Contrat à durée déterminée d’usage : 7 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/03196

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Contrat à durée déterminée d’usage : 7 février 2024 Cour d’appel de Paris RG n° 21/03196
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 07 FEVRIER 2024

(n° 2024/ , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03196 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDOW2

Décision déférée à la Cour : Jugement du 16 Mars 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de PARIS – RG n° F18 /03243

APPELANTE

S.A.S.U. CONSTELLATION ETOILE

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Sandra OHANA, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

INTIMÉ

Monsieur [F] [G]

[Adresse 6]

[Localité 2]

Représenté par Me Thomas FORMOND, avocat au barreau de PARIS, toque : C2615

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 12 décembre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre, Président de formation

Monsieur Christophe BACONNIER, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par, Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier : Madame Julie CORFMAT, lors des débats

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

– signé par Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre et par Madame Julie CORFMAT, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS, PROCEDURE ET MOYENS DES PARTIES

M. [F] [G], né en 1983 a été employé, dans le cadre de contrats à durée déterminée d’usage en qualité de sous-chef de cuisine extra au sein du service banquets et brunchs de l’hôtel [4] du 1er octobre 2010 au 20 mars 2018 en étant employé successivement par la société de la Tour Lafayette, puis par la société du Louvre Lafayette et in fine par la société Constellation Etoile.

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale des hôtels, cafés, restaurants.

Sa rémunération mensuelle brute moyenne au cours des douze derniers mois s’élevait en dernier lieu à la somme de 1 819,52 € selon M. [G] et à celle de 1 395,59 € selon la société Constellation Etoile.

A compter du 20 mars 2018, l’employeur a cessé de donner du travail à M. [G]. Ce dernier avait alors une ancienneté de 7 ans et 5 mois.

La société Constellation Etoile occupait à titre habituel au moins onze salariés lors de la rupture des relations contractuelles.

M. [G] a saisi le 26 avril 2018 le conseil de prud’hommes de Paris pour former les demandes suivantes :

« A titre principal :

– Requalification de CDD en CDI

– Requalifier la relation de travail en contrat de travail à temps plein

– Fixer le salaire brut mensuel de référence à la somme de 3 029,86 €

– Indemnité de requalification : 3 029,86 €

– Rappel de salaires temps complet (avril 2015 à mars 2018) : 32 565,94 €

– Congés payés afférents : 3 256,59 €

– 13e mois de 2015 à 2018 : 3 309,89 €

– Congés payés afférents : 330,98 €

– Indemnité compensatrice de préavis : 6 059,72 €

– Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 605,97 €

– Indemnité de licenciement légale : 5 785,61 €

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 24 238,88 €

– Article 700 du Code de Procédure Civile :1 800,00 €

A titre subsidiaire :

– Indemnité de requalification : 1 819,52 €

– Indemnité compensatrice de préavis : 3 639,04 €

– Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 363,90 €

– Indemnité de licenciement légale : 3 474,43 €

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 14 500,16 €

– Article 700 du Code de Procédure Civile : 1 800,00 €

– Remise de bulletin(s) de paie et de documents de fin de contrat conformes à la décision à venir

– Exécution provisoire article 515 CPC

– Intérêts au taux légal

– Dépens. »

Par jugement du 16 mars 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé des moyens, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante :

« Ordonne la requalification des contrats en contrat à durée indéterminée à compter du 1er octobre 2010 ;

Ordonne la requalification du contrat en un contrat de travail à temps complet ;

Fixe le salaire de référence à la somme de 3.029,43 euros bruts ;

Condamne la société CONSTELLATION ETOILE à payer à Monsieur [F] [G] les sommes suivantes :

– 3.029,43 euros à titre d’indemnité de requalification

– 32.565,94 euros bruts à titre de rappel de salaire consécutif à la requalification en temps complet

– 3.236,59 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 3.309,89 euros bruts au titre du rappel de la prime de 13ème mois

– 330,98 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 15.000 euros à titre d’indemnité pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse

