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SOC.
ZB1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 7 février 2024
Cassation
Mme MONGE, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 143 F-D
Pourvoi n° Z 22-10.506
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 7 FÉVRIER 2024
M. [U] [O], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Z 22-10.506 contre l’arrêt rendu le 17 novembre 2021 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 4), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société France télévisions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ à la société Kol-or films, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 3],
3°/ à la société France TV studio, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],
défenderesses à la cassation.
La société France télévisions a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.
Le demandeur au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, quatre moyens de cassation.
La demanderesse au pourvoi incident invoque, à l’appui de son recours, un moyen de cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Deltort, conseiller, les observations de la SARL Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [O], de la SARL Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société France TV studio, de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société France télévisions, après débats en l’audience publique du 10 janvier 2024 où étaient présents Mme Monge, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Deltort, conseiller rapporteur, M. Flores, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 17 novembre 2021), M. [O] a été engagé en qualité d’assistant de production, à compter de 1985, par la société Kol-or films. Il a été rémunéré, au cours de certaines périodes et de façon partielle, par la société Antenne 2, aux droits de laquelle vient la société France télévisions.
2. Le 9 septembre 2013, le salarié a été engagé en qualité d’intervenant spécialisé selon un contrat de travail à durée déterminée d’usage, renouvelé par avenant jusqu’au 2 mars 2015, par la société Multimedia France productions (la société MFP), filiale de la société France télévisions, aux droits de laquelle se trouve désormais la société France TV studio.
3. A compter du mois de septembre 2013, le salarié a été employé uniquement par la société Kol-or films et par la société MFP. Au cours de l’année 2014, il a été engagé alternativement par ces deux sociétés à raison de deux semaines par mois, par chacune d’elles.
4. Le 28 novembre 2014, il a saisi la juridiction prud’homale afin, notamment, d’obtenir la requalification de différents contrats de travail à durée déterminée conclus avec la société Kol-or films, avec la société France télévisions et avec la société MFP en contrat de travail à durée indéterminée, de faire reconnaître la qualité de co-employeurs des sociétés MFP, France télévisions et Kol-or films, d’obtenir le paiement de diverses sommes à titre de rappel de salaire, d’indemnité de requalification, au titre de la rupture de son contrat de travail et à titre indemnitaire.
5. Par lettre du 31 décembre 2014, la société Kol-or films a fait connaître à M. [O] qu’elle accédait à sa demande en reconnaissance d’un contrat de travail à durée indéterminée. En janvier 2015, elle l’a licencié.
Examen des moyens
Sur le premier moyen du pourvoi principal et le moyen du pourvoi incident, pris en sa première branche, réunis
Enoncé du moyen
6. Par le premier moyen du pourvoi principal, le salarié fait grief à l’arrêt de requalifier ses contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée seulement à compter du 3 avril 1995, de limiter le montant des condamnations prononcées à son profit à certaines sommes à titre d’indemnité de requalification, d’indemnité compensatrice de préavis, outre les congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de rappel de salaire pour la période de mise à pied conservatoire, outre congés payés afférents, et de le débouter du surplus de ses demandes, alors « que la décision de justice doit être motivée et se suffire à elle-même ; qu’il s’ensuit qu’une cour d’appel ne peut se borner à adopter les motifs des premiers juges lorsque l’une des parties a soulevé, en cause d’appel, des moyens nouveaux ou produit des pièces nouvelles de nature à étayer ses demandes ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a uniquement énoncé que les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels, se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause, et à une juste application des règles de droit s’y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation” et que, “par ailleurs, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des différents chefs de préjudices subis par M. [O]” ; qu’en statuant ainsi, sans aucune analyse des moyens formulés en cause d’appel par le salarié et des vingt-sept nouvelles pièces de procédure versées par lui aux débats au soutien de ses demandes, la cour d’appel – qui s’est bornée à adopter les motifs des premiers juges – a méconnu le principe de l’effet dévolutif de l’appel, violant les articles 455 et 561 du code de procédure civile, ensemble l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. »
7. Par le moyen du pourvoi incident, la société France télévisions fait grief à l’arrêt de requalifier les contrats à durée déterminée conclus à compter du 3 avril 1995 par M. [O] et la société Kol-or films ainsi qu’elle-même en contrat de travail à durée indéterminée, en conséquence, de la condamner, solidairement avec la société Kol-or films, à payer au salarié certaines sommes à titre d’indemnité de requalification, d’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés afférents, d’indemnité de licenciement, d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et d’ordonner la remise au salarié des bulletins de paie, d’un certificat de travail ainsi que d’une attestation Pôle emploi rectifiés, alors « que tout jugement doit être motivé ; que le défaut de réponse à conclusions constitue un défaut de motif ; qu’il s’ensuit qu’une cour d’appel ne peut se borner à adopter les motifs des premiers juges lorsque l’une des parties a soulevé, en cause d’appel, des moyens nouveaux ou produit des pièces nouvelles de nature à étayer ses demandes ; qu’en l’espèce, dans ses écritures d’appel, la société France télévisions développait d’abondants passages à l’effet de critiquer la motivation du juge départiteur et de démontrer en quoi les succinctes affirmations contenues dans le jugement ne permettaient en aucune façon de retenir l’existence d’un lien de subordination à l’égard de M. [O] ou une situation de co-emploi avec la société Kol-or films ; que la société France télévisions invoquait également l’existence d’un aveu judiciaire contenu dans les écritures d’appel de M. [O] en ce qui concerne l’exercice du lien de subordination, ainsi que la prescription de ses demandes en ce qu’elles étaient dirigées contre elle, ces différents moyens de droit ne trouvant aucune réponse dans les motifs du jugement entrepris ; qu’en statuant ainsi, sans aucune analyse des moyens spécifiquement développés en cause d’appel à l’effet notamment de critiquer les motifs des premiers juges, la cour d’appel a méconnu l’effet dévolutif de l’appel et a violé les articles 455 et 561du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu l’article 455 du code de procédure civile :
8. Selon ce texte, tout jugement doit être motivé. Le défaut de réponse aux conclusions constitue un défaut de motifs.
9. Pour requalifier les contrats de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 3 avril 1995, limiter le montant des condamnations prononcées au profit du salarié à certaines sommes et le débouter du surplus de ses demandes et pour prononcer cette requalification et ces condamnations y compris à l’égard de la société France télévisions en la condamnant solidairement au paiement desdites sommes avec la société Kol-or films, l’arrêt retient que les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels, se livrant à une exacte appréciation des faits de la cause, et à une juste application des règles de droit s’y rapportant, ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d’une discussion se situant au niveau d’une simple argumentation et que, par ailleurs, les premiers juges ont fait une exacte appréciation des différents chefs de préjudices subis par le salarié.
10. En statuant ainsi, sans examiner, même sommairement, les pièces nouvelles produites en appel par le salarié et visées dans ses conclusions ni répondre aux conclusions de la société France télévisions qui invoquait, pour la première fois devant elle, des moyens nouveaux, la cour d’appel n’a pas satisfait aux exigences du texte susvisé.
Mise hors de cause
11. En application de l’article 625 du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de mettre hors de cause la société France TV studio qui vient aux droits de la société MFP, dont la présence est nécessaire devant la cour d’appel de renvoi.