier,
553,62 euros au titre de l’indemnité de préavis,
55,36 euros au titre de l’indemnité de congés payés ;
à titre subsidiaire, condamner la société ABN à verser à Mme [V] :
553,62 euros au titre de l’indemnité de requalification,
1.500 euros au titre du préjudice résultant de la perte de son emploi,
1.500 euros au titre du préjudice résultant du licenciement irrégulier,
553,62 euros au titre de l’indemnité de préavis,
55,36 euros au titre de l’indemnité de congés payés ;
à titre principal, condamner solidairement la société ABN et la société E2I à verser à Mme [V] la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi ;
à titre subsidiaire, condamner la société ABN à verser à Mme [V] la somme de 3.000 euros de dommages et intérêts au titre du préjudice subi ;
en tout état de cause :
– enjoindre à la société ABN de délivrer à Mme [V] le document unique d’évaluation des risques professionnels sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la décision à intervenir ;
– condamner la société ABN à verser à Mme [V] la somme de 2.000 euros au titre du préjudice subi, dû à l’absence de document unique d’évaluation des risques professionnels ;
à titre principal, condamner solidairement la société ABN et la société E2I à verser à Mme [V] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
à titre subsidiaire, condamner les intimés à verser à Mme [V] la somme de 2.500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
à titre principal, condamner solidairement la société ABN et la société E2I aux entiers dépens ;
à titre subsidiaire, condamner les intimés aux entiers dépens.
Par ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 13 mai 2022,
la société ABN demande de confirmer en toutes ses dispositions, le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Saint-Denis le 13 octobre 2021 et, en tout état de cause, de débouter Mme [V] de toutes ses autres demandes ; y ajoutant, la condamner au paiement de la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens de l’instance.
Par ses dernières conclusions, communiquées par voie électronique le 2 décembre 2022, la société E2I sollicite la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et :
– juger que les conclusions d’appelant n° 2, en date du 04 novembre 2022, sont irrecevables quant à la demande nouvelle qui est formulée ;
– débouter par conséquent, Mme [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Subsidiairement, si la cour déclarait les dernières conclusions de Mme [V], en date du 04 novembre 2022, recevables :
juger l’action engagée contre la société E2I mal fondée ;
confirmer le jugement de départage du conseil de prudhommes en date du 13 octobre 2021 en toutes ses dispositions ;
débouter Mme [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
à titre très subsidiaire, si par impossible il était fait droit à ses demandes indemnitaires, réduire dans d’importantes proportions leur quantum ;
à titre infiniment subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour décidait de statuer au vu des demandes formulées dans les conclusions d’appel en date du 15 février 2022 :
juger l’action engagée contre la société E2I mal fondée ;
confirmer le jugement de départage du conseil de prud’hommes, en date du 13 octobre 2021, en toutes ses dispositions ;
débouter Mme [V] de toutes ses demandes, fins et conclusions ;
à titre très subsidiaire, si par impossible il était fait droit à ses demandes indemnitaires, réduire dans d’importantes proportions leur quantum ;
condamner Mme [V] qui succombe à payer à la société E2I la somme de 4.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile tant pour la procédure de première instance que d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, aux écritures de l’appelante, aux observations susvisées ainsi qu’aux développements infra.
La clôture a été prononcée par ordonnance du 3 avril 2023 et l’affaire a été renvoyée à l’audience rapporteur du 9 octobre 2023.
SUR QUOI
Sur la recevabilité de la demande de condamnation solidaire entre la société E2I et la société Agence Bourbonnaise de Nettoyage
La demande de condamnation solidaire de la la société E2I avec la SARL ABN a été présentée par Mme [V] dans le cadre de conclusions n°2, le 4 novembre 2022.
La société E2I soulève une fin de non-recevoir tirée de la demande qui consiste désormais pour la salariée à solliciter une condamnation solidaire avec la société Agence Bourbonnaise de Nettoyage est totalement différente de celles présentées précédemment et qu’il s’agit d’une demande nouvelle, contraire au principe de la concentration des prétentions et des moyens prévu à l’article 910-4 du code de procédure civile, et non formulée dans le délai imparti à l’article 908 pour conclure au fond.