– 6.058,86 euros bruts à titre d’indemnité compensatrice de préavis

– 605,88 euros bruts au titre des congés payés afférents

– 5.656 euros au titre de l’indemnité de licenciement

Rappelle que les intérêts au taux légal commencent à courir à compter du jour du prononcé du présent jugement s’agissant des demandes à caractère indemnitaires et à compter de la date de réception de la convocation devant le bureau de conciliation s’agissant des demandes à caractère salarial ;

Ordonne à la société CONSTELLATION ETOILE de communiquer à Monsieur [F] [G] un bulletin de salaire récapitulatif et les documents de fin de contrat conformes au présent jugement ;

Rappelle que l’exécution provisoire est de droit en application de l’article R.1454-28 du code du travail s’agissant du paiement des sommes au titre des rémunérations dans la limite de neuf mois de salaire ;

L’ordonne pour le surplus en application de l’article 515 du code de procédure civile ;

Condamne la société CONSTELLATION ETOILE à payer à Monsieur [F] [G] une somme de 1.800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamné la société CONSTELLATION ETOILE aux dépens. »

La société Constellation Etoile a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 29 mars 2021.

La constitution d’intimé de M. [G] a été transmise par voie électronique le 20 avril 2021.

L’ordonnance de clôture a été rendue à la date du 17 octobre 2023.

L’affaire a été appelée à l’audience du 12 décembre 2023.

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 11 octobre 2021, la société Constellation Etoile demande à la cour de :

« Juger recevable et bien fondé l’appel formé, par la société CONSTELLATION ETOILE à l’encontre du jugement rendu le 16 mars 2021, par le Conseil de Prud’hommes de Paris.

A titre principal,

INFIRMER le jugement dont s’agit, en toutes ses dispositions, sauf à faire application des dispositions de l’article 1245-1 alinéa 2 du Code du travail et à condamner la société CONSTELLATION ETOILE à régler à Monsieur [G], la somme de 1.395,59 €, montant d’un mois de salaire.

Conséquemment,

CONDAMNER Monsieur [G] à rembourser à la société CONSTELLATION ETOILE la somme de 46.162,64 €

DEBOUTER Monsieur [G] de l’ensemble des demandes qu’il pourrait formuler en cause d’appel.

A titre subsidiaire,

DONNER ACTE à la société CONSTELLATION ETOILE de ce qu’elle se reconnaît débitrice, à l’égard de Monsieur [G], sur le fondement de l’arrêt de la Cour d’Appel de PARIS ‘ Chambre 10 Pôle 6, rendu le 24 mai 2017, des sommes brutes suivantes :

– 1.395,59 Euros (1 mois de salaire mensuel moyen brut), au titre de l’indemnité de requalification

– 2.791,18 Euros, à titre d’indemnité compensatrice de préavis (2 mois de salaire mensuel moyen brut)

– 279,11 Euros, au titre des congés afférents

– 500 Euros, au titre de la prime ancienneté

– 2.578,48 Euros, au titre de l’indemnité légale de licenciement

– 1.000 Euros, à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

En conséquence,

CONDAMNER la société CONSTELLATION ETOILE à régler lesdites sommes, à Monsieur [G], soit 8.544,36 Euros.

CONDAMNER Monsieur [G] à rembourser à la société la somme de 39.013,87 Euros (à parfaire en fonction des sommes en brut et en net)

CONDAMNER Monsieur [G] aux entiers dépens. »

Par conclusions communiquées par voie électronique en date du 14 juillet 2021, M. [G] demande à la cour de :

« A titre principal,

CONFIRMER le jugement entrepris en ce qu’il a :

Requalifié la relation de travail en contrat de travail en un contrat à durée indéterminée à temps plein,

Fixé le salaire brut mensuel de référence à la somme de 3029,86 euros,

Condamné la SASU CONSTELLATION ETOILE à régler à M. [G] les condamnations suivantes :

– Indemnité de requalification : 3 029,86 €

– Rappel de salaire temps complet (avril 2015 à mars 2018) : 32 565,94 €

– Congés payés afférents : 3 256,59 €

– Rappel de salaire sur prime de 13ème mois de 2015 à 2018 : 3 309,89 €

– Congés payés afférents : 330,98 €

– Indemnité compensatrice de préavis : 6 059,72 €

– Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 605 ,97 €

– Indemnité légale de licenciement : 5 785,61 €

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse : 20 656,00 €

A titre infiniment subsidiaire, s’il n’était pas fait droit à la demande de requalification de la relation de travail à temps complet,

