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Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 6 – Chambre 5
ARRET DU 07 JUIN 2018
(n° , pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : 17/07771
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Avril 2016 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 15/00857
APPELANTE
Madame F… Z…
[…]
Représentée par Me Françoise H…, avocat au barreau de PARIS, toque : P0525
INTIMEE
SA PUBLICIS CONSEIL
[…]
N° SIRET : 304 76 5 3 32
Représentée par Me Eliane X…, avocat au barreau de PARIS, toque : K0168
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 12 Avril 2018, en audience publique, devant la Cour composée de:
Mme Marie-Bernard BRETON, Présidente de chambre
M. Stéphane MEYER, Conseiller
Mme Isabelle MONTAGNE, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Mme Marie Bernard BRETON, Président dans les conditions prévues par l’article 785 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Monsieur Philippe ANDRIANASOLO
ARRET :
– contradictoire
– -prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile,
– signé par Marie-Bernard BRETON, Présidente de chambre et par Philippe ANDRIANASOLO, Greffier présent lors de la mise à disposition
EXPOSÉ DU LITIGE :
F… Z… a été engagée selon contrat de travail à durée indéterminée à compter du 12 novembre 2012 par la société Publicis Conseil en qualité de Directeur de Création International au sein du département 133 Lux sous le statut de Cadre – Hors catégorie, le contrat de travail relevant de la Convention Collective Nationale des Entreprises de la Publicité et Assimilées.
Au dernier état de la relation contractuelle, F… Z… percevait un salaire mensuel brut de base de 15.000 euros.
Le 16 avril 2014 son licenciement pour insuffisance professionnelle lui a été notifié par la société Publicis Conseil, par courrier recommandé avec demande d’avis de réception.
Le 5 mai 2014, F… Z… ayant fait connaître son état de grossesse, la société Publicis Conseil a rétracté sa décision de licenciement.
Le 4 novembre 2014, la société Publicis Conseil lui a notifié un avertissement par lettre recommandée avec demande d’avis de réception pour avoir, le 29 octobre 2014, volontairement risqué de mettre en péril une compétition en ayant adopté à l’égard de Monsieur Jérôme Y… un ton inapproprié dans le but d’intimider et de déconcentrer son collègue de travail.
Le 13 janvier 2015, la société Publicis Conseil a convoqué F… Z… à un entretien préalable en vue de son éventuel licenciement et lui a notifié dans le même temps une mise à pied à titre conservatoire.
Le 22 janvier 2015, F… Z… a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour réclamer l’annulation de l’avertissement du 4 novembre 2014 et le paiement de diverses sommes au titre de l’exécution du contrat de travail .
Le 9 février 2015, la société Publicis Conseil a notifié à F… Z… son licenciement pour faute grave.
Par jugement en date du 7 avril 2016, notifié le 29 juillet suivant, le Conseil de prud’hommes de Paris, saisi de l’ensemble des prétentions d’F… Z… qui avait ajouté à ses prétentions initiales la demande d’annulation du licenciement et toutes les demandes y afférentes ainsi que l’actualisation des bonus, l’a déboutée de ses demandes et l’a condamnée aux dépens.
F… Z… a interjeté appel de la décision le 9 septembre 2016.
Par conclusions du 27 mars 2018, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des faits, des prétentions et des moyens, reprises oralement à l’audience, sans ajout ni retrait, l’appelante présente à la cour les demandes suivantes :
– Infirmer le jugement en toutes ses dispositions,
Statuant à nouveau,
– écarter du débat les pièces 19 à 22 adverses, dont la production est irrégulière
– prononcer la nullité de son licenciement
– ordonner sa réintégration sous astreinte de 1.000 € par jour de retard à compter de la décision à intervenir
– condamner la société Publicis Conseil à lui payer une indemnité de
réintégration d’un montant de 922 500 € arrêtée au 9 juillet 2018,
– annuler l’avertissement du 4 novembre 2014 faisant suite à une dénonciation de
discrimination
– Condamner la société Publicis Conseil à lui verser les
sommes brutes suivantes :
– Rappel de salaire au titre de la mise à pied : 13.363,64 €
– Congés payés afférents : 1.336 €
– Bonus 2013 : 90.000 €
– Congés payés afférents : 9.000 €
– Bonus 2014 : 90.000 €
– Congés payés afférents : 9.000 €
– Bonus 2015 : 90.000 €
– Congés payés afférents : 9.000 €
– Dommages et intérêts pour le préjudice moral causé par la violation par l’employeur de son obligation de prévention des agissements de harcèlement moral et discrimination : 45.000 €
– Dommages et intérêts pour le préjudice moral causé par les agissements de harcèlement moral et la discrimination : 45.000 €
– Dommages et intérêts pour le préjudice moral causé par la rétention abusive des preuves de la faute grave visées dans la lettre de licenciement : 5 000, 00 €
– Article 700 du CPC : 5.000 €
– Assortir les condamnations des intérêts au taux légal à compter de son licenciement, soit le 9 février 2015 et prononcer la capitalisation des intérêts en application des dispositions de l’article 1154 du Code civil.
Elle fait valoir à titre principal que le licenciement est nul pour ne pas reposer sur une faute grave démontrée alors qu’elle se trouvait en état de grossesse ; elle invoque la prescription des faits dits fautifs, le délai non restreint intervenu entre la connaissance par l’employeur des faits qu’il lui reproche et l’ouverture de la procédure de licenciement et l’absence de respect du principe d’équité en ce que l’employeur ne lui aurait pas permis d’être entendue sur les griefs formulés au soutien du licenciement.
Elle prétend également que tant le licenciement que l’avertissement sont nuls pour avoir été décidés en rétorsion contre elle qui avait dénoncé de bonne foi des faits de harcèlement moral et de discrimination.