Mme [V] soutient, au visa des articles 563, 565 et 566 du code de procédure civile, que la demande de condamnation solidaire des deux sociétés n’est pas nouvelle en cause d’appel dans la mesure où :
– cette demande tend aux mêmes fins que la demande de condamnation au paiement de diverses créances salariales formulée en première instance ;
– elle est la conséquence nécessaire de la qualité d’entreprise de travail temporaire et d’entreprise utilisatrice des deux sociétés ;
– elle est le complément nécessaire des demandes de condamnation qui étaient formulées séparément en première instance à l’encontre des deux sociétés.
En l’espèce, la saisine du conseil de prud’hommes par Mme [V] est intervenue le 25 mai 2020, soit postérieurement au 1er août 2016, de sorte que conformément aux dispositions de l’article 45 du décret numéro 2016 ‘ 660, relatif à la justice prud’homale et au traitement judiciaire du contentieux du travail, l’article 8 de ce même décret, qui a supprimé l’article R 1452 ‘ 7 du code du travail autorisant la présentation même en appel de demandes nouvelles dérivant du même contrat de travail, est applicable.
Ainsi, les dispositions des articles R 1452 ‘ 6 et R 1452 ‘ 7 du code du travail, respectivement relatifs au principe de l’unicité de l’instance et à la recevabilité des demandes nouvelles formées en appel, ayant été abrogées depuis le 1er août 2016, il y a lieu d’appliquer l’article 566 du code de procédure civile qui précise que « les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire ».
La cour rappelle que dans l’hypothèse où une fin de non-recevoir est, comme en l’espèce formellement recevable, l’examen au fond de l’existence de demandes nouvelles ou ne respectant pas le principe de concentration des prétentions sur le fond, relève de la seule compétence de la cour d’appel qui statuera sur ces moyens d’irrecevabilité.
En l’espèce, en première instance et dans le cadre de ses premières écritures notifiées le 15 février 2022, Mme [V] sollicitait, à titre principal, la condamnation de la société E2I à lui payer uniquement la somme de 3.000 € à titre de dommages-intérêts et ce n’est qu’à titre subsidiaire qu’elle demandait sa condamnation à lui payer :
‘ 553,62 € au titre de l’indemnité de requalification,
‘ 1.500 € au titre du préjudice résultant de la perte de son emploi,
‘ 1.500 € au titre du préjudice résultant du licenciement irrégulier,
‘ 553,5 62 € au titre de l’indemnité de préavis,
‘ 55,36 € pour congés payés afférents.
Elle soutenait que l’entreprise de travail temporaire avait manqué à son obligation de suivi et d’accompagnement et devait donc, à ce titre, réparer le préjudice résultant de la perte d’emploi, alors que, subsidiairement, ce manquement devait entraîner la requalification de la relation de travail avec cette même société en contrat à durée indéterminée.
En aucun cas Mme [V] ne faisait de lien entre les deux sociétés quant à la réparation de son préjudice et ainsi, la demande de solidarité aujourd’hui présentée sur un fondement tout à fait nouveau, n’a pas de lien et ne peut être considérée comme étant le complément ou l’accessoire, voire la conséquence des demandes initiales formées à l’encontre de la société Agence Bourbonnaise de Nettoyage, les deux demandes de requalification initiales étant formées à l’encontre des deux sociétés sur des fondements totalement différents.
La demande de solidarité de la société E2I avec la société Agence Bourbonnaise de Nettoyage est donc déclarée irrecevable, en application des article 564 et 566 du code de procédure civile.
L’objet du litige entre Mme [V] et la société E2I est donc celui qui ressort des conclusions du 15 février 2022.
Sur la demande de requalification des CDD en CDI
L’article L. 1251-5 du code du travail prévoit que le contrat de mission, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’ entreprise utilisatrice.