Condamner la SASU CONSTELLATION ETOILE à régler à M. [G] les condamnations

suivantes :

– Indemnité de requalification : 1 819,52 €

– Indemnité compensatrice de préavis : 3 639,04 €

– Indemnité compensatrice de congés payés sur préavis : 363,90 €

– Indemnité légale de licenciement : 3 474,43 €

– Indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse (8 mois) : 14 500,16 €

Condamner la SASU CONSTELLATION ETOILE à régler à M. [G] la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du CPC en cause d’appel,

Ordonner la remise de bulletins de salaires et de documents de fin de contrat conformes à la décision à venir,

Ordonner l’intérêt légal à compter de la saisine,

Condamner la société CONSTELLATION ETOILE aux entiers dépens.»

Lors de l’audience présidée selon la méthode dite de la présidence interactive, le président rapporteur a fait un rapport et les conseils des parties ont ensuite plaidé par observations et s’en sont rapportés pour le surplus à leurs écritures ; l’affaire a alors été mise en délibéré à la date du 7 février 2024 par mise à disposition de la décision au greffe (Art. 450 CPC).

MOTIFS

Sur la requalification de la relation de travail en contrat à durée indéterminée à temps plein

Au soutien de son appel la société Constellation Etoile soutient que :

– la convention collective permet de recourir au contrat de travail à durée déterminée d’usage, et n’envisage une éventuelle requalification du contrat, que si l’extra a effectué des missions, pendant plus de 60 jours, au titre d’un trimestre ;

– le recours au contrat à durée déterminée d’usage est justifié pour M. [G] par l’activité exercée et la variabilité objective de l’activité du service banquet et de son caractère imprévisible ;

– pour en justifier elle produit des tableaux, dans lesquels sont précisés, mois par mois, pour les années 2013 à 2018 au cours desquelles M. [G] a effectué des vacations, les chiffres d’affaires qu’elle a réalisés, dans le cadre des manifestations et/ou événements (banquets, réceptions, cocktails) organisés, au sein du palais des congrès et/ou dans ses salons, chiffres qui montrent que l’activité pour laquelle M. [G] était sollicité n’est pas permanente et est imprévisible (pièces employeur n°28, n°29, n°30, n°31, n°32 et n°33) ;

– le nombre de vacations, que M. [G] a effectuées a, toujours, été, largement, en deçà du seuil de soixante (60) jours, par trimestre ;

– même si l’entreprise n’est pas en mesure de produire tous les contrats à durée déterminée de M. [G], des contrats ont été, évidemment, systématiquement, régularisés entre M. [G] et les sociétés, qui ont exploité successivement l’hôtel [3] devenu [4] après son rachat en 2013 ; malgré ses demandes (pièce employeur n° 14) elle n’est pas parvenue à obtenir la production de tous les contrats à durée déterminée passés avec les sociétés qui ont employé M. [G] avant elle, mais concernant les vacations du 23 octobre 2013 au 20 mars 2018 effectuées pour son compte, tous les contrats régularisés sont produits, à l’exception de 38 contrats qu’elle n’a pas retrouvés dans ses archives (pièce employeur n° 15 et 21) ;

– l’absence de contrat de travail écrit, si elle permet au salarié recruté par contrat à durée déterminée de demander la requalification de la relation contractuelle en une relation de travail à durée indéterminée, n’a pas pour effet de laisser présumer que les parties ont conclu une relation de travail à durée indéterminée et le juge doit rechercher quelle a été la commune intention des parties ;

– M. [G] est intervenu en qualité d’extra, ainsi que cela ressort des bulletins de paie qu’il verse aux débats et des contrats de travail qu’il a régularisés et il avait donc connaissance du cadre contractuel qui régissait sa relation avec ses employeurs successifs, qui n’était ni un contrat à durée indéterminée ni un temps plein.

