Directeur artistique : décision du 30 mars 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 15-24.977

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Directeur artistique : décision du 30 mars 2017 Cour de cassation Pourvoi n° 15-24.977

SOC.

FB

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 30 mars 2017

Rejet non spécialement motivé

Mme GOASGUEN, conseiller le plus
ancien faisant fonction de président

Décision n° 10331 F

Pourvoi n° J 15-24.977

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par M. [P] [T], domicilié [Adresse 1],

contre l’arrêt rendu le 9 juillet 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 6, chambre 2), dans le litige l’opposant à la société Hermès international, société en commandite par actions, dont le siège est [Adresse 2],

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 28 février 2017, où étaient présents : Mme Goasguen, conseiller le plus ancien faisant fonction de président et rapporteur, Mme Schmeitzky-Lhuillery, M. Schamber, conseillers, Mme Hotte, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de M. [T], de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société Hermès international ;

Sur le rapport de Mme Goasguen, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. [T] aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du trente mars deux mille dix-sept.MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat aux Conseils, pour M. [T].

Le moyen fait grief à l’arrêt infirmatif attaqué d’AVOIR de s’être déclaré incompétent au profit du Tribunal de grande instance de Paris pour connaître du litige opposant Monsieur [T] à la société Hermès International et dit qu’il n’y avait lieu à application de l’article 700 du Code de procédure civile.

