Directeur artistique : décision du 8 février 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 14-28.232

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Directeur artistique : décision du 8 février 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 14-28.232
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COMM.

JT

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 8 février 2017

Cassation partielle

Mme MOUILLARD, président

Arrêt n° 205 FS-P+B+I

Pourvoi n° B 14-28.232

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :

Statuant sur le pourvoi formé par la société [E] [G], société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 1],

contre l’arrêt rendu le 10 octobre 2014 par la cour d’appel de Paris (pôle 5 chambre 2), dans le litige l’opposant :

1°/ à M. [E] [G], domicilié [Adresse 2],

2°/ à la société XCLX, dont le siège est [Adresse 2],

3°/ à la société Sicis France, société par actions simplifiée à associé unique, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à la société Sicis SRL, société de droit italien, dont le siège est [Adresse 4] (Italie),

défendeurs à la cassation ;

La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, composée conformément à l’article R. 431-5 du code de l’organisation judiciaire, en l’audience publique du 13 décembre 2016, où étaient présents : Mme Mouillard, président, Mme Darbois, conseiller rapporteur, Mme Riffault-Silk, conseiller doyen, Mmes Laporte, Bregeon, M. Grass, Mmes Orsini, Poillot-Peruzzetto, MM. Sémériva, Cayrol, conseillers, M. Contamine, Mmes Tréard, Le Bras, M. Gauthier, conseillers référendaires, M. Graveline, greffier de chambre ;

Sur le rapport de Mme Darbois, conseiller, les observations de la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat de la société [E] [G], de la SCP Ortscheidt, avocat de M. [G] et de la société XCLX, de Me Ricard, avocat de la société Sicis France et de la société Sicis SRL, l’avis de Mme Pénichon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société [E] [G], avec laquelle M. [G] a collaboré de sa constitution jusqu’au 7 septembre 2009 en qualité de créateur et de directeur artistique, directement puis par l’intermédiaire de la société XCLX, est titulaire de la marque verbale française “[E] [G]” n° 1 399 703, déposée le 23 février 1987 pour désigner, en classes 3, 9, 14, 18, 24 et 25, notamment, les tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes, couvertures de lit et de table, linge de maison, et de la marque verbale communautaire “[E] [G]” n° 7 237 761, déposée le 17 septembre 2008 auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur, devenu l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle, pour désigner des produits en classes 18, 25 et 27 ; qu’ayant découvert, en février 2011, que la société Sicis SRL avait conçu une collection de meubles sous la dénomination “Designed by Mr [E] [G]”, dont la commercialisation et la distribution en France étaient assurées par la société Sicis France, la société [E] [G] l’a mise en demeure de cesser toute communication sous cette expression ; qu’après avoir déposé, le 1er juin 2011, la marque verbale communautaire “[E] [G]” n° 10 014 471 pour désigner des produits en classes 4, 11 et 20, elle a assigné les sociétés Sicis SRL et Sicis France (les sociétés Sicis) en contrefaçon des marques “[E] [G]” et pour atteinte à leur renommée ; que M. [G] et la société XCLX, qui avaient conclu un accord de partenariat avec les sociétés Sicis, sont intervenus volontairement à l’instance et ont soulevé la nullité des marques communautaires ;

Sur le premier moyen, pris en ses trois premières branches, en tant qu’il concerne la marque n° 10 014 471 :

Attendu que la société [E] [G] fait grief à l’arrêt de prononcer la nullité de la marque communautaire “[E] [G]” n° 10 014 471, pour l’ensemble des produits visés, et de déclarer en conséquence irrecevables ses demandes fondées sur cette marque alors, selon le moyen :

1°/ que la prohibition des engagements perpétuels prévue par les dispositions de l’article 1780 du code civil ne concerne que les contrats à exécution successive et non ceux à exécution instantanée ; que l’autorisation donnée par le porteur d’un patronyme que celui-ci soit utilisé par des tiers à des fins commerciales qui opère cession de ce patronyme, celui-ci se séparant alors de la personne qui le porte pour devenir un signe distinctif objet de propriété incorporelle, constitue un contrat à exécution instantanée ; qu’en retenant en l’espèce que, ne comportant aucun terme, les stipulations de la convention de 1987, selon lesquelles, ainsi qu’elle l’a constaté, M. [G] avait nécessairement autorisé la société [E] [G] à utiliser l’attribut de sa personnalité que constitue son nom patronymique afin d’exercer des activités commerciales, et notamment de le déposer à titre de marque, se heurtaient à la prohibition des engagements perpétuels et que cet engagement était donc nul quand l’exécution de l’engagement ainsi pris par M. [G] était instantané, la cour d’appel a violé ensemble les articles 1134 et 1780 du code civil ;