En réplique, M. [G] soutient que :

– en ce qui concerne la requalification du contrat à durée déterminée en contrat à durée indéterminée, la société Constellation Etoile ne justifie pas que des contrats écrits ont été successivement conclus : ainsi elle ne produit pas l’intégralité des contrats, dont 38 manquent sur la seule période de 2013 à 2017 ;

– de surcroît, employé tous les mois entre 2010 et 2018, au même poste, il a manifestement pourvu un emploi permanent de sous-chef ; ses interventions n’étaient ni ponctuelles, ni aléatoires ou tributaires de surcroîts d’activités, puisqu’elles se succédaient presque sans interruption ; il a ainsi travaillé une centaine d’heures chaque mois depuis le 1er octobre 2010 (pièces salarié n° 1 à 3) et son embauche était à ce point habituelle qu’il bénéficiait d’une prime de treizième mois proratisée ;

– le recours au contrat à durée déterminée d’usage est manifestement abusif : en effet nonobstant l’existence d’un usage, l’employeur doit produire les éléments concrets et précis qui établissent le caractère par nature temporaire de l’emploi ;

– en ce qui concerne la requalification du temps partiel en temps plein, en l’absence d’un écrit constatant l’existence d’un contrat de travail à temps partiel, le contrat est présumé conclu pour un horaire normal ; face à cette présomption, il incombe à l’employeur qui la conteste de rapporter la preuve d’une part qu’il s’agissait d’un emploi à temps partiel et d’autre part que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’était pas tenu de se tenir constamment à sa disposition.

Sur la requalification en contrat à durée indéterminée

Aux termes de l’article L.1242-12 du code du travail dans sa version applicable au présent litige, le contrat de travail à durée déterminée est établi par écrit et comporte la définition précise de son motif, et notamment les mentions énumérées par cet article ; à défaut, il est réputé être conclu pour une durée indéterminée.

En cas de requalification de plusieurs contrats à durée déterminée discontinus, l’ancienneté remonte au premier jour du contrat à durée déterminée irrégulier.

L’article 14 1° de la convention collective des hôtels, cafés et restaurants (HCR) prévoit, concernant les « extra » notamment qu’un contrat devra être établi pour chaque vacation.

La cour constate que M. [G] produit ses bulletins de salaire et que pour de nombreuses périodes de travail dont il justifie, la société Constellation Etoile ne produit pas le contrat à durée déterminée afférent, ce qu’elle admet ; tel est notamment le cas pour le tout premier contrat à durée déterminée qui a pris effet le 1er octobre 2010 (pièce salarié n° 1).

Compte tenu de ce qui précède, la cour retient que M. [G] est bien fondé à demander la requalification des contrats à durée déterminée successifs à compter du 1er octobre 2010 au motif que la société Constellation Etoile ne prouve pas qu’un contrat de travail écrit a

été établi pour l’intégralité des contrats à durée déterminée successifs passés avec M. [G] et notamment pour le premier d’entre eux à effet du 1er octobre 2010.

C’est donc en vain que la société Constellation Etoile conteste la présomption légale instituée par l’article L. 1242-12 du code du travail en soutenant que l’absence de contrat de travail écrit, si elle permet au salarié recruté par contrat à durée déterminée de demander la requalification de la relation contractuelle en une relation de travail à durée indéterminée, n’a pas pour effet de laisser présumer que les parties ont conclu une relation de travail à durée indéterminée et le juge doit rechercher quelle a été la commune intention des parties ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif que la présomption précitée est une présomption irréfragable pour l’employeur : seul le salarié peut invoquer la commune intention des parties pour faire reconnaître l’existence d’un contrat à durée déterminée en l’absence de contrat de travail écrit.

Sur la requalification du temps partiel en temps plein

Le contrat de travail à temps partiel doit, selon l’article L.3123-6 du code du travail, être établi par écrit et préciser la durée hebdomadaire ou mensuelle prévue et la répartition de la durée du travail entre les jours de la semaine ou les intervalles du mois.