AUX MOTIFS QU’aux termes de l’article L.1411-1 du code du travail, « le conseil de prud’hommes règle par voie de conciliation les différends qui peuvent s’élever à l’occasion de tout contrat de travail soumis aux dispositions du présent code entre les employeurs, ou leurs représentants, et les salariés qu’ils emploient » et « juge les litiges lorsque la conciliation n’a pas abouti » ; que le contrat de travail définit par l’engagement d’une personne à travailler pour le compte et sous la direction d’une autre moyennant rémunération, le lien de subordination juridique ainsi exigé se caractérisant par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a la pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ; que l’existence d’une relation de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties ni de la dénomination qu’elles ont donnée à leur convention mais des conditions de fait dans lesquelles est exercée l’activité ; qu’au cas présent, il n’existe entre les parties aucun contrat de travail apparent, en l’absence au dossier d’un contrat de travail écrit, de bulletins de paie ou de tout autre document social en ce sens ; qu’il appartient donc à M [P] [T] de rapporter la preuve de l’existence du contrat de travail dont il se prévaut, ce qui suppose essentiellement qu’il démontre qu’il travaillait moyennant rémunération sous la subordination de la société HERMÈS INTERNATIONAL ; qu’il est constant que durant quatre ans et demi, M [P] [T] a régulièrement fourni une prestation de travail en qualité de rédacteur en chef éditorial puis de directeur éditorial pour le compte de la société HERMÈS INTERNATIONAL ; que cette prestation donnait lieu à l’édition par la société HERMÈS INTERNATIONAL de bons de commande énumérant précisément les missions confiées à ce titre à M [P] [T] et celui-ci établissait les notes de droits d’auteur correspondantes ; qu’il n’est pas davantage contesté qu’en contrepartie, M. [P] [T] a perçu une rémunération qui a été déclarée en droits d’auteur, sachant que les bons de commande précités faisaient mention notamment du précompte AGESSA fiscalement déductible ; que la même façon de procéder a été adoptée s’agissant de la rédaction des textes qui lui était confiée ; qu’initialement, la rémunération de M. [P] [T] en sa qualité de rédacteur en chef a été fixée à 25 000 € bruts ; que selon son récapitulatif qui n’est pas contesté (sa pièce n° 69), il a perçu de la société HERMÈS INTERNATIONAL les sommes de 56 204 € (dont 53 076 € pour le Monde d’Hermès) en 2009, de 61 754 € (dont 53 920 € pour le Monde d’Hermès) en 2010 et de 77 617 € (dont 65 343 € pour le Monde d’Hermès) en 2011 ; que les parties ne s’opposent donc que sur l’existence ou non d’un lien de subordination entre elles ; qu’à cet égard, M. [P] [T] se prévaut des observations de l’URSSAF et fait essentiellement valoir que les bons de commande édités par la société HERMÈS INTERNATIONAL contenaient une liste d’instructions détaillées, que son temps de travail était encadré par la société qui organisait de nombreuses réunions pour la conception de chaque magazine, que les locaux de la société constituaient son lieu de travail principal, qu’il avait un rôle d’exécutant au regard des relectures et corrections imposées de l’intervention du comité de rédaction pour la validation des textes, du choix des sujets déterminé par la société, en particulier par son directeur artistique M [Y] et que la société a fait usage à son égard d’un pouvoir de sanction et de pression en suspendant en 2009 l’émission des bons de commande ainsi que le paiement des prestations réalisées, alors qu’il se trouvait selon lui sous sa « subordination économique » ; qu’à l’examen des bons de commande édités par la société HERMÈS INTERNATIONAL, il était confié à M [P] [T]. les missions et tâches suivantes : conseil sur le contenu rédactionnel en général, propositions pour invités textes, « brief » des rédacteurs, relecture, correction et validation de tous les textes, proposition de titres sui séries, rédaction de l’éditorial, organisation des rubriques et avancement de celles-ci pour respect des délais, participation aux rendez-vous du comité et aux autres rendez-vous internes pour le Monde d’Hermès en cours ; que celui du 06 avril 2011 relatif au numéro 59 du magazine, plus détaillé, se référait à la lettre d’accord signée début mars et décrivait des prestations similaires (pièce n° 15 du défendeur) ; que contrairement à l’argumentaire de l’intéressé et aux motifs retentis par les premiers juges, le fait que les bons de commande édités par la société HERMÈS INTERNATIONAL décrivent précisément les missions et tâches qui lui étaient confiées en qualité de rédacteur en chef puis de directeur éditorial n’est pas révélateur du lien de subordination allégué, lesdites missions et tâches à accomplir, telles qu’elles sont listées, ne s’analysant pas en instructions ou directives, même si pour le Monde d’Hermès numéro 59, elles font référence aux intentions de la direction artistique et donc implicitement à la ligne éditoriale du magazine de la marque, qu’il est clair que compte tenu de ses missions, M. [P] [T] était nécessairement intégré dans le processus éditorial de conception et de confection du magazine et convié à ce titre à de nombreuses réunions, étant observé qu’au regard des pièces produites, ces réunions pour lesquelles il était souvent proposé plusieurs dates ne revêtaient pas un caractère obligatoire ; qu’il ne ressort pas des éléments au dossier que l’intéressé ait jamais été soumis à une quelconque obligation de rendre des comptes ou de rédiger des comptes rendus dans le cadre de son activité proprement dite de rédacteur en chef éditorial puis de directeur éditorial ; que les nombreuses pièces qu’il verse aux débats sur ce point (liste de courriels datés, courriers électroniques) ont trait quasi exclusivement à son activité d’auteur ; que c’est dans le cadre de cette dernière que les textes qu’il rédigeait étaient effectivement soumis à la relecture des membres de la direction artistique et du comité de rédaction ainsi qu’à leur validation ; que les autres contraintes dont il se prévaut (réunions, choix de sujets, validation des textes écrits par d’autres rédacteurs, délais de publication) s’inscrivent dans le cadre des relations habituelles entre un donneur d’ordre et son prestataire dans le monde de l’édition, tout particulièrement pour l’édition du magazine d’une marque de luxe telle qu’Hermès, et ne sauraient caractériser l’existence d’un lien salarial ; que par ailleurs, si M. [P] [T] était nécessairement conduit à se rendre très régulièrement dans « la grande salle de réunion de la société où se tenaient les comités do rédaction », « la salle dite « MDH » située dans les bureaux du département Editions d’Hermès International, [Adresse 3] où se tiennent les réunions internes hebdomadaires du magazine d’une durée de deux ou trois heures », « le bureau de la secrétaire de la rédaction », « les bureaux de la Fondation d’entreprise Hermès sis [Adresse 4] pour les préparations préparatoires aux pages « Fondation » du magazine ou encore sur le site d’Hermès, à [Localité 1] ou se tient deux fois par an le « Podium » », il n’est pas contesté qu’il ne disposait d’aucun bureau dans les locaux de la société HERMÈS INTERNATIONAL, ni qu’aucun moyen matériel ne lui était attribué par celle-ci ; qu’il n’est pas non plus établi, ni même allégué qu’en dehors des réunions de travail précitées, M. [P] [T] ait dû se soumettre à quelque contrainte organisationnelle, que ce soit au niveau de son emploi du temps, de ses horaires de travail ou encore de ses dates de congés ; qu’à cet égard, le courriel adressé le 05 juillet 2010 par M [P] [T] prouve qu’il n’avait pas à poser des demandes de congés ni à faire valider ces derniers (pièce n° 65) ; que dans ces conditions, M. [P] [T] n’était pas, contrairement à son argumentation, intégré au sein d’un service organisé, dont la société HERMÈS INTERNATIONAL aurait unilatéralement déterminé les conditions d’exécution ; que c’est en vain que l’intéressé invoque encore l’avis de l’URSSAF (ses pièces n° 20 et 64), laquelle confirme, dans une lettre du 04 juin 2012 écrite par un manager de secteur en réponse à sa demande de précisions, que l’activité qu’il exerçait relevait bien du salariat, alors qu’aux termes des observations des contrôleurs faites le 25 janvier 2010, il était reproche à la société HERMÈS INTERNATIONAL d’avoir déclaré en droits d’auteur les rémunérations perçues par M [P] [T] en tant que rédacteur en chef éditorial et il lui était signifié qu’elle devait les déclarer au régime général de la sécurité sociale sur le fondement des articles L.311-2 et R.382-2 du code de la sécurité sociale ; qu’en effet, l’article L.311-2, qui dispose que «sont affiliées obligatoirement aux assurances sociales du régime général, les personnes salariées ou travaillant à quelque titre ou en quelque lieu que ce soit pour un ou plusieurs employeurs et quels que soient le montant et la nature de leur rémunération, la forme, la nature ou la validité de leur contrat », ne permet pas de présumer de la qualité de salarié des personnes affiliées au régime général ; qu’en tout état de cause, l’avis de l’URSSAF ne saurait lier la juridiction prud’homale qui doit s’attacher aux conditions effectives de l’activité exercée pour qualifier la relation contractuelle litigieuse ; que c’est aussi vainement que M. [P] [T] allègue s’être trouvé sous la « subordination économique » de la société HERMÈS INTERNATIONAL, alors qu’il résulte d’une part de sa note récapitulative précitée (sa pièce n° 69) que la part des rémunérations versées par la société constituait 43,28% de ses revenus totaux en 2009 (40,82% s’agissant du seul magazine), 50,09% en 2010 (43,73% s’agissant du seul magazine) et 65,56% en 2011 (55,20% s’agissant du seul magazine), et d’autre part des pièces n° 7 et 14 de la demanderesse au contredit qu’il a été en mesure de poursuivre ses activités, notamment d’auteur, au cours de la relation contractuelle litigieuse, étant rappelé que le critère de la dépendance économique ne suffît de toute façon pas à rapporter la preuve du lien salarial allégué ; qu’enfin, il n’existe strictement aucune pièce au dossier de nature à établir que l’intéressé était soumis à un pouvoir de sanction susceptible d’être mobilisé par son cocontractant, la circonstance que la société HERMÈS INTERNATIONAL ait considérablement lardé en 2009 et 2010 à s’acquitter de la rémunération due ne pouvant s’analyser comme la manifestation d’un tel pouvoir ; qu’il résulte de l’ensemble de ces développements que M. [P] [T] manque à rapporter la preuve du lien de subordination allégué et donc de l’existence du contrat de travail dont il se prévaut ; qu’il convient en conséquence d’accueillir le contredît de compétence, de dire que les parties ne sont pas liées par un contrat de travail, d’infirmer le jugement entrepris, de due que le conseil de prud’hommes de Paris n’est pas compétent pour connaître des demandes de M. [P] [T] et de renvoyer l’affaire devant le tribunal de grande instance de Paris.