Par conclusions du 20 mars 2018, auxquelles il est expressément renvoyé pour un exposé complet des faits de la cause, des prétentions et des moyens des parties, reprises oralement à l’audience, sans ajout ni retrait, la société Publicis Conseil présente à la cour les demandes suivantes :
à titre principal :
– confirmer en toutes ses dispositions le jugement rendu par le Conseil de prud’hommes de Paris le 7 avril 2016
En conséquence :
– débouter F… Z… de sa demande de nullité de l’avertissement du 4 novembre 2014
– débouter F… Z… de ses demandes au titre du harcèlement moral et de la discrimination
– débouter F… Z… de l’intégralité de ses demandes au titre de la rupture du contrat de travail pour faute grave ;
A titre subsidiaire :
– limiter le montant de l’indemnité allouée à F… Z… au titre
d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse à la somme de 90.000 euros bruts, soit l’équivalent des six derniers mois de salaire perçus par la requérante
– débouter Madame F… Z… de ses autres demandes dans leur intégralité
A titre reconventionnel :
– condamner F… Z… à verser à la société Publicis Conseil la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure
civile ;
– condamner F… Z… aux entiers dépens.
Elle expose que l’avertissement du 4 novembre 2014 est justifié par l’attitude déplacée et inexcusable de la salariée à l’égard de Jérôme Y…, directeur international du développement, au sein de la société Publicis Worldwide.
Elle fait valoir que les faits dénoncés par F… Z… ne caractérisent ni un harcèlement moral ni une discrimination et prétend à cette fin démontrer que le licenciement pour insuffisance professionnelle du 16 avril 2014 reposait sur des motifs réels et sérieux, le licenciement n’ayant pas abouti en raison de la grossesse de la salariée; qu’elle n’a jamais reproché à F… Z… son état de femme enceinte ; que sa non participation à la présentation Cadillac était justifiée et que la procédure de licenciement a été respectée, les faits reprochés rendant nécessaire la restitution du matériel professionnel.
Elle prétend que la faute grave est démontrée par les faits, établis à l’encontre de F… Z… caractérisant un manquement à l’obligation de loyauté, de fidélité et d’exclusivité.
SUR QUOI
LA COUR
I )Sur la demande tendant à ce que soient écartées du débat les pièces 19 à 22 produites par la société Publicis Conseil,
au soutien de cette demande, F… Z… prétend que la société Publicis a tenté de dissimuler l’origine de ces pièces, en faisant croire qu’elles provenaient des investigations d’un huissier de justice. Elle fait valoir également que la demande de mesures d’instructions présentée au tribunal de commerce fondée sur l’article 145 du code de procédure civile n’a pas été présentée dans la perspective d’introduire une action en justice mais seulement dans le but de rassembler les preuves nécessaires pour le présent contentieux.
La société Publicis Conseil réplique que les documents incriminés ont été obtenus de manière loyale, sans aucune dissimulation quant à leur provenance et dans le cadre d’une procédure engagée devant le Tribunal de Commerce dans la perspective d’obtenir éventuellement des preuves d’actes de concurrence déloyale de la part de la société Herezie.
L’article 145 du code de procédure civile énonce que ‘s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé’.
En l’espèce les pièces en cause sont les pièces 19 à 22 produites au débat par la société Publicis Conseil, consistant en échanges de mails entre F… Z… et des personnes appartenant à la société Herezie, dont Andréa A…, son gérant.
La cour relève que si la présentation de ces pièces par la société Publicis Conseil, dans le cadre de la première instance, comme provenant du procès verbal de l’huissier qu’elle a mandaté, a pu créer une confusion dans l’esprit d’F… Z…, les échanges intervenus entre les parties tant devant les premiers juges que devant la cour ont permis d’établir que ces pièces avaient été recueillies pour certaines, par la communication spontanée d’un tiers, pour d’autres par l’huissier mandaté par la société Publicis Conseil et pour d’autres encore dans le cadre des investigations opérées par l’huissier désigné par le président du tribunal de commerce de Paris sur le fondement des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile ;
s’agissant de l’origine des pièces, F… Z…, qui prétend que celle-ci serait frauduleuse, se borne à prétendre que Andréa A… les aurait fournies à son employeur sans démontrer en quoi l’obtention de ces pièces constituerait une imposture ; à défaut de tels éléments et l’article 146 du code de procédure civile prohibant toute mesure d’instruction qui serait de nature à suppléer la carence d’une partie dans l’administration de la preuve, la cour rejettera la demande de sommation présentée par F… Z… ;
s’agissant d’une utilisation détournée de l’article 145 du code de procédure civile il est relevé qu’il n’est pas fait obligation à la partie qui le met en oeuvre d’entreprendre une procédure au fond contre la partie qu’elle a mise en cause dans sa requête ; aucun abus n’est établi du recours à ces dispositions par la société Publicis Conseil ;
il n’est donc pas démontré que l’origine des pièces incriminées serait frauduleuse et que leur production au débat aurait causé grief à F… Z… qui a été pleinement mise en mesure d’y répondre et d’en contester la force probante ; sa demande tendant à ce que ces pièces soient écartées du débat sera rejetée.
II ) Sur la demande de nullité du licenciement,
F… Z… invoque la nullité de son licenciement notifié le 9 février 2015 en invoquant les moyens suivants qui seront examinés successivement par la cour :
1) la prescription des faits invoqués comme constitutifs de faute grave
2) le non respect du délai restreint pour la mise en oeuvre de la mesure
3) la violation de ses droits à un procès équitable
4) le licenciement est une mesure de rétorsion pour avoir dénoncé des faits de discrimination et de hacèlement moral
elle en déduit que seul un licenciement pour faute grave pouvant lui être notifié pendant sa période de grossesse, à défaut de preuve d’une telle faute, le licenciement doit être déclaré nul.