L’absence de contrat écrit répondant aux exigences de cet article, fait présumer que l’emploi est à temps complet. Il incombe à l’employeur, qui conteste cette présomption d’emploi à temps complet, de rapporter la preuve, d’une part, de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, d’autre part, que le salarié n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [G] est bien fondé dans sa demande de requalification de son contrat de travail à temps partiel en un contrat de travail à temps plein au motif d’une part que M. [G] travaillait en moyenne 100 heures par mois sur la période de la relation de travail, avec des variations comprises entre 44 heures et 200 heures sans qu’un contrat de travail écrit ne soit signé pour contractualiser son temps partiel, et que l’absence de contrat écrit répondant aux exigences de l’article L.3123-6 du code du travail fait ainsi présumer que l’emploi est à temps complet, et au motif d’autre part que la société Constellation Etoile ne rapporte pas la preuve de la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, ni la preuve que M. [G] n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

C’est donc en vain que la société Constellation Etoile soutient que M. [G] est intervenu en qualité d’extra, ainsi que cela ressort des bulletins de paie qu’il verse aux débats et des contrats de travail, qu’il a régularisés et qu’il avait donc connaissance du cadre contractuel qui régissait sa relation avec ses employeurs successifs, qui n’était ni un contrat à durée indéterminée ni un temps plein ; en effet, la cour retient que ce moyen est mal fondé au motif qu’il ne permet pas de prouver la durée exacte hebdomadaire ou mensuelle convenue, ni le fait que M. [G] n’était pas placé dans l’impossibilité de prévoir à quel rythme il devait travailler et qu’il n’avait pas à se tenir constamment à la disposition de l’employeur.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a requalifié les contrats à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein.

Sur l’indemnité de requalification

Il ressort de l’article L.1245-2 du code du travail que lorsqu’il est fait droit à la demande de requalification formée par le salarié, la juridiction saisie doit d’office condamner l’employeur à lui payer une indemnité qui ne peut être inférieure à un mois de salaire.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [G] est bien fondé dans sa demande formée au titre de l’indemnité de requalification dans son principe mais pas dans son montant que la cour fixe à la somme de 1 819,52 € au motif que le montant minimum de l’indemnité de requalification doit être calculé selon la moyenne de salaire mensuel, dû au titre du contrat dans le dernier état de la relation de travail avant la saisine de la juridiction prud’homale.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a condamné la société Constellation Etoile à payer à M. [G] la somme de 3 029,43 € au titre de l’indemnité de requalification et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Constellation Etoile à payer à M. [G] la somme de 1 819,52 € au titre de l’indemnité de requalification étant précisé que l’examen des bulletins de salaire fait ressortir que la moyenne des salaires revendiquée par la société Constellation Etoile à hauteur de 1 395,59 € n’inclut pas la prime du 13e mois et l’indemnité compensatrice de congés payés qui lui étaient versées systématiquement alors que ces éléments de salaires doivent être inclus la moyenne de salaire mensuel retenue pour l’application de l’article L.1245-2 du code du travail.

Sur les demandes de rappel de salaire et de prime du 13e mois pour les périodes interstitielles

M. [G] demande par confirmation du jugement des rappels de salaire et de prime du 13e mois pour les périodes interstitielles par voie de conséquence de la requalification des contrats à durée déterminée à temps partiel en contrat à durée indéterminée à temps plein.

Au soutien de son appel, la société Constellation Etoile soutient que la requalification d’un contrat à durée déterminée en un contrat à durée indéterminée ne peut porter que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail, et un salarié engagé sur plusieurs contrats à durée déterminée non successifs, comme c’est le cas de M. [G], ne peut prétendre à un rappel de salaire au titre des périodes non travaillées, séparant chaque contrat, sauf à démontrer qu’il s’est tenu à la disposition de l’employeur durant ces périodes, ce qui est contredit par les pièces que M. [G] invoque à ce titre (pièces salarié n° 2 et 8) ; en effet, la première est le récapitulatif des heures effectuées indiquant année par année et mois par mois le nombre de jours de vacations et la seconde est composée par les avis d’imposition 2014 à 2017 sur les revenus 2013 à 2016 étant précisé que les avis d’imposition montrent que M. [G] avaient d’autres revenus salariaux et donc d’autres employeurs.