ALORS QUE le contrat de travail ne dépend ni de la volonté exprimée par les parties, ni de la dénomination de leur convention mais des conditions dans lesquelles la prestation de travail est exécutée ; que le lien de subordination est caractérisé par l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ;

1° QUE la nature, le montant et la régularité de la rémunération versée en contrepartie de la prestation effectuée ne constituent pas un critère permettant de caractériser le salariat ; qu’en déboutant Monsieur [T], au motif que les rémunérations versées par la société ne constituaient qu’environ la moitié de ses revenus, la Cour d’appel a statué par un motif tout aussi erroné qu’inopérant, impropre à exclure l’existence d’un lien de subordination, en violation de l’article L.1221-1 du Code du travail.

2° QUE, s’agissant de l’existence d’instructions et de directives sur la tâche à accomplir, la Cour d’appel a constaté que Monsieur [T] assistait à bon nombre de réunions concernant le magazine Hermès et a noté son intégration dans un processus éditorial de conception et de confection du magazine ; qu’il s’en déduisait une absence d’indépendance dans la détermination des sujets d’articles, les orientations éditoriales et la création de l’oeuvre, qui constitue un contrôle de l’exécution du travail, critère suffisant à caractériser le salariat ; qu’en écartant pourtant le salariat, la Cour d’appel n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations et, partant, a violé l’article L.121-1 du Code du travail.

3 ° QU’encore à cet égard, en écartant le lien de subordination, au motif que Monsieur [T] n’était pas tenu de rendre des comptes sur son activité, et qu’il n’était pas contraint à des horaires fixes, quand au regard de ses fonctions, il pouvait bénéficier d’une indépendance dans l’organisation de son travail, et était soumis à des contraintes dans les choix éditoriaux et la participation aux réunions, la Cour d’appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l’article L.1221-1 du Code du travail.

4° QU’enfin, sur le pouvoir de sanction, l’absence de paiement de la rémunération peut constituer une sanction déguisée ; que, pour écarter le salariat, la Cour d’appel a exposé que la circonstance que la société ait considérablement tardé en 2009 et 2010 à s’acquitter de la rémunération due ne pouvait s’analyser comme la manifestation d’un tel pouvoir ; qu’en tranchant ainsi, sans examiner, comme elle y était pourtant invitée, si les suspensions de paiement et d’émissions des bons de commande ne constituaient des moyens de pressions pour inciter l’exposant à créer une société et si, de fait, la société n’avait pas usé de prérogatives disciplinaires envers Monsieur [T], la Cour d’appel n’a pas légalement justifié sa décision au regard de l’article L.1221-1 du Code du travail.

 


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