1) Sur la prescription des faits invoqués pour justifier la faute grave
L’article L.1332-4 du code du travail énonce qu’« aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales ».
S’il en résulte que dès que l’employeur a connaissance d’une faute commise par le salarié il dispose d’un délai de deux mois pour engager contre celui-ci les poursuites disciplinaires, encore faut-il que l’agissement connu de l’employeur lui donne une connaissance de son caractère fautif révélé par son ampleur, ses répercussions sur l’exécution du contrat de travail et les circonstances qui l’entourent ;
alors que la société Publicis Conseil prétend avoir découvert les manquements qu’elle reproche à sa salariée le 14 novembre 2014, ce qui lui donnait un délai jusqu’au 14 janvier 2015 pour la convoquer à un entretien préalable, F… Z… soutient que les faits fautifs qui lui sont reprochés étaient connus de son employeur depuis le 16 avril 2014, voire le 12 mars 2014 ;
la connaissance par la société Publicis Conseil de la présence d’F… Z… dans les locaux de société Herezie peut être située au 12 mars 2014, date à laquelle Charles-Georges B…, président du département 133 LUX au sein de la société Publicis Conseil, l’a croisée dans les locaux de société Herezie en compagnie d’Andréa A…, son gérant ; dans la lettre de notification du licenciement du premier licenciement du 16 avril 2014, il est fait mention de cette rencontre dans les termes suivants : ‘ Nous tenons cependant à vous signaler que nous avons été quelque peu surpris de vous croiser le 12 mars 2014, alors en arrêt maladie depuis plus de deux mois, dans l’ascenseur de la société HEREZIE, société concurrente de PUBLICIS CONSEIL, en compagnie de son Directeur Général, Monsieur A… (‘)’ ; les termes mêmes utilisés par l’employeur démontrent que la société Publicis Conseil n’a, à ce moment, aucune conscience de la nature des relations qu’entretient F… Z… avec la société Herezie et de ce qu’elles représentent au regard des obligations contractuelles de sa salariée ; F… Z… s’efforce d’ailleurs de la maintenir dans ce climat de confiance lorsqu’elle réagit le 02 mai 2014 à son licenciement, informant son employeur de son état de grossesse et expliquant cette rencontre par le fait qu’Andréa A… est un ami de longue date et s’étonnant elle-même de la présence de son supérieur hiérarchique en ces lieux ;
dans la lettre valant avertissement, qu’adresse la société Publicis Conseil, à F… Z…, le grief concerne exclusivement les propos contenus dans un courriel qu’elle a adressé à Jérôme Y…, directeur international du développement pour la marque Publicis Worldwide, sans aucune allusion à l’événement du 12 mars 2014, ce qui témoigne de ce que l’employeur ne prêtait pas un caractère fautif à la présence de sa salariée dans les locaux de société Herezie à cette date.
Force est en conséquence de retenir que c’est le 14 novembre 2014, à la réception de la lettre anonyme qui relatait l’activité d’F… Z… pour la société Herezie pendant son arrêt de maladie que le manquement à l’obligation de loyauté et de non concurrence sur lequel repose le grief développé dans la lettre de licenciement a été connu de la société Publicis Conseil ;
d’où il suit que le fait fautif invoqué au soutien du licenciement n’est pas prescrit; le moyen doit être rejeté.
2) Sur l’absence d’un délai restreint entre la connaissance des faits et le licenciement
F… Z… expose que la société Publicis Conseil n’a mis en ‘uvre la procédure de licenciement que le 13 janvier 2015 sans respecter le délai restreint exigé en matière de faute grave et sans démontrer ni que des vérifications étaient nécessaires ni encore moins qu’elles ont été effectuées et en tout cas pas avec la diligence nécessaire pour justifier la tardiveté de la mise en oeuvre de la procédure de licenciement ;
la société Publicis Conseil, réplique qu’après avoir pris connaissance des manquements de sa salariée, tels qu’ils ressortaient des dénonciations contenues dans la lettre anonyme reçue le 14 novembre 2014, elle a souhaité en vérifier la véracité ;
le caractère anonyme de la dénonciation faite à la société Publicis Conseil à l’encontre d’une salariée de statut élevé dans l’organigramme de l’entreprise et dont les responsabilités sont particulièrement importantes, rendait nécessaire d’en vérifier la réalité et l’ampleur avant de mettre en oeuvre une procédure de licenciement ;
il ressort des pièces versées au débat que postérieurement au 14 novembre 2014 la société Publicis Conseil, a pris contact avec Andréa A…, gérant de société Herezie, qui a confirmé la réalité de l’activité d’F… Z… pour la société Herezie en février et mars 2014 ; que cette confirmation a pris la forme d’un courriel du 13 janvier 2015 émanant de Thomas C…, membre de société Herezie, qui confirme qu’F… Z… ‘a bien travaillé sur H250″, projet Hennessy traité par société Herezie ;
il apparaît ainsi que le délai écoulé entre le 14 novembre 2014 et le 13 janvier 2015 a été mis à profit par la société Publicis Conseil, pour procéder à des vérifications que la modalité de la dénonciation, la nature des faits révélés et le statut de la salariée concernée, rendaient nécessaires ; le moyen doit être rejeté.
3) Sur la violation du droit à une procédure de licenciement équitable
F… Z… expose que la société Publicis Conseil a violé son droit à une procédure de licenciement équitable en lui refusant la faculté de connaître par écrit les motifs du licenciement et d’y répondre par écrit alors que son état de santé, attesté par son médecin, l’empêchait de se rendre à l’entretien préalable.