En réplique, M. [G] soutient que :

– il s’est trouvé dans l’impossibilité de prévoir à l’avance son rythme de travail, et ce pendant plus de sept ans ; la société Constellation Etoile ne lui a proposé durant toutes ces années que des emplois d’une semaine et plus généralement d’un jour sur l’autre, le contraignant ainsi à se maintenir à sa disposition de manière permanente ;

– incapable d’anticiper ses périodes d’emploi et de non emploi, pas plus que leur durée, il lui était impossible de s’engager auprès d’un autre employeur afin de compléter ces périodes, sans prendre le risque de se rendre indisponible ;

– il travaillait pour la société Constellation Etoile 11 mois sur 12 et en moyenne plus d’une centaine d’heures par mois (pièce salarié n° 3) ; il travaillait cependant d’un jour sur l’autre en fonction des seuls besoins de l’employeur, selon des horaires et des jours travaillés dont il n’avait jamais connaissance au préalable ; embauché ainsi sans jamais connaître au préalable quels seraient ses jours et horaires de travail, il était dans l’impossibilité de s’engager auprès d’un autre employeur et en pratique, il était à l’entière disposition de la société Constellation Etoile ;

– ses « autres revenus salariaux » mentionnés sur les avis d’imposition proviennent des allocations versées par Pôle emploi.

La requalification d’un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet ne porte que sur la durée de travail et laisse inchangées les autres stipulations relatives au terme du contrat ; réciproquement, la requalification d’un contrat de travail à durée déterminée en contrat à durée indéterminée ne porte que sur le terme du contrat et laisse inchangées les stipulations contractuelles relatives à la durée du travail ; en cas de requalification de plusieurs contrats à durée déterminée à temps partiel en un contrat à durée indéterminée à temps plein, le rappel de salaire des périodes interstitielles séparant les différents contrats à durée déterminée et pendant lesquelles le salarié n’a pas travaillé est subordonné à la preuve par le salarié de ce qu’il devait se tenir à la disposition de l’employeur.

L’examen des bulletins de salaire et des décomptes que M. [G] produit fait ressortir qu’il travaillait par séquences de plusieurs jours continus, séparées entre elles d’une journée et que ses journées de travail n’étaient pas éparpillées.

A l’examen des pièces produites et des moyens débattus, la cour retient que M. [G] est mal fondé dans sa demande de rappel de salaire pour les périodes interstitielle au motif que s’il démontre effectivement qu’il travaillait en moyenne 100 heures par mois, il ne démontre pas qu’il devait se tenir à la disposition de l’employeur : en effet, il ne démontre pas qu’il était appelé inopinément par l’entreprise, ou d’un jour sur l’autre comme il le soutient, pour faire face à un travail pendant les périodes intercalaires, et qu’il se devait, de ce fait, d’être à la disposition permanente de l’employeur sans pouvoir prévoir ses plages de liberté.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a condamné la société Constellation Etoile à payer à M. [G] les sommes de 32 565,94 € à titre de rappel de salaire consécutif à la requalification à temps plein et 3 236,59 € au titre des congés payés afférents et les sommes de 3 309,89 € au titre du rappel de prime du 13e mois et 330,98 € au titre des congés payés afférents au titre des congés payés afférents et statuant à nouveau de ce chef, la cour déboute M. [G] de ses demandes de rappel de salaire à temps plein et de prime du 13e mois pendant les périodes interstitielles.

Sur les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

M. [G] demande par confirmation du jugement la somme de 20 656 € (le jugement a retenu la somme de 15 000 €) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ; la société Constellation Etoile s’oppose à cette demande et demande à titre subsidiaire la fixation des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 1 000 €.

La requalification des contrats à durée déterminée en contrat à durée indéterminée entraîne nécessairement la requalification de la rupture elle-même en licenciement.

Selon l’article L.1235-3 du code du travail, si le licenciement d’un salarié survient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse, le juge peut proposer la réintégration du salarié dans l’entreprise, avec maintien de ses avantages acquis.

Si l’une ou l’autre des parties refuse cette réintégration, le juge octroie au salarié une indemnité à la charge de l’employeur, dont le montant est compris entre les montants minimaux et maximaux fixés pour une ancienneté de 7 ans entre 3 et 8 mois de salaire.