Le recours à un salarié intérimaire ne peut résulter que d’un des cas prévus à l’article L. 1251-6 et notamment dans les cas suivants :
« (‘) 1° Remplacement d’un salarié, en cas :
a) D’absence ;
b) De passage provisoire à temps partiel, conclu par avenant à son contrat de travail ou par échange écrit entre ce salarié et son employeur ;
c) De suspension de son contrat de travail ;
d) De départ définitif précédant la suppression de son poste de travail après consultation du comité social et économique, s’il existe ;
e) D’attente de l’entrée en service effective d’un salarié recruté par contrat à durée indéterminée appelé à le remplacer ;
2° Accroissement temporaire de l’activité de l’ entreprise ;
(‘) »
L’article L. 1251-40 dispose que lorsqu’une entreprise utilisatrice a recours à un salarié d’une entreprise de travail temporaire en méconnaissance des dispositions des articles L. 1251-5 à L. 1251-7, L. 1251-10 à L. 1251-12, L. 1251-30 et L. 1251-35, ce salarié peut faire valoir auprès de l’ entreprise utilisatrice les droits correspondant à un contrat de travail à durée indéterminée prenant effet au premier jour de sa mission.
Ainsi, l’article L. 1251-40 du code du travail qui permet la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée en cas de non-respect des règles de fond régissant le recours au contrat de mission n’autorise pas la requalification à l’égard de l’ entreprise de travail temporaire, laquelle ne peut être concernée qu’en cas de non-respect des règles de forme.
Il incombe à l’ entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat de mission.
Concernant la demande présentée à l’encontre de la société ABN
Au soutien de son appel, Mme [V] fait valoir que la société ABN a méconnu les cas de recours légaux puisque ses contrats de travail avaient pour objet ou pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’ entreprise et qu’il n’est d’ailleurs pas établi qu’un usage constant de ne pas recourir à un contrat à durée indéterminée existe dans le domaine d’activité de la société ABN.
Elle relève qu’en signant vingt deux contrats de travail en moins de deux ans, elle est restée continuellement au service de la société ABN et que le délai de carence légal entre chaque contrat n’a jamais été respecté.
La société ABN, en tant que société utilisatrice, répond que les CDD d’usage ne sont pas limités à 18 mois et que les missions confiées à Mme [V] au titre de ses contrats de mission temporaire en qualité d’agent d’entretien de locaux ne constituaient pas un emploi durable au sein de l’entreprise.
Elle précise que les motifs de recours au contrat de mission sont mentionnés sur tous les contrats signés par l’appelante et qu’au vu des plannings de la salariée, elle démontre que Mme [V] ne nettoyait pas toujours les mêmes endroits et remplaçait différentes personnes.
Elle ajoute qu’elle passait de nombreuses commandes de prestations pour les motifs d’accroissement temporaire d’activité (pièce n°4).
Il est établi que Mme [V] a conclu, en tant qu’agent d’entretien, plusieurs contrats de mission temporaire avec la société E2I entre le 1er novembre 2018 et le 30 septembre 2019 pour une à mise disposition au profit de la société ABN.
En premier lieu, la liste des secteurs d’activité dans lesquels des CDD d’usage peuvent être conclus est fixée par l’article D. 1242-1 du code du travail qui prévoit notamment les activités d’insertion par l’activité économique.
Or, il est constant que la société E2I est une entreprise de travail temporaire d’insertion.
En second lieu, les motifs de recours au contrat de travail temporaire, tout comme les contrats de travail à durée déterminée, sont par application de l’article L. 1242-1 du code du travail, limitativement définis par la loi et un contrat de travail à durée déterminée, quel que soit son motif, ne peut avoir ni pour objet ni pour effet de pourvoir durablement un emploi lié à l’activité normale et permanente de l’ entreprise.
En l’espèce, il ressort, d’une part de la convention de partenariat entre la société ABN et la société E2I (pièce 2 du dossier de la société ABN) du 10 décembre 2007, prévoyant la mise à disposition de personnel, que les dispositions légales ont été respectées en la matière et, d’autre part, que les plannings de Mme [V] mentionnent bien le remplacement de salariés absents : Mmes [Y], [B] et [R], ou correspondent aux périodes de commandes de prestations complémentaires (pièce n° 3 du dossier de la société ABN).