L’article 6 § 1 de la Convention E.D.H. prévoit que ‘toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera, soit des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil, soit du bien-fondé de toute accusation en matière pénale dirigée contre elle (…)’.
Il ressort des articles L.1232-2 et L.1232-3 du code du travail que l’employeur qui envisage de licencier un salarié le convoque, avant toute décision, à un entretien préalable par une lettre dans laquelle il indique l’objet de l’entretien (article R. 1232-1 du même code), et qu’il indique les motifs de la décision envisagée au cours de l’entretien ;
en l’espèce, la société Publicis Conseil a convoqué F… Z… par lettre recommandée avec accusé de réception et lettre remise en main propre contre décharge du 13 janvier 2015 à un entretien préalable en vue d’une mesure de licenciement pour faute grave fixé au 22 janvier 2015 ; la salariée produit un certificat médical daté du 19 janvier 2015 constatant que son état de santé contre-indiquait ‘tout déplacement important, toute situation de stress ou de fatigue importante’ ce qu’elle a fait savoir à son employeur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception et par courriel électronique du 20 janvier 2015 ;
la cour retient que l’entretien préalable au licenciement est prévu dans le seul intérêt du salarié, le législateur estimant que cet intérêt réside dans le dialogue de personne à personne qui peut alors s’instaurer entre le salarié dont l’emploi est menacé et celui qui va décider du licenciement ; il est donc loisible au salarié de ne pas s’y rendre mais rien n’oblige l’employeur à favoriser un échange par écrit ; il ne résulte donc, de l’absence de communication des motifs par écrit à ce stade de la procédure de licenciement, aucune violation des droits d’F… Z… au déroulement de la procédure de licenciement conformément au principe du procès équitable édicté par les dispositions conventionnelles précitées; le moyen doit être rejeté.
4 ) Sur la validité du licenciement,
F… Z… expose que le licenciement qui lui a été notifié le 9 février 2015 est, de fait, motivé par le fait qu’elle a dénoncé une situation de harcèlement moral et de discrimination et prétend démontrer qu’elle a été victime de harcèlement moral et de discrimination en faisant valoir que la proposition de modification du contrat de travail que lui a présentée son employeur le 19 novembre 2013 et le licenciement pour insuffisance professionnelle n’étaient qu’une manifestation de harcèlement moral à laquelle s’ajoutent des remontrances irrespectueuses de son statut dans l’entreprise, et que l’avertissement, qui doit être déclaré nul pour avoir été notifié en réponse à son accusation de discrimination, participe également de la démarche de harcèlement moral ;
il convient donc de rechercher, d’une part si F… Z… a été victime de harcèlement moral et de discrimination, d’autre part si les sanctions qui lui ont été notifiées sont en lien avec le fait qu’elle avait dénoncé cette situation ;
a ) Sur l’existence de harcèlement moral et de discrimination,
par application de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits, à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Aucun salarié ne peut être sanctionné ou licencié pour avoir subi, ou refusé de subir, des actes de harcèlement moral ;
il résulte de l’article L.1154-1 du code du travail que lorsque survient un litige relatif à l’application de ces dispositions, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant suspecter un harcèlement moral ;
il revient au juge d’apprécier si ces éléments sont établis, et si pris dans leur ensemble, ils permettent de suspecter un harcèlement ;
en application du principe de non-discrimination, énoncé par l’article L. 1132-1 du code du travail, aucune personne ne peut faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte ;
il résulte de l’article L.1134-1 du code du travail que le salarié se plaignant de discrimination doit présenter des éléments de fait en laissant supposer l’existence ;
au soutien de ce moyen F… Z… présente les éléments suivants :
– le fait de s’être vue notifier un licenciement pour insuffisance professionnelle le 16 avril 2014 et un avertissement le 4 novembre 2014, après s’être vue proposer le 19 novembre 2013, de choisir entre la poursuite de son contrat de travail, la réduction de son temps de travail et de son salaire et son départ négocié moyennant 6 mois de salaire et d’avoir opté pour la première proposition
– le fait que dans les jours qui ont suivi l’information donnée à la société Publicis Conseil, de ce qu’elle était enceinte, elle s’est trouvée évincée de ses fonctions et n’a pas été sollicitée pour participer à la présentation du projet Cadillac le 30 octobre 2014 à Londres
– le fait de s’être fait notifier l’interdiction de féliciter ses équipes
– le fait de s’être fait rappeler à la ponctualité lors de sa prise de poste
sur le plan factuel, la société Publicis Conseil ne réfute pas avoir proposé à la salariée un départ négocié et une réduction de son temps de travail qu’elle a refusés ; cette proposition ressort du message de Charles-Georges B… le 19 novembre 2013, qu’il intitule ‘notre discussion’ ; F… Z… s’est vu notifier le 16 avril 2014 un licenciement pour insuffisance professionnelle, puis, le 4 novembre 2014, un avertissement pour tentative de déstabilisation de Jérôme Y… ;
ces éléments, qui surviennent alors que la salariée s’est trouvée en arrêt de maladie du 5 décembre 2013 au 5 mai 2014 pour syndrôme dépressif, laissent présumer l’existence de harcèlement moral et d’une discrimination liée au genre et à l’état de grossesse ;
la cour relève que le fait que la société Publicis Conseil propose à F… Z… une modification de son contrat de travail ne caractérise, en soi, aucune discrimination ni harcèlement moral puisqu’il est loisible à la salariée de la refuser, ce qu’elle a fait ;