Compte tenu notamment de l’effectif de l’entreprise, des circonstances de la rupture, du montant de la rémunération de M. [G], de son âge, de son ancienneté, de sa capacité à trouver un nouvel emploi eu égard à sa formation et à son expérience professionnelle et des conséquences du licenciement à son égard, tels qu’ils résultent des pièces et des explications fournies, la cour retient que l’indemnité à même de réparer intégralement le préjudice de M. [G] doit être évaluée à la somme de 14 000 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a condamné la société Constellation Etoile à payer à M. [G] la somme de 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et statuant à nouveau, la cour condamne la société Constellation Etoile à payer à M. [G] la somme de 14 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur l’indemnité compensatrice de préavis

M. [G] demande par confirmation du jugement la somme de 6 059,72 € (2 x 3 029,86 €) au titre de l’indemnité compensatrice de préavis (le jugement a retenu la somme de 6 058,86 €, soit 2 x 3 029,43 €) et la somme de 605,97 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis ; la société Constellation Etoile s’oppose à cette demande et offre à titre subsidiaire que l’indemnité compensatrice de préavis soit fixée à la somme de 2 797,18 € (2 x 1 395,59 €) et les congés payés afférents à celle de 279,11 €.

Il est constant que la durée du préavis applicable à M. [G] est de 2 mois.

S’agissant du calcul de l’indemnité compensatrice de préavis due à un salarié engagé par plusieurs contrats à durée déterminée successifs dont la relation contractuelle est requalifiée en contrat à durée indéterminée, la Cour de cassation a indiqué qu’il faut prendre en compte la rémunération que le salarié aurait dû percevoir s’il avait pu exécuter son préavis. Il ne suffit pas de se baser sur les seules périodes antérieures à la rupture.

Compte tenu de ce qui précède, l’indemnité compensatrice de préavis due à M. [G] doit donc être fixée à la somme de 6 058,86 € (2 x 3 029,43 €) étant précisé que le salaire de M. [G] reconstitué sur la base d’un temps plein est de 3 029,43 € comme le premier juge l’a exactement retenu.

Le jugement déféré est donc confirmé en ce qu’il a condamné la société Constellation Etoile à payer à M. [G] les sommes de 6 058,86 € au titre de l’indemnité compensatrice de préavis et de 605,88 € au titre de l’indemnité compensatrice de congés payés afférente à la période de préavis.

Sur l’indemnité de licenciement

M. [G] demande par confirmation du jugement la somme de 5 785,61 € (le jugement a retenu la somme de 5 656 €) au titre de l’indemnité de licenciement calculée sur la base d’un salaire de référence de 3 029,86 € ; la société Constellation Etoile s’oppose à cette demande et offre à titre subsidiaire la somme de 2 578,48 € calculée sur la base d’un salaire de référence de 1 395,59 €

Il résulte de l’examen des pièces versées aux débats, que le salaire de référence s’élève à 1 819,52 € par mois.

Il est constant qu’à la date de la rupture du contrat de travail, M. [G] avait une ancienneté de 7 ans et 5 mois et donc au moins 8 mois d’ancienneté ; l’indemnité légale de licenciement doit donc lui être attribuée ; cette indemnité ne peut être inférieure à une somme calculée sur la base d’un quart de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années jusqu’à dix ans et sur la base d’un tiers de mois de salaire par année d’ancienneté pour les années à partir de dix ans (Art. R. 1234-1 et suivants du code du travail) ; les années incomplètes doivent être retenues, la fraction de l’indemnité de licenciement afférente à une année incomplète étant proportionnelle au nombre de mois de présence ; pour le calcul du montant de l’indemnité, l’ancienneté prise en considération s’apprécie à la date de fin du préavis ; l’indemnité légale de licenciement doit donc être fixée à la somme de 3 449,44 € calculée selon la formule suivante : [7 + 7/12)] x 1/4] x 1 819,52 €.