C’est en conséquence à bon droit que le conseil de prud’hommes a retenu que ces contrats de mission temporaire, conclus une période inférieure à un an, avaient tous pour objet, soit un accroissement temporaire de l’activité de l’entreprise, soit le remplacement d’un agent absent et qu’il n’y avait pas lieu de procéder à leur requalification.
Enfin, sauf lorsqu’elle est révélatrice de l’occupation d’un emploi durable, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, l’inobservation par l’entreprise utilisatrice du délai de carence, ne permet pas au travailleur temporaire de demander la requalification des contrats temporaire en un contrat à durée indéterminée.
Le jugement est conséquence confirmé.
Concernant la demande présentée à l’encontre de la société E2I
La cour relève que Mme [V] reprend dans le dispositif de ses dernières écritures du 4 novembre 2022, la demande subsidiaire de requalification de la relation de travail avec la société E2I en CDI.
Toutefois, le cour relève qu’aucun moyen n’est invoqué sur ce point, les seuls griefs à l’encontre de la société E2I n’étant formulés que dans le cadre de la demande de condamnation solidaire, qualifiée précédemment de demande nouvelle irrecevable.
En tout état de cause et à titre tout à fait superfétatoire, contrairement à ce qu’affirme Mme [V], la société E2I est une entreprise d’insertion relevant de l’application de l’article L.5132-5 du code du travail et non pas une association intermédiaire.
Ainsi, seul un vice de forme pouvait être invoqué par Mme [V] quant au contrat d’engagement dans un parcours d’insertion professionnelle avec la société E2I.
Ce moyen n’étant au demeurant pas soutenu, la demande de requalification présentée à l’encontre de cette société n’est pas fondée.
Le jugement déféré est en conséquence confirmé sur ce point.
Il ressort de tout ce qui précède que Mme [V] est également, par confirmation du jugement entrepris, déboutée de l’intégralité de ses demandes subséquentes au titre d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse et de dommages et intérêts pour préjudice subi du fait de la perte d’emploi.
Sur le dommages et intérêts sollicités au titre des manquements des sociétés
Mme [V] demande à titre principal la condamnation solidaire des deux sociétés intimées à lui payer la somme de 3000 euros.
Cette demande solidaire a d’ores et déjà été jugée irrecevable.
À titre subsidiaire, l’appelante demande la condamnation de la société ABN au paiement de la somme précitée au motif que vingt deux contrats ont été signés en violation des dispositions relatives aux CDD.
Au vu de ce qui précède, la relation de travail entre la société utilisatrice et Mme [V] n’ayant pas été requalifiée, c’est à bon droit que le conseil de prud’hommes a jugé que la salariée ne rapportait pas la preuve d’un manquement de la société ABN.
L’appelante est en conséquence déboutée de sa demande de dommages-intérêts par confirmation du jugement entrepris.
Sur l’absence de document unique
L’appelante sollicite à nouveau, sous astreinte, la production par la société ABN du document unique d’évaluation des risques professionnels et, à défaut, demande que son préjudice soit indemnisé à hauteur de 2.000 €.
Toutefois, la cour relève que le document d’évaluation des risques a été produit d’ores et déjà en première instance et l’est toujours en cause d’appel (pièce n° 5 de la société ABN).
Il y a lieu en conséquence de confirmer le jugement de débouté sur ce point.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Le jugement est confirmé en ses dispositions concernant les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.
Le sens du présent arrêt conduit à condamner Mme [V] aux dépens d’appel et à la débouter de sa demande présentée au titre de ses frais irrépétibles.
L’équité ne commande pas qu’une condamnation soit prononcée à son encontre sur ce fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort ;
Déclare irrecevables, comme nouvelles, les demandes présentées par Mme [F] [S] [V] au titre d’une condamnation solidaire entre les sociétés ABN et E2I ;
Confirme le jugement rendu par le conseil de prud’hommes de Saint-Denis de la Réunion le 13 octobre 2021 en toutes ses dispositions ;
Condamne Mme [F] [S] [V] aux dépens d’appel ;
Déboute les parties de leurs demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Le présent arrêt a été signé par Mme Corinne Jacquemin, présidente de chambre, et par Mme Delphine Grondin, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
La greffière La présidente