s’agissant de l’état de femme enceinte lors d’une première grossesse, l’employeur n’en avait pas connaissance avant la notification du premier licenciement en date du 16 avril 2014 et a pris en compte cette situation dès qu’elle a été portée à sa connaissance ;
F… Z… lui fait grief de lui avoir reproché sa situation de femme enceinte dans un courrier du 17 octobre 2014 ; il ressort des éléments versés au débat que la société Publicis Conseil a eu connaissance de l’état de femme enceinte de la salariée, lors d’une seconde grossesse, le 14 octobre 2014, F… Z… ne démontrant pas avoir porté cet élément à sa connaissance à une date antérieure à celle-ci :
il résulte des dispositions de l’article R. 1225-1 du code du travail que pour bénéficier de la protection liée à la grossesse et à la maternité la salariée adresse à l’employeur le certificat médical attestant de son état de grossesse ; la cour relève que si cette formalité n’est pas substantielle et que si le défaut d’information ne prive pas la salariée enceinte de la protection prévue par l’article L. 1225-1 du même code, elle vise à l’information loyale et constructive de l’employeur afin de lui permettre de prendre ses décisions en toute connaissance de cause ;
or F… Z… ne justifie pas avoir informé son employeur de ce qu’elle se trouvait de nouveau enceinte dans des délais lui permettant d’en tenir compte en temps utile et en est restée, dans sa communication avec la société Publicis Conseil, à l’information de son état de grossesse délivrée le 2 mai 2014; elle ne peut dès lors dénaturer les reproches qui lui sont faits dans la lettre du 17 octobre 2014 quant à ce manque d’information pour prétendre y voir une réaction négative à son état de femme enceinte ; en effet, aucun des termes employés par la société Publicis Conseil, dans la lettre adressée à F… Z… le 17 octobre 2014, n’exprime la moindre considération négative sur l’état de grossesse de la salariée l’employeur se bornant à se déclarer surpris qu’elle ne l’ait pas informé de ce que la grossesse dont elle l’avait informé en mai 2014 s’était interrompue et lui adresse les félicitations d’usage pour cette nouvelle grossesse ;
F… Z… expose encore que dans les jours qui ont suivi cette information elle s’est trouvée évincée de ses fonctions en invoquant le fait qu’elle n’a pas été sollicitée pour participer à la présentation du projet Cadillac le 30 octobre 2014 à Londres ;
la cour relève que la non participation à cette présentation, justifiée par les éléments objectifs que l’employeur a présentés et tenant au périmètre des fonctions attribuées à F… Z…, ne saurait démontrer une éviction de ses fonctions ni le lien avec son état de grossesse qu’elle n’évoque à aucun moment dans son courriel du 29 octobre 2014 adressé à Jérôme Y… ;
s’agissant du licenciement pour insuffisance professionnelle notifié le 16 avril 2014, il doit être précisé que l’insuffisance professionnelle se définit comme l’incapacité objective et durable d’un salarié à exécuter de façon satisfaisante un emploi correspondant à sa qualification. Elle se caractérise par une mauvaise qualité du travail due soit à une incompétence professionnelle, soit à une inadaptation à l’emploi ; si l’appréciation des aptitudes professionnelles et de l’adaptation à l’emploi relève du pouvoir de l’employeur, pour justifier le licenciement, les griefs doivent être suffisamment pertinents, matériellement vérifiables et perturber la bonne marche de l’entreprise ou être préjudiciables aux intérêts de celle-ci ;
en l’espèce F… Z… a été engagée par la société Publicis Conseil le 22 août 2012 en qualité de directrice de création internationale avec la mission suivante:
– analyser le brief du client et le retranscrire aux équipes créatives
– mesurer les réalités budgétaires et stratégiques du client et ajuster la petrtinence de la création à ces réalités
– attribuer les projets selon l’expertise et la sensibilité de chacun
– proposer une orientation artistique aux projets
– apporter critiques suggestions et encouragements
– sélectionner le meilleur projet et le présenter au client en expliquant sa stratégie et en motivant ses choix
– animer les équipes de création
– présenter au client les projets de campagnes publicitaires
– veiller au respect du budget
– valider les propositions de campagne et veiller à la qualité de leur réalisation
– garantir la qualité et les délais des travaux réalisés par ses équipes
– représenter l’agence lors des manifestations
la lettre de licenciement adressée à F… Z… le 16 avril fait état des insuffisances suivantes :
– mauvaise compréhension des ‘enjeux buisness’ et des ‘briefings clients’
– mauvaise gestion des délais impartis par les clients
– incapacité à briefer ses équipes et à planifier efficacement le travail
– insuffisance concernant le reporting des dossiers traités
ces griefs ont tous trait aux différents aspects de la mission confiée à la salariée et reposent sur des éléments dont, certes, la salariée pouvait discuter la pertinence, s’agissant d’attestations qui émanaient d’un client et de collègues, mais qui étaient de nature à conduire l’employeur à remettre en cause la qualité de son travail au sein de l’entreprise ;
en conséquence, que ce licenciement ait ou non reposé sur des motifs qui étaient susceptibles de le justifier, le fait de notifier à F… Z… un licenciement pour insuffisance professionnelle dans de telles conditions ne caractérise pas une tentative de déstabilisation ;
s’agissant de l’avertissement du 4 novembre 2014 il a été notifié à la salariée dans les circonstances suivantes : F… Z…, qui a repris son poste au sein de la société Publicis Conseil le 5 mai 2014, a adressé à Jérôme Y…, directeur international du développement, le 29 octobre 2014, un message dans lequel elle reproche à ce dernier de n’avoir pas été sollicitée pour participer à la présentation du projet Cadillac ; le 4 novembre 2014 la société Publicis Conseil, lui notifie un avertissement en développant deux griefs : le premier d’avoir par des propos inapropriés fait peser sur son collègue une pression supplémentaire à celle qu’il subissait déjà compte tenu des enjeux de sa mission, compromettant par là même le succès de celle-ci et le second d’avoir dénoncé des raisons discriminatoires liées à son sexe ;