Le jugement déféré est donc infirmé en ce qu’il a condamné la société Constellation Etoile à payer à M. [G] la somme de 5 656 € au titre de l’indemnité de licenciement, et statuant à nouveau de ce chef, la cour condamne la société Constellation Etoile à payer à M. [G] la somme de 3 449,44 € au titre de l’indemnité de licenciement.

Sur la délivrance de documents

M. [G] demande la remise de documents (certificat de travail, bulletin de paie, attestation destinée à Pôle Emploi).

Il est constant que les documents demandés ne lui ont pas été remis ; il est donc fait droit à la demande de remise de documents formulée par M. [G].

Le jugement déféré est donc infirmé sur ce point, et statuant à nouveau, la cour ordonne à la société Constellation Etoile de remettre M. [G] le certificat de travail, le bulletin de paie et l’attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision.

Sur la demande de restitution des sommes versées en exécution du jugement déféré

La société Constellation Etoile demande que soit ordonnée la restitution des sommes qu’elle a versées en exécution du jugement déféré assorti de l’exécution provisoire.

Cependant, la cour rappelle que le présent arrêt infirmatif constitue le titre ouvrant droit à la restitution des sommes versées en exécution du jugement, et que les sommes devant être restituées portent intérêt au taux légal à compter de la notification ou de la signification, valant mise en demeure, de la décision ouvrant droit à restitution.

Il s’ensuit qu’il n’y a pas lieu de statuer sur la demande de la société Constellation Etoile de ce chef.

Sur l’application de l’article L.1235-4 du code du travail

Le licenciement de M. [G] ayant été jugé sans cause réelle et sérieuse, il y a lieu à l’application de l’article L.1235-4 du code du travail ; en conséquence la cour ordonne le remboursement par la société Constellation Etoile aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [G], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

Sur les autres demandes

Les dommages et intérêts alloués seront assortis des intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Les autres sommes octroyées qui constituent des créances salariales, seront assorties des intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Constellation Etoile de la convocation devant le bureau de conciliation.

La cour condamne la société Constellation Etoile aux dépens en application de l’article 696 du code de procédure civile.

Le jugement déféré est confirmé en ce qui concerne l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Il apparaît équitable, compte tenu des éléments soumis aux débats, de condamner la société Constellation Etoile à payer à M. [G] la somme de 2 500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile pour la procédure d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Infirme le jugement mais seulement en ce qu’il a condamné la société Constellation Etoile à payer à M. [G] les sommes de :

– 3 029,43 € au titre de l’indemnité de requalification,

– 32 565,94 € à titre de rappel de salaire consécutif à la requalification à temps plein,

– 3 236,59 € au titre des congés payés afférents,

– 3 309,89 € au titre du rappel de prime du 13e mois,

– 330,98 € au titre des congés payés afférents au titre des congés payés afférents,

– 15 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 5 656 € au titre de l’indemnité de licenciement,

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés ;

Condamne la société Constellation Etoile à payer à M. [G] les sommes de :

– 1 819,52 € au titre de l’indemnité de requalification,

– 14 000 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 3 449,44 € au titre de l’indemnité de licenciement ;

Déboute M. [G] de ses demandes de rappel de salaire à temps plein et congés payés afférents et de prime du 13e mois et congés payés afférents pendant les périodes interstitielles ;

Dit que les dommages et intérêts alloués à M. [G], sont assortis d’intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Dit que les créances salariales allouées à M. [G], sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société Constellation Etoile de la convocation devant le bureau de conciliation,

Confirme le jugement déféré pour le surplus ;

Y ajoutant,

Ordonne le remboursement par la société Constellation Etoile aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées à M. [G], du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage,

Ordonne à la société Constellation Etoile de remettre M. [G] le certificat de travail, le bulletin de paie et l’attestation destinée à Pôle Emploi, tous ces documents devant être établis conformément à ce qui a été jugé dans la présente décision ;

Dit n’y avoir lieu à statuer sur la demande de restitution des sommes versées en vertu de l’exécution provisoire attachée au jugement déféré à la cour ;

Condamne la société Constellation Etoile à verser à M. [G] une somme de 2 500 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la société Constellation Etoile aux dépens de la procédure d’appel.

LA GREFFIÈRE LE PRÉSIDENT

 


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