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SOC.
FB
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 11 avril 2018
Rejet
M. Chauvet, conseiller doyen
faisant fonction de président
Arrêt n° 602 F-D
Pourvoi n° N 16-18.590
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par M. Thibault Y…, domicilié […] ,
contre l’arrêt rendu le 7 avril 2016 par la cour d’appel de Versailles (19e chambre), dans le litige l’opposant à la société Epicure studio, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] ,
défenderesse à la cassation ;
Le demandeur invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 13 mars 2018, où étaient présents : M. Chauvet, conseiller doyen faisant fonction de président, M. C… , conseiller référendaire rapporteur, M. Maron, conseiller, Mme Jouanneau, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. C… , conseiller référendaire, les observations de la SCP Bouzidi et Bouhanna, avocat de M. Y…, de la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat de la société Epicure studio, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Versailles, 7 avril 2016), que M. Y…, engagé le 7 décembre 2009 par la société Epicure studio en qualité de directeur artistique, a été licencié pour faute grave le 10 janvier 2012 ;
Attendu que le salarié fait grief à l’arrêt de juger que son licenciement est fondé sur une faute grave et, par conséquent, de le débouter de ses demandes au titre de l’indemnité légale de licenciement, de l’indemnité compensatrice de préavis, du rappel de salaire sur la période de mise à pied conservatoire, et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse alors, selon le moyen :
1°/ qu’en l’état des mentions du document produit par l’employeur et intitulé « rapport d’accès utilisateur SQUID » dont il ne ressort aucunement que l’auteur du message litigieux publié sur le site « […] » est M. Thibault Y…, le nom de ce dernier ne figurant qu’en regard de la mention « utilisateur » et le document ne mentionnant que l’existence d’un accès au site […] sans nullement faire référence à la publication d’un quelconque message, la cour d’appel qui retient que ce document établit que l’auteur du message publié sur le site […] est bien M. Thibault Y… , a dénaturé ledit document en violation de l’article 1134 du code civil ;
2°/ que le salarié jouit notamment dans l’entreprise, de sa liberté d’expression ; que l’exercice de cette liberté ne peut justifier une sanction disciplinaire que s’il est établi qu’il a dégénéré en abus par l’emploi de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs ; qu’en l’état du message litigieux figurant sur le site «
[…] » selon lequel : « Une agence
de communication comme les autres… en apparence. Bien que perdue au fond d’une zone industrielle, sans commerce à proximité, les locaux sont agréables, le matériel correct, les équipes sympas. Rien à redire de ce côté-là ; les journées sont agréables. C’est en regardant sur le long terme que cela se gâte. La direction est drastique à tous points de vue. Salaire minimum, aucune prime, ni même d’heures sup payées (sauf celles du dimanche pour les téméraires !!!)… L’agence ne possède même pas de site Internet. Le comble pour une entreprise de ce secteur ! Le client est roi en toutes circonstances, peu importe qu’il faille travailler à perte, et votre travail sera parfois descendu devant le client. Rien n’incite à la motivation, si ce ne sont que les promesses jamais tenues. Mais ça ne fait qu’un temps. La direction ne s’en cache pas: « votre motivation c’est de garder votre boulot ». Pour preuve, le turn-over incessant : “un départ par mois en moyenne, pour un effectif moyen d’une vingtaine de personnes” » traduisant une appréciation d’un salarié, cadre, sur la politique salariale de son employeur et un désaccord quant au paiement des heures supplémentaires, à l’exclusion de tout propos injurieux, diffamatoire ou excessif, la cour d’appel qui retient que l’écriture de ce message sur un site accessible à tout public caractérise un abus de la liberté d’expression constitutive d’une faute grave, a violé les articles L 1121-1 du code du travail, ensemble les articles 1234-1, 1234-5, 1234-9 et L 1235-1 du code du travail ;
3°/ que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputable au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise ; qu’elle implique donc une réaction immédiate de l’employeur qui doit engager la procédure de licenciement dans un délai restreint à compter du jour où il a connaissance des fautes reprochées au salarié ; que l’exposant avait fait valoir qu’alors que l’employeur reconnaissait avoir eu connaissance du message litigieux le 17 octobre 2011, et prétendait que, dès le 14 novembre 2011 l’exposant aurait reconnu, lors d’un entretien informel, être l’auteur de ce message, ce n’est que plus de trois semaines plus tard, soit le 6 décembre 2011, qu’avait été engagé à son encontre une procédure de licenciement par sa convocation à un entretien préalable assorti d’une mise à pied à titre conservatoire, ce qui était incompatible avec la qualification de faute grave ; qu’en retenant que le licenciement de l’exposant reposait sur une faute grave sans nullement répondre à ce moyen pertinent des conclusions d’appel dont elle était saisie, la cour d’appel a violé les dispositions de l’article 455 du code de procédure civile ;
4°/ que lorsqu’il est saisi d’un moyen en ce sens, le juge doit rechercher, au-delà des énonciations de la lettre de licenciement, la véritable cause de licenciement ; que l’exposant avait fait valoir que le véritable motif de son licenciement était le fait qu’il avait eu « l’outrecuidance » de solliciter de son employeur qu’il lui paye ses heures supplémentaires, ce dont attestait l’analyse des faits développée dans ses conclusions d’appel ; qu’en se bornant à examiner le motif énoncé dans la lettre de licenciement, sans rechercher, ainsi qu’elle y était pourtant invitée, si la cause véritable du licenciement ne résidait pas dans le motif inavoué ci-dessus énoncé, la cour d’appel a méconnu son office et violé les articles L.1232-1, L.1234-1, L.1234-5, L.1234-9 et L.1235-1 du code du travail ;
Mais attendu, d’abord, qu’appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, la cour d’appel a retenu, sans dénaturation, que le salarié était l’auteur du message publié le 21 juin 2011 sur le site internet “www.[…]” ;
Attendu, ensuite, qu’ayant relevé le caractère excessif du message qui était publié sur un site accessible à tout public, et dont les termes étaient tant déloyaux que malveillants à l’égard de l’employeur, elle a pu en déduire que l’intéressé, directeur artistique de l’entreprise, avait abusé de sa liberté d’expression et, ayant fait ressortir que l’employeur avait agi dans un délai restreint, que ce manquement rendait impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et constituait une faute grave, excluant par là même toute autre cause de licenciement ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;