force est de relever que la matérialité des faits reprochés à F… Z… quant au contenu du message n’est pas contestée par celle-ci et il ressort des termes du message incriminé qu’il ne comporte aucune requête, F… Z… se bornant à dénoncer dans des termes virulents le fait qu’elle n’est pas conviée à la manifestation Cadillac alors que le directeur artistique britanique s’y trouvait invité ; le message ne comportant que récriminations, le premier grief développé dans le courrier d’avertissement est établi ;
il apparaît, s’agissant du second grief, que pour justifier la sanction l’employeur reproche expressément à F… Z… le fait d’avoir dénoncé un traitement discriminatoire fondé sur le fait qu’elle était une femme ; or il résulte des dispositions de l’article L. 1132-3 du code du travail qu’aucun salarié ne peut être sanctionné pour avoir relaté des agissements définis à l’article L. 1132-1 du même code ; pour ce seul motif la sanction intervenue dans de telles conditions doit être annulée et il sera fait droit à la demande d’F… Z… sur ce point ;
l’annulation de la sanction pour ce seul motif ne permet cependant pas de tenir pour établie l’existence d’une discrimination ; l’employeur justifie en effet par des éléments tangibles et matériellement vérifiables, étrangers à toute discrimination ou harcèlement moral, et notamment la liste restreinte des personnes invitées et les places respectives qu’occupent dans l’organigramme de l’entreprise F… Z… et Jérôme Y…, la mesure qu’il a prise en n’envoyant pas F… Z… défendre le projet Cadillac à Londres ;
s’agissant des observations faites à F… Z… par son supérieur hiérarchique lors de sa prise de poste et de celles relatives aux félicitations qu’elle avait adressées à ses équipes, elles relèvent de l’exercice de l’autorité hiérarchique, la salariée reconnaissant son arrivée tardive pour ce qui concerne la prise de poste, même si elle l’a justifié par son statut de cadre, et l’employeur justifiant quant à lui le fait que F… Z… n’avait pas qualité pour adresser des félicitations à des personnels dont une partie ne relevait pas du périmètre de ses attributions
Il ressort de ces éléments que les faits de harcèlement moral et de discrimination allégués par F… Z… ne ressortent pas des éléments soumis de part et d’autre par les parties à l’appréciation de la cour.
b) Sur le lien entre le licenciement notifié le 9 février 2015 et la dénonciation de faits de discrimination et de harcèlement moral par F… Z…,
F… Z… prétend avoir été licenciée pour avoir dénoncé, de bonne foi, des faits de discrimination et de harcèlement moral dont elle s’est déclarée victime de la part de son employeur ;
les articles L. 1132-3 et L. 1152-2 du code du travail font interdiction à l’employeur de licencier un salarié pour avoir relaté des faits de discrimination et de harcèlement moral et les articles L.1132-4 et L.1152-3 du même code stipulent que toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance de cette interdiction est nulle;
il résulte des articles L.1234-1 et L.1234-9 du code du travail que lorsque le licenciement est motivé par une faute grave, le salarié n’a droit ni à un préavis ni à une indemnité de licenciement, que la faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constituent une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible la poursuite de l’exécution du contrat de travail entre les parties et rend nécessaire le départ immédiat du salarié de l’entreprise sans indemnités.
il ressort de la lettre de licenciement notifiée à F… Z… le 9 février 2015 qu’il lui est reproché d’avoir travaillé pour le compte de la société Herezie, société concurrente, sur la campagne publicitaire de la société Hennessy au cours des mois de février et mars 2014, l’employeur justifiant le licenciement pour faute grave par un manquement de F… Z… à ses obligations de loyauté et de non-concurrence;
la cour relève sur ce point que la lettre d’engagement du 22 août 2012 énonce que la salariée s’engage à n’exercer aucune autre activité professionnelle, salariée ou non, sans un accord exprès et préalable de son employeur et à n’avoir ni activité, ni intérêt direct ou indirect avec des sociétés concurrentes du groupe ou des clients ;
Au soutien de son grief la société Publicis Conseil produit un procès verbal dressé le 21 janvier 2015 par un huissier mandaté par la société Publicis Conseil, pour consulter l’ordinateur mis à la disposition de la salariée par son employeur ; il ressort des constatations effectuées par cet huissier que la recherche ‘Hennessy’ ouvre deux répertoires identifiés sous ‘Print Henessy’ et ‘Print Henessy Ronan D…’ qui contiennent des correspondances dont l’objet est ‘Hennesy’ et qui portent sur l’année 2011, période antérieure au contrat de travail avec la société Publicis Conseil ; il existe également un répertoire ‘AMP-P’ qui contient lui-même un répertoire ‘Hennessy’ qui comporte de nombreux messages datés des années 2013, 2014 et 2015 ; si ces échanges témoignent de la poursuite d’échanges de la part d’ F… Z… sur le projet Hennessy, postérieurement à la conclusion de son contrat de travail avec la société Publicis Conseil aucun d’eux n’a été relevé concernant les mois de février et mars 2014 les seuls apparaissant en 2014 étant datés des 25 et 27 janvier ;