2°/ que le contrat à exécution successive dans lequel aucun terme n’est prévu est un contrat à durée indéterminée qui n’est pas nul mais auquel chaque partie peut mettre fin à tout moment par une résiliation unilatérale ; qu’en retenant en l’espèce que les stipulations de la convention de 1987 se heurtaient à la prohibition des engagements perpétuels dès lors qu’elles “ne comportent aucun terme” et en en déduisant la nullité de l’engagement par lequel M. [E] [G] a autorisé la société [E] [G] à utiliser son nom patronymique afin d’exercer des activités commerciales, et notamment de le déposer à titre de marque, la cour d’appel a violé encore ensemble les articles 1134 et 1780 du code civil ;

3°/ que la mauvaise foi du demandeur à l’enregistrement d’une marque communautaire doit être appréciée globalement en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce ; que la connaissance par le demandeur de l’utilisation par un tiers d’un signe identique ou similaire prêtant à confusion avec le signe dont l’enregistrement est demandé ne suffit pas, à elle seule, à établir cette mauvaise foi ; que l’intention du demandeur d’empêcher un tiers d’utiliser le signe ne peut permettre de caractériser cette mauvaise foi que dans certaines circonstances ; que ces circonstances peuvent tenir au fait qu’il s’avère ultérieurement que le demandeur a fait enregistrer le signe en tant que marque communautaire sans intention de l’utiliser, uniquement en vue d’empêcher l’entrée d’un tiers sur le marché ; que doit notamment être pris en compte dans l’appréciation de la mauvaise foi du déposant le degré de protection juridique dont jouissent le signe du tiers et le signe dont l’enregistrement est demandé ; qu’en retenant en l’espèce qu’en procédant le 1er juin 2011 au dépôt de la marque communautaire “[E] [G]” n° 10 014 471, la société [E] [G] aurait agi de mauvaise foi, aux seuls motifs qu’elle aurait ainsi agi, détournant le droit de marque de sa finalité, aux fins d’opposer la marque en classe 20 dans le cadre de l’action en contrefaçon qu’elle a introduite après qu’en réponse à la mise en demeure de cesser son exploitation du signe [E] [G] adressée par elle à la société Sicis, le 22 février 2011, celle-ci lui avait objecté le 1er mars 2011 qu’elle n’était titulaire d’aucune marque en classe 20 qui concerne le mobilier, sans prendre en compte, comme l’y invitaient pourtant les conclusions de la société [E] [G], ou ses propres constatations, ni le fait que la société [E] [G] avait procédé à la demande d’enregistrement litigieuse pour faire respecter les droits qu’elle détenait sur le signe “[E] [G]” “en vertu du contrat de 1987 aux termes duquel M. [G] s’était interdit de se servir de son patronyme pour quelqu’usage professionnel ou commercial que ce soit si ce n’est dans l’intérêt de la SNC [E] [G]”, ni le fait que la société [E] [G] avait donné en 2009 une licence d’exploitation du signe “[E] [G]” pour des produits d’ameublement et qu’une ligne de produits d’ameublement avait effectivement été lancée au début de l’année 2011 par le licencié sous le signe “[E] [G]”, ni enfin le degré de notoriété de la marque “[E] [G]”, la cour d’appel, qui n’a pas ainsi pris en compte tous les facteurs pertinents propres au cas d’espèce existant au moment du dépôt de la demande d’enregistrement, a méconnu le principe d’appréciation globale de la mauvaise foi du demandeur à l’enregistrement d’une marque communautaire, cause de nullité de celle-ci, et a ainsi violé l’article 52, paragraphe 1, sous b) du règlement n° 207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire ;

Mais attendu, en premier lieu, que l’arrêt relève qu’après qu’il lui eut été objecté le 1er mars 2011, en réponse à sa mise en demeure de cesser son exploitation adressée à la société Sicis le 22 février 2011, qu’elle n’était titulaire d’aucune marque désignant en classe 20 le mobilier, la société [E] [G] a procédé au dépôt de la marque litigieuse, le 1er juin 2011, pour des produits d’ameublement relevant des classes 4, 11 et 20, qu’elle s’est prévalue de ce dépôt, le 14 juin suivant, pour se voir autoriser à faire pratiquer une saisie-contrefaçon, puis le 15 juillet, au soutien de son assignation en contrefaçon et qu’elle n’a notifié la demande d’enregistrement de ladite marque que le 14 novembre 2011, à l’occasion d’une communication de pièces ; que l’arrêt retient, en outre, que la production du contrat de licence consenti en 2009 à un designer, qui ne concerne que des papiers muraux, coussins et couvertures, et la lettre de la licenciée, datée du 31 juillet 2014, qui évoque le souhait d’une exclusivité exprimé au mois de janvier 2011, ne suffisent pas à démontrer la bonne foi dont la société [E] [G] se prévaut et n’expliquent pas sa carence depuis 2009 dans l’obtention d’un titre protégeant par un droit de marque les produits réalisés par sa licenciée ; qu’en l’état de ces constatations et appréciations, dont elle a déduit que le dépôt de marque avait été effectué, non pas pour distinguer les produits en identifiant leur origine, mais pour permettre à la société [E] [G] de l’opposer dans le cadre de l’action en contrefaçon introduite contre les sociétés Sicis, la cour d’appel, qui a pris en considération l’ensemble des circonstances propres au cas d’espèce, a pu retenir que ce dépôt avait été opéré de mauvaise foi, pour détourner le droit de marque de sa finalité essentielle ;

Et attendu, en second lieu, que la décision étant justifiée par les motifs vainement critiqués par la troisième branche, le moyen, en ses deux premières branches, vise des motifs surabondants :

D’où il suit que le moyen, pour partie inopérant, n’est pas fondé pour le surplus ;

Sur le deuxième moyen :

Attendu que la société [E] [G] fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande en contrefaçon fondée sur la marque française “[E] [G]” n° 1 399 703 alors, selon le moyen, que pour apprécier la similitude entre des produits ou services, conditionnant l’existence d’un risque de confusion, il convient de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits et services et, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire ; que cette similitude doit s’apprécier au regard des seuls produits ou services visés au dépôt et non des conditions dans lesquelles le titulaire de la marque l’exploite ou l’exploitera ; que sont similaires les produits et services que le consommateur moyen est susceptible d’attribuer à la même origine commerciale ; qu’en l’espèce la cour d’appel a retenu que les “tissus et produits textiles non compris dans d’autres classes, couverture de lit et de table, linge de maison” visés par la marque ne sont pas similaires ou complémentaires des produits exploités par la société Sicis, à savoir des “meubles et des lampes”, “des luminaires et diverses pièces de mobilier, au rang desquelles des fauteuils et sofas recouverts de tissu” aux motifs que les pièces de mobilier exploitées par les sociétés Sicis “sont des produits finis aux fonctions précises et utilisables immédiatement” quand “les tissus sont des produits intermédiaires (…) destinés à être transformés à la faveur de multiples applications”, que “si les tissus peuvent participer à la fabrication de meubles, voire de lampes”, “les meubles et les lampes ne sont pas nécessairement composés de tissus”, que les produits opposés sont “sans lien étroit et obligatoire”, qu’il “ne peut être affirmé qu’ils seront destinés à la même clientèle et emprunteront les mêmes canaux de distribution”, que les produits opposés ont “une fonction, un prix, des circuits de distribution et un public différents” ; qu’en se fondant ainsi sur des critères inopérants tenant notamment à l’existence “d’un lien étroit et obligatoire” ou nécessaire entre les produits, ainsi qu’aux conditions dans lesquelles les produits visés par la marque sont ou pourront être exploités, sans constater que le consommateur ne serait pas susceptible de leur attribuer une origine commune, la cour d’appel a violé l’article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle tel qu’il doit s’interpréter à la lumière de l’article 5, paragraphe 1, de la directive n° 2008/95/CE du 22 octobre 2008 ;

 


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