la société Publicis Conseil verse également au débat les échanges de correspondances électroniques au sein de la société Herezie sur l’évolution du projet Hennessy : courriel du 6 mars 2014 où Emmanuelle E… s’adressant à Andréa A…, gérant de société Herezie, indique qu’ ‘F… sera là à 12 heures ce lundi’, courriel du 13 mars 2014 dans lequel Jennifer G…, chef de projet communication pour Hennessy 250, rapporte à Andréa A… en précisant : ‘nous pourrions donc avancer dans ce sens là avec F…’, courriel du même jour par lequel Emmanuelle E… rapporte à Andréa A… en indiquant, à propos du même projet, ‘F… ou moi nous t’expliquerons mieux les tenants et aboutissants du projet’ et précisant ‘on se revoie avec F… (+ Anréa) dessus lundi à 12 h’ ; si ces échanges n’émanent pas de F… Z… ni ne lui sont directement adressés, il en ressort qu’elle tient un rôle actif dans le traitement du projet Hennessy 250 dont le marché est en charge de la société Herezie ;
que ces courriels aient été mis à la disposition de la société Publicis Conseil par Andréa A… n’affecte pas leur force probante quant à la réalité de la prestation fournie par F… Z… sur le projet Hennessy 250 pour le compte de société Herezie; cette collaboration se trouve par ailleurs confirmée par la facture adressée par F… Z… à Andréa A…, accompagnée d’un RIB au nom de son époux, relative à une prestation de mars et avril 2014, et que la salariée qualifie de ‘prestation sur Hennessy’ dans son message de transmission le 22 mai 2014 ;
dans un message adressé par F… Z… à Andréa A… le 21 mars 2014, dont l’objet est ‘hennessy brief’, F… Z… annonce l’envoi d’un ‘brief visuel’ avec une maquette et développe son idée comme suit : ‘c’est très simple : nous célébrons les 250 ans d’Hennessy en utilisant la lumière comme métaphore pour l’héritage dans le sens de la transmission’ et conclut par une appréciation critique ‘ton travail est magnifique, mais nous devons en faire ressortir la partie plus artistique et moins ‘photo réaliste” ; il en ressort un réel investissement de la part de la salariée dans un projet qu’elle partage avec la société Herezie, société qui développe une activité concurrente de celle de la société Publicis Conseil et dans lequel elle livre toute son énergie créatrice et son esprit critique, y compris à l’égard du gérant de la société ;
F… Z…, dont la réalité de l’activité rémunérée pour le compte de la société Herezie se trouve démontrée, ne justifiant pas de l’accord préalable de son employeur, le manquement reproché dans la lettre de licenciement est établi.
La nature de ce manquement, qui touche à la loyauté dans la relation de travail, rend impossible le maintien de la salariée dans l’entreprise pendant la durée du préavis et justifie la rupture sans indemnité du contrat de travail.
La cour relève enfin que la lettre de licenciement ne porte aucune mention relative au fait que F… Z… a relaté des faits de harcèlement moral et de discrimination et il ne ressort d’aucun élément que les faits reprochés à F… Z… au soutien du licenciement et dont la réalité est établie, s’inscrivent dans un contexte de discrimination et de harcèlement moral, la collaboration reprochée à F… Z… avec la société Herezie sur le projet Hennessy portant sur la période de février et mars 2014, antérieure à toute dénonciation de cette nature ;
D’où il suit qu’il n’existe pas de lien entre le fait par F… Z… d’avoir relaté des faits de harcèlement moral et de discrimination et le licenciement qui lui a été notifié le 9 février 2015, le véritable motif de licenciement résidant dans le manquement d’F… Z… à ses obligations contractuelles.
c ) Sur le lien entre le licenciement et l’état de grossesse de F… Z…,
Aux termes de l’article L.1225-4 ‘aucun employeur ne peut rompre le contrat de travail d’une salariée lorsqu’elle est en état de grossesse médicalement constaté, pendant l’intégralité des périodes de suspension du contrat de travail auxquelles elle a droit au titre du congé de maternité, qu’elle use ou non de ce droit, et au titre des congés payés pris immédiatement après le congé de maternité ainsi que pendant les dix semaines suivant l’expiration de ces périodes. Toutefois, l’employeur peut rompre le contrat s’il justifie d’une faute grave de l’intéressée, non liée à l’état de grossesse, ou de son impossibilité de maintenir ce contrat pour un motif étranger à la grossesse ou à l’accouchement. Dans ce cas, la rupture du contrat de travail ne peut prendre effet ou être notifiée pendant les périodes de suspension du contrat de travail mentionnées au premier alinéa’.
Aucun des éléments apportés au débat ne permet d’établir un lien entre la faute grave qui a été établie à l’encontre de F… Z… et son état de grossesse qui, s’agissant de sa première grossesse, n’a été portée à la connaissance de la société Publicis Conseil que le 2 mai 2014, postérieurement aux faits reprochés.
Il résulte de ce qui précède que le licenciement est fondé sur une faute grave non liée à la dénonciation par F… Z… de faits de harcèlement moral et de discrimination ni à la grossesse de celle-ci ; la demande de nullité du licenciement présentée par F… Z… sera en conséquence rejetée ainsi que toutes les demandes d’indemnités y afférent.
III ) Sur les dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant de la rétention des éléments de preuve de la faute grave
Madame Z… demande à la cour de condamner la société PUBLICIS CONSEIL à lui verser 45 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral causé par la rétention abusive des preuves de la faute grave visées dans la lettre de licenciement. ;
les échanges entre les parties quant à la communication des écritures et des pièces ont suivi le déroulement de la procédure orale selon le rythme que lui ont donné les parties sans qu’il ressorte de la part de la partie défenderesse une moindre spontanéité dans la communication de ces éléments, la cour relevant que le dommage allégué par F… Z… au soutien de sa demande de dommages et intérêts ne repose sur aucun préjudice démontré ; la demande sera rejetée.
IV ) sur les demandes de dommages et intérêts en réparation des préjudices liés au harcèlement moral à la discrimination et à l’obligation de sécurité
Compte tenu de ce qui précède les demandes de dommages et intérêts présentées au titre de la réparation des préjudices liés au harcèlement moral, à la discrimination et au manquement de l’employeur à son obligation de sécurité seront rejetées.
IV ) Sur le rappel de rémunération variable et les congés payés afférents
F… Z… demande à la cour de condamner la société Publicis Conseil à lui verser 90 000 euros par an à titre de rappel de rémunération variable pour les années 2013, 2014 et 2015 ainsi que 27 000 euros à titre de congés payés afférents ;
la société Publicis Conseil lui oppose qu’en application du « Publicis Worldwide 2013 Brand Bonus rules », document à valeur contractuelle, elle n’a pas droit à une rémunération variable dans la mesure où les objectifs de la société n’ont pas été atteints ces années là et qu’à titre personnel elle ne remplissait pas les conditions pour percevoir des bonus : quant au bonus pour 2013, elle ne remplissait pas de facto la condition de ‘performance personnelle’, quant aux bonus pour 2014 et 2015, son contrat ayant été rompu pour faute grave en février 2015 elle ne faisait plus partie des effectifs de la société au moment de leur versement .
F… Z… réplique que pour 2013 et 2014 aucun objectif ne lui a été notifié de sorte que la rémunération variable lui est due et que pour 2015, le licenciement étant nul il ne peut lui être opposé son absence aux effectifs de l’entreprise.
Le contrat de travail stipule que ‘ vous bénéficierez d’une part variable (bonus) pouvant représenter annuellement jusqu’à 6 mois de salaire brut, et calculée selon les modalités définies annuellement pour les cadres de votre niveau au sein de PUBLICIS WORLDWIDE et en fonction de votre performance personnelle et à condition que vous soyez présente à l’effectif au moment du versement du bonus, effectué en principe au mois de mars ou d’avril de l’année suivant l’exercice auquel il se rapporte’;
il ressort de la traduction libre mais non contestée, des règles générales relatives au versement des bonus Publicisworldwide pour l’année 2013 que le bonus est destiné à récompenser la performance collective et individuelle ; il est précisé que les salariés doivent avoir une connaissance claire et précise des conditions d’attribution et qu’ils reçoivent une copie de tous les accords collectifs et le détail de calcul du bonus par bénéficiaire s’agissant du bonus collectif et une copie des objectifs annuels pour mesurer la performance s’agissant du bonus individuel ;
pour exclure F… Z… du bénéfice du bonus de l’année 2013 la société Publicis Conseil verse au débat un tableau dont il ressort que l’objectif collectif était de 87 300 K euros et que le résultat est de 81 395 K euros ; ce document, dont la société Publicis Conseil ne justifie, ni même ne prétend, qu’il aurait été communiqué à la salariée, et dont les mentions ne présentent aucun garantie de fiabilité quant aux résultats annoncés, n’est pas de nature à priver F… Z… du bonus annuel contractuellement prévu ; quant à la performance individuelle, la société Publicis Conseil s’appuie sur les griefs qu’elle a développés contre F… Z… dans le cadre de la procédure de licenciement pour insuffisance professionnelle sans rapporter la preuve des objectifs qui ont été notifiés à la salariée pour l’année considérée ni celle des objectifs atteints, aucune évaluation de la salariée n’étant versée au débat ; or lorsque le calcul de l’élément variable de la rémunération dépend d’éléments détenus par l’employeur il lui appartient de les produire au débat contradictoire ;
dans ces conditions le bonus de l’année 2013 est dû ; il sera fait droit à la demande en paiement d’F… Z… de ce chef ;
pour le bonus de l’années 2014 la cour relève que la clause relative à la présence du salarié aux effectifs de l’entreprise au moment de son versement indique que celui-ci intervient en principe en mars ou avril de l’année d’attribution ; le caractère potestatif de cette disposition contractuelle exclut que soit opposé à F… Z… son licenciement en février 2014 ; en considération de ce qui précède concernant le bonus de l’année 2013, le bonus de 2014 est dû à la salariée ;
il a été démontré qu’F… Z… avait quitté les effectifs de l’entreprise en février 2015 pour faute grave ; en application des dispositions contractuelles le bonus de l’année 2015 ne lui est pas dû et la demande en paiement d’F… Z… sera rejetée de ce chef.
V ) Sur les frais et dépens
le débat auquel a donné lieu la présente instance ne permet pas de dégager une partie perdante au sens des dispositions de l’article 695 du code de procédure civile ; chaque partie supportera donc la charge de ses dépens et aucune d’elle ne sera tenue envers l’autre à supporter les frais qu’elle a exposés dans le procès qui les a opposées.
PAR CES MOTIFS
statuant publiquement, contradictoirement, par arrêt mis à la disposition des parties au greffe et en dernier ressort,
REJETTE la demande d’F… Z… tendant à ce que les pièces 19 à 22, produites par la société Publicis Conseil, soient écartées du débat,
CONFIRME le jugement en ce qu’il a rejeté les demandes d’F… Z… suivantes :
– nullité du licenciement
– réintégration dans l’entreprise
– paiement d’une indemnité de réintégration
– paiement d’un rappel de salaires et les congés payés y afférents
– paiement des bonus de l’année 2015 et les congés payés y afférents
– paiement de dommages et intérêts pour préjudice moral lié au harcèlement moral et à la discrimination
– paiement de dommages et intérêts pour le préjudice moral lié au manquement à l’obligation de prévention
– paiement de dommages et intérêts pour le préjudice moral lié à la rétention abusive de preuves
– paiement d’une indemnité en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
le réformant pour le surplus et statuant de nouveau :
PRONONCE l’annulation de l’avertissement notifié à F… Z… par la société Publicis Conseil, le 4 novembre 2014,
CONDAMNE la société Publicis Conseil à payer à F… Z… la somme de 180 000, 00 (cent quatre-vingt mille) euros et les congés payés y afférents au titre du bonus des années 2013 et 2014,
– CONDAMNE la société Publicis Conseil et F… Z… à payer chacune ses propres dépens,
REJETTE les demandes présentées par chacune des parties en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre de l’instance d’appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT